NOS GRAVURES
Achille Ricourt
Voilà un des hommes de ce temps-ci qui auront rendu le plus de services à l’art et aux ar
tistes. Achille Ricourt fut ce que tout le monde ne peut pas être, un original. Professeur de dé
clamation, il apportait dans la pratique de son métier une ardeur, une conviction, un en
thousiasme admirables. Ricourt avait créé, en dehors du Conservatoire, un enseignement parti
culier, mais non pas hostile, et il s’efforçait de découvrir, chez ses élèves, ce feu sacré sans lequel on ne saurait être un véritable artiste. Quand il la ren
contrait cette flamme créatrice, il la développait, l’attisait, la faisait grandir. Que de tragé
diens et de héros de drames Achille Ricourt a formés ainsi ! M. Samson avait eu Mlle Rachel ;
M. Ricourt eut Mlle Agar, qui n’est point Rachel mais qui n’est pas la première venue.
Au début de sa vie, ce n’était pas vers l’art dramatique mais vers celui de la peinture que Ricourt s’était senti attiré. « Et moi aussi, je suis peintre! » disait -il dans l’atelier de Gué
rin où il rencontrait Géricault et Delacroix. Cette passion pour les beaux-arts se traduisit, pour Ricourt, par la fondation du journal l Artiste, qui en est aujourd’hui à sa quarante-qua
trième année, et, sous la direction d’Arsène Houssaye, est toujours digne des premiers numéros de Ricourt, L Artiste fut la revue militante où la jeune génération des écrivains de 1830 fit brave
ment son coup de feu. Achille
Achille Ricourt.
Ricourt le dirigea d’abord avec beaucoup d’ardeur et de foi, puis il s’en détacha, ne trouvant pas là un suffisant emploi de ses fa
cultés. Ecrire lui paraissait chose froide, mais enseigner le plus actif des arts, l’art du théâtre, la déclamation, lui semblait la vie même. Né pour l’action, il alla du côté où il pouvait le mieux agir. Le théâtre, n’est-ce pas l’action elle-même?
Delsarte et Boudeville, le premier, si correct et si profond ; le second, si curieux et si pas
sionné, eurent dans Ricourt un rival heureux et un maître. Ri
court n’était pas romantique. R s’était épris de la tragédie. Au théâtre, disait-il, il aimait le sculptural. Ce fut lui qui pa
tronna, qui récita, par avance, dans les cafés littéraires des environs de l’Odéon, les vers encore inconnus d’un poète nou
veau qui se nommait Ponsard et d’une tragédie inédite qui se nommait Lucrèce. Il y apportait une conviction de néophyte, une foi d’apôtre. Lucrèce dut, en partie, son succès à Ricourt.
Et qu’ai-je dit, tout à l’heure, lorsque j’attribuais les mérites de Rachel à son professeur Samsôn? Oui, certes, M. Samson développa les superbes qualités de la tragédienne. M. Legouvé nous le prouvait naguère, dans une bien spirituelle conférence.
Mais cette enfant de génie, cette grande tragédienne, cette Rachel, quila découvrit? Ne l’oublions pas, ce fut Achille Ri
court. L’ami du professeur, Jules Janin, n’a point passé sous silence le nom de Ricourt dans son livre sur Rachel et la Tragédie.
LE ROYAUME DE DAKAR. — Petits marabouts apprenant a lire le Coran.