SOMMAIRE.
Texte : Histoire de la semaine. — Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand — Nos gravures : Voyage de l’empereur
d’Autriche à Venise; — La fontaine de la place du Trône; — Le nouveau collège Chaptal (II); — L’hiver sur les côtes d’Amérique; — Gien; - Grande fête de chari é à Narbonne; — Les Shakers de la Nouvelle-Foret; — Les nouveaux bâti
ments de l’Ecole polytechnique. — Le Chaudron du diable, nouvelle, par M G. de Chenille (suite). — Chronique du
Sport. — Bulletin bibliographique. — Hcvue financière de la semaine. — Faits divers.
Gravures : Le voyage de l’empereur d’Autriche à Venise : réception de l’empereur par le roi Victor-Emmanuel à son arri
vée à la gare de Venise; — Le cortège des souverains sur le Grand-Canal; — Grand bal donné en l honneur d : l’empereur au palais royal. — Paris : la nouvelle fontaine de la place du Trône. — Grande ! etc de bienfaisance donnée à Narboti >c les d, 4 et 5 avril. — Les nouveaux bâtiments du collège Chaptal (4- gravures). — La France pittoresque : Gien. -— La secte des Shakers en Angleterre : campement des Shakers dans la Nouvelle-Foret. — L hiver de 1875 en Amérique : llottilie de bateaux de pèche bloquée par les glaces au large du cap Cod (Massachussets). — Paris: nouvelle façade de l Ecole polytechnique — Echecs. — Rébus.
FRANCE
Nous avons eu la circulaire Dufaure aux procureurs généraux et le discours du ministre de l’instruction publique aux délégués des sociétés savantes, deux pièces interprétant avec une égale franchise et une égale correction le vole du 25 février.
Nous avons eu encore un autre discours : celui de M. de Meaux, ministre du commerce, qui représente dans le cabinet la minorité de l’Assemblée et ne cache guère que, dans la nouvelle constitution qui « s’im
pose au respect de tous », ce qu’il approuve surtout, c’est son article 8, riante perspective ouverte sur le tombeau où l’on se (latte de la déposer en 1880. Voici maintenant la circulaire Cissey, ou pour mieux dire la note confidentielle adressée par M. le ministre de la guerre aux généraux commandant nos divers corps d’armée.
Cette note porte la date du 20 mars.
Bien que parvenue la dernière à notre connaissance, elle a donc précédé, comme on voit, dans l’ordre du
temps, les divers documents dont nous venons de parler. C’est d’ailleurs un journal anglais qui nous en a révélé l’existence. On sait que, en ce qui regarde les faiis et gestes de ceux qui sont chargés de nos in
térêts, c’est de l’étranger que nous vient aujourd’hui la lumière. Ce qui se passe dans notre maison, nous l’ignorons; heureusement le voisin le sait. Aussi finis
sons-nous toujours par en apprendre quelque chose.
Il faut nous arranger decessinguliers errements. C’est une habitude prise, et, semble-t-il, bonne à garder. A cela près, la note de M. de Cissey est tout à fait satisfaisante. Elle a l’énergie et la brièveté, deux qualités également recommandables.
Elle rappelle aux généraux que si, au fond du cœur, les convictions sont libres, les paroles, les écrits, les actes ne le sont pasi En conséquence, elle les invite à se soumettre aux lois qui règlent l’organisation des pouvoirs publies en France, et ày conformer leur con
duite, ajoutant que « cette obligation est d’autant plus rigoureuse qu’on occupe un rang plus élevé dans la hiérarchie gouvernementale ». Langage correct et qui ne ditfère eu rien de celui de MM. Dufaure et Wallon.
Ainsi donc voici trois des ministres du cabinet du iO mars qui, successivement, se sont crus obligés, en présence des institutions nouvelles, de tracer à leurs subordonnés la ligne de conduite qu’ils ont désormais
à suivre. Cependant nous ne voyons pas que le chef de ce même cabinet ait été, jusqu’ici, tenté d’imiter cet exemple. Un instant toutefois on a pu espérer qu’il allait enfin s’expliquer. Un journal, étranger naturel
lement, l Indépendance belge, pariait dernièrement des « instructions » de M. le ministre de l’intérieur à son personnel administratif. A entendre ce journal, il avait même jeté sur ce document un coup d’œil fur
tif. L’acte constitutionnel y était présenté comme ayant une réelle importance. On y parlait de « régime nouveau défini », peut-être bien cîe république. L’In
dépendance belge se moquait. Tout cela, imagination,
fantaisie pure. Il n’en a jamais été question. C’est ce que la correspondance Havas a su fort bien dire aux feuilles qui avaient le tort de prêter une oreille trop complaisante aux plaisanteries de Y Indépendance.
M. le vice-président du conseil « n’a adressé aux préfets aucune circulaire ». Il s’est seulement entretenu avec ceux qu’il avait, dans ces derniers temps, mandés à Paris. « Il a eu mainte occasion de leur donner
verbalement des instructions sur la politique du cab i net et sur la signification qu’il convient d’attribuer au vote des lois constitutionnelles,» mais voilà tout.
Ainsi, les préfets ont reçu le mot d’ordre, à voix basse, dans le tuyau de l’oreille. Us savent ce qu’ils ont à faire. Pour nous, nous n’en savons rien ; cela ne ncus regarde pas. Comme on le voit, M. Buffet tient à rester vis-à-vis de nous, profanes, dans son rôle de sphinx plus ou moins impénétrable. Eu effet, quelques-uns prétendent qu’il ne faudrait pas être un Œdipe de première force pour deviner le mol de son énigme. Ce mot? Eh ! ne l’allez pas chercher si loin. M. Buffet s’amuse à nous intriguer, et voilà tout. Il se moque de nos suppositions, joue avec nos impa
tiences, rit aux larmes de notre dépit. Plaisir innocent sans doute, mais qui a son côté fâcheux, surtout quand, comme M. le vice-président du conseil, on a la malechauce.
En effet, il ne peut rien dire ni rien, faire qui ne tourne aussitôt contre lui. Ainsi, d’après certaines feuilles officieuses, on s’occupait dans un des derniers conseils, des élections partielles. Les ministres qui représentent la majorité réelle opinaient pour qu’elles fussent faites toutes à la fois. M. Buffet, lui, tint bon pour deux fournées. Peut-être avait-il quelque excellente raison de le vouloir ainsi ; mais, quoi ! l’appa
rence était contre lui. Pourquoi vouloir deux fournées plutôt qu’une, dès l’instant qu’on renonçait aux délais de rigueur? N’était-cepass’exposeràmécontenter tout le monde? Et le publie parlait de là, à tort ou à rai
son. Ainsi encore, il y a quelques jours, M. le vicepresident du conseil faisait voyager une demi-douzaine de préfets d’un département à l’autre, histoire de leur procurer un avancement qu’ils pouvaient avoir mérité. Ces voyages, qualifiés de mouvement préfec
toral, manquant absolument d’intérêt, les journaux libéraux ne s’en étaient occupés un instant que pour en constater l’insignifiance. Mais voilà que tout à coup
les journaux bonapartistes s’avisent d emboucher la trompette : « Ce mouvement assez restreint, écrit le Pays, ne satisfera évidemment pas les républicains. En effet, les sept préfets qui sont déplacés sont en
voyés dans des postes plus importants, un ou deux sont nommés dans des préfectures équivalentes. »
Et YOrdre : « Ce mouvement ne satisfera certainement pas les feuilles radicales et républicaines qui,
depuis le 25 février, demandent une hécatombe defonctionnaires. Il trompe l’attente et contredit les informations des journaux qui se disent dans la confi
dence du pouvoir, et qui annonçaient des révocations et des mises en disponibilité. Il se trouve môme que des préfets vivement attaqués, et dont Ja disgrâce était prédite, rtçoivent de l’avancement... » Et ainsi des autres. Mêmes fanfares sur toute la ligne. Aus
sitôt tout change de face; la situation s’assombrit. Ce mouvement préfectoral sans portée aucune devient très-grave aux yeux de beaucoup de gens qui s’y étaient d’abord a peine arrêtés.
On s’étonne, on s’inquiète, on s’interroge, on se dit : — Il est tout de même bien singulier que les actes de M. Buffet ne réjouissent que les ennemis du gouvernement qu’il vice-préside. Il y a évidemment quelque chose la-dessous. Ce qu’il y a? Nous l’avons dit. Un homme d’esprit un peu taquin, un peu fâché aussi du mauvais accueil fait a son programme et qui,
pour.se venger, se passe de temps à autre la douce satisfaction de faire se hérisser les baguettes des petits tambours du Rappel. Mais il ne faut pas abuser des meilleures choses ; et, à voir les conséquences que peut avoir ce jeu, peut-être M. Buffet trouvera-t-il qu’il est temps d’v mettre fin.
; Cent deux députés de la droite légitimiste viennent d’adresser à M. le cardinal Guibert, archevêque de Paris, une lettre dans laquelle, « voulant comme hommes publics, s’associer à l’idée réparatrice qui a inspiré la promesse de construire sur les hauteurs de Montmartre une église consacrée au sacré-cœur de Jésus », ils lui annoncent l’envoi d’une offrande col
lective et lui expriment l’ardent désir que celte église « renferme une chapelle destinée à rappeler la part prise à ce grand acle religieux par l’Assemblée natio
nale actuelle, et réservée spécialement pour les assemblées futures ».
M. le cardinal Guibert a répondu qu’il avait déjà arrêté, de concert avec le comité de l’œuvre, qu il serait frappé une médaille pour perpétuer le souvenir du vote de la loi du 24 juillet 1873; mais que, sans renoncer à ce projet, il réservera volontiers dans la nouvelle église la chapelle demandée qui « aura une signification plus haute et témoignera mieux de la reconnaissance du pays envers l’Assemblée ».
L Univers reproduit ces deux lettres et ajoute: « Qu’on y songe : la France attend dans l’angoisse, pendant que Vont être jetées les fondations de l’édifice dont le couronnement marquera, chacun le pres
sent, la fin des épreuves qui nous accablent. » Que pourrait dire de plus un ennemi de l’œuvre? La plu
part des autres journaux, mieux avisés, s’abstienn tnt de tout commentaire.
Dimanche dernier ont eu lieu les élections pour le conseil général de la Seine dans les huit cantons subur
bains composant les arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux. Dans le premier de ces arrondisse
ments, voici quels ont clé les résultats : canton de Saint-Denis, M. Moreaux, ancien maire révoqué le 24 mai, élu ; canton de Courbevoie, M. Lesage, can
didat radical, élu ; cantons de Neuillv et de Pantin, ballottages. Dans l arrondissement de Sceaux, les quaire candidats sortants ont été réélus. Ce sont MM. Béclard, Raspail, radicaux; Sueur et Ilunebelle, républicains modérés. « En somme, dit te Journal des Débats, ces élections ont été, comme on devait s’y attendre, une affirmation un peu brutale de la Répu
blique. » Et il ajoute : « Nous n’en sommes ni surpris ni effrayés, et. nous ne pensons pas qu’il faille atta
cher une grande importance à cette manifestation prévue dont tes partis avancés ont escompté d’avance les résultats. »
ALLEMAGNE
La note prussienne au gouvernement belge a fait cette semaine encore les frais de la polémique de la presse européenne. Pour notre part nous ne croyons pas que la Belgique ait jamais été sérieusement me
nacée par sa redoutable voisine. Ce n’est point elle qu: visaient en réalité les menaces d’outre-Rhin.
m. de Rismark se sent dans une position difficile. La lutte qu’il a engagée avec le parti ultramontain et le Vatican l’inquiète évidemment, et il ne semble pas qu’il puisse en sortir à son avantage sans quelque grand coup d’éclat. De là tous les prétextes que nous le voyons tour à tour mettre en avant, aujourd’hui ici et demain là, car il est pressé d’en finir. Eu effet, plus le temps passe, plus la position s’aggrave. L’An
gleterre se tient sur la réserve, l’Aulriclie et l’Italie se donnent la main, l’Espagne se rapproche de la France qui, de son côté, reconstitue ses forces. La France sera évidemment dans un avenir prochain le centre de résistance aux empiètements de l’ambition prussienne, sa pierre d’achoppement. Telle est l’unique cause de la colère de M. de Bismark, qui trouve
rait commode d’assurer par noire complet anéantissement sa domination future sur l’Europe.
Il pense qu’il n’est point encore trop tard pour cela. C’est possible. Possible aussi qu’il se trompe. En tout cas, il a été si prodigieusement heureux jusqu’ici, qu’il ferait peut-être bien maintenant de passer la main.
ITALIE
Nous venons de parler de l’amitié qui existe actuellement entre l’Autriche et l’Italie. Le voyage de François-Joseph n’aura pas peu contribué à la cimenter.
L’empereur a déclaré n’avoir aucune arricre-penséc sur ses anciennes possessions italiennes, et le roi a désavoué toute réclamation relative au Tyrol et à l’Islrie. Les intérêts étant ainsi d’accord, comment les cœurs ne le seraient-ils pas ? Aussi les toasts qui ont été portés au grand dîner du 6 ont-ils été significatifs :
« A la santé de S. M. l’empereur et roi d’Autriche- Hongrie ! mon hôte, mon frère et mon ami, a dit Victor-Emmanuel. A la prospérité et à l’union éternelle de nos deux peuples ! » L’empereur a répondu :
« Plein de reconnaissance pour la réception cordiale qui m’a été faite et d’amitié sincère pour Votre
Majesté, je bois à sa santé, à la santé de la famille royale et à la prospérité de l’Italie. »
Il y a des paroles sur lesquelles il n’est pas besoin d’insister; celles-là sont à coup sûr du nombre.
On a déjà beaucoup parlé du prochain Salon; — ii en a été parlé un peu à tort et à tra
vers. — Premier point, le jury de peinture n’a terminé son travail d’examen que samedi der
nier. Ce tribunal n’est plus composé de croquemitaines, ainsi que la chose se voyait autrefois.
Contrairement à ce qui a été dit, H ne s’est pas montré trop sévère, puisque le chiffre des réceplions-dépasse ceux des années précédentes. — Second point, il n’y aura pas de Salon des refusés, et notez que ce n’est pas par suite d’intolérance, mais uniquement parce qu’on manque de
Texte : Histoire de la semaine. — Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand — Nos gravures : Voyage de l’empereur
d’Autriche à Venise; — La fontaine de la place du Trône; — Le nouveau collège Chaptal (II); — L’hiver sur les côtes d’Amérique; — Gien; - Grande fête de chari é à Narbonne; — Les Shakers de la Nouvelle-Foret; — Les nouveaux bâti
ments de l’Ecole polytechnique. — Le Chaudron du diable, nouvelle, par M G. de Chenille (suite). — Chronique du
Sport. — Bulletin bibliographique. — Hcvue financière de la semaine. — Faits divers.
Gravures : Le voyage de l’empereur d’Autriche à Venise : réception de l’empereur par le roi Victor-Emmanuel à son arri
vée à la gare de Venise; — Le cortège des souverains sur le Grand-Canal; — Grand bal donné en l honneur d : l’empereur au palais royal. — Paris : la nouvelle fontaine de la place du Trône. — Grande ! etc de bienfaisance donnée à Narboti >c les d, 4 et 5 avril. — Les nouveaux bâtiments du collège Chaptal (4- gravures). — La France pittoresque : Gien. -— La secte des Shakers en Angleterre : campement des Shakers dans la Nouvelle-Foret. — L hiver de 1875 en Amérique : llottilie de bateaux de pèche bloquée par les glaces au large du cap Cod (Massachussets). — Paris: nouvelle façade de l Ecole polytechnique — Echecs. — Rébus.
HISTOIRE DE LA SEMAINE
FRANCE
Nous avons eu la circulaire Dufaure aux procureurs généraux et le discours du ministre de l’instruction publique aux délégués des sociétés savantes, deux pièces interprétant avec une égale franchise et une égale correction le vole du 25 février.
Nous avons eu encore un autre discours : celui de M. de Meaux, ministre du commerce, qui représente dans le cabinet la minorité de l’Assemblée et ne cache guère que, dans la nouvelle constitution qui « s’im
pose au respect de tous », ce qu’il approuve surtout, c’est son article 8, riante perspective ouverte sur le tombeau où l’on se (latte de la déposer en 1880. Voici maintenant la circulaire Cissey, ou pour mieux dire la note confidentielle adressée par M. le ministre de la guerre aux généraux commandant nos divers corps d’armée.
Cette note porte la date du 20 mars.
Bien que parvenue la dernière à notre connaissance, elle a donc précédé, comme on voit, dans l’ordre du
temps, les divers documents dont nous venons de parler. C’est d’ailleurs un journal anglais qui nous en a révélé l’existence. On sait que, en ce qui regarde les faiis et gestes de ceux qui sont chargés de nos in
térêts, c’est de l’étranger que nous vient aujourd’hui la lumière. Ce qui se passe dans notre maison, nous l’ignorons; heureusement le voisin le sait. Aussi finis
sons-nous toujours par en apprendre quelque chose.
Il faut nous arranger decessinguliers errements. C’est une habitude prise, et, semble-t-il, bonne à garder. A cela près, la note de M. de Cissey est tout à fait satisfaisante. Elle a l’énergie et la brièveté, deux qualités également recommandables.
Elle rappelle aux généraux que si, au fond du cœur, les convictions sont libres, les paroles, les écrits, les actes ne le sont pasi En conséquence, elle les invite à se soumettre aux lois qui règlent l’organisation des pouvoirs publies en France, et ày conformer leur con
duite, ajoutant que « cette obligation est d’autant plus rigoureuse qu’on occupe un rang plus élevé dans la hiérarchie gouvernementale ». Langage correct et qui ne ditfère eu rien de celui de MM. Dufaure et Wallon.
Ainsi donc voici trois des ministres du cabinet du iO mars qui, successivement, se sont crus obligés, en présence des institutions nouvelles, de tracer à leurs subordonnés la ligne de conduite qu’ils ont désormais
à suivre. Cependant nous ne voyons pas que le chef de ce même cabinet ait été, jusqu’ici, tenté d’imiter cet exemple. Un instant toutefois on a pu espérer qu’il allait enfin s’expliquer. Un journal, étranger naturel
lement, l Indépendance belge, pariait dernièrement des « instructions » de M. le ministre de l’intérieur à son personnel administratif. A entendre ce journal, il avait même jeté sur ce document un coup d’œil fur
tif. L’acte constitutionnel y était présenté comme ayant une réelle importance. On y parlait de « régime nouveau défini », peut-être bien cîe république. L’In
dépendance belge se moquait. Tout cela, imagination,
fantaisie pure. Il n’en a jamais été question. C’est ce que la correspondance Havas a su fort bien dire aux feuilles qui avaient le tort de prêter une oreille trop complaisante aux plaisanteries de Y Indépendance.
M. le vice-président du conseil « n’a adressé aux préfets aucune circulaire ». Il s’est seulement entretenu avec ceux qu’il avait, dans ces derniers temps, mandés à Paris. « Il a eu mainte occasion de leur donner
verbalement des instructions sur la politique du cab i net et sur la signification qu’il convient d’attribuer au vote des lois constitutionnelles,» mais voilà tout.
Ainsi, les préfets ont reçu le mot d’ordre, à voix basse, dans le tuyau de l’oreille. Us savent ce qu’ils ont à faire. Pour nous, nous n’en savons rien ; cela ne ncus regarde pas. Comme on le voit, M. Buffet tient à rester vis-à-vis de nous, profanes, dans son rôle de sphinx plus ou moins impénétrable. Eu effet, quelques-uns prétendent qu’il ne faudrait pas être un Œdipe de première force pour deviner le mol de son énigme. Ce mot? Eh ! ne l’allez pas chercher si loin. M. Buffet s’amuse à nous intriguer, et voilà tout. Il se moque de nos suppositions, joue avec nos impa
tiences, rit aux larmes de notre dépit. Plaisir innocent sans doute, mais qui a son côté fâcheux, surtout quand, comme M. le vice-président du conseil, on a la malechauce.
En effet, il ne peut rien dire ni rien, faire qui ne tourne aussitôt contre lui. Ainsi, d’après certaines feuilles officieuses, on s’occupait dans un des derniers conseils, des élections partielles. Les ministres qui représentent la majorité réelle opinaient pour qu’elles fussent faites toutes à la fois. M. Buffet, lui, tint bon pour deux fournées. Peut-être avait-il quelque excellente raison de le vouloir ainsi ; mais, quoi ! l’appa
rence était contre lui. Pourquoi vouloir deux fournées plutôt qu’une, dès l’instant qu’on renonçait aux délais de rigueur? N’était-cepass’exposeràmécontenter tout le monde? Et le publie parlait de là, à tort ou à rai
son. Ainsi encore, il y a quelques jours, M. le vicepresident du conseil faisait voyager une demi-douzaine de préfets d’un département à l’autre, histoire de leur procurer un avancement qu’ils pouvaient avoir mérité. Ces voyages, qualifiés de mouvement préfec
toral, manquant absolument d’intérêt, les journaux libéraux ne s’en étaient occupés un instant que pour en constater l’insignifiance. Mais voilà que tout à coup
les journaux bonapartistes s’avisent d emboucher la trompette : « Ce mouvement assez restreint, écrit le Pays, ne satisfera évidemment pas les républicains. En effet, les sept préfets qui sont déplacés sont en
voyés dans des postes plus importants, un ou deux sont nommés dans des préfectures équivalentes. »
Et YOrdre : « Ce mouvement ne satisfera certainement pas les feuilles radicales et républicaines qui,
depuis le 25 février, demandent une hécatombe defonctionnaires. Il trompe l’attente et contredit les informations des journaux qui se disent dans la confi
dence du pouvoir, et qui annonçaient des révocations et des mises en disponibilité. Il se trouve môme que des préfets vivement attaqués, et dont Ja disgrâce était prédite, rtçoivent de l’avancement... » Et ainsi des autres. Mêmes fanfares sur toute la ligne. Aus
sitôt tout change de face; la situation s’assombrit. Ce mouvement préfectoral sans portée aucune devient très-grave aux yeux de beaucoup de gens qui s’y étaient d’abord a peine arrêtés.
On s’étonne, on s’inquiète, on s’interroge, on se dit : — Il est tout de même bien singulier que les actes de M. Buffet ne réjouissent que les ennemis du gouvernement qu’il vice-préside. Il y a évidemment quelque chose la-dessous. Ce qu’il y a? Nous l’avons dit. Un homme d’esprit un peu taquin, un peu fâché aussi du mauvais accueil fait a son programme et qui,
pour.se venger, se passe de temps à autre la douce satisfaction de faire se hérisser les baguettes des petits tambours du Rappel. Mais il ne faut pas abuser des meilleures choses ; et, à voir les conséquences que peut avoir ce jeu, peut-être M. Buffet trouvera-t-il qu’il est temps d’v mettre fin.
; Cent deux députés de la droite légitimiste viennent d’adresser à M. le cardinal Guibert, archevêque de Paris, une lettre dans laquelle, « voulant comme hommes publics, s’associer à l’idée réparatrice qui a inspiré la promesse de construire sur les hauteurs de Montmartre une église consacrée au sacré-cœur de Jésus », ils lui annoncent l’envoi d’une offrande col
lective et lui expriment l’ardent désir que celte église « renferme une chapelle destinée à rappeler la part prise à ce grand acle religieux par l’Assemblée natio
nale actuelle, et réservée spécialement pour les assemblées futures ».
M. le cardinal Guibert a répondu qu’il avait déjà arrêté, de concert avec le comité de l’œuvre, qu il serait frappé une médaille pour perpétuer le souvenir du vote de la loi du 24 juillet 1873; mais que, sans renoncer à ce projet, il réservera volontiers dans la nouvelle église la chapelle demandée qui « aura une signification plus haute et témoignera mieux de la reconnaissance du pays envers l’Assemblée ».
L Univers reproduit ces deux lettres et ajoute: « Qu’on y songe : la France attend dans l’angoisse, pendant que Vont être jetées les fondations de l’édifice dont le couronnement marquera, chacun le pres
sent, la fin des épreuves qui nous accablent. » Que pourrait dire de plus un ennemi de l’œuvre? La plu
part des autres journaux, mieux avisés, s’abstienn tnt de tout commentaire.
Dimanche dernier ont eu lieu les élections pour le conseil général de la Seine dans les huit cantons subur
bains composant les arrondissements de Saint-Denis et de Sceaux. Dans le premier de ces arrondisse
ments, voici quels ont clé les résultats : canton de Saint-Denis, M. Moreaux, ancien maire révoqué le 24 mai, élu ; canton de Courbevoie, M. Lesage, can
didat radical, élu ; cantons de Neuillv et de Pantin, ballottages. Dans l arrondissement de Sceaux, les quaire candidats sortants ont été réélus. Ce sont MM. Béclard, Raspail, radicaux; Sueur et Ilunebelle, républicains modérés. « En somme, dit te Journal des Débats, ces élections ont été, comme on devait s’y attendre, une affirmation un peu brutale de la Répu
blique. » Et il ajoute : « Nous n’en sommes ni surpris ni effrayés, et. nous ne pensons pas qu’il faille atta
cher une grande importance à cette manifestation prévue dont tes partis avancés ont escompté d’avance les résultats. »
ALLEMAGNE
La note prussienne au gouvernement belge a fait cette semaine encore les frais de la polémique de la presse européenne. Pour notre part nous ne croyons pas que la Belgique ait jamais été sérieusement me
nacée par sa redoutable voisine. Ce n’est point elle qu: visaient en réalité les menaces d’outre-Rhin.
m. de Rismark se sent dans une position difficile. La lutte qu’il a engagée avec le parti ultramontain et le Vatican l’inquiète évidemment, et il ne semble pas qu’il puisse en sortir à son avantage sans quelque grand coup d’éclat. De là tous les prétextes que nous le voyons tour à tour mettre en avant, aujourd’hui ici et demain là, car il est pressé d’en finir. Eu effet, plus le temps passe, plus la position s’aggrave. L’An
gleterre se tient sur la réserve, l’Aulriclie et l’Italie se donnent la main, l’Espagne se rapproche de la France qui, de son côté, reconstitue ses forces. La France sera évidemment dans un avenir prochain le centre de résistance aux empiètements de l’ambition prussienne, sa pierre d’achoppement. Telle est l’unique cause de la colère de M. de Bismark, qui trouve
rait commode d’assurer par noire complet anéantissement sa domination future sur l’Europe.
Il pense qu’il n’est point encore trop tard pour cela. C’est possible. Possible aussi qu’il se trompe. En tout cas, il a été si prodigieusement heureux jusqu’ici, qu’il ferait peut-être bien maintenant de passer la main.
ITALIE
Nous venons de parler de l’amitié qui existe actuellement entre l’Autriche et l’Italie. Le voyage de François-Joseph n’aura pas peu contribué à la cimenter.
L’empereur a déclaré n’avoir aucune arricre-penséc sur ses anciennes possessions italiennes, et le roi a désavoué toute réclamation relative au Tyrol et à l’Islrie. Les intérêts étant ainsi d’accord, comment les cœurs ne le seraient-ils pas ? Aussi les toasts qui ont été portés au grand dîner du 6 ont-ils été significatifs :
« A la santé de S. M. l’empereur et roi d’Autriche- Hongrie ! mon hôte, mon frère et mon ami, a dit Victor-Emmanuel. A la prospérité et à l’union éternelle de nos deux peuples ! » L’empereur a répondu :
« Plein de reconnaissance pour la réception cordiale qui m’a été faite et d’amitié sincère pour Votre
Majesté, je bois à sa santé, à la santé de la famille royale et à la prospérité de l’Italie. »
Il y a des paroles sur lesquelles il n’est pas besoin d’insister; celles-là sont à coup sûr du nombre.
COURRIER DE PARIS
On a déjà beaucoup parlé du prochain Salon; — ii en a été parlé un peu à tort et à tra
vers. — Premier point, le jury de peinture n’a terminé son travail d’examen que samedi der
nier. Ce tribunal n’est plus composé de croquemitaines, ainsi que la chose se voyait autrefois.
Contrairement à ce qui a été dit, H ne s’est pas montré trop sévère, puisque le chiffre des réceplions-dépasse ceux des années précédentes. — Second point, il n’y aura pas de Salon des refusés, et notez que ce n’est pas par suite d’intolérance, mais uniquement parce qu’on manque de