SOMMAIRE.
Texte : Histoire de la semaine. — Courrier de Paris, par M. Philibert Audebrand — Le Chaudron du diable, nouvelle, par
M G. de Chenille (suite). — Les Théâtres. — Nos gravures: Le centenaire de Boïeldieu (S* article); — Pose de la pre
mière pierre de l’église du Sacré-Cœur, à Montmartre; — L’église de Saint-Ep vre, de Nancy; — La pêche, tableau de M. Lirai in Girard — Revue financière de la semaine. — Chronique du Sport. — Bulletin bibliographique. — Annonay, Vidalon, Thoreuç. — Faits divers. .— Le monument de Théophile Gautier.
Gravures : Pose de la première pierre de l’église du Sacré- Cœur, à Montmartre. — La nouvelle basilique de Saint-Epvrc, à Nancy. — Les fêtes de Rouen : le grand concours d’or
phéons; types d’orphéonistes; — La fête vénitienne sur la Seine; — La réception à l’hôtel de ville; — Distribution des
récompenses aux orphéons ; — Couronnement du buste de Boïeldieu au théâtre des Arts. — La France pittoresque .
Annonay (Ardcchc) et ses environs (4 gravures). — Types et physionomies de Paris : devant une fontaine Wallace. — Le monument de Théophile Gautier au cimetière Montmartre.
— Échecs. — Rébus.


HISTOIRE DE LA SEMAINE


FRANCE
L’Assemblée nationale a termine la discussion en deuxième lecture de la loi sur la liberté de renseignement supérieur. .
La question de la collation des gracies a été tranchée suivant le désir de M. révoque d’Orléans, qui soute
nait l’amendement Paris. Cet amendement a été adopté. Il se compose de deux articles : le premier,
laissant aux élèves des Facultés libres le droit de se présenter, soit devant les examinateurs de l’Etat, soit devant un jury mixte; le second réglant la composi
tion do ce jury, qui sera formé-, en nombre égai, de professeurs ou d’agrégés des Facilités de 1 Elat, et de professeurs de la Faeullé libre à laquelle appartien
dront les élèves à examiner. Celte belle invention, qui ne peut évidemment profiter, quoi qu’on en dise,
qu’aux élèves sortis de l’Université, ou diplômés par ses seuls examinateurs, on somme à l’enseignement de l’Etat, - été votée par 358 voix contre 321.
L Assemblée s’esl ensuite occupée du soin de créer au Trésor de nouvelles ressources en augmentant cer
tains droits d’iMii cgislremenl; puis, sur la demande de M. L ib julaye, el malgré l’opposition de MM. de Larocliefouceuid-Disaecia et de Gavardie, elle mit en
tôle de son ordre du jour la loi sur les rapports des pouvoirs publics.
En conséquence celte loi venait en discussion au commencement de la présente semaine, et amenait successivement à la tribune, malgré leurs amis,
MM. Louis Blanc et Madier de Montjau, qui, tour à tour et avec les mômes armes, ont combattu la consti
tution du 25 février. Ils ont dû que cette constitution n’est point du tout républicaine ; qu’elle assure au pouvoir exécutif sur le pouvoir législatif une prédomi
nance qui est en contradiction avec le principe de la souveraineté nationale; qu’elle n’est en réalité qu’un
suprême effort de l’esprit monarchique contre l’esprit républicain, et qu’en effet, le gouvernement conserve son appui aux préfets du 24 mai, aux maires connus pour leur hosiilité à la république ; - u’au milieu du calme, des arrestations arbitraires, des visites domi
ciliaires ont lieu; que l’état de siège règne dans quarante départements; que la nécessité de autori
sation préalable proscrit la pensée avant, qu’elle soit née, et bien d’autres choses encore, parfaitement vraies pour ia plupart.
Est-ce cependant une raison suffisant pour repousser l’œuvre du 25 février? Les royalistes le croient et !e disent. Et ils ont pour cela d’excellentes raisons. Aussi n’ont-ils pas ménagé les applaudissements aux deux orateurs intransigeants de 1 extrême gauche. .Mais pour les républicains c’est une autre affaire.
Tandis que, après 1848, MM. Louis Blanc et Madier de Monljau « qui n’ont rien appris ni rien oublié »,
s’en tonnaient du sommeil du juste sur l’oreiller des principes, au nom desquels il est si facile de bâtir en l’air et tout d’une pièce des édifices parfaits, le parti auquel ils appartiennent, très-éveillé, très-désireux de se produire .enfin efficacement, descendait tout dou
cement du domaine de l’idéal et posait le pied sur celui de la réalité. Alors, après avoir mesuré ia dis
tance qui sépare ces deux domaines, touchant du doigt les difficultés qu’il y a, du moins en politique,
à faire passer une idée de la théorie à la pratique, à caus3. des résistances inévitables que doit opposer à l’application de cette idée un milieu depuis longtemps façonné d’après d’autres règles, il comprit qu’il lui fallait, sous peine de toujours échouer, heurter le moins possible ce milieu, n’y faire pénétrer que doucement ses principes, au besoin en les faisant un peu
plier, et y amener ainsi petit à petit, par une série continue de transactions et d’accomtnodenienls, une transformation, lente sans doute, mais certaine. En ce bas monde, les idées ne s’implantent guère antrement, et ce n’est pas d’une autre façon que le progrès se fait. La politique actuelle des républicains ne man
que donc pas d’habileté, quoi qu’en puissent dire MM. Louis Blanc et Madier de Monljau; et l’at itude des partis monarchiques, tandis qu’ils combattaient leurs amis, a dû leur faire’faire de singulières ré
flexions. En somme, que veulenl-ils? Ils ne l’ont pas dit. Et quelle autre conduite auraient pu tenir les républicains, en vue du triomphe plus ou moins pro
bable de leur principe? Même silence. Ne pouvant avoir tout, eussent-ils préféré n’avoir rien? Cela eût été certainement plus facile. Mais leurs amis ont eu sans doute raison à leur point de vue, de n’être pas de cet avis, car il est loin d’êlre prouvé qu’ils ne sont point dans le vrai et qu’ils ne réussiront pas. Certainement, il y a beaucoup de la monarchie dans la con
stitution de février, mais il y a aussi un peu de la république, et c’est un commencement. Aux premiers
siècles de notre histoire, la république n’entraii-elle pas aussi pour beaucoup dans la monarchie? On sait ce qu’étaient les rois francs. Cependant, par cela seul qu’ils étaient, si peu qu’ils fussent, il leur a été pos
sible d’augmenter peu à peu leurs prérogatives, et finalement de tout absorber en eux. D’après cela, n’est-il pas permis d’espérer ou de craindre, comme on voudra, que par cela seul que la république est,
si peu qu’elle soit, elle pourra grandir, se développer de telle sorte que dans un temps plus ou moins prochain, les termes étant renversés, il y ait dans la con
stitution beaucoup plus de la république que de la monarchie, en attendant qu’il n’y reste plus rien du tout de celte dernière? Pour noire pari, nous ne voyons pas que la conclusion ait rien de si illogique. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on la craint à droite. Nous en avons pour preuves les eiforls faits jusqu’ici par celte partie de l’Assemblée pour défaire la majo
rité de février, les applaudissements prodigués par elle aux discours de MM. Louis Blanc et Madier de Montjau, et peut-être bien aussi la déclaration si inattendue que M. Buffet, qui n’a cessé de lui être étroitement attaché, est venu faire à la tribune avant-hier.
Prétextant les discours des deux orateurs de l’extrême gauche qui, cependant, M. le vice-président du conseil ne peut l’ignorer, ne représentent qu’euxmèmes à l’Assemblée, où ils sont les vieux enfants terribles du parti républicain, il y a posé sans raison ia question de confiance; avec une incroyable âcreté de parole, il y a rappelé les termes de son manifeste du 12 mars, les a maintenus d’un ton de défi; il a
déclaré qu’il ne serait rien changé à ce manifeste tant qu’il serait au pouvoir et qu’il continuerait à l’appli
quer comme ii i’a fait jusqu’ici. Déclaration bien inu
tile. En effet, qui ne connaît dans l’Assemblée comme dans le pays les dispositions de M. Buffet? Il est ce qu’il est, et on l’accepte tel quel parce que,
dans les circonstances présentes, la majorité ne veut point provoquer une crisé qui pourrait compromettre son œuvre. Et elle a tenu bon cetle fois encore, res
tant froide devant la chaude attaque de M. le viceprésident., à laquelle elle n’a même pas répondu. Puis,
poursuivant son but, dont il semble désormais difficile de la détourner, elle a clôt la discussion, après quel
ques sorties d’un goül plus que douteux dirigées contre M. le président de la République par M. du Temple, deux fois rappelé à l’ordre, et décidé qu’elle passerait à une seconde délibération de ia loi sur les pouvoirs publics. Un pas de plus fait vers la dissolution.
Tandis que cette première loi complementaire était portée devant l’Assemblée, la commission des Trente procédait de son côlé à l’examen du projet de loi électorale politique et prenait, dans sa dix-huitième séance, une importante décision. Elle tranchait ia question du scrutin et se prononçait pour le principe du scrutin de liste par département, en adoptant l’a­
mendement de MM. Charles Roland et Paul Jozon, modifié par M. Delsol et ainsi conçu : « Chaque département concourt à former la représentation nationale, en nommant à l’Assemblée autant de députés qu’il renferme de fois 70 000 habitants. Toute fraction de plus de 35000 habitants compte pour 70000. Toute fraction de 35000 et au-dessous ne compte pas. Mais en aucun cas un département n’aura moins de députés que d’arrondissements. » Cependant elle a fait des ré
serves sur le chiffre maximum au-dessus duquel le sectionnement du département deviendrait obliga
toire, et elle a nommé une seus-cornmission chargée d’examiner cette question.
ALLEMAGNE
Il y a quelques semaines le roi de Suède faisait visite à.l’empereur d’Allemagne, et échangeait avec lui
les plus amicales protestations. Rentré dans ses Etals, il a dû faire de singulières réflexions sur la sincérité de ces sentiments affectueux qu’on venait de lui té
moigner. En effet, la renommée lui apportait presque aussitôt le bruit des fêtes céiébrôts en Allemagne, à l’occasion du deux centième anniversaire de la ba
taille de Fohrbelin, que les Suédois perdirent jadis contre l’Electeur de Brandebourg, oataille décisive qui a préparé et assuré les destinées futures de la Prusse. Les haines historiques de l’Allemagne, nous l’avons appris à nos dépens, dit à ce propos le Journal des Débats, peuvent se dissimuler pendant de longues années; elles n’en survivent pas moins au fond des cœurs; et la première occasion les fait éclater. L’em
pereur Guillaume a fait sceller dans ia première pierre du monument commémoratif de ia bataille de Fohrbelin un manifeste adressé à la nation allemande « présente et future » qui exhorte les descendants des vainqueurs à se souvenir de leurs ancêtres et à imiter leurs vertus.
Cette exhortation n’a rien que de fort naturel ; mais nous serions curieux de savoir quelle impression elle a faite à Stockholm.
ITALIE
Le projet ministériel relatif à ia sûreté publique, modifié par un amendement de M. Pisanelli, a été
adopté au scrutin secret par 209 voix contre 22. Il y a eu 14 abstentions. On parlait d’un certain nombre de démissions des membres de la gauche. Mais la parole n’a pas été suivie d’effet. L’irritation s’est ra
pidement calmee et tous les députés ont repris pai
siblement leur siège. Beaucoup de bruit pour rien, comme on voit.
II y a quelques jours, à l’occasion du vingt-neuvième anniversaire de son avènement au Irônc ponti
fical. Pie IX a reçu le Sacré-Collège el. lui a adressé un discours dans lequel il encourage les catholiques e à lutter contre leurs adversaires en opposant la bonne presse à la mauvaise, l’enseignement religieux à l’enseignement athée, et les associations pieuses aux loges des francs-maçons ».
Jusqu’à présent, en Italie, le parti religieux s’est montré à peu près passif, comptant sur des événe
ment extérieurs qui antérieurement ne lui avaient pas fait défaut. Le discours du saint père fait présumer qu’on veut suivre désormais une autre marche.
Ainsi qu’on l’avait conjecturé, Salvator, le triomphateur du jour, est de plus en pins à la mode. L’autre jour, M. Lupin, son mailrc, a donné en son nom la somme de 1000 francs aux pauvres de la commune de Boulogne sur le territoire de laquelle est situé l’hippodrome de Longchamps. Salvator areçu iourà tour la visite de trente-cinq photographes et d’un certain nom
bre d’historiens qui ont demandé à écrire sa biographie. Tous les provinciaux et tous les étrangers de distinction traversant Paris solli
citent l’honneur d’être présentés à l’auguste cheval. Mais trop est trop. Celte vogue tourne à l’importunité. On assure que pour congédier les fâcheux le valet d’éurie qui sert de chambellan au vainqueur du turf aurait dit, mardi dernier, aux curieux.
— Mesdames et messieurs, Salvator a besoin de repos; Sa Vitesse ne recevra plus qu’à la fin de la semaine et dans l’après-midi seulement.
le sultan de Zanzibar a quitté la lisière de l’Afrique centrale pour venir faire un petit tourenEurope. Ilestence moment en Angleterre.
A Londres, les ladies lui offrent des fleurs et tiennent à lui servir à boire. Il paraît que Sa Iïautesse boit du pale ale, petite bière blanche qui ressemble a une eau quelque peu révoltée. C’est à cause de cette ressemblance que le Koran ne défend pas \e, pale ale. Le champagne a bien plus d’analogie encore avec l’eau. Nos Parisiennes rêvaient d’en faire boire au prince ‘africain.
Pourquoi donc le voyageur renonce-t-il tout à coup à venir nous voir?
On s’est creusé la tête afin de trouver la raison de ce revirement, car le sultan de Zanzibar avait commencé par promettre. Les uns se sont dit : « — C’est parce qu’il pleut toujours à Paris. »
Courrter de Paris