SOMMAIRE.
Texte : Histoire de la semaine. — Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand — Le Chaudron du diable, nouvelle, par
M G. de Clicrville (suite). — Les Théâtres. — Le Salon de 1S75 (V). — Chronique du Sport. — Nos gravures : Coup de vent sur te Nil pendant l’inondation, tableau de M. Berchère;— Le cliàtéau de Haddon-Hall (Üerbyshire) au moment où les soldats de Cromwell l’envahissent, tableau de M. Castiffliônê; — Le public aux courses de Longchamps; — Un bateau-mouche un jour de courses; — Visite du prince de Galles aux bâtiments destinés à l’expédition anglaise du pôle Nord.
La deuxième traversée du capitaine JBoyton. — Revue comique du mois, par Bertall. — Revue financière de la semaine. — Faits divers. — Echecs. — Le nouvel hôtel de la Société d Encouragement pour l’industrie nationale.
Gravures : Salon de 1675 : Un coup de vent sur le Ail pendant Vinondation, tableau de M. Rerehère; — Le château de Had
don-Hall (Desbyshire) au moment où tes soldats de Cromwell Venvahissent, tableau de M. Castiglione. —* Le grand prix c.e Paris : le publie attendant l’arrivée. — Types et physionomies de Paris : un bateau-mouche le jour de la course du grand
prix de Paris. — Le prince de Galles visitant Y Alerte, navire frété par le gouvernement anglais pour l’expédition au pôle Nord. — Revue comique du mois, par Rcrtall (fi sujets). — Paris : le nouveau local d-*. la Société d’encouragement pour l’industrie nationale. — Rébus.


HISTOIRE DE LA SEMAINE


FRANCE
La nouvelle commission des Trente ne parail pas disposée à suivre les errements de l’ancienne. À peine nommée, elle s’est mise à l’œuvre. On dirait vrai
ment qu’elle a hâte d’accomplir la tâche dont elle a été chargée.
Le 27 mai elle a tenu sa première séance, dans laquelle elle a constitué son bureau et réglé l’ordre de ses travaux. Elle a nommé : président, M. de Lavergne; vice-présidents, MM. Laboulaye et Le Royer; secrétaires, MM. Beau, Voisin, de Marcère et Delorme.
En prenant possession du fauteuil, M. de Lavergne a prononcé une allocution qui a été très-chaudement accueillie, ce qui se comprend. Il a dit que l Assem
blée avait fait de très-grandes choses. Puis il a ajouté que, puisque cette même Assemblée, qui est sûre dé
sormais de doler la France d’un gouvernement, avait cru devoir, forcée, et contrainte par les circonstances, donner à ce gouvernement la forme, républicaine, c’était un devoir pour tous les bons citoyens de s’y rallier. Il ne s’est pas expliqué d’ailleurs sur le cas où les circonslances viendraient à se montrer moins rigoureuses. Mais le texte même des projets complé
mentaires comble suffisamment cette lacune. Aussi ne faut-il pas s’étonner s’ils ont provoqué dans le sein même de la commission certaines criliques assez justes, au point de vue républicain, bien entendu. Mais n’anticipons pas.
Après l’allocution de M. le président Lavergne, la commission a décidé qu’elle se réunirait tous les jours, moins le jeudi, et qu’elle examinerait les lois organiques dans l’ordre suivant : d’abord la loi sur les rapports des pouvoirs publics, puis celle concernant les élections sénatoriales, finalement la loi élec
torale politique. C’est peut-être l’ordre inverse qu’il eût été plus logique d’adopter ; mais la logique, on sait cela, a rarement été la régulatrice des travaux de l’Assemblée, condamnée de naissance par son mor
cellement à toutes sortes d’errements bizarres, de compromis saugrenus. Bref, en cette circonstance, elle a dû encore louvoyer, pour éviter de donner tout d’abord contre un écueil sur lequel semble devoir la pousser la question du scrutin dans la loi électorale politique : une crise ministérielle. Elle a bien fait si, ce qui est probable,, nous devons gagner à cela de faire un pas de plus en avant. C’est ainsi qu’il peut y avoir quelquefois avantage, on le voit, à mettre la charrue devant les bœufs.
Comme elle l’avait décidé, la commission a donc examiné tout d’abord la loi sur les rapports des pouvoirs publics.
C’est sur l’article 2, qui attribue au président de la République le droit d’ajourner les Chambres, de les convoquer extraordinairement, et ne lui impose le devoir de le faire sur leur demande que si cette de
mande est formulée parla moitié plus un des membres de chaque Chambre, que la discussion a principalement porté.
Eu effet, tout est là.
La représentation nationale, voilà la souveraine, dont le pouvoir exécutif n’est que le chargé d’affaires. De là la nécessité de la permanence de la représentation, soit effectivement comme sous la première répu
blique, soit, dans l’intervalle de ses sessions, par une commission, comme sous la deuxième et la troisième. Avec une seule Chambre, point de difficulté à cela.
Avec deux, c’est autre chose ; mais s’il est utile que le pouvoir exécutif intervienne en cas de désaccord entre
les deux Chambres, ce ne peut être qu’à titre d’arbitre accepté d’avance par les parties, et dans ce cas-là seulement. La représentation, c’est-à-dire la souve
raineté nationale, do»t rester seule maîtresse de ses mouvements et, sous peine d’abdiquer, ne jamais disparaître.
Voilà, croyons-nous, et quoi que l’on puisse dire, les vrais principes, toujours au point de vue républicain, naturellement.
Or, franchement, il ne nous semble pas que ce soit à ce point de vue là que M. Dufaure se soit placé en rédigeant son projet de loi sur les rapports des pouvoirs publics. En supprimant la permanence de la re
présentation, il intervertit évidemment les termes
entre les deux pouvoirs, et se rapproche d’autant d’une autre forme de gouvernement, qui peut avoir son mérite, nous rie le contestons pas, mais qui n’est plus la République. De là les contradictions que l’on rencontre dans son projet de loi. En vain dira-t-on qu’il sauvegarde les droils de la représentation nationale, en lui permettant de mettre en demeure le pré
sident de la République de la convoquer, si la moitié plus un de ses membres des deux Chambres en manifeste le désir. C’est là une concession à peu près illusoire. Eu effet, que d’efforts à faire pour réunir l’ad
hésion de la moitié des députés et des sénateurs. M. Dufaure a avoué lui-même, devant la commission,
que ce sera il très-difficile, et qu’il l’a voulu ainsi. Et il ne sera guère plus facile d’en réunir un tiers plus un, suivant le terme moyen adopté par la commission, désireuse, trop désireuse peut-être d’arriver à un ac
commodement, puisque c est là le seul amendement — si amendement, il y a — qu’elle ait cru devoir ap
porter à l’article 2 du projet du gouvernement. Elle a également adopté un amendement à l’article 7, dans lequel il est dit que le président de la République ne pourra déclaier la guerre sans l’assen iment préalable des deux Chambres. Après quoi, M. Laboulaye a été nommé rapporteur, et très-vraisemblablement la dis
cussion publique de ce premier projet de loi aura lieu la semaine prochaine ou au plus tard dans les premiers jours de la semaine suivante.
Tandis que la nouvelle commission des Trente poussait avec une si louable activité l’examen des projets de lois complémentaires, la Chambre , de son côté, poursuivait le cours de ses travaux. Elle a d’a­
bord terminé en première lecture la discussion sur les chemins de fer à concéder à la compagnie Paris- Lyon-Méditerranée et décidé qu’elle passerait à une seconde délibération. Puis elle a mis à son ordre du jour la loi sur la liberté de l’enseignement supérieur, sur la demande de M. l’évêque d’Orléans, et re
poussé un projet tendant à faire indemniser les pro
priétaires de bestiaux morts de la peste bovine dans les départements envahis. Finalement elle a procédé au renouvellement de son bureau. M. d’Audiffret- Pasquier a été réélu président de l’Assemblée par 431
voix sur 521 votants. Les quatre vice-présidents en fonctions : MM. Martel, Duclerc, de Kerdrel et Ricard, ont été également réélus, malgré la droite qui portait M. deTalhouët en concurrence avec M. Ricard, il en a été de même pour les secrétaires, M. Méplain, porté par la droite et M. Vandier par le centre droit, ayant l’un et l’autre échoué. Ce triple scrutin, qui maintient dans la constitution du bureau la prépondérance des représentants de la majorité constitutionnelle, a eu lieu dans le plus grand ordre. Tout est au calme plat du reste à l’Assemblée depuis quelque temps. Cepen
dant, à l’horizon, vient de surgir un petit point noir qui pourrait bien être le précurseur d’une prochaine tempête.
En quatre mots en voici la cause :
R y a quelques jours les journaux de Lyon nous apprenaient que des perquisitions avaient été faites chez seize habitants de celte ville : anciens magistrats, hommes de lettres, rentiers, commerçants. Au
jourd’hui on ne sait pas encore pourquoi. Suivant le Salut public, ces perquisitions auraient été ordonnées à la suite de la saisie d’une lettre adressée par un dos chefs du parti radical à un de ses agents lyonnais.
Cette lettre était écrite en chiffres, dont « la clef était indiquée au verso ». La Décentralisation nomme M. le Royer, et le Courrier de Lyon M. Gambella. On parle de société secrète, de complot contre la sûreté publique. On dit ce qu’on veut, en réalité on ne sait rien. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’aucune arrestation n’a été opérée, ce qui semblerait prouver que les choses ne sont pas aussi graves qu’on est en droit de le croire dans le public ; car, comme l’a dit avec assez de raison le Courrier de Lyon, organe du centre droit : « Ce n’est pas sur des indications suspectes ou de vagues soupçons qu’un fonctionnaire sérieux eût osé mettre aussi en émoi tout une grande ville. » Espérons que M. le préfet du Rhône Ducros nous donnera bientôt la clef de ce mystère.
En attendant, TUnion républicaine s’est fort i de ces faits, dont Ta entretenue M. Edouard Mil député du Rhône, dans une de ses dernières
nions. Elle avait résolu de porter l affaire d l’Assemblée, mais bientôt, par un retour pru
elle a remis toute décision jusqu’à la clôture de struction qui a été ouverte à la suite des perquisi dont il s’agit et qui suit en ce moment son c Nous aimons à croire que cette instruction aura
résultat de dissiper tout nuage, et qu’ai nsi l’c annoncé n’aura été qu’une menace vaine.
Un mot en terminant sur la crise européenne quelle a mis fin la visite de l’empereur de Rus Berlin. Des dépêches venues ces jours der
niaient encore qu’il y eût eu un sérieux dangt guerre. Lord Derby, répondant à une interpeli
de lord Russell, vient pour la seconde fois de rél à la Chambre des lords, la vérité des faits. Il ré de ses explications que, « d’après le langage ouv
ment tenu à Berlin par des personnes de la plus 1 autorité, l’armée française était devenue une sc de dangers pour l’Allemagne », où Ton prêtait
France l’intention de recommencer prochaineme guerre et « Ton proclamait que si l’intention d’ quer T Allemagne existait en effet, celle-ci pouv; croire appelée à porter le premier coup poi propre defense ». Bref, on voulait exiger de la Fr un désarmement immédiat. L’Angleterre s’ému ces prétentions, et, sur sa demande, le gouverne
français désavoua aussitôt toute intention beliiqui le chef du foreign-office reconnaissant d’ailleurs « après ses malheurs et ses humiliations, il était
naturel que 1a. France désirât avoir une armée non-seulement lui donnât de l’autorité à Tintér
mais lui acquit en Europe l’influence à laquelle croit avoir de justes droils ». C’est alors que TAi terre offrit « ses bons offices » dans l’intérêt du î: tæn de la paix, de même que la Russie qui lui en aide dans ces circoœ-tanccs « pour empêchi nouvel empire allemand de faire un acte qui a répugné au sentiment de toute l’Europe. » Et
comme le péril qui menaçait la paix pût finalei être écarté. Quoi que Ton dise à Berlin ou ailh c’est là maintenant un fait acquis à l’histoire, et n’est plus permis à personne de révoquer en d(
ALLEMAGNE
Le roi et la reine de Suède sont en ce inomer Pl usse. Les journaux allemands se livrent, à pr
de cette visite, à des commentaires très-enlhousi;
et qui leur sont habituels. A en croire la Gazelt l Allemagne du nord, il faudrait y voir une pr
que la Suède « s’associe indissolublement à la pc que des trois empereurs ». La récente fortune de
pays a un peu fait tourner la tête aux feuilles ; mandes, et doit laire excuser la naïveté d une par affirmation. S’il y a quelque chose de politique ( le voyage du roi de Suède, il ne faut certainer pas l’entendre dans le sens que Ton prête habitui ment à ce mot.
On disait, l’autre jour, ce qu’on dit I les ans.
— Aussitôt le Derby couru, Paris ne sera ] tenable; il faudra faire ses malles et partir.
Eh bien, non, il n’en est rien. Voilà qui jours que le grand prix a été couru, et Ton ne : va pas encore. Il y a une fausse sortie, à causi l’Exposition d’horticulture. En effet, tous c qui n’ont pas renié le vieux culte des fie prennent le chemin de l’Orangerie.
11 y avait eu une autre raison pour qu’on partît pas si vite. Un moment on s’est attend voir apparaître le capitaine Boyton. C’était à
Je verrait de près avec son costume en caoulcho ses hélices , son pavillon et la pipe qu’il fu triomphalement au milieu des Ilots. Ceux qui prétendaient bien informés nous disaient
-— Attendez! l’intrépide Américain nagera t d’une traite de Bercy à Saint-Cloud; sans s’ar ter, sans souffler, en fumant.
Sur la foi de cette nouvelle, on comraenç déjà à louer les 50 000 fenêtres qui donnent : la Seine, de chaque côté des quais. Vous sa
maintenant que l’affaire a raté. Le capitaine B ton ne viendra pas. Sachant que la Seine n’


COURRIER DE PARIS