NOS GRAVURES
Le centenaire de Boïeldleu
Le troisième jour des fêtes de Rouen, le ciel s’est montré moins inclément que durant les deux pre
miers jours. La veille, nous l’avons dit, c’est sous une pluie battante qu’avait eu lieu le défilé des sociétés orphéoniques se disposant à prendre part au concours. Les autorités de la ville et les membres de l’Institut,
qui s’étaient réunis à l’hôtel de ville, pour de là se rendre à la statue de Boïeldieu, n’avaient pas eu meilleure fortune. La distribution des prix s’est faite malgré vent et marée sur la place du palais municipal, où, comme on le voit dans un de nos dessins, avaient été disposés des gradins réservés aux invités.
Heureusement, le lendemain, les orphéonistes, si éprouvés la veille, purent se donner un peu de bon temps, emplissant les rues de leurs groupes joyeux, partout bien accueillis et curieusement regardés. En effet, il en était venu de tous les coins de la France, et l’on relrouvoit parmi eux tous les types du pays. Ajoutons l’attrait du costume. Parmi ceux qui atti
raient surtout l’attention, il faut citer les orphéonistes de Cannes, vêtus de toile grise et coiffés d’un béret rouge, et les mineurs de Liéven en costume non moins pittoresque avec ses accessoires : la hache, la lampe et le chapeau de cuir aux bords rabattus.
On les rencontrait un peu partout, mais notamment sur les quais que les curieux avaient envahis pour voir les régates; et, un peu plus tard, aux abords du Champ de Mars pour assister au carrousel donné par le 12e chasseurs. Les estrades étaient remplies outre mesure et sur toute l’étendue de la colline qui surplombe le Champ de Mars, sur la rampe du boule
vard Saint-Paul, la foule s’étendait pressée, compacte, innombrable. Le spectacle a d’ailleurs justifié l’empressement du public ; il a été réellement magnifique.
Deux divertissements d’un genre tout différent ont terminé cette journée : une fête vénitienne sur la Seine et une représentation de gala au théâtre des Arts. Donc, tandis que les uns allaient admirer sur le


LES FÊT DE ROUEN


fleuve les gerbes d’eau lancées par une pompe à vapeur et colorées par les reflets de la lumière élec
trique; les embarcations illuminées de cent lanternes aux couleurs variées glissant, dirigées par leurs gon
doliers aux costumes éclatants, sur l’eau miroitante aux accents d’une musique mystérieuse, les autres couraient assister à la représentation annoncée. •
Les deux premiers actes de la Dame blanche et le Nouveau seigneur en ont fait les frais.
Entre le premier et le deuxième acte de la Dame blanche, M. Maubant, du Théâtre Français, a récité des stances en l’honneur deBoïeldieu; puis, au milieu des applaudissements de la salle entière, MM. Duprez et Roger sont venus poser un rameau d’or sur le buste déjà couronné de l’illustre compositeur.
On sait que c’est par une messe en musique composée et dédiée à la mémoire de son père par M. Adrien Boïeldieu, un festival donné au cirque Saint-Sever,
t , composé ex lusivemerit de fragments empruntés aux opéras de l’auteur de Jean de Paris et un brillant feu d’artifice, que se sont terminées le lendemain les fêtes de Rouen, dont à plus d’un titre, tous ceux qui y ont assisté garderont longtemps le souvenir.
Le feu d’artifice, préparé par M. Ruggieri, devait être tiré le dimanche; mais la pluie obstinée qui ne cessa de tomber ce jour-là, l avait fait remettre au mardi. Donc, mardi soir, tout Rouen, on peut le dire, se pressait aux environs du Champ-de-Mars,
attendant impatiemment le signal. Il fut donné vers dix heures par des détonations et une pluie d’étoiles
multicolores que saluèrent les cris de joie de la foule qui s’attendait à des merveilles et qui n’a pas été trompée dans son attente. On a surtout remarqué un médaillon au centre duquel se détachaient les lettres R. F. (République française). La pièce principale représentant l’apothéose de Boïeldieu avec l’inscrip
tion en lettres de feu : A Boïeldieu, ses concitoyens ! a redoublé l’enlhousiasmegénéral. Au bouquet, c’était du délire.
Les fêtes de Rouen ont donc été pour M. Ruggieri, le célèbre artificier de la ville de Paris, l’occasion d’un véritable triomphe.
COURONNEMENT DU BUSTE DE BOÏELDIEU AU THEATRE DES ARTS.
Distribution des aux orphéons.
La réception a l’hôtel de ville.
La fête la Seine.