La déposition de croix (fresque)
ANTOINE BOURDELLE
Le sanctuaire récemment édifié au Raincy par les frères Perret est une chose neuve qui n’a pas cherché à l’être. Il restera, dans l’histoire de l’architecture en général, et particulièrement dans celle de l’architecture religieuse, le point de départ d’une ère nouvelle.
Avec l’Eglise Saint-Jean de Montmartre, de Baudot avait indiqué déjà que le ciment armé proposait à notre époque des éléments de rénovation considérables. Mais de Baudot, constructeur de premier ordre, n’était pas toujours guidé par un goût très sûr. Son expérience montmartroise fut un enseignement. L’œuvre de MM. Perret, au Raincy, vaut davantage. Elle ajoute au côté démons
tratif, une ampleur doctrinale et une richesse inventive qui font d’elle l’exemple le plus fécond des transformations radicales qui peuvent découler, dans l’art de bâtir, de l’emploi logique des matériaux nouveaux.
Son originalité consiste en ce que les murs ne sont plus appelés à recevoir le poids prin
cipal du couronnement et de la toiture. Celuici est supporté par de sveltes colonnes, à vrai dire poteaux de béton obtenus au moyen d’un moule polygonal dans lequel on a creusé des Cannelures. Ces colonnes, dont la hau
teur égale vingt-trois fois leur diamètre,
alors que la proportion classique ne dépasse pas le chiffre dix, donnent une impression de légèreté extrême. Les architectes, qui
ne furent pas seulement des calculateurs de résistance, ont su accentuer cette apparence dégagée des soutiens en les amincissant insensiblement de façon continue,
partant d’un diamètre de 0m 43 centimètres au pied pour aboutir à un autre de 0”’ 39 centimètres au faîte. Ainsi s’affirme la partie portante, en dehors de toute simu
lation, avec l’élégance d’une futaie d’arbres élancés.
L’ossature de béton portant uniquement sur les poteaux, le rôle de la muraille se trou
vant réduit à celui d’une clôture, Auguste et Gustave Perret avaient toute liberté de faire aboutir le rêve des maîtres d’œuvre du Moyen âge qui n’inventèrent la voûte d’arêtes, puis la croisée d’ogives et l’arcboutant, que pour arriver à faire pénétrer plus de lumière dans la maison de Dieu. La Sainte-Chapelle marque dans ce sens une des plus complètes réalisations du passé. C’est à ce terminus d’une évolution de plu
sieurs siècles que les frères Perret ont été rejoindre la tradition, pour la continuer avec une géniale audace. Les contreforts et les arcs-boutants dont Pierre de Montereau n’eut pu se passer, ils les suppriment. Dans leur basilique, l’enceinte toute entière n’est qu’un vitrail continu. A toutes heures diurnes et nocturnes l’effet est saisissant.
Toutes les façades se présentent sous la
ANTOINE BOURDELLE
LA NOUVELLE ÉGLISE DU RAINCY
Le sanctuaire récemment édifié au Raincy par les frères Perret est une chose neuve qui n’a pas cherché à l’être. Il restera, dans l’histoire de l’architecture en général, et particulièrement dans celle de l’architecture religieuse, le point de départ d’une ère nouvelle.
Avec l’Eglise Saint-Jean de Montmartre, de Baudot avait indiqué déjà que le ciment armé proposait à notre époque des éléments de rénovation considérables. Mais de Baudot, constructeur de premier ordre, n’était pas toujours guidé par un goût très sûr. Son expérience montmartroise fut un enseignement. L’œuvre de MM. Perret, au Raincy, vaut davantage. Elle ajoute au côté démons
tratif, une ampleur doctrinale et une richesse inventive qui font d’elle l’exemple le plus fécond des transformations radicales qui peuvent découler, dans l’art de bâtir, de l’emploi logique des matériaux nouveaux.
Son originalité consiste en ce que les murs ne sont plus appelés à recevoir le poids prin
cipal du couronnement et de la toiture. Celuici est supporté par de sveltes colonnes, à vrai dire poteaux de béton obtenus au moyen d’un moule polygonal dans lequel on a creusé des Cannelures. Ces colonnes, dont la hau
teur égale vingt-trois fois leur diamètre,
alors que la proportion classique ne dépasse pas le chiffre dix, donnent une impression de légèreté extrême. Les architectes, qui
ne furent pas seulement des calculateurs de résistance, ont su accentuer cette apparence dégagée des soutiens en les amincissant insensiblement de façon continue,
partant d’un diamètre de 0m 43 centimètres au pied pour aboutir à un autre de 0”’ 39 centimètres au faîte. Ainsi s’affirme la partie portante, en dehors de toute simu
lation, avec l’élégance d’une futaie d’arbres élancés.
L’ossature de béton portant uniquement sur les poteaux, le rôle de la muraille se trou
vant réduit à celui d’une clôture, Auguste et Gustave Perret avaient toute liberté de faire aboutir le rêve des maîtres d’œuvre du Moyen âge qui n’inventèrent la voûte d’arêtes, puis la croisée d’ogives et l’arcboutant, que pour arriver à faire pénétrer plus de lumière dans la maison de Dieu. La Sainte-Chapelle marque dans ce sens une des plus complètes réalisations du passé. C’est à ce terminus d’une évolution de plu
sieurs siècles que les frères Perret ont été rejoindre la tradition, pour la continuer avec une géniale audace. Les contreforts et les arcs-boutants dont Pierre de Montereau n’eut pu se passer, ils les suppriment. Dans leur basilique, l’enceinte toute entière n’est qu’un vitrail continu. A toutes heures diurnes et nocturnes l’effet est saisissant.
Toutes les façades se présentent sous la