espace assez étendu dans la section est. A leur suite se rangent les différentes nations de l’Europe et de l’Asie, tandis que l’on a réservé la partie ouest aux peuples de l’Amérique, puis à ceux de l’Océanie.
P. L.
Reconstruction du pont de Grenelle
Le pont de Grenelle date de 1827, époque à laquelle il fut livré à la circulation. Il avait été commencé en 1825, par une compagnie particulière, à laquelle la ville l’acheta en 1860, pour supprimer le droit de péage qui, dès le principe, y avait été établi.
La construction de ce pont était sans doute défectueuse, car vers le mois d’août de l’année dernière on y constata une dépression considérable. En effet, il avait fléchi de 50 centimètres à la clef. On y fil im
médiatement toutes les réparations nécessaires, et la circulation, qui n’avait pas été suspendue, fut assurée,
en l’astreignant toutefois à un règlement qui oblige encore aujourd’hui toutes les voitures, môme les plus légères, à ne le passer qu’au pas.
Gela ne pouvait durer. Aussi prit-on bientôt le parti de reconstruire entièrement le pont de Grenelle. La seule difficulté était de le faire sans interrompre les
communications, vu la grande distance qui sépare le pont d’Iéna du pont-viaduc d’Auteuil. Cette difficulté fut résolue par MM. les ingénieurs Vaudrey etPesson,
qui décidèrent que la reconstruction aurait lieu par quarts.
Le pont de Grenelle est, comme on sait, divisé en deux parties, dont chacune vient s’appuyer sur file des Cygnes. On commença par la partie attenante à la
rive gauche, dont la moitié fut aussitôt démolie, et l’on se mit à l’œuvre. Ce premier quart fut terminé à
la fin du mois dernier, et l’on procède en ce moment à la construction du deuxième quart. C est cette nou
velle phase des travaux que représente notre dessin, qui permet de voir en môme temps l’ancien et le nouveau pont.
Celui-ci, entièrement en métal, sera composé de dix travées, comportant 90 pièces : 70 pour les arcs, 20 pour les tympans, et pesant ensemble 581 000 kilos : 380 pour la fonte, 190 pour le fer et 5000 pour l’acier.
Un plancher établi sur pilotis permet de.poser et de boulonner cette énorme quantité de métal, le travail d’ajustage ayant été préalablement fait dans les ate
liers Cail. Le montage a lieu très-rapidement, grâce à une grue montée sur rail, qui, à la grande satisfac
tion des curieux, manœuvre avec autant de facilité que de précision ces lourdes pièces.
On espère que le pont de Grenelle sera entièrement terminé vers la fin du mois de juin.
Les arbres historiques de Paris
Les jours grandissent, le soleil devient chaud, dans tous les jardins les bourgeons éclatent. C’est le mo
ment de parler d’arbres et de verdure. Suivons donc notre collaborateur, M. Godard, à travers les serres et les jardins de Paris, où il vient de faire la plus intéressante promenade.
Le premier arbre qui a appelé son attention est forme de l’école des Sourds muets, rue Saint-Jacques.
C’est probablement le doyen des arbres de Paris. J1 en est aussi le plus élevé. En effet, sa hauteur atteint celle de son voisin, le clocher de Saint-Jacques du Haut-Pas.
Voici en second lieu les palmiers-éventails de l’Orangerie. Iis ont été donnés à Louis XIV par Charles III, margrave de Bade-Dourlach. Cette espèce de palmier est le Chairtœrops humilis, le plus petit et le seul q ,i croisse en Europe. Sa taille dépasse rare
ment 1 mètre 60 centimètres. Son tronc, qui va en s’évasant, chargé d’écailles triangulaires à la partie super ;re, est nu à la base. Le sommet est couronné p; r un faisceau de 30 à 40 feuilles en éventail. A côté
du Cliamœrops est une autre espèce de palmier, le Corypha Australis. Celui-ci est un arbre de 12 à 15 mètres, propre aux parties équatoriales des deux mondes. Ses feuilles, au nombre de huit ou dix, sont immenses. Une particularité : le Corypha ne fleurit qu’une seule fois en sa vie, vers sa quarantième année, puis il dépérit rapidement et meurt. Il y en a un dans la serre du Muséum : celui que représente notre dessin. Il a été planté en pleine terre et s’est élevé jusqu’au sommet de la serre, contre lequel il est venu donner de la tête. Il en mourra certainement.
Nous arrivons devant le marronnier du 20 mars, aux Tuileries. Cet arbre est trop connu pour que nous nous y arrêtions. Passons donc.
Nous voici devant le pin de Jussieu, planté en 1774, dans l’école de botanique du Muséum, par l’illustre savant. La flèche de ce pin de Corse domine tous les massifs du Jardin des Plantes.
Le numéro 6 représente le premier acacia planté en Europe, au moins le prétend-on. Sur l’étiquette que portait cet arbre il y a quelques années, on lisait :
« Robinia, faux acacia. Premier acacia cultivé en. Europe, planté par M. Vespasien Robin en 1035. » La nouvelle étiquette, plus circonspecte, porte seule
ment: « Robinia pseudo acacia. Acacia Virginiensis spinosa. Amérique septentrionale. Introduit en France par Jean Robin en 1601 ; planté par Vespasien Robin en 1636. »
Quoi qu’il en soit, l’administration du Muséum prend le plus grand soin de ce pensionnaire, dont les branches supérieures sont depuis longtemps mainte
nues par des armatures en fer, et auquel on a sacrifié tous les arbres d’alentour qui le gênaient. Ce vieil acacia se trouve près du cabinet de minéralogie, dans un carré en bordure sur la rue Buffon.
Nous touchons à la fin de notre promenade, faite un peu trop au galop, il faut l’avouer. Ce sont en première ligne les peupliers de la fontaine de Gla
mart, rue Geoffroy-Saint-Hilaire. De chaque côté, en 1789, on en avait planté un, comme arbre de la li
berté. Depuis, le temps a marché. Cependant, qui le croirait? de ces arbres, un a survécu. A côté on voit, dans notre dessin, le cèdre du Liban, Cedrus Libani, planté par Bernard de Jussieu en 1735.
Voici, finalement, le saule pleureur du Temple. Cet arbre marque, dit-on, la place où s’élevait la tour de la forteresse de ce nom. Quoique peu âgé, il est déjà étayé de plusieurs armatures.
La France pittoresque s Riez
Riez est une commune de près de 1800 âmes, située dans le département des Basses-Alpes, à peu de distance de Moustiers, dont nous donnions, il y a quel
ques mois, une vue très - pittoresque, dessinée d’après nature par notre habile collaborateur, M. Laurens.
Ce village de Riez est arrosé par un torrent, nommé le Colostre, qui naît dans les monts calcaires, de Saint- Jurs. C’était anciennement une colonie romaine, colonia Julia-Augusta Reiorum. Il en a conservé d’im
portantes ruines, dont notre collaborateur a bien voulu dessiner pour nous les deux plus intéressafttes,
que nous mettons aujourd’hui sous les yeux de nos lecteurs.
L’une représente quatre colonnes corinthiennes de granit gris avec chapiteaux, bases et entablements de marbre. Ce sont les débris d’un temple. L’autre est la reproduction intérieure du petit monument connu sous le nom de rotonde de Riez. Ce sont huit colonnes de granit disposées en cercle et portant sur leurs cha
piteaux les arcs qui soutiennent la maçonnerie de la coupole. Ce petit monument, appelé aussi Panthéon,
ne paraît être en réalité qu’un baptistère construit avec les débris d’un édifice romain démoli, comme cela a eu lieu sur plusieurs points du midi de la France, notamment à Vénasque, petit village du dé
partement de Vaucluse, juché sur la cime d’un rocher escarpé.
LE CHAUDRON DU DIABLE NOUVELLE
I
Dans la plantureuse Normandie, la fécondité du sol triomphe presque partout des vents âpres qui atrophient la végétation dans le voisinage immédiat de la mer. Lorsque l’on quitte la petite ville de Fécamp, en suivant la vallée, on n’a pas encore perdu de vue les falaises arides et crayeu
ses qui servent de ceinture à l’Océan, que cette végétation accuse sa puissance ; à quelques cen
taines de mètres à peine de cette grève de galets elle étale toutes ses magnificences.
Les coteaux se chargent de bois épais où dominent les hêtres au feuillage glauque, dont les troncs blancs et lisses, se détachant sur ce fond d’un vert sombre, ressemblent aux fûts de co
lonnes de marbre ; à droite et à gauche les champs étagent leurs moissons bariolées et dans le fond du vallon, des deux côtés d’un petit torrent qui roule ses ondes cristallines sur un fond de cail
loux, s’allongent les nappes verdoyantes des prairies.
On fait ainsi deux lieues, découvrant, pour
ainsi dire à chaque pas, un nouvel échantillon des splendeurs de cette terre généreuse ; alors
sur le liane de la colline de gauche, on aperçoit le clocher quadrangulaire et les maisons pitto
resquement groupées du petit village de Colle
ville, dont chaque façade, construite en silex et en galets, se zèbre de dessins alternativement noirs et blancs.
A deux cents pas de la dernièr e maison, à cinquante de la route, derrière les cimes arron
dies d’un régiment de pommiers, à l’ombre desquels pousse une herbe fine et drue, un vrai tapis, se dresse une grande tour carrée dont l’ar
chitecture atteste quelques liens de parenté avec l’église du village et dont les murs grisâtres certifient l’antiquité.
De loin, cette haute et sombre silhouette fait croire à un château ; mais l’illusion s’évanouit
lorsqu’on en approche. La toiture moussue s’est affaissée dans plus d’une partie, çà et là des sillons noirâtres indiquent des solutions de continuité dans l’alignement des tuiles qui la compo
sent ; les étroites fenêtres des étages supérieurs sont brisées, veuves de leurs carreaux, à la grande liesse des pigeons qui vont et viennent; les ou
vertures du rez-de-chaussée sont closes, mais avec des bottes de paille ; d’ailleurs un long bâtiment neuf, aux toits d’un rouge violent qui flanque la vieille construction, accuse nettement que l’une
et l’autre ont reçu une destination agricole et économique. A travers le volet supérieur, tou
jours ouvert de la porte du premier, on entrevoit le bahut et l’armoire de chêne aux fer
rures luisantes, le luxe du cultivateur, et les clayons où sèchent les fromages, une de ses industries ; du seuil de cette porte jusqu’au verger,
le sol est couvert d’une épaisse couche de litière mise en demeure de devenir fumier, égayée de quelques flaques d’une eau roussâtre dans la
quelle barbotent les canards, tandis que leurs commères, les poules, grattent et picorent sur la terre ferme ; de tous les côtés des instruments d’agriculture, qui se reposent complètent le tableau .
Si la qualité actuelle de cette habitation ne peut être mise en doute, les gloires de son passé n’en survivent pas moins à sa déchéance actuelle. Au
dessus du cintre de granit qui fut la poterne, on distingue encore un vestige d’écusson qui a ré
sisté à la double rage du temps et des vandales de 1793 ; sur l’angle aigu du toit on remarque un reste de girouettes. Les murs effondrés n’ont jamais d’autres parchemins.
En effet, avant de devenir une humble ferme, cette tour avait été une demeure de gentilhomme ni plus ni moins que le château de Colleville, qui a eu la chance de rester debout au milieu des orages révolutionnaires, et qui, bien que plus d’une fois il ait changé de maître, se dresse encore aujourd’hui au sommet de la colline.
En 17A8, époque à laquelle s’ouvre ce récit, la tour et le château appartenaient à deux proches parents, à l’oncle et au neveu; mais, contre
l’ordinaire, c’était l’oncle qui se trouvait pourvu de la plus modeste de ces deux propriétés.
Colleville et ses énormes dépendances, ses quatorze métairies, ses bois immenses qui allaient de Yalmont aux falaises, avaient le neveu pour maître.
Commençons donc par faire connaître le plus riche de ces deux personnages à nos lecteurs ; la richesse est le seul ordre hiérarchique qui soit légitime à l’époque où nous écrivons.
M. Tuvache de Chastel-Chignon, seigneur de Colleville, les Mazures et autres lieux, avait été un des plus fameux maltôtiers de l’intendance de Normandie.
Bien qu’aussi largement pourvu en noms sonores qu’en espèces sonnantes, il était, bien en
tendu, dubiæ nobilitatis, une locution par la
quelle la politesse du temps désignait ceux dont la roture n’était rien moins que douteuse. Son père, un plumitif affamé desfenvirons de Lavaur,
était arrivé à Rouen sans sou ni maille, mais avec une de ces facondes, ^ne de ces outrerai