respect de l’entente cordiale, et que l’empereur de Russie laissa jouer dans tous les temps à Pétersbourg par considération pour l’esprit français. À ce sujet, voici une petite anecdote qui vient à point.
Lorsque le Verre d’eau, imprimé de la veille à Paris, arriva à Pétersbourg, l’empereur dé
sira le voir jouer, et le demanda à madame Allan, en levant tout de suite, à la manière de Louis XIV pour Tartuffe, l’interdiction que la censure russe, qui n’est pas plus sensible que la nôtre, avait déjà lancée sur l’ouvrage.
Cependant l’ambassadeur d’Angleterre l’ayant appris, courut au palais, réclamant du monarque, pour la susceptibilité britannique compro
mise, la même satisfaction obtenue à Paris par lord Granville. « Vous savez, milord, ré
pondit l’empereur, combien je suis facile pour ces choses là, j’ai donné ma parole et je ne voudrais pas y manquer, même pour une co
médie ; cette pièce est charmante et m’a paru très-iNOffensive ; soyez assez bon pour la lire,
et je me persuade que vous la verrez du même œil que moi, en vous montrant m nns timoré que mes censeurs. »
Les représentations de cette pièce é ,ant a ,ir lieu au bénéfice de l’actrice française
et de ses camarades, madame Allan comprit qu’il y allait de leur fortune et de leur succès auprès de l’empei. et elle emander à lord***la permission. luilhoie Verre d eau.
La spirituelle.comédienne avait sondéles écueils diplomatiques de l’ouvrage; aussi déployat-elle dans cette lecture toutes les ressourcés de son talent fin et délicat : les mots trop vifs étaient supprimés, les nuances trop tran
chées se trouvaient adoucies; elle minauda les demi-aveux de la reine, dissimula les éclats de la duchesse et l’impétuosité de ses apos
trophes ; elle sut ménager ses mots, régler ses regards et ses gestes et employer avec bonheur toutes les coquetteries du débit drama
tique, si bien qu’arrivé a la scène capitale du déNOûment, le Talleyrand britannique s’é­
cria : « La malheureuse reine ! et cet homme sur la fenêtre, comment va-t-il en sortir? —
Marié, milord, mais laissez-moi finir. — Je compte bien, madame, que vous m’accorderez une seconde lecture. — Vous voulez dire une
seconde représentation. —Volontiers, et je cours dire à l’empereur que ses censeurs sont des ânes. » Et c’est ainsi que l’empereur apprit de lmb.niche de l’ambassadeur que la spirituelle comédienne lui avait fait avaler le Verre d’eau.
NOus causons théâtre : la semaine pourtant ne le mérite guère. Elle a enfanté deux vaudevilles assez minces : au Palais- Royal, la Recherche de l’Inconnu, et le Premier malade
au théâtre de la Bourse. Là recherche de l’inconnu qui a perdu son porte
feuille garni de cinquante mille francs occupe beaucoupl’honnête Drouet ; cet excellent homme a su lire avec fruit l’ar
ticle édifiant de NOtre code,
qui assimile au voleur le détenteur de trésor; il n’a donc ni paix ni trêve jusqu’à ce qu’il ait découvert le proprié
taire de l’effet perdu. Il affiche sa trouvaille,
et aussitôt il voit accourir la foule des importuns et des escrocs; tous vi
sent au porte
feuille : chassés par la porte delà probité, ils rentrent par la fe
nêtre de la convoitise. Le ne
veu del’homme vertueux se met de la partie et voudrait aussi tâter de la cu
rée ; poussé à bout par ces assauts réité
rés , l’honnête
Drouet prend une résolution qui fait plus d’honneur à son bon cœur qu’à son jugement: il livre le magot à un brave homme
criblé de dettes; sitôt pris, sitôt perdu. Mais livraison faite, voilà l’inconnu qui se fait connaître, et le propriétaire perdu qui
pour rire, et après avoir parcouru plusieurs poches, les billets de banque rentrenf dans celle de leur propriétaire légi
time. Le théâtre de Berquin compte plus d’une pièce de ce genre, qui n’est pas toujours le genre amusant, et l’on attendait mieux de M. Léon Laya, qui s’est fait avantageusement connaîlre par des succès de bon aloi. Quant au Premier malade, c’est une NOuvelle édi
tion de l’historiette de ce docteur en herbe qui court après son premier malade, et qui
se trouve avoir donné une consultation pour la fièvre et la pleurésie de monsieur Médor.
Et puisque NOus en sommes encore à dresser le bilan des distractions de la semaine, comment ne pas accorder une mention hoNOrable aux tours d’adresse de Robert IIoudin? L’Illustration reproduit un de ces merveilleux tours : c’est Robert Iloudin fils cou
ché dans le vide et affectant la position hori
zontale. Qu’est-ce qui le soutient ainsi dans l’espace? Une force occulte, un génie sans doute, et qui n’est autre que le génie de son père. L’enchanteur Merlin, l’ingénieux Paracelse, Swedenborg le diabolique, Bosco qui escamotait son monde séance tenante, Cagliostro même, l’homme à la fiole mer
veilleuse qui ressuscitait les morts, n’étaient pas de plus grands sorciers que Robert Houdin. Celui-ci connaît tous vos secrets : le présent et l’avenir n’ont point de mystère pour lui; il possède un instinct divinatoire qui ne le trompe jamais; le malicieux lutin de la prestidigitation lui a soumis le monde in
visible. Je ne vous parle pas des objets qui d’eux-mêmes changent de séjour et de po
che sur l’ordre du magicien, ni des bougies qui se promènent, ni des portraits qui parlent; NOus passerons également sous silence la sur
prise de la seconde vue et le miracle de la multiplication des fleurs; je ne parlerai pas davantage de cette bouteille unique d’où s’échappent à flots pressés toutes les liqueurs en arc-en-ciel : les bleues, les blanches, les jaunes, les NOires et les vertes ; mais chaque soir une foule idolâtre emplit la salle : quel tour d’adresse vaudrait celui-là? et tous les soirs encore cet admirable Robert Houdin fait de l’or avec une fiole et un jeu de cartes : Trouvez-moi un plus grand sorcier !
La presse anglaise, dont on connaît la verve d’invention drolatique, ne cesse pas de marier mademoiselle Jenny Lind et de la démarier.
Ces épousailles imaginaires n’ont point d’auti e origine que le dépit amoureux de ses inNOm
brables soupirants. L’échelle en est longue et rien n’indique encore que l’opulente canta
trice soit parvenue aux derniers échelons. Du
reste, elle n’a pas à redouter le sort de celte file un feu trop père du fabu - liste, et-le système temporisateur lui a profi
té. Après les couteliers, les pas
teurs et les pe
tits officiers aux gardes, elle n’en sera pas rédui
te à prendre un malotru ; tout au contraire , la condition de ses adorateurs va s’améliorant, le vent de la for
tune enfle plus que jamais son
ballon, et la voilà bientôt arrivée dans les hautes régions matri
moniales. L’un des plus ri
ches ét des plus
grands seigneurs de l’aristocratie
britannique, le duc de...., au
rait, dit-on, demandé sa main.
On dit encore que si le NOble lord avait hésité jusqu’à présent à se pro­ NOncer catégori
quement , c’est qu’il redoutait la rivalité conti
nentale dont on a tant parié ; mais une cor
respondance de Stockholm , en supprimant le beau pasteur suédois, vient de lever ce dernier obstacle, et le mariage ne saurait manquer d’être célébré prochainement.
Mademoiselle Cérito.
Suspension aérienne du fils de Kobert Houdin.
se retrouve. Les vaudevillistes n eu tout jamais a autres. Mais tout ce grand mal causé à l’honnête Drouet n’est que