qu’un mince filet d’eau, une carafe resserrée entre deux rives, il s’est cru humilié, lui qui est habitué aux ampleurs de l’Océan. — Résultat : il n’v a plus pour le quart d’heure d’autre nouveauté que l’Exposition d’horticulture.




Les fleurs, n’est-ce donc rien?




Samedi dernier a eu lieu l’ouverture ; c’était déjà une très-belle cérémonie. Beaucoup de beau monde. Beaucoup de femmes à la mode. Beaucoup de grands propriétaires. Beaucoup d’ama




teurs. On a généralement trouvé de fort bon goût les bouquets présentés par les commissaires aux dames qui, par leur présence, ont, bien voulu donner un relief d’élégance à cette matinée. Au surplus, sachez que, celte année, l’exhibition est plus nombreuse et mieux agencée que les années précédentes. B y a beaucoup de sujets nouveaux, ce qui n’empêche pas qü’on ne soit tou jours occupé de deux riches variétés, œillets et tulipes.




Il parait que les sceptiques et autres beaux esprits rient grandement à ce seul mot d’Exposition d’horticulture.—Lesfleurs ! l’idylle! le madrigal ! le bouquet à Chloris ! que de choses




fanées! —Eh ! pardieu, laissez-Ies rire, s’ils ont le cœur à la gaieté, mais n’oubliez pas que le spectacle que nous donne en ce moment l’Oran




gerie a bien son mérite, en dépit des rieurs, Dans ce vieux palais, encore calciné par la guerre civile, il est venu des produits de toute la France. En voilà d’Angers, d’Avignon, de Lyon, de,Mont




pellier, de Rennes et de Versailles. — j’en passe et des meilleurs, vous l’avez deviné. — Cent mille étrangers et cinquante mille Parisiens visitent




ces galeries avec un zèle vraiment patriotique. On prend les noms des principaux éducateurs ; on achète des plants, des graines, des boutures ; on fait du commerce, chose qui profite en définitive à notre trésor qui a si grand besoin d’être res




tauré. J’oubliais ! On prouve par des faits que les raretés floréales de l’Inde, du Japon et de la Chine arrivent de plus en plus à s’acclimater chez nous.




Quand l’Exposition d’horticulture arrivera à son dernier jour, on fera encore une fête.




Pour le coup cette seconde solennité attirera la fleur des jardiniers de l’Europe. Des récompen




ses sont dès à présent promises à tous les




végétaux qui se seront distingués dans le courant de cette campagne soit par leurs vertus privées, soit par leur parfum. A qui le prix d’honneur? On suppose qu’il sera remporté, comme de coutume, par un jeune dahlia tirant




sur le bleu. — Ah ! si nous mettions la main sur un dahlia bleu, les deux mondes accourraient pour le voir! — Les camélias sont écartés, parce qu’il y a toujours beaucoup à dire sur leurs mœurs.—C’est, paraît-il, aune vertueuse oreille d’ours que sera le prix de sagesse. — Le prix d’éloquence doit être adjugé à une jacinthe, la fleur de Mirabeau. — On n’apprendra pas sans plaisir que les tulipes ont des chances pour tous les accessits indistinctement. — Beaucoup d’entre elles sortent de l’admirable Fleuriste de Passy.




— On ne parle presque pas des roses. — Que voulez-vous ? il y a déjà longtemps que les roses sont hors de concours. — Certains délicats trou




vent que les roses contractent décidément trop de mariages qui ressemblent à des mésalliances. — Néanmoins on encouragera quelques jeunes bou




tures par une mention honorable ou par une médaille. Un banquet a ouvert l’Exposition, un banquet la clôturera. — Au dessert, les horticulteurs croqueront un réaliste.




N. B. — Le jury a, dès à présent, procédé à ses opérations ; il a désigné les objets d’art et les




fleurs à couronner, mais cela n’exclut en rien la cérémonie finale dont il est question dans notre Courrier.


Une petite comédienne des boulevards étant en tournée à Bordeaux y aurait gravement insulté, en plein théâtre, un critique de l’endroit.


— Est-ce vrai ? — U y a procès, on saura donc à quoi s’en tenir sur le fait. Quoi qu’il en soit, l’é­ pisode a fait grand bruit dans le monde du feuil


leton. Plus d’un journaliste jette feu et flamme sur les gens de théâtre dont les gazettes font sans cesse la réputation et par conséquent la for
tune. L’un d’eux s’est écrié en répétant un mot d’une célébrité littéraire.
— N’imprimons plus si souvent leurs noms et ils n’auront plus tant d’impertinence.
Il y a déjà une trentaine d’années que Nestor Roqueplan prévoyait l’échéance de scènes analogues à celle qui vient de se produire à Bor
deaux. Tour à tour directeur de l’Opéra et des Variétés, il avait été à même d’étudier les artistes dramatiques plus que personne. Son sentiment était qu’on pouvait et qu’on devait avoir beau
coup d’estime pour ceux d’entre eux qui ont du talent, mais qu’il fallait se garer de toute fréquen
tation qui ressemblerait à de la familiarité. Une chose le choquait par-dessus tout, c’était le tu
toiement aujourd’hui si répandu entre rédacteurs de journaux et comédiens de tout rang.
— Pardieu, disait-il, le moment va venir où le public vous prendra indifféremment les uns pour les autres.
Au reste, le temps où nous sommes fait tout ce qu’il peut pour que les gens de théâtre aient l’allure d’enfants gâtés. A une époque où l’argent est tout, on les paye plus que des minis
tres, plus que des généraux, plus que des hommes de génie. Pour le moindre mouvement de scène
un peu réussi, on les rappelle ; on les couvre d’applaudissements et de fleurs.
Comment ne se croiraient-ils pas les premiers des hommes ou les premières des femmes?
Je sais un chanteur d’Opéra qu’il ne me convient pas de nommer ici. B avait un engagement de 80 000 francs par an, ce qui le portait naturellement à s’exagérer son mérite.
Un jour, dans un foyer de théâtre, on prononçait devant lui le nom de Jules Janiu.
— Vous parlez toujours de ce gros homme, dit-il. Quelle importance a-t-il donc? Combien gagne-t-il par an ?
— Douze mille francs, rien que pour son feuilleton.
— Douze mille francs ! c’est bizarre. Je croyais que ces gens-là ne gagnaientjamaisplusde douze cents francs.
AAAA Quand Bonaparte n’était encore qu’un simple officier de fortune, il avait fait connais
sance de Talma et de Dugazon, c’est-à-dire des deux artistes du Théâtre-Français qui ont le plus marqué pendant la Révolution. Plus tard, après le 18 Brumaire, à l’époque où il partageait le Consulat en tiers, il les voyait encore de temps en temps.
Un jour, à Saint-Cloud, Dugazon assistait à une réception sans cérémonie ; le général crut re
marquer que l’embonpoint de l’acteur augmentait considérablement.
— Comme vous vous arrondissez, Dugazon ! lui dit-ii en lui frappant sur le ventre.
— Pas autant que vous, petit père, répondit le comédien en se permettant le même geste.
Le petit père ne répondit rien ; seulement il tourna les talons d’une manière significative et Dugazon ne fut plus admis en sa présence.
Fouché, duc d’Olrante, raconte le trait dans ses Mémoires et il ajoute :
— Eh ! dame aussi, pourquoi lui frappait-il sur le ventre ?
L’actualité exige encore un mot sur le même grand homme.
Cette semaine, on s’est beaucoup amusé à faire des anagrammes. Plusieurs journaux ont été cou
verts de ceux qu’on a imaginés. Le Siècle a cité surtout celui qu’on trouve dans les deux mots :
Révolution française, c’est-à-dire : Un Corse la finira, et l’on sait, ajoute-t-il, qu’il ne Ta pas finie.
En 1804, au sortir du sacre, tel qu’il a été décrit par le pinceau de Louis David, on se mit à


dire pour la première fois : Napoléon, empereur des Français.


Ces mots déplaisaient à M. Roux-Laborie, royaliste bien connu ; voici l’anagramme qu’il y


découvrit : — Un pape serf a sacré le noir démon.


Les concerts ont repris le haut du pavé. Avant de quitter Paris, le beau monde passe d’une lête musicale à une autre. Dimanche dernier, à la salle Ilerz, a eu lieu une matinée donnée par M“° Lafaix-Gontié, une cantatrice que les habitués de l’Opéra-Comique n’ont assurément pas ou
bliée. Retirée du théâtre mais non de l’art où elle a acquis sa réputation, M ne Lafaix-Gontié a con
tracté l’habitude de réunir, tous les ans, dans une fête, les nombreux et remarquables élèves dont elle dirige l’instruction musicale. Cette année,
cette fête se donnait avec le concours d’artistes distingués venus de l’Opéra-Gomique, de la So
ciété du Conservatoire et d’autres centres lyriques du bon coin. C’est dire que cette matinée a été vivement applaudie.
Toujours dans la même gamme.
Parlons, en passant, d’une nouveauté musicale toute fraîche : Voulzie, par M. Henri de Fava.
S’il est un nom bien doux, fait poui la poésie, Oh! dites, n’est-ce pas le nom de la Voulzie?
La Voulzie, est-ce un fleuve aux grandes îles? non; Mais avec un murmure aussi doux que son nom, Un tout petit ruisseau coulant visible à peine; Un géant altéré le boirait d’une haleine;
Le nain vert Obéron, jouant au bord des Ilots, Sauterait par-dessus sans mouiller ses grelots.
Sur ces beaux vers du Myosotis et sur les cinquante qui les suivent, un musicien de talent vient donc de broder un morceau de genre pour
piano. Si l’élégie d’Hégésippe Moreau est tenue pour un chef-d’œuvre de rythme et de mélancolie,
la musique de M. de Fava n’est pas indigne de ce chef-d’œuvre. Pour qu’on n’éprouve pas de doute à cet égard, Henri Herz l’a approuvée des deux mains et cette adhésion est à elle seule une garantie de succès.
On répète à tout propos que la comédie s’en va.
II n’en est rien, nous le savons tous ; on n’a qu’un pas à faire pour la rencontrer dans Paris.
Tenez, mardi dernier , la comédie se trouvait au Palais de justice, en pleine Salle des Pas- Perdus.
Un charbonnier du faubourg Montmartre, condamné en police correctionnelle pour avoir battu sa femme, poussait les hauts cris.
— Où allons-nous, grand Dieu? où allons-nous? disait-il. Comment! il ne me sera pas permis de battre la femme à moi, dans une chambre à moi, avec un manche à balai à moi! Allons, je la trouve roide, celle-là.
De tous côtés, les environs de Paris sont en liesse.
A Alfort, on a renouvelé un truc qui amusait déjà beaucoup nos pères.
Un charlatan a écrit, sur son échoppe : « Ici, » pour la bagatelle de deux sous, chacun de vous » pourra voir la personne qui l’aime le mieux.
» Pour éviter la curiosité et les indiscrétions, on » n’admettra qu’un spectateur à la fois. » On entre dans une baraque en toile rouge et l’on se trouve en face d’une glace de Venise dans laquelle on a le plaisir de contempler sa propre image.
— Demandez à ceux qui sortent, dit le charlatan , demandez-leur si l’on ne voit pas ici dedans ce que nous annonçons au dehors ; deman
dez-leur si, oui ou non, elles ont vu la personne qui les aime le plus au monde.
— Qui, oui, rien de plus vrai.
— Eh bien, suivez le monde et en avant la musique !
A Neuilly, dans un orchestre forain, parmi les exécutants, on aperçoit un nain exces
sivement petit .qui fait mouvoir un ophicléide énorme.
— Cette fois, a dit J*** N***, vous voyez bien que c’est l’instrument qui joue de l’homme.
PHIUBEUT AuDEBRAND.