maire, pour gagner du temps et venir plus tôt à Paris.
Accompagnée par une des maîtresses du bureau, ou sans être accompagnée, la NOurrice quitte son village pour descen
dre, c’est-à-dire pour aller à Paris. Mais avant elle choisit dans ses vieilles nippes, dans ses haillons de travail tout ce qu’elle a de plus vieux, de plus usé, de plus malpropre. Une mauvaise robe d’indienne, une paire debas troués, une couple de chemises et une mauvaise pointe de couleur orgueilleusement déco
rée du NOm de châle, composent toute sa garde-robe. L’entant n’est pas mieux vêtu que la mère. Tout ce qui a quelque valeur, et même tout ce qui n’est pas à peu près hors de ser
vice, a été laissé au pays. C’est une spéculation qui, quoique fort connue, n’en réussit pas moins toujours, car on sait qu’il est impossible aux parents de laisser dans cet état de misère et de délabrement la femme qui NOurrit leur enfant. Elles prévoient donc que peu à peu tous ces haillons se remplace
ront par des objets plus propres, et qui, habilement ménagés pendant la durée dé NOurriture, permettront de rappor
ter chez elles, outre le pécule intact, une certaine quantité d’effets plus ou moins neufs, qui exciteront l’admiration, peut-être même la jalousie des voisines.
Quelques-unes Je ces voyageuses conservent encore, après leur retour, certaines habitudes d’élégance qu’elles ne perdent malheureusement que trop vite quand elles sont retournées au fond de leurs campagnes; car elles reprennent aussitôt leurs anciens travaux, jusqu’à ce que la nais
sance d’un NOuvel enfant les ramène au bureau, où elles ar
rivent encore, plutôt semblables à des mendiantes qu’à des femmes qui viennent exercer une profession qui n’est pas sans être lucrative.
Plusieurs de ces bureaux de NOurrices sont de véritables bouges, où plus de cinquante femmes sont entassées avec leursenfants dans des chambres où la lumière et l’air ne sont donnés qu’avec la plus extrême parcimonie. Quelquefois, mais rarement, on leur donne un berceau pour leur enfant;
la plupart du temps elles sont obligées de le coucher avec elles, au risque des accidents qui peuvent survenir.
Au bureau, les NOurrices sont logées gratuitement avec cette somptuosité et ce comfortque NOus veNOns d’indiquer,
mais leur NOurriture eA à leur charge. Aussi se bornentelles, avec cet esprit d’écoNOmie sordide qui est le caractère des gens de campagne, au plus strict nécessaire. L’établis
sement a toujours une espèce de pourvoyeuse qui vend des soupes à dix centimes l’écuellée, de la bière à quinze centimes la bouteille, et le tout en proportion. On peut se figurer ce que doit être une pareille NOurriture quand on
saura que sur ces prix la pourvoyeuse sait encore réaliser un beau bénéfice. Aussi ne faut-il pas s étonner du degré de délabrement physique où arrivent, après quelques semaines
de séjour au bureau, ces femmes, presque toutes jeunes en.core, qui auraient besoin de réparer leurs forces par une NOurriture substantielle, et que leur intérêt porte, comme on dit vulgairement, à faire des écoNOmies sur leur santé.
Il est donc de l’intérêt des propriétaires de bureaux que leur marchandise, si on peut s’exprimer ainsi, soit placée le plus vite possible, pour qu’elle ne soit pas détériorée par un trop long séjour, afin de les faire rentrer plus tôt dans l’in
demnité qui leur est due comme prix du logement des NOurrices et des démarches qu’ils ont faites pour leur trou
ver une condition. Cette indemnité est égale à un mois de gages ou à une somme fixe de quarante francs, et se paye gé
néralement dans la quinzaine de l’entrée de la NOurrice dans la maison où on Ta placée.
Outre ce prix stipulé au profit des bureaux, si les pourvoyeuses ont fait quelques avances aux NOurrices, NOn-seu
lement elles les recouvrent avec usure après leur entrée dans les maisons, mais encore elles saisissent toutes les occa
sions de les pressurer et de prélever une dime sur leurs moindres bénéfices ; ainsi, quand il s’agit de vacciner des enfants, un médecin s adresse au bureau qui d’ordinaire lui fournit ses NOurrices, et se fait envoyer une femme avec un enfant qui remplit les conditions voulues. L’usage, ou même à défaut de l’usage, un sentiment bien naturel fait toujours donner quelque gratification à la femme qui a ap
porté son enfant; mais la maîtresse du bureau n’a pas voulu encore cette fois quitter de l’œil celle qu’elle regarde comme sa propriété. Elle est là dans un coin, attentive, qui épie ce que la générosité des assistants fait donner à la mère de l’en
fant, soit pour partager avec elle, soit pour s’en approprier la plus forte part.
Quelle que soit la condition des NOurrices, il n est pas une maison dont le séjour ne soit préférable, soit à la vie du bureau, soit même à la vie qu’elles mènent au sein de leurs fa
milles dans leurs pauvres villages. Et cepeudant il faut voir avec quel art elles font leurs conditions, tout ce qu’elles em
ploient de ruse et d’astuce campagnarde pour faire ajouter quelque chose aux stipulations convenues, ou emporter une promesse de plus. Ordinairement elles commencent par de
mander un prix assez élevé. Si on se récrie contre l’éNOr
mité du chiffre, et si elles voient qu’il faut battre en retraite, elles font observer qu’à ce prix elles se vêtiront, mais qu’elles sont disposées à l’abaisser si on veut les fournir de tout. Or, cette manière de poser la question n’est qu’un piège tendu à la crédulité des parents. Quelles que soient les convenlions faites, une NOurrice ne se fournira pas davantage les objets, même les plus indispensables, qui pourraient lui manquer.
Elle ne risque donc rien à conclure pour le chiffre le plus élevé, quelles que soient les conditions, bien déterminée d’a­
vance, dans un cas comme dans l’autre, à ne pas distraire un centime pour ses besoins personnels, de ce qui constitue ses gages.
Paris est chaque jour tellement et de plus en plus envahi par les moellons, que les endroits où Ton peut espérer trou
ver un peu d’air y deviennent extrêmement rares. Il n’est donc pas étonnant que les NOurrices de chaque partie de la ville aient un lieu de réunion habituel, une espèce de lieu de rendez-vous. Le plus important de tous est, sans contredit, le jardin des Tuileries. Aussilôt qu’un rayon de soleil,
ou même que l’absence de pluie permet de sortir les enfants, elles y arrivent par bandes des deux rives de la Seine, et même quelquefois d’endroits fort éloignés. Une fois réunies, on se figure peut-être que ces femmes, qui appartien
nent presque toutes à la même contrée, vont se reporter aux souvenirs de leur pays, s’entretenir de leurs familles, de leur village. Qu’on se détrompe: il n’en est presque jamais question. La première chose qu’elles se demandent en s’abor
dant, quand même elles ne se seraient jamais vues, c’est le chiffre de leurs gages, c’est le chapitre des profits directs ou indirects de la place. Elles auraient beau se revoir tous les jours, et pendant une année de suite, elles ne sortent jamais de ces questions d’intérêt, les seules qui aient quelque attrait pour des gens qui ont toujours, malgré leurs émigra
tions successives dans la capitale, conservé d’une manière ineffaçable le caractère intéressé des paysans.
Les bureaux de NOurrices et tout ce qui les concerne sont à Paris sous la surveillance de l’administration générale des
hôpitaux, et partant, sont, à ce titre, dans les attributions du ministre de l’intérieur, comme assimilés aux institutions charitables. L’organisation de ces bureaux n’ayant jamais été complète, la ville de Paris, après avoir inutilement si
gnalé plusieurs abus et en avoir demandé la suppression, a pris, par une délibération récente, un moyen énergique, ce
lui de refuser le crédit qu’elle allouait ordinairement sur son budget, jusqu’à ce que le ministre ait fait droit à ses réclamations. On ne saurait, en effet, entourer de trop de surveil
lance des établissements de ce genre, car les familles ont le droit d’y trouver des garanties sérieuses qui, dans l’état de choses actuel, laisse à peu près tout à désirer.
Travaux publies à Paris.
C’est presque toujours très-tardivement, à une époque déjà avancée de la campagne, que l’on se met à entreprendre des travaux résolus cependant depuis longtemps, et qui ga
gneraient tout à être terminés avant l’hiver. Il en est ainsi des immenses.travaux qu’on vient d’entamer, à la lin de l’été, pour terminer, du pont Louis XVI à la barrière des Bons- Hommes, cette ligne de quais bien pavés, encadrés par des trottoirs et éclairés par des candélabres, qui part du pont d’Austerlitz et rejoindra ainsi le pont d Iéna. Celui-ci sera planté et sera de tous points un Cours-la-Reine pavé, une an
nexe véritable des Champs-Elysées. Mais, en attendant, toute circulation y est interdite, et va s’y trouver interrompue pendant une grande partie de l’hiver. Les voitures pesantes, les charrettes les plus chargées sont donc forcées de prendre l’allée du Cours-la-Reine, dont le macadamisage se sillonnera bientôt d’ornières profondes sous l’influence des premières pluies. On aura ainsi, et uniquement pour s’y être mis trop tard, le Cours à refaire quand le quai sera fait. Pour avoir perdu du temps, on perdra plus d’argent encore.
La place Saint-Sulpice, dont la fontaine monumentale, élevée sur les dessins de M. Visconti, sera bientôt terminée, la place Saint-Sulpice, sur l’un des côtés do laquelle va être
édifié l’hôtel de la mairie du 11e arrondissement, promet de devenir très-prochainement un centre d’activité par suite
des percées qui vont y être pratiquées. NOus avons déjà dit qu’une rue ouverte de la place Saint-Germain-des-Prés à la place Saiut-Sulpice allait relier celle-ci au quai Maiaquais par la rue des Pelits-Augustins, ainsi continuée. Mais un projet bien autrement utile et depuis longtemps existant va enfin, mis à exécution, établir une ligne de communication entre le Pont- Neuf et la place Saint-Sulpice, et fournir ainsi un dégagement aux NOmbreuses voilures entrant par labarrière d’Enfer, et qui, pour se rendre au Pont-Neuf, étaient toutes condam
nées à suivre la rua des Fossés-Monsieur-le-Prince, si ra
pide, et la rue Dauphine, si encombrée. La ligne projetée empruntera sur quelques points de son passage les rues de de Nevers, de l’Echaudé, du Four-Saint-Germain et Mabillon. Elle entraînera la démolition, rendue du reste nécessaire par le mauvais état des bâliments, de la prison militaire de l’Abbaye. Déjà une NOuvelle maison d’arrêt, beau
coup plus spacieuse que celle qui existe aujourd’hui, est construite, dans le système cellulaire, rue du Cherche-Midi, en face de la rue du Ragard, et à la porte de l’hôtel des conseils de guerre de la première division militaire, sur remplacement de l’ancien magasin des vivres. Ou doit y in
troduire tous les perfectionnements dont ces établissements ont été pourvus successivement jusqu’ici, tant sous le rap
port de la sûreté que sous celui de la salubrité. Le bois est partout remplacé par le fer, si ce n’est dans quelques parties des bâtiments de l’administration.
Avant queleclergéde NOtre-Dame-de-Lorette fût installé dans la coquette église qu’on lui a construite et dorée, il célébrait les cérémonies du culte dans une pauvre chapelle, sise rue du Faubourg-Montmartre, 60. Cet édifice, étant de
venu inutile, a élé démoli, et sur son emplacement la ville dé Paris en a fait élever un autre tout en pierres de taille et parfaitement distribué. Les inscriptions suivautes, burinées sur la principale façade, à la manière antique, en font con
naître la destination. A la hauteur du troisième étage, on lit : Fondattèm municipale 1846. — A la .hauteur du deuxième : Ecoles primaires communales, — et à la hauteur du premier, à gauche : Jeunes filles , — à droite : Jeunes garçons. Enfin
l’édilice est couronné d’une campaniile pour la sonnerie de l’horloge. Il sera prochainement inauguré.
La tour de l’Horloge, ce vieux monument du vieux Paris, sur laquelle, en 1570, fut placée la première grosse horlogé qu’il y ait eu dans la capitale, est depuis quelque temps entourée d’échafaudage. Toute la partie supérieure est en ré
paration. Les pierres qui composaient le couronnement ont été enlevées, ainsi que la toiture et le pelit lanterNOn ouvert dans lequel était suspendue autrefois la cloche que Ton NOm
mait Tocsin du Palais. Cette cloche lut fondue à l’époque de la révolution. Le derniaijfesgfetor, qui avait souffert beaucoup, par suite dej TOÿSxl&fl ajMJWiçl on l’avait laissé
depuis plus de cinquante ans, va être enlièrement reconstruit. Déjà les fondations et tout le rez-de-chaussée de cette tour ont été repris en sous-œuvre et reconstruits il y a deux ans.
Dans la session que le conseil municipal a tenue pour voter le budget de la ville de Paris, comme le conseil général va tenir la sienne pour voter le budget du département de la Seine, le rapporteur a estimé que, dans le courant des dix dernières années, les dépenses NOrmales de Paris se sont ac
crues de 4 millions 523,000 fr. par année. Voici dans quelles proportions plusieurs de ces dépenses ont été augmentées :
Services des eaux, conduites et bornes-fontaines.
1832, dépense, annuelle........................... 451,000 fr. 1847 ...................................... 631,000
(En 1852, il n’y avait à Paris que 40,000 mètres de conduites ; en 1847, leur longueur totale est de 228,000 mètres. En 1852, Paris possédait 217 bornes fontaines; en 1847, on en compte 1,799).
Egouts.
En 1832, dépense annuelle........................... 50,000 fr. En 1847 ...................................................... 110,000
(En 1852, il y avait à Paris 40,500 mètres d’égouts; en 1847, il y en a 126,000.)
Pavé.
En 1852, dépense annuelle...................... 519 000 (r. En 1847 ................................................. 1,495,000
En 1852, on comptait dans Paris 5 millions 100,000 mètres carrés de pavé; en 1847, il y en a 5 millions 560,000.)
Trottoirs.
En 1832, la dépense annuelle était de. . 40,000 fr. En 1847, elle s’élèvera à.......................... 550,000
(En 1852, il n’y avait à Paris qu’une longueur de 52,000 mètres de trottoirs ; en 1847, cette longueur se monte à 181,000 mètres).
Hôpitaux.
En 1804, la subvention payée par la ville de Paris, pour les hôpitaux, pour le service des aliénés et pour celui des enfants trouvés, était de.............................. 5,056,000 fr.
En 1824, de............................................ 5,600,000 En 1844, de........................................... 7,108,000 En 1804, le NOmbre de lits occupés était
en moyenne de........................................... 5.200 En 1824, de........................................... 4.100 En 1844, de........................................... 5,600 En 1846, de........................................... 5,700 En 1804, le NOmbre des malades admis
fut de........................................................... 27,000 En 1824, de........................................... 44.000 En 1844, de........................... 80,000 En 1846, de........................................... 85,000
Instruction primaire.
En 1830...................................................... 92,000 fr. En 1846...................................................... 1,000,000
Académie des Scienes.
COMPTE RENDU DU DEUXIÈME TRIMESTRE 1847.
AstroNOmie.
Le monde savant et même le monde dans lequelles savants ne sont pas en majorité ont été vivement émus de la découverte faite par M. Leverrier d’une NOuvelle planète qui gra
vite loin de NOus, et qui, grâce à la puissance du calcul, est venue prendre sa place dans NOtre système céleste. Le premier moment d’émotion passé, les confrères en astroNOmie de M. Leverrier ont cherché, pour établir l’état civil de la pla
nète, si dans les recueils d’observations antérieures on ne découvrirait pas quelque étoile dont le signalement se rapporterait à celui de ce NOuvel hôte du ciel. Ces recher
ches ont élé couronnées de succès. Déjà MM. Petersen
et Walker avaient signalé une étoile de THistoire céleste de Letrançais de Lalande dont la position, en la supposant exacte, ne coïncide plus actuellement avec celle d’aucune étoile du ciel, et qui se trouve à peu près sur l’orbite apparente de la NOuvelle planète. M. Mauvais s’est livré, sur l’invitation de M. Arago, et en comparant les observations de l’Histoire céleste avec celles des manuscrits ap
partenant à l’Observatoire, aux calculs nécessaires pour éclaircir la question. Lalande a fait deux observations les 8 et 10 mai 1795; mais, trouvant dans les résultats une diffé
rence qui indiquait un déplacement de l’astre, il rejeta comme vicieuse l’observation du 8 mai: tandis que s’il s’é­
tait borné à la comparer à celle du 10, et ensuite à vérifier sur le ciel le lieu de cet astre, il aurait remarqué un NOuveau déplacement qui aurait infailliblement, dès cette épo
que, constaté l’existence d’une NOuvelle planète qui n’a été découverte que cinquante et un ans plus tard. Eu effet, il résulte de la communication de M. Mauvais que les positions absolues de l’orbite calculée présentent des rapprochements si précis avec les positions observées qu’il ne peut rester dans l’esprit des astroNOmes aucun doute sur l’identité de l’étoile observée par Lalande et de la planète découverte par M. Leverrier.
Théorie de la Lune, par M. Hansen. — Depuis cinquante ans, les astroNOmes ont reconnu que, dans le mouvement de la lune, il existe une ou plusieurs inégalités à longues pé
riodes que la théorie n avait pas encore fait connaître.
M. Hansen, en vertu de ses recherches antérieures sur la théorie de la lune, fut convaincu que si ces différences entre la théorie et les observations provenaient de l’attraction mutuelle des corps célestes, elles n’étaient causées que par l’in
fluence des planètes, et surtout de celle de Vénus sur la lune. Aussi se proposa-t-il de reprendre cette partie de la théorie, et de la traiter sous un point de vue plus général qu’on ne l’avait fait auparavant. Il découvrit bientôt deux inégalités produites l’une par l’attraction directe de Vénus sur la lune, l’autre en partie par cette même cause, et en partie par celte