cente possible, de l’occupation d’un petit port de la côte cantabrique. Rien de tout cela n’a eu lieu, et les négociations suivies, relativement à cette affaire, ont, nous l’avons dit, abouti à un résultat favorable.
GRANDE-BRETAGNE.
Une lettre adressée à lord Granville par M. Gladstone annonçait dernièrement la retraite définitive de l’ancien premier ministre comme leader du parti li
béral dans la Chambre des Communes. « Je ne vois pas, y lit-on. d’avantage public à continuer d’agir comme chef du parti libéral et, à l’âge de soixantecinq ans, après quarante-deux ans d’une vie publi
que laborieuse, je pense avoir le droit de me retirer. »
Dans cette même lettre, M. Gladstone indique que cette résolution lui est dictée, par ses vues personnelles sur la meilleure manière d’employer les der
nières années de sa vie. « Je dois ajouter, dit-il, que je suis occupé d’une affaire qui m’absorbe entière
ment. » 11 s’agit peut-être de la luttequeM. Gladstone paraît disposé à soutenir pour la défense/les droits de la société civile contre les doctrines ultramontaines. Quoi qu’il en soit, cette retraite met le parti li
béral en demeure de se choisir un nouveau chef, ce qui n’est pas précisément facile.
Mme la maréchale de Mac-Mahon vient de donner un premier grand bal. L’Elysée n’avait ja
mais vu ses portes si grandes ouvertes. Est entré qui a voulu. Il y a donc eu foule. Ne vous récriez pas, la foule était élégante, suivant le sens qu’on attache aujourd’hui à co mot. De la soie, des den
telles, des fourrures, des fleurs, beaucoup dé diamants, que demander de plus? Les chaussures étaient dans le style des pantoufles de Cendrillon,
seconde manière, c’est-à-dire quand Cendrillon est princesse. Des souliers de gaze, des mules de satin, des semelles aile de mouche. Les hommes étaient tous en habit habillé ou bien en uniforme. Beaucoup avaient la poitrine chamarrée de croix.
On a même remarqué une profusion inusitée de ferblanterie; c’est inouï le nombre de lions de Nassau et la quantité d’éléphants du Danemark qu’il y a maintenant dans nos murs. Jamais nous n’avons vu tant d’animaux héraldiques Les sim
ples rubans, un peu confus, avaient l’air de se dissimuler dans la profondeur des couloirs. Un ruban jaune orange, un ruban lilas, un ruban ponceau, tout cela est pourtant bien joli. Mais luttez donc avec un léopard qui tient une épée dans ses griffes ! Pour en revenir à la masse des invités, on s’est, un peu bousculé sur les escaliers et dans les antichambres. C’est l’usage. 11 n’v a pas de belle fête sans un peu de cohue.
En général, Paris s’est montré on ne peut plus satisfait. — Un grand bal vaut mieux qu’un long poëme. — Un grand bal vaut mieux qu’un décret. — Règle invariable, chez nous, la poli
tique trouve toujours son compte à prendre la danse pour auxiliaire. N’oublions pas que nous sommes dans le pays où Louis XIV a enjoint, un jour, à quatre ducs de paraître dans une gavotte
sur les planches de l’Opéra; que ces ducs ont été heureux d’obéir et que tout le monde en a été enchanté. Depuis ce premier grand bal de l’Ely
sée, le septennat est plus que jamais sur un bon pied.
Que serait-ce qu’un gouvernement qui ne donnerait pas à danser? Louis-Philippe a commis l’impardonnable faute d’avouer qu’il n’aimait pas les sauteries. A dater de ce jour-là, le vieux roi était condamné. Armand Marrast, président de la Constituante, ne s’est maintenu six mois sur son fauteuil que parce qu’il a eu le bon esprit de don
ner trois soirées dansantes, des bals en plein été! Louis-Napoléon était de. cette grande école. 11 a
voulu que le coup d’Etat entrât en scène par un bal; c’est dans la nuit du 1er au 2 décembre,
dans ce même palais de l’Elysée, enlre une valse
et un quadrille, qu’il a fait arrêter dix généraux et trois cents représentants du peuple. Pendant que cela se passait, l’orchestre ne cessait pas de jouer. Encore un coup, la danse fait tout réussir.


Nous n’avons pas cessé d’être les fils de ce xvir siècle qui adorait le grand Condé parce qu’il s’est acheminé au siège de Lérida à la tête d’un étatmajor de vingt-quatre violons.


Ce premier grand bal a eu d’ailleurs les meilleurs effets sur la santé morale de la ville.
Grâce à ce brillant intermède, Paris n’a pas voulu s’arrêter un seul instant à la pensée ni à la crainte d’une crise ministérielle. On a fait faire pour la circonstance des monceaux de costumes. Toutes les variétés de la population se sont mê
lées, si panachées, si disparates qu’elles fussent. Enfin d ix mille voitures déplacé ont été en mouve
ment toute la nuit. Il y a eu aussi une bonne aubaine pour les marchandes de Ileurs.


Parlons du lendemain.


L’exemple donné par la maréchale ne pouvait manquer d’être suivi. — On a donc dansé chez M 1 Duchâtel, on a dansé dans les hôtels russes du faubourg Saint-Honoré; on a dansé en maint endroit. Toute minute qui s’écoule nous rap
proche des jours gras; on dansera bien encore plus la semaine qui vient. Voici, dès à présent, les bals travestis; les bals masqués leur succéde
ront. — De cent pas en cent pas, on entend des trilles et des andantes ; c’est la musique endia
blée de J. Klein : Lèvres de feu ou Fraises au champagne, quelquefois aussi Cœur d’arti


chaut. — Est-ce que vous auriez le malheur d’i­


gnorer ce que c’est que Cœur d’artichaut? — Tout cela ne s’arrêtera pourtant que le mercredi des Cendres, au milieu de février.
Un actionnaire de la Revue des deux mondes vient d’avoir une ingénieuse idée. En disciple de feu Monthyon, cet anonyme a laissé par testament à l’Académie française une action du recueil que nous venons de nommer, à la charge par l’illustre corps de distribuer, chaque année, comme il l’entendrait, le produit de ladite action. Durant l’année qui vient définir, le litre ayant rapporté un dividende de 3500 francs,
cette somme a été coupée en deux comme on le ferait pour une pomme de Calleville. Deux mille francs ont été attribués à M. Alphonse Karr, le jardinier de saint Raphaël et quinze cents francs à LIenry Monnier, l’auteur des Scènes populaires.


— Il était impossible d’imprimer à ce don une meilleure destination.


Convenez que nous voilà loin du temps, cependant pas fort éloigné du nôtre, où MM. de Concourt faisaient jouer au Théâtre-Français Hen
riette Maréchal, drame de si bruyante mémoire.
Dans cet ouvrage figurait un type qui avait alors le privilège de faire rire le parterre aux éclats; c’était un abonné de la Revue des deux mondes.


— Le public, qui sifflait avec tant d’énergie,


s’arrêtait de siffler à l’audition de ces mots: abonné de la Revue des deux mondes. Cette qua


lification devenait tout à coup, on ne savait trop


pourquoi, l’équivalent d’âne bâlé ou d’oison bridé. — Abonné de la Revue des deux mondes,
cela disait tout et mille autres choses encore. Mais voilà que ce legs inattendu change la face des choses. L’actionnaire venge avec éclat l’abonné.
Et savez-vous ce qu’on dit tout bas, c’est que cet actionnaire serait feu Sainte-Beuve. La chose deviendrait dès lors deux fois plus piquante.
Apprenez la tristesse des gourmands. Presque tous demandent à jeter l’almanach au feu. 1875 était déjà une année mal notée. On sait, en effet, qu’elle commence et qu’elle finit par un vendredi. Voilà bien autre chose ! Par le fait d’une coïncidence qui fait frémir les meil
leures fourchettes, la clôture de la chasse tombe le 7 février prochain, c’est-à-dire au moment même où, suivant l’usage, doivent commencer les jours gras. Il résulte de cette rencontre que, si l’on prend les choses au gré de la loi, il n’y aura pas une seule pièce de gibier à Paris pendant le carnaval.
Pas de gibier durant les jours gras ! Les gas
trosophes sont plongés dans une stupeur dont rien ne saurait donner l’idée. N’aurail-on pas pu ne décréter la fermeture que le i 0 février, de,
manière qu’elle se présentât de front avec le mercredi des Cendres? Allons, on ne sait décidé
ment plus rien faire en France. Nos gourmands jettent les hauts cris et vous conviendrez qu’il v a de quoi. Quelle physionomie va présenter le mardi gras? Comment, pas un seul perdreau? S’imagine-t-on les soupers des liais masqués sans perdreau? Un moment il a été question de demander par voie de pétition un correctif à l’or
donnance ; on aurait supplié l’Assemblée natio ­ nale de reculer de soixante heures l’effet de la loi.
Mais allez donc stipuler au nom de la liberté des fourchettes dans un moment où nos honorables ne songent qu’à la conjonction des centres ! Ils vous répondraient qu’ils ont bien d’autres lièvres à fouetter. Les plus indignés des viveurs ont re
cours à une autre extrémité ; ils vont passer le
carnaval dans le Midi, où la fermeture de la chasse est moins hâtive; c’est pour cette raison qu’on voit des caravanes se diriger sur Marseille et sur Nice.
N. R. — Au dernier moment, par bonheur, on a appris que la chasse ne serait fermée que le 9 au soir.
Les ventes d’objets d’art n’auront jamais été aussi nombreuses qu’en ce moment-ci. La semaine passée, on a vendu aux enchères, à l’hôtel de la l ue Drouot, les tableaux ayant apparte
nu au cardinal Fesch, l’oncle de Napoléon F . Pour le moment, il y a grand remue-ménage au
même endroit; on y organise l’exposition et, par suite, la vente à la criée des galeries de M. Salamanca, le financier espagnol. L’Europe sait com
bien cette collection a de valeur. On y trouve des chefs-d’œuvre de toutes les écoles, l’italienne, l’espagnole, la française, la flamande et la hollandaise. Ce sera donc un grand événement.
Il paraît, au re-te, qu’une galerie de tableaux n’est pas facile à garder. Voilà un autre financier, le prince Torlonia, le plus riche ban
quier de l’Italie, qui, lui aussi, se trouve dans la nécessité de livrer la sienne au marteau des com
missaires-prise irs. On sait que c’est une des plus rares et des plus précieuses du monde européen.
Ce fait n’a pas manqué d’attirer l’attention suile vendeur. On se met donc à raconter la légende des Torlonia. Elle est curieuse et ne manque pas d’une certaine poésie.
En -1792, il y avait à Rome, sur la place d’Espagne, un garçon très-dégourdi mais mi t pauvre.


Il était tour à tour brocanteur ou commission


naire. En janvier 1793, Basseville.. T ambassadeur delà République française, suspect de trop de jacobinisme, fut tué d’un coup de rasoir au basventre par la populace. Avant de mourir, le Français avait déposé quelque argent-entre les mains du commissionnaire. Ce dépôt, d’ailleurs fidèlement gardé, devait devenir le noyau d’une fortune princière.
Torlonia, — les Transtévérins prononçaient Torlogne, — devint l’homme d’affaires de la France. Quand le général Mioilis, obéissant aux ordres de Bonaparte, s’empara du trésor de Notre-Dame-de-Lorette, les pierreries et les dia
mants furent placés en gage chez le même personnage. Plus tard, le même homme devint le ban
quier de M(Iie Lœtitia et de toute l’aristocratie romaine. Charles IV d’Espagne et Godoï, le prince de la Paix, son favori, lui confièrent de même leurs intérêts. A dater de 1808, l’ancien brocanteur était déjà dix fois millionnaire.
Fait prince par le pape Pie VU, il est devenu un des gros bonnets de Rome. Son fils aîné, de
venu duc de Pola, a épousé la princesse Césarine Sforza et son fils cadet une princesse Doria. — C’est le fils de ce dernier qui vend ses tableaux.
Le premier Torlonia, l’homme de la place d Espagne, qui possédait pour 1500 000 francs d’argenterie, conservait précieusement dans un étui de velours une cuiller d’étain.
— C’est dans cette cuiller-là que j’ai mangé la soupe pendant tout le temps que j’ai été un pauvre diable, disait-il,
Philibert Audebrand.
Courrier de -Paris