Les Confetti, scène de carnaval à Rome
Rome, depuis que l’Ilalie en a repris possession, a retrouvé ses vieilles coutumes. Le carnaval y est re
venu avec ses rues incendiées de bougies que les pas
sants cherchent entre eux à éteindre, avec ses moccoli qui durent trois jours, et les pluies de fleurs et de bonbons, et les éclats de rire, et les sourires féminins et toute la poésie capricieuse d’un jour de liberté au pays du soleil.
M. Pierre de Coninck, un des bons élèves de Léon Cogniet, a saisi au passage une de ces scènes du car
naval romain. Trois femmes, délicieuses dans leur costume de Transtevère, jettent aux passants, du haut du balcon de pierre où elles sont accoudées, des roses et des confetti. Les confetti, ce sont ces dra
gées que la plus vaillante, sinon la plus jolie d’entre elles rainasse dans son tablier et lance à pleines mains sur le dos ou au visage des gens. Et qui ne
voudrait recevoir de ce bras charmant une poignée de grêlons? Qu’elle est vraiment belle, d’une beauté
sculpturale, brune, superbe, cette jeune Romaine aux formes élégantes et pures! Auprès d’elle, ses com
pagnes semblent timides et hésitantes. L’une laisse tomber, avec une coquetterie douce, une fleur que quelque cavalier ramassera sous le balcon. L’autre, avec un petit mouvement semi-souriant, semi-ef
frayé, se rejette légèrement en arrière pour éviter quelque bouquet venu d’en bas et qu’elle parera avec cette sorte de raquette que tiennent ses doigts au pur dessin. Jamais trio ne fut plus attirant et plus digne d’être admiré et aimé. Ce ne sont point là seu
lement des figures de keepsakes, ces visages sont vraiment savoureux et vivants.
Lancez vos confetti et jetez vos roses printanières, Transtévérines aux grands yeux! Il y a en vous assez de mélancolie pour que vous mettiez une sorte de hâte à sourire aux jours du carnaval. Tout passe, tout s’enfuit et vous verrez que les carnavals de la vie
ont leurs carctnes comme les dragées que vous lancez ont leur amer noyau. En attendant, souriez, aimez et faites dire aux passants que voici les trois Grâces ac
coudées au balcon d’un logis de la via del Popolo, par un beau temps de mardi gras. J. C.
Le daprême de Compesières (Suisse)
DurJoauex et Plan-les-Ouatessont deux communes du canton de Genève, qui ont une église commune et assez pittoresque située dans un joli petit endroit
nommé Compesières. C’est dans cette église que s’est passé le fait que reproduit notre dessin.
Parler de Genève, c’est nécessairement aborder le chapitre-de ses dissensions religieuses. On sait que les catholiques y sont divisés en deux partis : les ultra
montains et les libéraux, vivant entre eux en fort mauvaise intelligence. Or, dernièrement, un habitant de Genève, catholique libéral, nommé Maurice, né,
croyons-nous, dans une des petites communes dont nous venons de parler, eut l’idée de faire baptiser dans l’église de Compesières, et par un prêtre libéral,
un enfant qu’il venait d’avoir. Pourquoi dans cette église et non dans une église catholique libérale qu’il
avait sous la main? Nous ne savons. Toujours est-il que sou idée fut fort mal accueillie par les municipa
lités des communes ultramontaines de Bardonnex et de Plan-les-Ouates, et par le curé non assermenté de Compesières, qui refusèrent de livrer leur église au citoyen Maurice. Mais celui-ci ne se tint pas pour battu; il eut recours au conseil d’Etat, qui ordonna aux autorités des deux villages d’avoir à accédera la demande qui leur était adressée, fixant le baptême au mercredi 20 janvier.
Violence sans raison comme sans excuse, le conseil eüt-il eu pour lui la loi, ce que d’aucuns ont con
testé. Sans doute, dans le canton, les églises qui sont propriété commuualç. restent affectées au culte ca
tholique salarié par l’Etat; sans doute encore leur destination ne peut être changée que par une décision de la municipalité approuvée par le conseil, ce qui n’était pas le cas pour l’église dont il s’agit. Mais en ce moment l Etat de Genève ne salarie que le culte li
béral, et c’est un curé ultramontain, non assermenté et pas salarié du tout qui, en fait, dessert l’église de Compesières. De là certains scrupules sur la légalité de la décision du conseil,qui en tout cas était inoppor
tune et tyrannique. En effet, pourquoi cette satisfaction donnée à un monsieur qui, pouvant faire baptiser son enfant dans vingt églises consacrées au culte qu’il professe, s’avise de faire sans raison un choix qui de
vait aussi nécessairement qu’inutilement froisser la conscience des ultramontains? Disons le mot, cela avait tout l’air d’une provocation, à laquelle les habitants de Bardonnex et de Plan-les-Ouates, qui jusqu’ici
en celte affaire avaient eu le beau rôle, n’eurent malheureusement pas la sagesse de n’opposer qu’une ré
sistance passive. Ils s’ameutèrent, leurs maires en tête, et au jour dit, c’est par une grêle de pierres qu’ils ac
cueillirent et au plus vite firent détaler la voiture qui amenait de Genève à Compesières le citoyen Maurice, son enfant et son curé.
L’affaire ainsi engagée ne pouvait plus en rester là. Les deux maires des communes récalcitrantes furent révoqués, plusieurs personnes mises en état d’arrestation, des troupes levées : Trois compagnies delà mi
lice, vingt cavaliers, la gendarmerie. C’étaitune expé
dition en règle qui, le 25 janvier au matin, par une pluie battante, escortant la voiture si malencontreusement reçue cinq jours auparavant, partit pour Com
pesières. Arrivée dans le voisinage dudit lieu, la troupe occupa les routes, posa des sentinelles, enfin
prit position. D ailleurs, pas un chat indigène devant l’église, qui était fermée et barricadée, un drapeau noir flottant sur sa façade, avec cette devise célèbre : « La force prime le droit. » On ne put forcer la porte, mais on passa par une fenêtre, et le résultat fut le
même. Le citoyen Maurice, le curé libéral et le Grand- Conseil eurent le dessus: le baptême eut lieu. Puis l’ôn
s’en revint, vainqueur c’est possible, « encore c’est assavoir », comme dit Brantôme; mais content? c’est une autre affaire. En effet, tant de bras réunis pour enfoncer une fenêtre ouverte ! on craignait le ridicule. Nous ne disons pas que l’on avait tort.
Le Thundercr, gardc-côtes à tourelles de la flotte anglaise
Depuis que le combat d’Hampton-Road a ouvert le steeple-chase entre le canon et la cuirasse, l’ami
rauté anglaise n’a cessé d’étudier et de faire mettre en chantier les types de bâtiments les plus divers. Tandis qu’une partie de ces navires conservent, mal
gré la vapeur et leur cuirasse, quelque chose de l’aspect des anciennes frégates, les autres ne leur res
semblent guère et sont devenus de véritables forts flottants. On peut s’en convaincre en regardant le Tliunderer (le Tonnant), le type le plus étrange de la nouvelle üotteanglaise. Construit par le célèbre ingé
nieur Reed, ce navire est à membrure et coque de fer; l’avant émerge à peine de l’eau, de telle sorte que la coque proprement dite est une espèce de grand
radeau de 80 mètres de long sur 20 de large, devant à son peu de tirant d’eau et à sa largeur une trèsgrande stabilité.
Sur ce radeau est le réduit à murailles verticales defer, véritable donjon, servant de logement à l’équi
page; puis deux tourelles massives et trapues, qu’une machine à vapeur fait pivoter sur une plaque tour
nante. Ces tourelles, dont le bâtis en charpente de fer et bois de teck, est protégé par une cuirasse de 36 cen
timètres d’épaisseur, constituée par des plaques de tôle superposées, sont armées chacune de deux canons du poids de 35000 kilogrammes, pouvant lan
cer un boulet plein d’acier du poids d’environ 350 kilogrammes à une distance de 8 kilomètres. On com
prend que les diverses opérations de chargement, de pointage et de manœuvre d’engins aussi formidables ne puissent s’opérer à bras d’homme ; aussi les pièces du Tltunderer sont-elles montées sur affût mécanique spécial, qui les élève et les abaisse suivant les exi
gences du service, et une machine hydraulique, mise en jeu par deux hommes seulement, transporte les gargousses et les projectiles à leur place de charge
ment. La direction horizontale est donnée aux pièces par le mouvement rotatif des tourelles; la direction verticale par le mécanisme de l’affût.
Entre les tourelles s’élève la plate-forme d’observation, à peu près déserte au moment du combat. Elle domine tout le bâtiment, abrite sous ses flancs re
courbés la partie supérieure des tourelles contre la chute des projectiles verticaux. En temps ordinaire,
sa position élevée autant que la stabilité du navire, la met en dehors de l’atteinte des lames. L’unique mât en tôle sert de mât de signaux, et sa hune à balus
trade est le poste d’observation d où le regard peut observer une vaste étendue d horizon.
Le Tltunderer est muni d’une machine de 800 chevaux nominaux, pouvant réaliser une force réelle quadruple, qui met en mouvement deux hélices dis
posées, l’une à droite, l’autre à gauche du gouvernail. Cette disposition rend plus faciles les évolutions de cette énorme masse qui, sous le rapport de la vitesse, n’a pas rempli toutes les promesses de ses constructeurs.
Le Tliunderer n’est pas, à proprement parler, un bâtiment d escadre ou d’évolution destiné à montrer le pavillon anglais sur toutes les mers ou à livrer ba
taille loin du rivage, c’cst plutôt un garde-côtes ayant pour mission de servir de sentinelle avancée, de combattre tout navire qui tenterait de pénétrer dans un
port, d’opérer un bombardement ou le débarquement d’un corps de troupes. P. L.
Les pompiers de Constantinople (Turquie)
Constantinople est une belle ville... vue de loin, parce qu’alors on n’en voit que ce qui brille : ses hauts minarets, ses beaux serais, ses coupoles do
rées ; mais lorsqu’on a pénétré dans l’intérieur, c’est un autre spectacle. Les rues, bordées de maisons en bois pour la plupart, sont étroites, mal pavées, et d’une incomparable malpropreté. Elles ne portent ni nom ni numéro. Ajoutons qu’elles ne sont pas éclai
rées, ce qui les rend à peu près impraticables, la nuit. Mais peut-être est-ce une mesure de prudence. Les incendies sont fréquents à Constantinople, et, quand une maison brûle, le quartier tout entier court grand risque de brûler aussi, car rarement ce sont les pom
piers turcs, les touloumbadgi, qui l’éteignent, et pour cause. D’abord ils ne sont munis que de vieux engins insuffisants, et encore refusent-ils le plus souvent d’en faire usage, si l’on ne commence par payer grassement et d’avance leurs inutiles services. En revan
che ils font du bruit comme quatre. Un incendie est
il signalé ? Le veilleur a à peine poussé, du haut delà tour de Top-Kané, le cri d’alarme, et la voix du ca
non n’a pas encore fini de répondre à ce cri, que déjà le branlebas a commencé. Tandis que les becktchisch, ou gardiens, armés de longs bâtons ferrés se répandent en courant à travers la ville afin de stimu
ler le zèle des habitants, les pompiers, leurs pompes
sur les épaules, s’élancent de leur côté vers l’endroit où a éclaté le feu. Ils bondissent comme des tigres, avec lesquels ils ont plus d’un trait de ressemblance. Et malheur à quiconque se trouve sur leur chemin. Celui-là est aussitôt renversé et foulé aux pieds. En effet, ils sont pressés, car c’est jour de recette pour eux; ne faut-il pas que tout le monde vive! Mais,
qu’ils soient payés ou non, soyez certains que le feu n’en dévore pas une maison de moins. Les Turcs savent parfaitement cela, et s’ils n’en sont pas plus con
tents, au moins sont-ils résignés. Mais il paraît que tout cela va changer. Le gouvernement russe vient d’envoyer au gouvernement turc une compagnie de ses sapeurs-pompiers pour réorganiser le service des touloumbadgi. Ceux-ci n’en seront peut-être pas char
més, mais à coup sûr les Turcs ne s’en plaindront pas. Allah est grand! disent-ils volontiers ; sans doute ils ajouteront bientôt : Et l’empereur de Russie aussi !
Le royaume de Dakar
L’un des dessins que nous donnons aujourd hui sur ce pays représente son ancien ro.i, Mohammed Diop, entouré de sa famille.
Mohammed Diop avait joui, en son temps, d’une réelle puissance, que le gouvernement français, après l’occupation du Dakar, utilisa plus d’une fois dans ses rapports avec les indigènes qui ont toujours eu pour ce vieillard un grand respect. Mohammed est mort le 16 février 1873, laissant sa royauté, aujour
d’hui dérisoire, entre les mains de son frère, dont nous avons publié dernièrement le portrait grotesque.
Notre second dessin représente un groupe de femmes de Dakar, que nous avons déjà décrites phy
siquement dans de précédentes notes. La créature,
plus humaine, placée au contre du dessin, est une mulâtresse.
Ces femmes ont été dessinées au moment où, penchées sur les rochers, elles cherchaient, par leurs gestes et leurs cris, à faire rallier deux pirogues d’en
fants qui prenaient le large. Les scènes de ce genre sont fréquentes à Dakar, où les enfants vont à l’eau dès leur naissance, et chavirent plusieurs fois par jour, au milieu des requins, avec un incroyable bon
heur. Le sentiment maternel se retrouve là-bas comme partout, bien que la famille y soit à peine constituée, et que les mères y soient fréquemment séparées de leurs enfants.
La religion musulmane, fait, en effet, une position tout à fait inférieure à la femme yolof qui est souvent achetée et revendue comme une bête de somme, à un prix qui va diminuant en raison de ses défauts, de sa laideur et de son âge.
La France pittoresque : Chartres
Chartres est à plus d’un point de vue une des trèsintéressantes villes de France. Elle est divisée, on le sait, en ville haute et en ville basse, et abonde en monuments curieux. Inutile de dire que le plus im
portant est sa cathédrale, un chef-d’œuvre de l’art gothique, avec ses clochers en forme de pyramides, ses trois portails, dont celui de la façade orné de statues de rois et reines de, France, ses vitraux peints,