ses curieuses sculptures et son immense crypte. Le palais épiscopal, qui y attient, mérite aussi d’être signalé.
Chartres était autrefois fortifiée, mais ses fortifications, aujourd’hui en ruines, ont été transformées en magnifiques boulevards. On en trouve cependant encore de beaux restes, notamment la porte Guillaume, remarquable spécimen de l’architecture militaire au xivc siècle.
En dehors des monuments publics de celte ville, on y rencontre encore nombre de maisons du xm siècle et de la Renaissance, entre autres la Maison du Médecin et une autre maison de la rue des Ecuyers, petit manoir du xvr siècle, qui offre une cage d’escalier exté
rieur élégamment sculptée, l’escalier de la reine Berthe.
Chartres fut plusieurs fois prise et pillée par les Normands. Elle eut des comtes particuliers jusqu’au xive siècle, puis elle fut érigée en duché et donnée, en 1623, à Gaston d’Orléans.
Pendant les guerres de religion, elle resta fidèle au parti catholique, Henri IV la prit en 1591 et y fut sacré en 1594.


HIYOTOKO


NOUVELLE JAPONAISE
(Suite)
Au premier mot de l’étranger, Hiyotoko leva la tête et poussa un cri de joie en reconnaissant Lespalier, car c’était lui. Venu de Yédo en tour
née d’artiste, porté comme un samouraï dans un riche norimon, il s’était établi sur le bord de la rivière et s’occupait de croquer la scène si pit
toresque du gué, lorsque les cris d’Hiyotoko aux prises avec les passeurs avaient attiré son attention.
Déjà les passeurs étaient partis en quête de clients, les curieux, ayant hâte de réparer le temps perdu, avaient presque tous regagné le gué ou repris leur chemin. Lespalier fit signe à la jeune fille de le suivre et la conduisit à son norimon,
où les quatre coulies dormaient nonchalamment à l’ombre du véhicule.
Chemin faisant, il avait remarqué les pieds nus et sanglants, les vêtements en désordre, la ligure pâle et exténuée d’Hiyotoko, et avait soup
çonné une grande douleur, peut-être de grandes privations. Ne pouvant songer à consoler la jeune fille, il se préoccupa de la restaurer. 11 ouvrit donc la portière du norimon, en tira d’abord un pain parfaitement blanc, puis la moitié d’une volaille rôtie et enfin une bouteille de vieux bour
gogne, disposa le tout sur le gazon, et fit signe
à la jeune fille de s’asseoir. Il s’accroupit en face d’elle, puis, taillant dans son pain deux larges tartines, il divisa en deux sa moitié de volaille,
plaça l’aile sur l’une des tartines, comme sur une assiette et la déposa galamment devant sa jeune convive. Celle-ci regardait Lespalier avec em
barras ; mais quand elle le vit attaquer avec une singulière activité tantôt le pain tantôt le poulet, elle se résolut à l’imiter, et dans son regard à la fois étonné et ravi, Lespalier put lire avec une satisfaction toute patriotique qu’elle prisait fort ce simple menu européen.
Il lui présenta ensuite la bouteille en s’excusant par signes de ne pouvoir faire mieux. Hiyo
toko hésita encore ; mais Lespalier fit un geste fort expressif qu’elle comprit, et elle se mit bra
vement à boire. A mesure qu’elle s’abreuvait de la liqueur généreuse, les couleurs remontaient à ses joues, ses yeux reprenaient leur éclat. Après deux ou trois expériences du-même genre, le vi
sage d’Hiyotoko s’était sensiblement illuminé.
Elle jasait comme si elle eût pu espérer qu’elle serait comprise, riait à tout propos, racontait je ne sais quoi avec animation, accompagnant son récit de gestes animés...
— Eh ! eh ! dit Lespalier en remarquant ce changement, il ne s’agit pas de commencer ici un pendant à l’histoire de ce brave Noé. —Ohé ! ajouta-t-il en se tournant vers les coulies.
L’un d’eux accourut.
— Pour vous, dit Lespalier en lui tendant la bouteille. Lampez-moi ça lestement et tenez-vous prêts à partir.
Puis tandis que les porteurs délibéraient ensemble sur ce qu’ils pourraient bien faire de cet ustensile inconnu et ne se hasardaient qu’après de longues hésitations à goûter la liqueur ver
meille, le jeune artiste se leva avec Hiyotoko,
regarda le soleil qui baissait, consulta sa montre et se tourna avec inquiétude vers la jeune fille.
Qu’allait-il faire? Ignorant le chemin d’Yokohama, ne sachant, du reste, ni d’où venait Hiyo
toko ni où elle voulait aller, à quoi pouvait-il se résoudre ? Il interrogea du regard sa compagne ; qui suivait avec une visible anxiété toutes les perplexités de l’artiste.
Il essaya de la questionner par gestes. La désignant elle-même du doigt, puis lui montrant au midi la direction du Tokaïdo, il lui demanda si elle voudrait s’en aller par là, tandis que lui prendrait la direction opposée, comme il l’indiqua en se désignant d’abord et montrant ensuite la direction du nord.
Hiyotoko se serra contre lui avec effroi et lui saisit le bras comme pour l’empêcher de l’abandonner.
—- Allons, bon ! dit Lespalier en se grattant l’oreille, elle veut venir avec moi!... Comme si ça avait la pénombre du bon sens!... Que faire cependant?
Après un instant de réflexion, prenant tout à coup son parti, il montra le norimon à Hiyotoko et lui fit signe d’y entrer.
— Et vous? demanda la jeune fille du regard. — Oh ! ne prenez pas garde à moi, dit-il en saluant, j’ai de bonnes bottes et de bonnes jam
bes, Dieu merci, au lieu que vous..., fit-il en portant un regard de pitié sur les pieds nus et sanglants de la pauvrette. .
Puis, refermant la portière sur Hiyotoko, il ajouta à demi-voix :
— Il n’y a pas place pour deux dans cette boîte; mais lût-elle plus large et plus commode qu’un wagon de première classe, le diable m’em
porte si je m’y hasarderais avec une jeunesse aussi jolie et aussi innocente.
Sur un signe de Lespalier, les quatre coulies avaient chargé le norimon sur leurs épaules, en
chantés de la notable diminution de leur fardeau. Ils se dirigèrent vers le gué et s’engagèrent aus
sitôt dans l’eau. Lespalier hésitait à en faire autant lorsqu’il avisa à quelques pas de là le même passeur qu’il avait tantôt si vivement se
coué. Il l’appela du doigt et lui mit un kobang dans la main. En voyant luire la pièce d’or, le passeur poussa un cri d’admiration, et persuadé
qu’il avait affaire à quelque puissant daïmio, il se précipita à quatre pattes et tendit respectueusement le cou.
Lespalier s’installa sur ses épaules, non sans quelque crainte de l’écraser sous son poids. Mais le passeur se .releva lestement, partit en courant à la suite du norimon et atteignit en même temps que lui la rive gauche du fleuve.
XIV
Pour beaucoup de raisons faciles à comprendre, Lespalier aurait bien voulu gagner avant la nuit la légation française d’Yédo ; mais une minute de réflexion avait suffi pour lui faire com
prendre combien ce désir était insensé. Il était environ trois heures de l’après-midi; on était à quatre lieues d’Yédo, les porteurs étaient déjà harassés par la course du matin.
Vaille que vaille, il fallait donc se résoudre à gagner sur la route une maison de thé et y pas
ser la nuit. Or une maison de thé, sous ce nom fade et inoffensif, cache un établissement de nature assez complexe et peu facile à définir honnêtement en français.
Lespalier ne savait pas cela......peut-être. Mais
une maison de thé est, en même temps qu’une maison de plaisir, un restaurant, un véritable restaurant japonais ; c’est-à-dire qu’on y trouve à boire du thé et du saki, et à manger du pois
son sec et cru, du riz à l’eau, de la gélatine de fucus, des holothuriesfrites, des salades de feuilles de bambou ou d’oignons de lotus, etc. Or nos lecteurs connaissent déjà l’antipathie décidée de Lespalier pour ce régime débilitant. Il faut ajouter à cela la simplicité toute primitive de la lite
rie que notre artiste ne pouvait pardonner aux Japonais.
Ce fut donc avec un véritable serrement de cœur que, la nuit venue, il s’arrêta devant un de ces établissements, sur le Tokaïdo. C’était pour
tant une maison de très-belle apparence. Deux jeunes et assez jolies filles, armées chacune d’une lanterne, se tenaient sur la porte de la cour pour inviter les passants à entrer. Quand le norimon
se fût arrêté et qu’IIiyotoko en fût sortie, les deux servantes se prosternèrent devant elle et devant Lespalier, et les précédèrent ensuite pour leur montrer le chemin.
Sous la vérandah, elles s’agenouillèrent, l’une devant devant la jeune fille, l’autre devant l’ar
tiste, mais poussèrent ensemble une exclamation
de surprise, en remarquant, celle-ci les pieds nus d’Hiyotoko, celle-là les bottes de son compagnon. Force leur fut, pour deux raisons opposées, de renoncer à déchausser leurs hôtes, se
lon la méthode japonaise. Elles les conduisirent alors dans une vaste pièce meublée avec la sim
plicité que l’on connaît, mais décorée avec la même élégance artistique qui avait déjà frappé Lespalier dans la maison de Tsjoo. Les coulies avaient suivi avec le norimon et étaient sortis après l’avoir déposé dans un coin.
Le dîner fut servi sur la natte de paille qui tient lieu de nappe au Japon. Lespalier maugréa durant tout le repas, tout en avalant presque sans mâcher les feuilles de tang et les saucisses de poisson pilé. Hiyotoko, après les premières bou
chées, vaincue par la fatigue et les émotions de la journée, sentit ses yeux s’appesantir. Bientôt ses muscles se détendirent, ses bras alourdis re
tombèrent le long de son corps, sa tête se balança inerte : elle dormait.
— Bonsoir ! bonne nuit ! dit Lespalier en imitant le mouvement de tête de la jeune fille. La voilà partie !
Puis tout à coup il se sentit pris d’une grande pitié.
— Pauvre enfant! dit-il.
Il se leva, saisit Hiyotoko sous les aisselles, la souleva, la prit sur ses bras comme un enfant qu’on veut endormir, la déposa sur la natte avec de grandes précautions et déposa doucement sa tête sur l’escabeau préparé pour lui servir d’o­
reiller. Un instant il resta à genoux, en admiration devant cette belle tête endormie, et répéta plusieurs fois :
— Pauvre enfant !
Peyremal. (La suite prochainement. )


CHRONIQUE DU SPORT


NICE, MONACO, LES COURSES, LE TIR AUX PIGEONS
Au milieu de bien d’autres, cette malheureuse guerre de 1870 a laissé dans la vie parisienne une lacune que rien ne semblait pouvoir combler. Quand, après toutes nos secousses, les choses commencèrent un peu à reprendre leur niveau normal, chacun de nous, vers le mois de septembre, sentait un certain
vide en lui. On se rappelait, en soupirant, ce voyage périodique à Bade, auquel il n’est plus permis de penser aujourd’hui. Malgré soi on évoquait le souve
nir de celte semaine fantastique, où tout ce que Paris compte d’existences brillantes, élégantes et tapageuses passait triomphalement ce Rhin allemand, dont les rives ont vu couler tant de sang français. C’était une véritable invasion, bien inoffensive hélas ! et que nos ennemis nous ont rendu en toute autre monnaie. Cette semaine des courses à Bade était déjà un rêve à cette époque, c’est à peine une vision aujourd’hui.
Un poète, dans son ravissement, prétendait qu’après avoir chassé Adam et Eve du paradis terrestre, Dieu