NOS GRAVURES
Voyage de l’empereur d’Autriche A Venise
C’est en passant par Trieste que l’empereur d’Autriche s’est rendu à Venise. A Trieste il a été brillam
ment reçu par une population très-satisfaite d’être unie à l’Empire, parce qu’elle est persuadée que de cette union dépend sa prospérité. Non moins brillant a été l’accueil que lui a fait Venise la belle, trèsheureuse, au contraire, de ne lui appartenir plus.
Ici comme là, d’ailleurs, la réception a été splendide.
Le train impérial est entré à onze heures du matin dans la gare de Venise, où l’attendaient le roi et les princes, ainsi que le syndic. Les deux souverains se sont abordés avec la plus grande cordialité, puis ils sont montés dans la gondole qui devait les conduire au palais royal. Cette gondole est historique. Elle a été construite en 1807 tout exprès pour servir, à cette époque, à l’entrée de Victor-Emmanuel à Ve
nise. A peine se fut-elle mise en marche, descendant le Canal-Grande, entourée des bissones municipales, qu’un immense cortège de gondoles s’élança à sa suite. Les bissones splendidementornées, aux proues surmon
tées d’un dais d’étoffes légères et multicolores, étaient conduites par des rameurs vêtus de culottes courtes de velours, avec vestons de soie bleue, rouge, verte et rose. La gondole royale, tendue de velours, était ornée d’une couronne en argent massif. Dans le ciel d’un bleu pur le soleil brillait, caressant de ses rayons toutes ces richesses qu’il faisait resplendir.
L’aspect était féerique.
La flotille filait comme une flèche le long du Canal- Grande, tout pavoisé. Aux fenêtres des palais qui le bordent pendaient de riches tapisseries. Les balcons chargés de dames qui agitaient leurs mouchoirs res
semblaient à autant de jardins suspendus caressés par la brise. Sur les quais, foule immense, batlant des mains ; en rade, le canon tonnant. Je vous laisse à penser l’animation, le mouvement, le bruit auquel se mêlait encore celui des orchestres placés de distance en distance : le premier vers la gare; le deuxième au pont du Rialto; le troisième près du palais Foscari, à cet endroit où, le canal faisant un coude, s’ouvre tout à coup la plus admirable perspective ; le quatrième enfin vers la Piazzetta et le palais royal où se rendaient les souverains.
Ils débarquèrent sur le môle du palais et gagnèrent presque aussitôt la place Saint-Marc, sur laquelle était rangée la garnison de Venise, qu’ils passèrent en revue . Là, même foule, même enthousiasme, même mouvement dans l’admirable cadre de cette place unique au monde, avec son palais des doges, aux dômes mauresques, à l’escalier monumental, son église Saint-Marc, son palais royal, d’une si riche architecture, sa ceinture d’arcades et sa colonne sur
montée du fameux lion qui semble veiller sur l’entrée du port ! Après la revue et le défilé, l’empereur et le roi, par l’escalier qui se trouve sous les Procuraties, entrèrent dans le palais où, le soir, tandis que la po
pulation se pressait pour admirer les illuminations de ta place et de la mer, d’un effet indescriptible, avait lieu un grand bal, pour lequel plus de trois mille invitations avaient été lancées. Un de nos dessins repré
sente ce bal qui a été très-animé et s’est prolongé fort avant dans la nuit. Inutile d’ajouter que les salons étaient magnifiquement éclairés, les toilettes splendides, le coup d’œil merveilleux.
La seconde journée des fêtes de Venise a été non moins bien remplie que la première. Revue de l’armée italienne à Vigonza, près de Padoue ; promenade au Lido; dîner de gala au palais où ont été portés ces toasts dont il a été tant parlé et que l’on trouvera dans notre Histoire de la semaine; représentation extraordinaire au théâtre de la Fenice : tels étaient les points fixés à l’avance par le programme. Ils ont tous été accomplis de façon à satisfaire les plus difficiles et à laisser dans l’esprit des spectateurs d’impérissables souvenirs.
Le lendemain 7, l’empereur François-Joseph quittait Venise, et, escorté par une escadre italienne, voguait vers les côtes de la Dalmatie.
La fontaine de la place du Trône
Parmi les projets mis en avant pour décorer cet immense espace que l’on appelle la place du Trône,
celui de créer au milieu une fontaine a rallié tous les suffrages. C’était à la fois le plus simple, le plus
économique, et l’édifice ne rappellera aucun souvenir pénible. Le bassin que représente notre gravure se compose d’une immense vasque circulaire séparée de la chaussée par des talus gazonnés et plantés ; au centre, se dresse un faisceau de roseaux en bronze.
De ces roseaux s’élancent des jets d’eau s’étageant les uns au-dessus des autres pour former une puis
sante gerbe, blanche d’écume, qui scintille au soleil et dont le jet central s’élève à une grande hauteur.
Cette fontaine, très-simple, comme on le voit, est surtout remarquable par ses dimensions et par le
volume de sa gerbe d’eau; elle s’aperçoit du milieu des grandes voies dont la place du Trône est le point d’arrivée ; elle répand un peu de fraîcheur sur cette espèce de Sahara parisien, dont il fallait quand même braver la poussière et la chaleur, pour gagner les centres si populeux de Vincennes et de Saint-Mandé.
La nouvelle fontaine offre sur les arcs de triomphe accompagnés de portiques dont nous avons vu, il y a quelques années, les modèles en grandeur réelle, l’avantage de ne pas rétrécir le panorama si étendu et si varié que l’on embrasse de ce point, de ne pas en rompre les lignes visuelles, et surtout elle ne
masquera pas les deux colonnes qui flanquent de chaque côté l’avenue de Vincennes et caractérisent ce côté de l’entrée de la capilale. Dans quelques années, quand les arbres plantés en remplacement des marronniers que l’on a enlevés au profit de l’in
térieur de la ville, auront pris quelque force, la place du Trône sera à l’orient de Paris le véritable pendant de la place de l’Etoile située à l’occident à environ 8 kilomètres de distance. P. L.
Le nouveau college Chaptal
II
Les hauts pavillons qui flanquent les angles de la façade et des bâliments en retour du collège Chaptal,
contiennent le service complet de circulation et de ventilation, c’est-à-dire les escaliers desservant tous les étages, les conduites d’eau de-gaz et d’air chaud, ce dernier provenant des calorifères disposés dans les sous-sols deces mêmes pavillons. Sous les combles de chacun d’eux sont les réservoirs d’eau soutenus sur quatre hautes colonnes de fer.
Les salles d’étude et les classes, éclairées au gaz, munies d’orifices d’appel pour Pair frais, de bouches d’expulsion pour l’air chaud et vicié, sont distribuées au rez-de-chaussée des bâtiments formant le pourtour du collège. Elles prennent jour sur les cours. Les réfectoires, très-étendus, élevés, de plafond, gar
nis de tables en marbre, occupent le rez-de-chaussée et le sous-sol d’une aile centrale. Au premier étage et au second, sont les dortoirs largement éclairés et pourvus eux aussi de bouches ventilatrices.
Des cabinets d’histoire naturelle et de physique, des laboratoires de chimie et de photographie, avec vitrines, cuves, fourneaux, etc., sont voisins de grands amphithéâtres en hémicycle. La salle de dessin, vaste et élevée, que de larges baies éclairent,
peut recevoir un nombre très-grand d’élèves, bien isolés les uns des autres, et sur son pourtour régnent des rangées de tablettes pour les moulages et les ta
bleaux dont la vue habitue les yeux aux proportions comme aux jugements artistiques. Tandis que les combles sont réservés aux gens de service, la cui
sine, unique pour l’établissement, occupe, avec toutes ses dépendances : cellier, boucherie, pannetcrie, laverie, etc., l’étage souterrain.
Si, au point de vue de l’aspect, le nouveau collège franche heureusement avec les édifices maussades dans lesquels sont installés beaucoup de nos établisse
ments scolaires, sous le rapport sanitaire il présente des dispositions qui permettent au jour et à l’air de pénétrer librement, de circuler partout avec abon
dance, d’inonder les cours aussi bien que l’intérieur des bâtiments. Eu égard à l’étendue des e paces libres,
les conslructions ne sont pas trop élevées; les trois cours servant pour les récréations des trois divisions dites du grand, du moyen et du petit collège, sont sépérées les unes des autres par des grilles et des passages, mais non par des murs ; tous les lieux de réu
nion et d’agglomération quels qu’ils soient, classes
ou dortoirs, réfectoires ou amphithéâtres, sont venfilés par orifices d’appel et d’expulsion, et là où celte odeur fado que tous nous n’avons que trop connue pourrait tendre à séjourner, notamment dans les ré
fectoires, les murs sont revêtus de plaques de marbre à leur hase et de stuc dans leur partie supérieure.
Sur le pourtour intérieur des divers bâtiments lèguent, sans solution de continuité, des portiques soute
nus par de légères colonnes de fonte qui permettent de circuler à pied sec d’un point à n’importe quel autre, et, en cas de mauvais temps ou de trop grand soleil, servent de préaux pour les récréations des élèves. Il va sans dire qu’une rangée d arbres règne sur le périmètre de chacune des cours.
Le collège Chaptal a été construit pour recevoir un millier d’élèves, dont quatre cents externes ; peut
être en recevra-t-il davantage. Quand il sera complètement terminé, il aura coûté à la ville de Paris bien près de quatre millions de francs.
P. Laurencin.
L hiver sur les côtes de l’Amérique
Le dernier hiver a été d’une rigueur extrême sur les rivages américains que baignent lesflots del’Atlantique du Nord. Il est probable que jamais les baies et les anses n’avaient été recouvertes d’une croûte de glace aussi épaisse. Les hardis pêcheurs qui poursui
vent le poisson le long des côtes du Massachussets, dans les parages du cap Cod, ont dû subir, en dehors des périls inhérents à leur profession, 1 influence d un véritable climat des régions arctiques. Près deProvincetown, une flotte de bâtiments de pêche a été sur
prise par le froid et emprisonnée, presque ensevelie dans un banc et sous des monceaux déglacé; pendant quelque temps, le sort des équipages inspira de grandes inquiétudes. Impossible d’approcher durivage bloqué par les glaces qui, en plusieurs endroits, for
maient des amoncellements de plusieurs pieds de hauteur; impossible par conséquent de renouveler les provisions devenues rares; tous les efforts tentés pour briser le banc demeurèrent infructueux : la position était donc en effet des plus périlleuses. Le steamer le Gallatin tenta, sans pouvoir réussir, à s’approcher des prisonniers; à son tour,, l’aviso le Major, de Boston, se traça un chenal en faisant scier la glace par ses hommes et, après plusieurs jours d efforts, il parvint à dégager quelques-uns des navires. Si les autres durent attendre le dégel, ils purent du moins être approvisionnés de vivres et de
combustible. Il est curieux de penser que le 15 février une flotte de pêche était ainsi prisonnière dans ces mêmes eaux où, l’été, la flotte des touristes se laisse paresseusement bercer sur les vagues en respirant l’air réputé si doux de l’Atlantique.
Gien
Gien est une petite ville d’environ sept mille âmes. Elle occupe, dans le département du Loiret, une situa
tion assez pittoresque sur la rive droite de la Loire, qu’on y passe sur un très-beau pont de pierres
Ce pont, qui date de la fin du xve siècle, a douze arches, les unes en plein cintre, les autres en arcs surbaissés.
Un ancien château en briques et pierres, bordé de hautes terrasses, domine la ville et la vallée de la Loire. Ce château, où l’on remarque d’élégantes tou
relles, a été reconstruit en 1494 par Anne deBeaujeu.
On remarque encore à Gien, outre quelques maisons sculptées du xye et du xvr’ siècle, deux églises :
Saint-Louis, qui date du xvn” siècle, et Saint-Pierredu-Châleau, édifice moderne élevé sur l’emplacement d’une ancienne église dont il reste une tour, du haut de laquelle on voit se dérouler un immense panorama sur le Berry, le Nivernais et l’Orléanais.
Gien était jadis un comté. En 1410, une ligue y fut conclue contre Jean-sans-Peur entre les chefs des Ar
magnacs. A 1 kilomètre nord-ouest de la ville est le Vieux-Gien, hameau où l’on trouve beaucoup de débris romains.
Grande fête de charité à Narbonue
Celte magnifique fête a duré trois jours, les 3, 4 et 5 avril. Elle a commencé le 3, dans la soirée, par des salves d’artillerie, une brillante illumination et une retraite aux flambeaux par la Lyre Narbonnaise.
Le 4, qui était un dimanche, a eu lieu la cavalcade que représente notre dessin. Parti du Champ de Mars à une heure, le cortège est entré en ville pré
cédé d’un piquet degendannes, de deux bannières aux armes de ia cité, de six trompettes et d’un peloton du 17e dragons. Il était suivi du char de la Saint-Hubert, monté par les troupes du 100° de ligne, et de ce charmant castelet qui est à Narbonne un peu de toules les fêtes, riant échafaudage de rubans et de fleurs, au haut duquel est emprisonnée une colombe et que portaient, en dansant les plus jeunes_ garçons de la corporation des jardiniers. Puis venaient les autres chars : char de l’Agriculture, offert par la direction del’Aleazar; char de l’Industrie, organisé par le cercle de l’Industrie; char de la Quête, portant aux quatre angles des trophées de drapeaux reliés par un écusson aux armes de la ville; gondole vénitienne, offerte par le cercle du Commerce et montée par les artistes du théâtre; char Louis XV, portant la musique du 100e de ligne; char de la ville de Narbonne au moyen âge, place forte roulante avec tours, tourelles, créneaux et mâchicoulis, et traîné par six chevaux conduits par un homme d’armes. Inutile d’ajouter qu’entre ces chars