lui,celle décision, et sur sa réponse affirmative il sort en prévenant M.de Meursolles qu’il ait à attendre ses témoins. Restée seule avec Mlle Duparc, la comtesse, qui se répand en reproches amers envers l’étrangère,
apprend d’elle que le comte seul est coupable ; qu’il est entré, c’est vrai, dans sa chambre, mais qu’il en est sorti immédiatement, chassé par la jeune fille qu’il outrageait. Pourquoi alors Mlle Duparc laissait-elle la clef sur sa porte? Elle y était ce soir-là, comme elle y était aussi pendant les nuits où la comtesse venait la chercher pour veiller auprès de son enfant. La comtesse reste à demi convaincue sous cette parole pleine de franchise et de loyauté, et M11 Duparc ne quittera pas la maison. M. de Meursolles l’aime pour
tant, et la comtesse qui le sait maintenant plus que jamais, hélas! affronte cette situation terrible. Je le veux bien, mais en vérité avouons qu’elle est seule responsable du mal qui va arriver et qu’avec plus de résolution, elle échapperait à un danger prévu. Il est vrai que l’ennemie lui a donné sa parole et que du jour où M c Duparc aimerait M. de Meursolles, elle quitterait la maison. On ne signe pas plus légèrement des contrats, aussi dangereux et si la conscience de la comtesse l’oblige à se porter garant de l’honneur de M1Ie Duparc, la raison lui impose aussi la sauvegarde du foyer domestique.
Qu’arrive-t-il ? Le comte a été blessé dans son duel avec Gontran et MHe Duparc sent son âme entraînée vers cet homme qui’a risqué sa vie pour elle. Elle se souvient de ses devoirs, elle se rappelle la promesse donnée et elle va partir en acceptant une place que le hasard lui offre. Mais le comte, qui jusqu’alors n’a pu recevoir personne, la fait prier de se rendre auprès de lui. C’est la plus profonde blessure que puisse re
cevoir le cœur de la comtesse. L’outrage est. au fond de cette demande, l’outrage impossible à tolérer. Mais la comtesse craignant., en s’opposant à ce caprice injurieux du comte, de compromettre la santé, la vie peut-être de M. de Meursolles, permet à M Ie Duparc d’entrer dans celte chambre où la femme légitime n’est pas appelée. L’épouse a abdiqué devant la maî
tresse. Eh bien! non, la comtesse a manqué à son devoir. Le public le sentait bien, aussi a-t-il bruyam
ment et unanimement applaudi, lorsque le marquis
d’Aubignac, l’oncle de Mme de Meursolles prend sur lui d’interdire à Mlie Duparc l’entrée de cette chambre que lui ouvrait la folie du comte et la folie de la com
tesse. Il se proclame le maître, lui, dans celte maison où tout le monde oublie le sentiment du devoir et il commande à l’étrangère de se retirer. Get ordre est pour M118 Duparc un outrage. Elle s’en venge par une infamie et. quand seule à seul, à l’acte suivant avec le comte, M. de Meursolles lui propose de partir avec elle, elle accepte cette proposition qui déshonore cet homme et qui tue la comtesse. Elle va plus loin, elle avertit, car elle triomphe, elle avertit la comtesse de son départ. Elle a pris résolument le chemin du crime.
« Pourquoi s’arrêter, lui dit M”8 de Meursolles. Me voici auprès de cette fenêtre, tout dort, la campagne
est déserte, j’ai assez de cette vie sans espoir puisque vous m’avez ravi mon bonheur, je ne ferai aucune
résistance, je ne jetterai pas un cri, poussez-moi et le comte sera veuf. » Et comme MUe Duparc recule épouvantée à une telle proposition : « Tu hésites! s’écrie Mme de Meursolles, et tu dis que tu es le mal, eh bien ! regarde-moi, et elle s’élance vers la fenêtre.
Glotilde se précipite vers elle,et en la retenant par sa robe, elle tombe à ses genoux, accablée de honte et implorant son pardon.
La scène est très-belle,, elle a profondément remué le public. Que lui importait la suite, il ne s’est pas
demandé si c’était bien là une solution et si l’amour de M. de Meursolles mourrait avec l’amour de Mlk‘Duparc. Il a chaleureusement applaudi,et comme l’émotion l’avait saisi, il ne s’est pas inquiété des invrai
semblances du drame. Il a raison, en somme, mais la pièce aurait eu un effet bien autrement puissant si elle ne s’était pas écartée de temps à autre de la lo
gique du sentiment. Malgré toutes les critiques, voilà à coup sûr un ouvrage vivant des heureuses qualités de la jeunesse; plein d’énergie, d’audace et qui nous promet un auteur dramatique. Je suis convaincu pour ma part que M. Denayrouse prendra une des pre
mières places au théâtre dans la nouvelle génération de talents qui s’élève.
La pièce est fort bien jouée par MUe Pierson qui fait le personnage de la comtesse et par Mlle Tallandiera qui lait celui de M11 Duparc. M1Ie Pierson est lou
chante, attendrie dans un rôle qui met en valeur ses heureuses qualités de comédienne. Quant à Mu“ Tal
landiera elle a eu de fort beaux moments, des éclats de talent très-puissant, très-dramatique, peut-être manque-t-elle de souplesse, mais Mlle Tallandiera est à cette excellente école de M. Montigny et je ne doute pasqu’ellene metteunjour à profit les leçons du maître.
Ravel est excellent dans son personnage de marquis. Landrol, Achard et Villeray tiennent à merveille des rôles de second plan.
M. Savigny.
REVUE FINANCIÈRE DE LA SEMAINE
On attendait la baisse,elle devait accourir de Versailles; les terribles discussions constitutionnelles la portaient dans leurs flancs. Qu’avons-nous vu venir? La hausse, la grande hausse, celle de la Rente, celle des valeurs indus
trielles, celle des fonds étrangers. La cote est presque renouvelée.
Je nomme ces trois groupes à dessein: Rentes, Valeurs industrielles, Dettes étrangères. Nos Comptoirs, nos Ban
ques et nos Chemins restent au second plan, non qu’ils aient faibli, mais ils ont suivi le mouvement général avec une extrême lenteur, en gens qui voyagent à petites jour
nées, qui attendent pour se déplacer que les fourriers aient marqué leurs logements à la craie. Les sociétés de la combinaison, le Mobilier français et la Hollandaise sont les seules institutions de crédit dont le progrès ait été proportionnel on supérieur à celui de la Rente.
Pour expliquer cette reprise de la Bourse on a donné mainte et mainte raison, car, bonnes ou mauvaises, nous avons toujours ici quelques raisons à donner ; en réalité, il n’y en a pas d’autre que l’extrême abondance de l’argent.
Depuis la rentrée de la Chambre, deux influences se sont disputé le marché, celle de l’argent qui le fait monter, et celle de la politique qui le fait descendre. Tant que les craintes politiques ont été vives la lutte s’est poursuivie avec une sorte d’égalité ; depuis le vote de la seconde lecture la Bourse s’est rassurée et l’argent l’emporte.
Cette quiétude inespérée de la spéculation, nous la devons évidemment à la tournure qu’ont prise les discussions parlementaires. Ou peut croire maintenant que nous n’a­
vons plus à craindre des mesures extrêmes, dissolution de la Chambre ou retraite du maréchal. Que nous restet-il doncen perspective? La hausse ou la tenue solide des fonds d’État.
Ou le septennat sera organisé et nous monterons d’unefaçon démesurée, ou il ne le sera pas et nous continuerons à vivre « taliter qualiter » sous le régime actuel qui ne nous a pas empêchés de passer par-dessus le pair. L’une ou l’autre hypothèse nous est favorable.
L’état du marché monétaire de Londres et nos recettes ont fort à propos appuyé ce dilemme; les recettes surtout,
admirables auxiliaires de la logique. Chaque jour elles ont pris sur le marché d’énormes quantités de Rentes qui ja
mais n’y reviendront ; samedi \ 67 000 francs, lundi 151 000, aujourd’hui 115 000. De (elles sommes additionnées finis
sent par compter. Telle est même aujourd’hui la rareté de l’inscription disponible que les agents n’en trouvant plus sont obligés, pour satisfaire aux demandes du comptant, d’acheter fin courant de l’Emprunt qu’ils escomptent. Qui
conque connaît la Bourse sait la puissance de cette cause souveraine de hausse, l’escompte.
Depuis quelques jours elle agit pleinement, le terme lui doit, l’extrême solidité dont il a fait preuve ; grâce à l’ap
pui qu’elle a prêté aux acheteurs, le Cinq s’est élevé de 100,25 à 100,60, et le Trois sur lequel elle n’agit pas di
rectement a pourtant suivi le Cinq selon la juste mesure (62,15 62.251.
Les Banques et les Sociétés de crédit sont au repos ainsi que je l’ai dit tout à l’heure ; leurs cours de huitaine com
parés sont à peu près identiques. Banque de France 3815- 3810, Banque de Paris 1137,50-114-2 ; Comptoir 562-562; Foncier 850-850 ; Industriel 700-690; Lyonnais 730-722.
On voit que l’Industriel et le Lyonnais ont subi une petite réaction A quoi tient cette indolence ou cette faiblesse? Aux bilans médiocres de ces Sociétés, au peu d’affaires qu’on leur connaît, à la diminution constante de leur portefeuille commercial.
Si, par exception, le Mobilier français a monté de 390 à 435 et la Franco-Hollandaise de 543 à 563, il faut se rap
peler que leur mouvement est mené par un syndicat habile et puissant. Deux ou trois maîtres de l’art travaillent, dit-on, à dégager le capital du Mobilier eu réalisant sa créance sur l immobilière, puis à l’organiser avec des réformes nouvelles après avoir amorti une partie de son capital. Tels sont les bruits de Bourse courants, il est sage de les accueillir avec réserve ; jusqu’à présent, le seul fait incon
testable est la hausse continue des titres engagés dans la future combinaison.
Leurs faibles recettes nuisent aux Chemins. Bien que la première semaine de 1875 leur ait été moins défavorable que les dernières semaines de 1874, elle n’est pas encore assez brillante pour leur ramener les acheteurs. L’Orléans fait une très-heureuse exception ; comme la plus-value comparative de son exploitation hebdomadaire dépasse 114000 francs, ses actions ont été fort demandées et se sont cotées en progrès sensible (886-895). Les Charentes, dont l’augmentation kilométrique est de 20 75 pour 100,
se sont aussi très-bien maintenues ; elles annoncent pour la fin de mars l’ouverture de leur section d’Angoulème à Limoges ; ce sont 126 kilomètres nouveaux qui seront livrés à la circulation.
Pour çiter des Valeurs industrielles qui aient monté, j’ai l’agréable embarras du choix.
La plus recherchée, la plus vigoureusement poussée est le Gaz (845-887). Les acheteurs espèrent un dividende de
60 francs ils font compte aussi des fortes réservesà employer ou à distribuer. L’opinion générale est que le titre
dépassera le cours de 900. Pourquoi non? Son marché est étroit et l’action très-rare ; ce sont là d excellentes condi
tions de hausse. Le tilre a vieilli en portefeuille ; s’il plaît
à ses propriétaires d’en demander mille francs, il faudra bien les leur payer.
L’Immobilière a gagné quelque chose (47-55); elle est comprise dans la combinaison du Mobilier français et de la Hollandaise. La Transatlantique s’est également ébranlée (216-221) et marche après un long repos ; les Messageries elles-mêmes, dont les cours varient-si peu qu’ils Semblent stéréotypés à la cote, ont d’un seul coup rattrapé le temps perdu (565-587).
Quant au Suez, si mobile, si dispos depuis deux ou trois mois, il s’est surpassé lui-même; sa plus-value est fort belle (497-520). H la doit aux bénéfices réellement encou
rageants de sa dernière décade ; du l l au 20 janvier le transit a donné 770 000 francs. Le Suez a donc passé le pair sans talonner. Ne serait-il pas temps aujourd’hui d’ap
profondir le canal, d’en élargir le plafond, d’en revêtir les berges, de l’achever? On voudrait voir une vingtaine de dragues creuser l’eau jaunâtre de Suez à Port-Saïd, et des légions d’ouvriers terminer cet immense travail.
Presque toutes les institutions de crédit étrangères ont été aussi négligées que les nôtres : la Banque ottomane, le Foncier d’Autriche, le Mobilier espagnol demeurent indif
férents et lourds ; celui-ci moins que les deux autres. Les Autrichiens ont partagé le sort de la plupart de nos grandes lignes (658-660); personne ne s’en est occupé, il y a eu quelques négociations en Lombards, et ils ont fait un petit progrès bien modeste (287-290).
Le groupe des Chemins espagnols a été beaucoup plus animé; le Nord de l’Espagne estampillé a encore gagné une quinzaine de francs; le tilre qui n’est pas estampillé
tend à rejoindre l’autre, malgré la différence normale du coupon ; il est demandé à 280.
Il ne me reste plus qu’à signaler la hausse remarquable des fonds d’Etat ; presque tous ont suivi, en l’exagérant, l’exemple que nos rentes leur ont donné.
Vrai ou faux le convenio profite aux Piastres intérieures et extérieures. Après avoir langui toute la semaine elles se
sont tout d’un coup élancées en avant, l’une à 18 3/4, l’autre a 23 1/8. M. Salaverria paye les coupons arriérés;— en papier ; M. Salaverria promet un budget en équilibre, mais M. Salaverria promet beaucoup plus qu’il ne peut tenir. Sans compter la politique, les révolutions et les chances de la guerre, l’Espagne a contre elle son irréparable bud
get. H lui faut une faillite pour le déblayer des 12 ou 13 millards de dettes don! il est chargé, puis un grand em
prunt pour le remblayer, après quoi se reformera un déficil que nos fils verront fleurir. Pour moi, avant d’acheter,
j’attendrais la consolidation du Trois en Un pour cent et la défaite définitive de don Carlos.
L’apaisement de la question d’Orient, si mal à propos soulevée, a permis au Turc de réparer la chute profonde qu’il avait faite à la fin de la semaine dernière. C’est du moins à la solution de la question du Monténégro qu’on attribue la reprise. A-t-on raison?
J’en doute. Outre que la convalescence de ce fonds d’Etat est lente, incomplète et très-contrariée par un groupe
puissant de vendeurs, il est certain que la crainte d’une guerre européenne qu’aurait allumée la querelle du Monténégro n’était pas la seule cause du dernier effondrement.
11 avait pour vrai, pour grand motif, les embarras financiers de la Turquie, et pourquoi ne pas le dire? ses pro
cédés peu sincères, son peu de souci des engagements pris.
Depuis la fin de décembre la Porte a emprunté 25 millions de francs ; elle poursuit encore d’autres emprunts. En même temps, elle refuse, dit-on, à la Banque ottomane l homologation de ce traité qui lui mettrait en mains la per
ception et le maniement des impôts de l’empire. Si ces bruits sont exacts, le Turc tombera plus bas que l’Espagnol, et la Banque ottomane se trouvera en fort dangereuse situation.
Je constate un progrès notable de l’Italien (66,23-66,65). Le budget de M. Minghetti arrive à s’équilibrer tant bien que mal, le ministre ayant reculé l’amortissement de deux séries d’obligations du canal Cavour, auquel le trésor devait pourvoir en 1875 et 1876. Il va sans dire que l’arri
vée de Garibakli n’a pas fait perdre un centime à la Rente ;
il peut aller et venir de Home à Capréra sans que la Bourse s’occupe le moins du monde de ses petits voyages d’agrément.
J’ai gardé pour la fin la plus forte et la plus inattendue des reprises, celle du Péruvien (67 1/2-69 1/8). A quoi la devons-nous? A certaines nouvelles assez invraisemblables. MM. Dreyfus, fermiers des revenus du Pérou, passe
raient la main à MM. de Rothschild et Baring. Si ces der
niers capitalistes acceptent la succession, ce ne peut être que sous bénéfice d’inventaire ; attendons l’ouverture du testament.
Le marché des Obligations n’est pas très-animé. On achète de préférence des Midi, des Orléans, des bons des Charentes; en litres du second réseau, des Arzew-Saïda, des Lille-Valenciennes, des Nord-Est.
L’Emission des Orléans-Chalons, terminée samedi, a été largement couverte. Celle de l’Emprunt municipal n’occupe pas encore le marché ; elle n’y viendra, dit-on, ijue le 6 février. En attendant, les résultats qu’on négociait en banque à 6,50 et 7 francs, sont tombés à 2,25. Les ven
deurs sont bien généreux de donner à ce dernier prix un titre qui sera souscrit de dix à vingt fois.
Un Boursier.