sairement développer l’anévrysme qui l’a emporté en se rompant. C’est en voilure, en sortant des Variétés où il venait de voir le Passage de Vénus de Meilhac.et Ilalévy,
que Michel Lévy est mort ainsi subitement. Sa perte a été vivement sentie par tout ce qui tient une plume.
Michel Lévy était fort aimable et de relations sûres. Georges Sand vient de lui rendre hommage dans une page éloquente et qui restera On pouvait, ren
contrer chez lui, tout d’abord en affaires, certaines résistances ; on ne trouvait jamais ensuite que la stricte fidélité au traité. Le nom de Michel Lévy de
meurera liéà l’histoire littéraire de oe temps et les gens de lettres lui conserveront un souvenir profond, car il a beaucoup fait pour le développement et la puis
sance de la littérature militante, élevée, mais vivante, dont il était l’éditeur, comme MM. Hachette le sont des publications savantes et MM. Didier des ouvrages académiques.
A Michel Lévy succède M. Calmann Lévy, son associé, le plus sympathique des hommes, dont l’activité
intelligente n’est pas moindre que celle de son aîné et qui trouvera une consolation à sa douleur dans les hommages rendus et à son frère et à lui-même.
J. C.
« La Bohémienne », de Franz Hals
En arrivant à Harlem, ce qu’il faut voir tout d’abord, ce qu’il faut admirer, ce sont les Franz Hais du musée. La première fois que je vis les œuvres de ce peintre, l’impression fut vive et profonde : elle te
nait du saisissement. Je n en éprouvai qu’une sem
blable, ce fut à Madrid, devant les admirables toiles de Velâzquez. Et Franz Hais justement n’est point sans rapport avec le grand maître espagnol; il semble avoir la même soif de vérité, la même vigueur de pinceau, la même conception de la vie.
Quel fut le maître de Franz Hais? On l’ignore. Il naquit à Malines en 1584, il mourut en 1666, après avoir beaucoup travaillé, sans sortir des Pays-Bas,
sans presque quitter son atelier ou le cabaret. Il ne choisit qu’un guide, la nature, mais il la serra de près, mais il l’aima, mais il ne songea point à l’ar
ranger, à la parer, à l’attifer, il la peignit telle qu’elle était là, devant ses yeux, palpitante, saisissante, sa
voureuse. Le réalisme n’était pas inventé, du temps
de Franz Hais, mais le peintre de Harlem ne s’écarta jamais du réel et son pinceau s’en trouva bien. Je ne sais rien de plus vigoureux que sa peinture. La vie éclate, intense et solide, dans ces visages flamands, dans ces corporations et dans ces compagnies qu’on voit à Harlem, trouant les vêtements noirs et les fraises et collerettes blanches de leurs figures sanguines et qui respirent et qui vont parler.
Que d’autres reprochent à Franz Hais d’avoir « sacrifié Yagrément du visage » à son expression. L’ex
pression, la vérité et la nature même n’ont pas besoin d agrément pour être artistiquement belles. Un tel
pinceau, robuste, ferme, à la fois très-large et trèsprécis, est un des plus fiers qui se soient promenés ja
mais sur une toile. U semble d’ailleurs que Macaulay ait songé à Franz Hais lorsqu’il a écrit : « Les meil» leurs portraits sont peut-être ceux dans lesquels il » y a un léger mélange de charge. » L’historien vou
lait indiquer les portraits littéraires, mais ce qui est vrai dans un art est quelquefois vrai dans un autre. Franz Hais poussait la vérité jusqu’à l’exagération comme Van Dyck poussait le style jusqu’à l’arrange
meat. « Je travaille pour mon nom plus que pour
» l’argent de mes clients, » répondait Franz Hais, lorsque ses modèles n’étaient point satisfaits.
La Bohémienne, qu’on voit au Louvre, dans la salle de la collection La Caze, donne une idée du talent viril de Franz Hais. Peinture hardie, vigoureuse, so
lide, sincère et vraie. Un tel maître méritait d’être fêté et remis en lumière bien plus tôt qu’on ne l’a fait. Il n’y a guère que quelques années que les pein
tres de la nature, un Franz Hais en Flandre, les frères Le Nain en France, sont placés à leur rang et vengés de l’oubli. Mais ils le sont du moins absolument et pour toujours.
Jules Claretie.
L Fxposition de Blois: vue intérieure de l’exposition Industrielle
Dans notre précédentnuméro, nous avons donné une vue extérieure de l’Exposition industriellede Blois. Nous en donnons aujourd’hui la vue intérieure. Nous avons dit qu’elle avait été installée, place de la République, dans la halle au blé, édifice remarquable, nouvellement. construit dans le, style du moyen âge. Gtt édi
fice, vaste parallélogramme, est divisé en trois nefs par une double rangée de colonnes auxquelles corres
pondent des pilastres engagés dans la muraille des nefs latérales. Une galerie, formant étage, fait tout le
tour du monument. L’exposition occupe le milieu delà nef centrale, inun massif, dont l’expoütion Christofle occupe le milieu, et les faïences les extrémités. Puis
ce massif est entouré d’une ceinture de vitrines qui langent les colonnes mitoyennes des nefs et est ellemême entourée d’une autre ceinture de vitrines appuyées contre les murailles.
Parmi les objets exposés qui attirent surtout l’attention des visiteurs, nous citerons les faïences, la cordon
nerie et l’industrie des corsets du pays. On y trouve aussi de belles verrières et une immense tapisserie que l’on voit à gauche de notre gravure et qui a été exécutée, d’après les dessins de M. Ulysse, faïencier de Btnis,
par les dames de la ville pour servir de tapis de pied dans le chœur de la cathédrale.
« La ga deuse de moutons», tubleau de M. Vayon
Ce n’est point une bergère de fantaisie, habillée parWatleau.
Elle ne porte fleurs, rubans ni colifichets. Son ju
pon est de bure, sa chemise de giosse toile faite par le tisserand du village et sou fichu de coton. Chaussée do sabots et la tête couverte d’un mouchoir chargé de la garantir des rayons d’un soleil trop ardent qui, de
puis longtemps déjà, a bronzé ses bras nus et son visage, dès l’aube elle a gagné la montagne, poussant devant elle le troupeau confié à sa garde. Elle y a passé toute la journée, tournant le fuseau ou cueillant des herbes.
Et la voilà qui revient, le soir venu. Le troupeau s’est arrêté sur le bord d’un ruisseau et se désaltère,
tandis que le chien entre gaiement dans l’eau et qu’a- lentour voltigent les bergeronnettes hardies.
Elle, cependant, debout, les mains croisées sur son tablier relevé, sa quenouille sous le bras, elle regarde devant elle, pensive. A quoi songe-t-elle ainsi ? Que sa vie du jour présent a été sa vie de la veille et sera sa vie du lendemain? Peut-être. En effet,
Quel plaisir a-t-elle eu depuis qu’elle est au monde?
Pauvre femme !
« Une mariée en Alsace», tableau de M. Pabst
Nous sommes au moWent où la mariée va partir pour l’église ; elle est toute parée, toute accorte, toute charmante dans sa robe courte d’un bleu clair bordée de velours noir qui laisse voir un bas blanc bien tiré ; la gorgerelte est d’une étoffe plus fine que celle des autres jours, et le nœud noir qui recouvre sa tête a été attaché avec plus de soin. Elle est, d’ailleurs, doucement émue, et baisse pudiquement les yeux en écoulant les dernières exhortations maternelles, tan
dis que sa main gauche chiffonne son tablier blanc avec une nuance imperceptible d’impatience.
Ses compagnes se soit également parées pour lui faire cortège, et elles devisent entre elles en attendant le signal du départ ; l’une tient à la main l’anneau nuptial qu’elle montre à sa voisine ; celle-ci se pré
pare à offrir à la mariée un verre demi-plein qui soutiendra ses forces; près d’une troisième, dont on en
trevoit. le profil pensif, repose un bouquet de fleurs des champs.
Toute celte scène est exquise de grâce tranquille et d’honnête simplicité, et les couleurs brillantes des robes, l’éclat des rubans passés dans les coiffures, de toutes ces jeunes filles y jettent comme un reflet de jeunesse et d’innocente gaieté.
Les nouveaux canons rte campagne allemands
Tous les régiments d’artillerie de campagne de l’armée allemande reçoivent en ce moment de nouveaux canons dont les effets sont très-supérieurs à ceux des canons qui ont été employés pendant la campagne de 1870. Quoique le ministre de la guerre de Berlin n’ait encore fait publier aucun document officiel re
latif au nouveau matériel, il est: aujourd’hui assez connu pour que divers journaux ou revues aient
pu en donner une description satisfaisante. L Engineering, la Gazette de Cologne, une notice de M. Weil, ancien officier de mobiles, enfin h Revue d’artillerie, nous ont fourni les renseignements nécessaires pour donner un aperçu de ce matériel.
Nous nous occuperons seulement des canons de campagne appelés à figurer sur les champs de bataille.
Ces canons, adoptés en 1873, sont de deux calibres différents, 78m,n,5 et, 88ra ; leurs dénominations offi
cielles sont : canon de 8 centimètres et canon de 9 centimètres. Le plus petit calibre est. destiné exclu
sivement aux batteries.à cheval, le plus grand à toutes les batteries montées sans distinction,
Les deux canons sont en acier fondu, frottés ou renforcés de la culasse aux tourillons et munis de la fermeture à coin cylindro-prismatique, dite du sys
tème Krupp, appellation qui est vivement contestée par le célèbre ingénieur, M. Broadwell. Dans ce. sys
tème, dont nous donnons le dessin, la fermeture est opérée par un coin conique, espèce de gros verrou horizontal, muni d’une manivelle et que l’on engage par la gauche de la pièce. Le verrou est percé à son extrémité d’une ouverture qui permet d’engager le projectile par le derrière du canon. Quand le projec
tile et la charge de poudre ont été engagés en avant du verrou, on pousse celui-ci à fond et Ton opère le ser
rage à l’aide de la manivelle. Le coup de canon tiré, on desserre le coin et on le retire de droite à gauche.
Pour empêcher les gaz résultant de l’explosion de la poudre de passer entre le coin et la gaîne ou mor
taise dans laquelle il se meut, on a garni Barrière du canon d’un anneau dit anneau Broadwell, en cuivre. Ce métal étant plus expansible que l’acier, la pres
sion des gaz de la poudre applique l’anneau contre le coin et obture la jointure entre le coin et. la mortaise.
Comme l’indique la figure, le coin et sa gaîne ont la face antérieure perpendiculaire à Taxe de la pièce,
tandis que la face postérieure est inclinée de façon que plus le coin ou verrou avance vers la droite, plus il est serré dans sa gaine ou mortaise.
Trois petites gorges circulaires creusées à la base de l’anneau Broadwell constituent une disposition très-ingénieuse pour empêcher toute fuite de gaz, car un filet gazeux arrivant dans Tune d’elles y trouve tout à coup un espace relativement très-considérable qui lui fait, perdre sa tension et l’empêche d’aller plus loin.
Les affûts sont formés de deux flasques longs, en tôle d’acier, convergents vers la crosse, avec un essieu en acier. Le moyeu des roues est en bronze ; les rais sont, serres entre deux disques, l’un mobde, l’autre venu de fonte avec le corps du moyeu; les deux dis
ques sont réunis par douze ou quatorze boulons, qui traversent les rais. Ce mode d’assemblage des rais permet de leur donner une grande épaisseur près du moyeu, parce qu’on n’a pas à se préoccuper des di
mensions de la mortaise ou logement des rais ; il
permet encore, et ceci est un avantage sérieux, de remplacer un rai sans avoir à démonter les jantes.
Les projectiles des nouvelles pièces sont des obus a double paroi, formés de deux projectiles emboîtés l’un dans l’autre. Le noyau ou projectile intérieur présente, en saillie sur sa surface externe, une série de petites pyramides quadrangulaires qui pénètrent dans les cavités correspondantes du projectile enve
loppant. On constitue ainsi des lignes de rupture qui doivent assurer une fragmentation régulière de l’obus.
La Revue d’artillerie assure que les expériences ont fait ressortir la grande supériorité des projectiles de ce système, au point de vue de l’éclatement qu’on n’était jamais parvenu à régler auparavant.
Le mouvement de rotation est imprimé à l’obus au moyen de deux ceintures de cuivre qui s’engagent dans vingt-quatre rayures progressives, ce qui veut, dire que ces rayures sont plus étroites à la bouche du canon que près de la charge, et que les cloisons qui
séparent les rayures sont au contraire plus largps à la bouche que du côté de la culasse. Cette disposition a pour objet d’empêcher le projectile de ballotter au
tour de son axe pendant son trajet dans la pièce;
l’usure des anneaux de cuivre se trouve compensée par le rétrécissement progressif des rayures, et cellesci maintiennent rigoureusement le projectile jus
qu’au moment où il s’échappe dans l’air. Nous croyons que cette disposition a été appliquée pour la première fois par le savant colonel de Reffye; en tout cas, dans les anciennes pièces prussiennes, les rayures étaient parallèles, excepté dans celles qui ont été fabriquées en dernier lieu. Officiellement, l’artillerie française appelle les rayures progressives rayures en croix.
Les ceintures de cuivre ont été préférées à 1 enveloppe en p omb, parce que cette dernière se déchire sous l’influence d’une grande vitesse du projectile. Les deux canons lancent des obus, des obus à shrapnels et des boîtes à mitraille.
Voici quelques données sommaires qui permettront de comparer le matériel allemand au nôtre quand en paraîtra la description officielle.
que Michel Lévy est mort ainsi subitement. Sa perte a été vivement sentie par tout ce qui tient une plume.
Michel Lévy était fort aimable et de relations sûres. Georges Sand vient de lui rendre hommage dans une page éloquente et qui restera On pouvait, ren
contrer chez lui, tout d’abord en affaires, certaines résistances ; on ne trouvait jamais ensuite que la stricte fidélité au traité. Le nom de Michel Lévy de
meurera liéà l’histoire littéraire de oe temps et les gens de lettres lui conserveront un souvenir profond, car il a beaucoup fait pour le développement et la puis
sance de la littérature militante, élevée, mais vivante, dont il était l’éditeur, comme MM. Hachette le sont des publications savantes et MM. Didier des ouvrages académiques.
A Michel Lévy succède M. Calmann Lévy, son associé, le plus sympathique des hommes, dont l’activité
intelligente n’est pas moindre que celle de son aîné et qui trouvera une consolation à sa douleur dans les hommages rendus et à son frère et à lui-même.
J. C.
« La Bohémienne », de Franz Hals
En arrivant à Harlem, ce qu’il faut voir tout d’abord, ce qu’il faut admirer, ce sont les Franz Hais du musée. La première fois que je vis les œuvres de ce peintre, l’impression fut vive et profonde : elle te
nait du saisissement. Je n en éprouvai qu’une sem
blable, ce fut à Madrid, devant les admirables toiles de Velâzquez. Et Franz Hais justement n’est point sans rapport avec le grand maître espagnol; il semble avoir la même soif de vérité, la même vigueur de pinceau, la même conception de la vie.
Quel fut le maître de Franz Hais? On l’ignore. Il naquit à Malines en 1584, il mourut en 1666, après avoir beaucoup travaillé, sans sortir des Pays-Bas,
sans presque quitter son atelier ou le cabaret. Il ne choisit qu’un guide, la nature, mais il la serra de près, mais il l’aima, mais il ne songea point à l’ar
ranger, à la parer, à l’attifer, il la peignit telle qu’elle était là, devant ses yeux, palpitante, saisissante, sa
voureuse. Le réalisme n’était pas inventé, du temps
de Franz Hais, mais le peintre de Harlem ne s’écarta jamais du réel et son pinceau s’en trouva bien. Je ne sais rien de plus vigoureux que sa peinture. La vie éclate, intense et solide, dans ces visages flamands, dans ces corporations et dans ces compagnies qu’on voit à Harlem, trouant les vêtements noirs et les fraises et collerettes blanches de leurs figures sanguines et qui respirent et qui vont parler.
Que d’autres reprochent à Franz Hais d’avoir « sacrifié Yagrément du visage » à son expression. L’ex
pression, la vérité et la nature même n’ont pas besoin d agrément pour être artistiquement belles. Un tel
pinceau, robuste, ferme, à la fois très-large et trèsprécis, est un des plus fiers qui se soient promenés ja
mais sur une toile. U semble d’ailleurs que Macaulay ait songé à Franz Hais lorsqu’il a écrit : « Les meil» leurs portraits sont peut-être ceux dans lesquels il » y a un léger mélange de charge. » L’historien vou
lait indiquer les portraits littéraires, mais ce qui est vrai dans un art est quelquefois vrai dans un autre. Franz Hais poussait la vérité jusqu’à l’exagération comme Van Dyck poussait le style jusqu’à l’arrange
meat. « Je travaille pour mon nom plus que pour
» l’argent de mes clients, » répondait Franz Hais, lorsque ses modèles n’étaient point satisfaits.
La Bohémienne, qu’on voit au Louvre, dans la salle de la collection La Caze, donne une idée du talent viril de Franz Hais. Peinture hardie, vigoureuse, so
lide, sincère et vraie. Un tel maître méritait d’être fêté et remis en lumière bien plus tôt qu’on ne l’a fait. Il n’y a guère que quelques années que les pein
tres de la nature, un Franz Hais en Flandre, les frères Le Nain en France, sont placés à leur rang et vengés de l’oubli. Mais ils le sont du moins absolument et pour toujours.
Jules Claretie.
L Fxposition de Blois: vue intérieure de l’exposition Industrielle
Dans notre précédentnuméro, nous avons donné une vue extérieure de l’Exposition industriellede Blois. Nous en donnons aujourd’hui la vue intérieure. Nous avons dit qu’elle avait été installée, place de la République, dans la halle au blé, édifice remarquable, nouvellement. construit dans le, style du moyen âge. Gtt édi
fice, vaste parallélogramme, est divisé en trois nefs par une double rangée de colonnes auxquelles corres
pondent des pilastres engagés dans la muraille des nefs latérales. Une galerie, formant étage, fait tout le
tour du monument. L’exposition occupe le milieu delà nef centrale, inun massif, dont l’expoütion Christofle occupe le milieu, et les faïences les extrémités. Puis
ce massif est entouré d’une ceinture de vitrines qui langent les colonnes mitoyennes des nefs et est ellemême entourée d’une autre ceinture de vitrines appuyées contre les murailles.
Parmi les objets exposés qui attirent surtout l’attention des visiteurs, nous citerons les faïences, la cordon
nerie et l’industrie des corsets du pays. On y trouve aussi de belles verrières et une immense tapisserie que l’on voit à gauche de notre gravure et qui a été exécutée, d’après les dessins de M. Ulysse, faïencier de Btnis,
par les dames de la ville pour servir de tapis de pied dans le chœur de la cathédrale.
« La ga deuse de moutons», tubleau de M. Vayon
Ce n’est point une bergère de fantaisie, habillée parWatleau.
Elle ne porte fleurs, rubans ni colifichets. Son ju
pon est de bure, sa chemise de giosse toile faite par le tisserand du village et sou fichu de coton. Chaussée do sabots et la tête couverte d’un mouchoir chargé de la garantir des rayons d’un soleil trop ardent qui, de
puis longtemps déjà, a bronzé ses bras nus et son visage, dès l’aube elle a gagné la montagne, poussant devant elle le troupeau confié à sa garde. Elle y a passé toute la journée, tournant le fuseau ou cueillant des herbes.
Et la voilà qui revient, le soir venu. Le troupeau s’est arrêté sur le bord d’un ruisseau et se désaltère,
tandis que le chien entre gaiement dans l’eau et qu’a- lentour voltigent les bergeronnettes hardies.
Elle, cependant, debout, les mains croisées sur son tablier relevé, sa quenouille sous le bras, elle regarde devant elle, pensive. A quoi songe-t-elle ainsi ? Que sa vie du jour présent a été sa vie de la veille et sera sa vie du lendemain? Peut-être. En effet,
Quel plaisir a-t-elle eu depuis qu’elle est au monde?
Pauvre femme !
« Une mariée en Alsace», tableau de M. Pabst
Nous sommes au moWent où la mariée va partir pour l’église ; elle est toute parée, toute accorte, toute charmante dans sa robe courte d’un bleu clair bordée de velours noir qui laisse voir un bas blanc bien tiré ; la gorgerelte est d’une étoffe plus fine que celle des autres jours, et le nœud noir qui recouvre sa tête a été attaché avec plus de soin. Elle est, d’ailleurs, doucement émue, et baisse pudiquement les yeux en écoulant les dernières exhortations maternelles, tan
dis que sa main gauche chiffonne son tablier blanc avec une nuance imperceptible d’impatience.
Ses compagnes se soit également parées pour lui faire cortège, et elles devisent entre elles en attendant le signal du départ ; l’une tient à la main l’anneau nuptial qu’elle montre à sa voisine ; celle-ci se pré
pare à offrir à la mariée un verre demi-plein qui soutiendra ses forces; près d’une troisième, dont on en
trevoit. le profil pensif, repose un bouquet de fleurs des champs.
Toute celte scène est exquise de grâce tranquille et d’honnête simplicité, et les couleurs brillantes des robes, l’éclat des rubans passés dans les coiffures, de toutes ces jeunes filles y jettent comme un reflet de jeunesse et d’innocente gaieté.
Les nouveaux canons rte campagne allemands
Tous les régiments d’artillerie de campagne de l’armée allemande reçoivent en ce moment de nouveaux canons dont les effets sont très-supérieurs à ceux des canons qui ont été employés pendant la campagne de 1870. Quoique le ministre de la guerre de Berlin n’ait encore fait publier aucun document officiel re
latif au nouveau matériel, il est: aujourd’hui assez connu pour que divers journaux ou revues aient
pu en donner une description satisfaisante. L Engineering, la Gazette de Cologne, une notice de M. Weil, ancien officier de mobiles, enfin h Revue d’artillerie, nous ont fourni les renseignements nécessaires pour donner un aperçu de ce matériel.
Nous nous occuperons seulement des canons de campagne appelés à figurer sur les champs de bataille.
Ces canons, adoptés en 1873, sont de deux calibres différents, 78m,n,5 et, 88ra ; leurs dénominations offi
cielles sont : canon de 8 centimètres et canon de 9 centimètres. Le plus petit calibre est. destiné exclu
sivement aux batteries.à cheval, le plus grand à toutes les batteries montées sans distinction,
Les deux canons sont en acier fondu, frottés ou renforcés de la culasse aux tourillons et munis de la fermeture à coin cylindro-prismatique, dite du sys
tème Krupp, appellation qui est vivement contestée par le célèbre ingénieur, M. Broadwell. Dans ce. sys
tème, dont nous donnons le dessin, la fermeture est opérée par un coin conique, espèce de gros verrou horizontal, muni d’une manivelle et que l’on engage par la gauche de la pièce. Le verrou est percé à son extrémité d’une ouverture qui permet d’engager le projectile par le derrière du canon. Quand le projec
tile et la charge de poudre ont été engagés en avant du verrou, on pousse celui-ci à fond et Ton opère le ser
rage à l’aide de la manivelle. Le coup de canon tiré, on desserre le coin et on le retire de droite à gauche.
Pour empêcher les gaz résultant de l’explosion de la poudre de passer entre le coin et la gaîne ou mor
taise dans laquelle il se meut, on a garni Barrière du canon d’un anneau dit anneau Broadwell, en cuivre. Ce métal étant plus expansible que l’acier, la pres
sion des gaz de la poudre applique l’anneau contre le coin et obture la jointure entre le coin et. la mortaise.
Comme l’indique la figure, le coin et sa gaîne ont la face antérieure perpendiculaire à Taxe de la pièce,
tandis que la face postérieure est inclinée de façon que plus le coin ou verrou avance vers la droite, plus il est serré dans sa gaine ou mortaise.
Trois petites gorges circulaires creusées à la base de l’anneau Broadwell constituent une disposition très-ingénieuse pour empêcher toute fuite de gaz, car un filet gazeux arrivant dans Tune d’elles y trouve tout à coup un espace relativement très-considérable qui lui fait, perdre sa tension et l’empêche d’aller plus loin.
Les affûts sont formés de deux flasques longs, en tôle d’acier, convergents vers la crosse, avec un essieu en acier. Le moyeu des roues est en bronze ; les rais sont, serres entre deux disques, l’un mobde, l’autre venu de fonte avec le corps du moyeu; les deux dis
ques sont réunis par douze ou quatorze boulons, qui traversent les rais. Ce mode d’assemblage des rais permet de leur donner une grande épaisseur près du moyeu, parce qu’on n’a pas à se préoccuper des di
mensions de la mortaise ou logement des rais ; il
permet encore, et ceci est un avantage sérieux, de remplacer un rai sans avoir à démonter les jantes.
Les projectiles des nouvelles pièces sont des obus a double paroi, formés de deux projectiles emboîtés l’un dans l’autre. Le noyau ou projectile intérieur présente, en saillie sur sa surface externe, une série de petites pyramides quadrangulaires qui pénètrent dans les cavités correspondantes du projectile enve
loppant. On constitue ainsi des lignes de rupture qui doivent assurer une fragmentation régulière de l’obus.
La Revue d’artillerie assure que les expériences ont fait ressortir la grande supériorité des projectiles de ce système, au point de vue de l’éclatement qu’on n’était jamais parvenu à régler auparavant.
Le mouvement de rotation est imprimé à l’obus au moyen de deux ceintures de cuivre qui s’engagent dans vingt-quatre rayures progressives, ce qui veut, dire que ces rayures sont plus étroites à la bouche du canon que près de la charge, et que les cloisons qui
séparent les rayures sont au contraire plus largps à la bouche que du côté de la culasse. Cette disposition a pour objet d’empêcher le projectile de ballotter au
tour de son axe pendant son trajet dans la pièce;
l’usure des anneaux de cuivre se trouve compensée par le rétrécissement progressif des rayures, et cellesci maintiennent rigoureusement le projectile jus
qu’au moment où il s’échappe dans l’air. Nous croyons que cette disposition a été appliquée pour la première fois par le savant colonel de Reffye; en tout cas, dans les anciennes pièces prussiennes, les rayures étaient parallèles, excepté dans celles qui ont été fabriquées en dernier lieu. Officiellement, l’artillerie française appelle les rayures progressives rayures en croix.
Les ceintures de cuivre ont été préférées à 1 enveloppe en p omb, parce que cette dernière se déchire sous l’influence d’une grande vitesse du projectile. Les deux canons lancent des obus, des obus à shrapnels et des boîtes à mitraille.
Voici quelques données sommaires qui permettront de comparer le matériel allemand au nôtre quand en paraîtra la description officielle.