fluents, on changerait immédiatement à notre profit les conditions commerciales et politiques de toutes ces riches, mais improductives contrées.
La place nous manque pour insister sur une question qui comporte des développements considérables;
il nous suffit d’en avoir montré l’importance. Nous aurions aimé aussi à dire tout ce qu’il a fallu de per
sévérance au jeune explorateur pour réunir les fonds indispensables à une telle expédition. Le Muséum,
le ministère de l’instruction publique, les sociétés de géographie lui sont venus en aide dans la mesure de leurs moyens.
Il serait curieux de le suivre dans ses courses à Paris, achetant des couteaux et des pipes turques à 6 francs la douzaine, pour les offrir en présents aux mandarins; des fusils à 15 francs la pièce pour les
chefs sauvages; commandant un sabre doré pour le roi de Banar.
Terminons en faisant des vœux pour notre courageux compatriote, si ardent à s’empresser sur les traces de Mouhot, de MM. de Lagrée, Garnier et Dela
porte ; M. Harmand nous a promis d’ailleurs de ne jamais manquer l’occasion de nous envoyer de ses nouvelles, et nous strons heureux de tenir nos lec
teurs au courant des progrès d’une entreprise aussi éminemment française.
Le goûter
M. Knauss, le peintre de la Cinquantaine, se plaît, depuis quelques années, à oublier les joues et les fronts ridés pour les jeunes visages ; et le Goilter, cette jolie composition, est de cette manière nouvelle. C’est charmant. Vous rappelez-vous la Charlotte de Gœthe, dans Werther, distribuant à ses petits frères des tar
tines de beurre ou de confitures? L’inoubliable ta
bleau! La chère Lotte est demeurée dans toutes les mémoires. Eh bien! la fillette de Knauss qui jette aux oies avides les feuilles enfermées dans son tablier,
cette jolie enfant, aux bras élégants et maigres, au visage mutin, avec ses cheveux presque emmêlés, cette bergère non de Théocrite mais de vrai village allemand, — enfant par la grâce, femme par le charme, — est de la famille de Charlotte, et on se plaît à la regarder.
Au loin, le petit village aux maisons tassées, le clocher, les toits de chaume. Devant, les oies goulues et solennelles se précipitant sur la pâture. Le joli ta
bleau! Comme le peintre a saisi la majesté de l’oie ! comme il en a rendu la gloutonnerie ! On n’a pas plus d esprit. On pourrait dire : fin comme le peintre de
l oie. Toutes les attitudes de ces oies blanches ou noires sont étudiées et rendues avec une rare sou
plesse de pinceau. On devine, on toucherait, pour ainsi dire, la plume de ces animaux. Le canard est seulement comique; l’oie est comique et noble. Deux traits de caractère que n’a pas oubliés M. L. Knauss.
Ce Goûter lui fait grand honneur. C’est une composition vraie, curieuse et gaie. Le paysage, la fillette, les oies, sont également agréables. On vivrait au milieu du premier, on sourirait à la seconde, on se nour
rirait volontiers des autres. Car il faut bien qu’elles le sachent, ces oies si fort en appétit, beaucoup de goûters pareils les conduiront à l’engrais, aux pots de quartiers de foie gras et à la table des gourmands.
Les manœuvres militaires de nuit
On sait avec quel soin et quelle rapidité est poussée aujourd’hui l’instruction de notre armée. Du matin au soir on fait travailler les soldats, et s’ils ne finis
sent pas par savoir à fond leur métier, ce ne sera pas à coup sûr la faute de leurs officiers instructeurs.
Parmi les manœuvres qu’on leur fait fréquemment exécuter, il faut mettre au premier rang les manœu
vres de nuit, qui ne sont point, paraît-il, le côté par lequel brillent nos jeunes soldats, qui aiment à savoir où ils vont, où ils sont et à qui ils ont affaire. Mais c’est une raison de plus pour les rompre à un exercice dans lequel excellent nos ennemis de 1870.
Ces manœuvres, dont le crayon de notre collaborateur, M. Kauffmann, fait passer successivement sous les yeux du lecteur les phases principales, sont d’ailleurs des plus intéressantes.
Les hommes, prévenus dans la soirée, se sont couchés tout habillés. Soudain les sous-officiers font ir
ruption dans les chambrées. « Vite! sac au dos ! » On se frotte les yeux, on est debout. Pendant ce temps le clairon éclate, sonnant la prise d’armes et l’assem
blée. Les troupes se réunissent, on fait l’appel, on se met en route pour l’expédition projetée, dont, un peu avant le départ, les chefs ont discuté les moyens et arrêté les dispositions. Point important : il s’agit d’a­ bord de surprendre les sentinelles avancées. Le suc
cès de l’entreprise peut en dépendre. Aussi, dans le plus grand silence, à trois ou quatre, rampant comme
des serpenls, les soldats s’éparpillent, se glissent vers les grand’gardes. Le moment venu, ils se dressent, bondissent. La sentinelle est mise dans l’impossibilité de donner l’alarme. Tout va bien : la voie est ouverte,
le poste est cerné, fait prisonnier, on peut aller de l’avant avec tranquillité, disposer les troupes, placer l’artillerie en temps et en lieu utiles.
Mais les choses ne vont pas toujours si vite ni si bien.
Parfois, la sentinelle ne peut être surprise, ou bien l’on va donner contre un poste perdu, placé au delà des postes les plus avancés. Ges postes perdus, qui n’ont point de sentinelles avancées, sont placés aux embranchemenls des routes de terre ou de fer, avec mission de surveiller l’horizon, en se dissimulant au
tant que possible. Flairent-ils un danger? aussitôt ils en donnent avis à la grand’garde qui prend ses me
sures en conséquence. Sont-ils pressés ? Ils font feu et se replient en courant.
Alors c’est le combat. Ordinairement l’attaque d’une grand’garde ou d’un avant-poste se fait avec une ou deux compagnies de chasseurs à pied, plus propres à un combat vif et soutenu à la baïonnette. Mais si le gros de l’armée a été averti, les choses se
compliqueront; le combat se changera en bataille, et dans le cas où celle-ci ne figurerait pas sur le pro
gramme, il n’y aurait plus qu’à battre promptement en retraite, comme cela a lieu lorsqu’il ne s’agit que d’une reconnaissance.
Il y a des reconnaissances de cavalerie, d’infanterie, et des reconnaissances mixtes, c’est-à-dire d’infanterie et de cavalerie. Pour ces dernières, chaque cavalier prend un fantassin en croupe. Celui-ci, en cas d’at
taque, doit combattre en tirailleur. La cavalerie le soutient s’il y a lieu, tout en envoyant quelque homme rendre compte en arrière de ce qui se passe. Mais au
tant que possible, la reconnaissance n’engage jamais d’action; élle ne fait que se défendre si elle est atta
quée ; elle doit combattre continuellement en retraite et ne répondre à l’ennemi que lorsqu’elle ne peut pas faire autrement.
La cavalcade du 7 mars à Alger
Il y a eu le 7 mars à Alger, à l’occasion de la micarême, une grande cavalcade qui a été la joie de la capitale de notre colonie africaine.
Cette cavalcade se composait de six groupes comprenant douze chars ainsi partagés : Ier groupe, deux chars, le char de la Perle et celui des Sauveteurs, l’un représentant une conque, l’autre une barque montée par Masaniello et des pêcheurs napolitains; 2e groupe,
le char des Diables entouré d’un cortège grotesque et où l’on voyait îeSliable sortir d’une marmite pour faire au grand jour mille tours de son métier; 3e groupe, le char de la Musique de Mustapha, celui des Bébés et celui de Mme Angot, monté par tous les personnages de la pièce.
Ici la fantaisie faisait place pour un instant à l histoire. Le 4e groupe s’avançait avec ses hommes d’ar
mes, ses pages, ses hérauts, ses porte-bannières, ses seigneurs, escortant le char de la Renaissance et toute la lignée des Valois, François Ier, Henri II, François II, Charles IX, Henri III.
On rentrait dans la fantaisie avec le 5e groupe, composé des chars de la Marine, Cambrinus et de l’Or
phéon d’Alger. Enfin la marche était fermée par le 6e groupe avec les chars de la Marine grotesque, un navire monté par Y Amiral suisse, et de la Charité,
autour duquel marchaient six domestiques en grande livrée, car il est presque inutile d’ajouter que la cha
rité avait été le principal motif de la fête. Aussi les pauvres aussi bien que les riches, qui y ont trouvé double satisfaction , n’oublieront-ils de longtemps l’heureuse date du 7 mars.
La malade
Rien n’est plus touchant que ce tableau si curieux, si plein de détails, d’une intensité de vie et d’émotion vraiment remarquables. M. Meyer, de Brême, a composé tout un drame d’un ton très-juste, très-péné
trant, très-vrai, avec ces deux personnages : une mère, un enfant.
Elle est malade, la pauvre femme. Sa jolie tête pâlie repose alourdie sur l’oreiller dans lequel elle s’en
fonce. Ses mains, qui ont la fièvre, se joignent ma
chinalement comme dans la prière. Eile a ramené son fichu sur sa poitrine pour chasser le froid et la tisane est là, dans la théière de porcelaine, avec les morceaux de sucre qui la rendent moins amère!
Comme elle s’ennuierait, la malade, si l’enfant ne savait pas lire ! Mais il a pris un de ces récits qu’il aime, qu’il connaît, et, à haute voix, il fait la lecture. Elle, cependant, pensive, semble absorbée par une de ces pensées fixes qu’ont les pauvres gens qui souffrent. Ses yeux
regardent on ne sait quoi dans l’infini, mais son oreille écoute et le conte de Grimm ou de H. Zchokke aide la malade à passer les longues heures d’ennui, les lentes journées qui ne finissent pas.
Avec quel art cette scène est peinte ! C’est exquis : la table et ses rainures, le tapis et ses franges, les cafetières de cuivre, les tableaux accrochés au mur, les cordons de l’oreiller, le bras du fauteuil, les lé
zardes de la muraille, —aussi vraies que la fameuse crevasse du Portrait du frère Philippe, par H. Vernet,
—tout est saisi et étudié avec infiniment de finesse et de soin. Quelle mélancolie douloureuse dans la tête de
la malade! Quelle grâce enfantine dans le profil intelligent, sérieux, de ce petit blondin déjà presque grave et qui oublie le jeu pour ce cher devoir : consoler sa mère !
Je défie bien qu’on regarde ce tableau sans en être ému et le bon Diderot eût poussé devant lui un bravo attendri, comme devant les petits drames bourgeois de Yami Greuze. J. G.
L’exposition universelle de Philadelphie le palais principal
L’ensemble des bâtiments dans lesquels se tiendra, en 1876, l’exposition universelle de Philadelphie, comprend le palais principal, celui des beaux-arts, les galeries de l’agriculture, de l’horticulture et des machines : la surface totale ainsi couverte doit s’élever à plus de 161000 mètres carrés.
A lui seul, le palais principal, occupant un espace de 85000 mètres carrés, s’élèvera à l’intersection des deux avenues-maîtresses du plateau de Lansdowne, au sud du palais des beaux-arts, dont il sera séparé par un espace d’environ 100 mètres
Fondé sur assises de maçonneries, ce palais doit être édifié en fer. Des colonnes cannelées en fer sup
portant des fermes en tôle réunies par des tirants et des cornières, tels sont les matériaux de cette con
struction. La toiture sera en bois et en verre; les murailles de clôture, jusqu’à une hauteur de 2 mètres et 1?2 du sol, en panneau de bois et les ouvertures de la partie supérieure de cette muraille jusqu’à la corniche, seront fermées au moyen de gaze gommée.
Le bâtiment a la forme d’un parallélogramme ; il s’étend de l’est à l’ouest sur une longueur de 573 mè
tres et une largeur de 141. Dans une partie de cet espace règne un étage de galeries s’élevant à 15 mè
tres au-dessus du sol. Quant à la hauteur totale de l’édifice, elle est de 23 mètres. Celte élévation si faible, eu égard à l’étendue, produirait un fâcheux effet si les architectes n’en avaient rompu la monotonie par des dômes, des tours et des portes monumentales. Au centre des quatre façades sont ménagées les en
trées principales s’ouvrant sous de hautes arcades. La porte du milieu est surmontée d’un dôme de 30 mètres de hauteur. L’entrée de l’est est réservée aux voitures particulières, celle du sud aux visiteurs arrivant par les voitures publiques qui auront leurs bureaux tout près de là. Le portail du nord commu
niquera avec la galerie des beaux-arts, celui de l’ouest avec les halles des machines et de l’agriculture. #
Aux angles du bâtiment se dressent quatre tours hautes de 25 mètres. Au-dessus de la partie centrale,
formant un carré de 60 mètres de côté, la toiture a été surélevée au-dessus de celle qui.recouvre le reste de l’édifice, et quatre tours, de 15 mètres de côté et de 40 mètres de hauteur, flanquent les quatre angles de ce carré central.
Sous le rapport de la distribution et de la circulation, le palais sera traversé dans toute sa longueur par une grande avenue centrale formant une nef de 40 mètres de largeur. Sur chaque côté de cette ave
nue il y en aura une autre large de 32 mètres et d’é­ gale étendue; enfin entre la nef et les avenues laté
rales sont d’autres allées de 16 et de 8 mètres de largeur.
Dans lé sens contraire de l’édifice règne l’avenue du transept se croisant au centre avec la nef et comme celle-ci ayant une largeur de 40 mètres. Deux autres avenues, celle du nord et celle du sud, puis des séries d’allées de moindre largeur, partagent les espaces compris entre les entrées et l’avenue du tran
sept. Toutes ces avenues laissent entre elles des îlots rectangulaires destinés au placement des vitrines. Dans les croisées des avenues comme à l’intersection des voies de moindre importance doivent être réservés des espaces pouvant recevoir des fontaines, des colonnes ou des trophées.
Le partage de cette surface entre les diverses na-, tions n’est pas encore arrêté d’une manière définitive; mais, d’après les données principales et dès à pré
sent immuables, les Etats-Unis se sont réservés une large place dans la partie centrale de l’édifice. L’Angleterre, puis la France et leurs colonies occupent un