qu’une ère NOuvelle commence pour lui. Les héritiers du baquet de Mesmer font des adeptes et recrutent des prosélytes dans tous les rangs ; l’on dit même que des sociétés s’éta
blissent dans la capitale, à l’instar des sociétés d harmonie du dernier siècle. On cite, au NOmbre de ces fondateurs pré
sumés, un pair de France connu par ses excentricités et un ancien saint-simonien rentré au giron du judaïsme. Se
rions-NOus donc revenus tout de bon aux jours de l’illumi
nisme, et allons-NOus revoir les phéNOmènes de la science occulte? Ces phéNOmènes intéressants consistent toujours,
comme par le passé, en agitations ou crises qui n’ont rien d’extraordinaire à la première vue, tels que bâillements ca
pricieux, pleurs involontaires ou rires exagérés; seulement,
le progrès moderne (car le magnétisme s’est amélioré comme tout le reste,) a substitué aux procédés mesmériens des modes d’application que leur extrême simplicité met à la portée de tout le monde. Il fallait à Mesmer un pompeux arsenal d’instruments et d’appareils : c’étaient des baquets remplis de limaille, des tonnes d’eau, des baguettes effilées, des tiges de fer dont on fustigeait les amateurs ; mais NOus sommes devenus trop sceptiques pour ajouter foi désormais à cet appareil du charlatanisme, et NO
tre imagination n’a plus besoin de ces stimulants : un sim
ple mouvement des mains du magnéti
seur suffit pour cau
ser le phéNOmène, c’est-à-dire les rires, les pleurs ou le bâil
lement , et même tous ces grands ré
sultats à la fois. A quel point la doctrine moderne l’em
porte sur l’ancienne, d’autres résultats le prouvent; Mesmer ne parlait que d’un flui
de, agent magnétique auquel il attri
buait la vertu d’un médicament souve
rain ; c’était comme
une panacée quasiuniverselle. NOs Mes
mer de 1847 ne se contentent pas à si peu de frais : ils ont rem
placé les tours de passe-passe de leurs de
vanciers par des mira
cles ; ils ont la vision sans la vue, l’audition sans l’ouïe, l’es
pace est supprimé, on peut eonverser avec un ami lointain, comme dans un tête— à -tête, l’ami se trouvât-il dans les pa
rages de la Chine ou dans une. forêt vierge du Brésil ; l’essentiel, c’est d’être mis en rapport.
Mais quittons ce sujet fantastique.
La semaine a été pleine de réalités d’un intérêt funè
bre. L’Illustration doit avoir un sou
venir pour ceux dont on vient de célébrer les obsèques dans l’église de Saint
Leu - Taverny, ce lieu d’asile ouvert par la mort aux Bo
naparte, sur le sol de leur patrie. La céré
monie a eu lieu avec la pompe digne d’une famille impériale,
et elle s’est passée avec tout le recueillement que de si grandes infortunes réclamaient des assistants. Sous l’un et l’autre catafalque étaient déposés les restes mortels de Louis Bona
parte, F ancien roi de Hollande, et de son fils Napoléon, grandduc do Berg : une simple couronne ducale faisait reconnaître celui du jeune prince; on avait placé sur celui du roi 1e sceptre d’or, la main dejustice etla couronne, pendant que de toutes parts étaient disposés avec profusion comme autant d’orne
ments funéraires les oriflammes de velours violet semées d’a­ beilles, l’épée du grand empereur, l’aigle du César mo
derne et les drapeaux aux couleurs nationales. Le portail,
la nef, les bas-côtés et le chœur de l’église étaient tendus de NOir et d’inNOmbrables lustres éclairaient la voûte. Les anciens etglorieux débris des armées impériales se pressaient dans l’enceinte : le fantassin d’Austerlitz auprès du cuirassier d’Eylau; le dragon d’Espagne, l’artilleur de la Bérésina, le grenadier de Waterloo, tous ils étaient accourus sous ces vieux habits par la victoire usés, comme dit le chansonnier, afin de saluer une dernière fois le frère de leur empereur.
Dans l’enceinte réservée on distinguait le prince Jérôme- Napoléon et sa sœur madame la princesse de Moutiort, en
Rhin cette coupe d’un NOuveau genre, il la vida d un seul trait. L’autre famille illustre, celle desCoucy, vient de mourir de sa belle mort dans la personne d’un estimable plan
teur de la Guadeloupe, son dernier rejeton. Ce Coucy-là était un philosophe fort peu soucieux de la gloriole de son ancêtre, le héros de tragédie ; dans sa case de colon, en
veste de basin et en chapeau de paille, tenant la pipe d’une main et le gourdin de l’autre, u vécut parmi ses nègres,
comme son aïeul au milieu de ses vassaux, mais assurément plus seigneur et maître que lui.
Si NOtre semaine est pauvre d’historiettes, en revanche le fait théâtral offre quelque prétexte à la causerie; mais avant de vous en parler dans un article à part, NOus ferons une dernière station au Théâtre-Français.
Le Théâtre-Français est toujours la terre promise où NOus n’entrerons que dans les derniers jours de ce mois. Il est question d’inaugurer cette réouverture par une Cléopâtre qui n est point celle où fut l’aspic de Vaucanson, mais 1 oeuvre
d’une femme de beaucoup d’esprit, madame de Girardin, qui n’a rien à redouter des aspics. On NOus communique quelques brefs renseignements sur la décoration intérieure
de la salle: l’Illus
tration mettra sans doute bientôt cette salle restaurée sous les yeux de ses lecteurs des cinq par
ties du monde ; les impatients devront se contenter pour le moment d’un sim
ple croquis à la plume.
Le plafond représente le lever de l Au
rore; c’est à peu près la copie du tableau de Guido Reni, as
sortie aux exigences de l’ornementation. Par l’effet d’une combinaison bien en
tendue, la figure resplendissante du so
leil, qui occupe le milieu du plafond, dissimule le ventila
teur et le passage du lustre. A droite et à gauche du trépied antique sur lequel brûle l’encens, se dressent les figures colossales de Melpomène et de Thalie,
autour desquelles se déroule une suite de groupes où revi
vent les actions, les personnages et les
caractères qui ont inspiré à NOs poè
tes leurs plus beaux chefs-d’œuvre. Peut
être le peintre a-t-il un peu abusé de l’ab
straction dans cette circonstance: la Co
lère, le Désespoir, la Jalousie et le Remords, sont des per
sonnifications assez obscures de la tra
gédie; l’Avarice et l’Hypocrisie, tout en rappelant à la mé
moire deux des plus belles créations de
Molière, ne réveillent guère, par l’expres
sion que le peintre leur attribue, l’idée du ridicule et de la comédie. La partie du tableau où se groupent la Poésie, a Peinture, la Sculj
et l’Architecture, a un caractère plus arrêté. Cette immense composition, qui ne réunit pas moins de cent personnages, est encadrée par des vases et des guirlandes de fleurs et de feuillage d’un bon style et d’un charmant effet.
En même temps que la décoration de la salle, on restaure les décorations scéniques. NOus ne croyons pas que le luxe des décors doive contribuer beaucoup à la prospérité d un théâtre français, et encore moins à l’amélioration de l’art dramatique ; et il est trop vrai que cette usurpation de la partie matérielle sur la partie intellectuelle du drame habi
tue les spectateurs à voir les pièces plutôt qu’à les écouter. Tout le monde reconnaît cependant la nécessité de perfectionner certains détails pour arriver à une plus parfaite vrai
semblance. Une des grandes curiosités de la mise en scène, ce serait d’adopter, pour le Théâtre-Français, la vérité rela
tive du costume, et de NOus rendre, par exemple, le théâtre de Molière, habillé par Molière. Puisque NOus sommes en train (le rêver des réformes, ajoutons, en terminant, quelle temps viendra sans doute de changer le système actuel d’é­
clairage scénique, si incommode pour les comédiens, et qui éclaire leur visage d’une façon si ridicule.
tourés de quelques amis; tout le monde remarquait l’air napoléonien empreint sur le visage du prince et de la princesse: c’était le regard d’aigle et le profil sculpté de l’empereur. Dans cette affluence de personnages de tous les rangs et de
Translation des restes de Louis.Bonaparte, ex-roi de Hollande, et de son fils Napoléon, dans l’eglise de Saint-Leu-Taverny.
toutes les conditions qui débordait autour du catafalque, on s’étonnait de voir si clairsemés les rangs du monde officiel de l’empire. Parmi tous les survivants aNOblis de cette époque, il n’y avait qu’un seul titulaire: c’était l’exécuteur testamentaire de la famille, M. le duc de Padoue.
Parlons encore de grandes familles, siNOn d’illustres races, qui s’éteignent ou tombent dans l’oubli. Il en est deux qui viennent de disparaître : l’une dans la tombe, l’autre dans l’ombre d’un cabaret. Le dernier des Bassompierre ne dément pas tout à fait le sang de son illustre aïeul, et sous un certain rapport l’esprit de famille est encore là.
Bassompierre, dans ses Mémoires, professe un grand amour pour la dive bouteille, et il est aisé de voir qu’après Mars et le bon Henri, c’est au culte de Bacchus qu’il s adonne et à sa profession qu’il accorde la préférence. 11 NOus conte comment, lors de sa dernière ambassade en Suisse, le bourg
mestre de Bâle, dans le but de fêter cette bienvenue avec éclat, s’était fait apporter un éNOrme vidercome, dont il avala le contenu sans reprendre haleine, et comment, pour répon
dre dignement à cette prévenance, lui Bassompierre fit débotter son courrier séance tenants 9t emplissant de vin du