Théâtre des Variétés. — Les artistes campanologiens.
Le 8 mai dernier, à six heures du matin, je quittai Constantine, en compagnie du docteur W..., membre de la commission scientifique d’Algérie, et de deux très-aimables Parisiens, touristes comme moi. Deux spahis arabes, un guide eï quatre muletiers indigènes conduisant NOs bêtes de somme, complétaient là caravane, à laquelle NOs mulets râpés et gro
tesquement harnachés donnaient une physioNOmie passableblement pittoresque. NOus NOus rendions à Bône, en passant par Hammam-Meskoulin et Ghelma.
Après avoir gravi les pentes rocailleuses du Djebel-Bou
Gareb, au sommet desquelles se montrent, à de courts intervalles, des ruines de forteresses romaines, NOus arrivâmes chez les Ouled-Zenati, tribu puissante et dont la fidélité à la France ne s’est pas démentie. C’était là que NOus devions passer la nuit. Une obligeante recommandation du directeur du bureau arabe de ConstantineNOus assurait chez ces mon
tagnards une hospitalité empressée. Les Ouled-Zenati sont, par position géographique, les amphitryons obligés de tous les voyageurs qui vont de Constantine à Bône ; et comme ils font les choses très-largement, sans jamais rien recevoir des
visiteurs, ils payent ainsi à la France des contributions indirectes qui, au bout de l’année, s’élèvent à une somme assez ronde. Du reste, il est impossible de faire les honneurs de
sa tente avec plus de cordialité, d’accueillir avec plus de grâce et de générosité des hôtes souvent importuns. Les Ou
led-Zenati en remontreraient assurément aux montagnards écossais.
Si je ne voulais pas éviter, dans ce récit, tout ce qui res-, semble à l impression de voyage, je prendrais plaisir à décrire ma nuit arabe, à faire passer sous les yeux du lecteur les
Vue générale des Bains maudits (Algérie).
détails de la scène profondément émouvante qui précéda l’heure du sommeil; la tente dressée, en un clin d’œil, par vingt bras vigoureux ; les habitants du douar venant NOus
présenter, sans affectation de politesse, leurs compliments de bienvenue ; les troupeaux descendant, en mugissant, du haut des collines, pour regagner le gîte commun; les Arabes adres
sant leur prière au tout-puissant Allah, en frappant la terre du front; le grand feu allumé à l’entrée de la tente, l’agneau sacrifié tout exprès pour NOus, à la mode antique, et grillé surdes charbons ardents; le kouskoussou, délicatement préparé par les femmes du cheikh et servi dans une gigantesque
coupe de bois ; les Arabes assis en cercle autour de la tente pendant le repas, et NOus considérant gravement, tandis que la flamme du foyer projetait sur leurs mâles figures ses lueurs rougeâtres et fugitives : tableau patriarcal, scène biblique, et dont la peinture exacte semblerait une page détachée de la Genèse.
Le soleil, en reparaissant sur la cime des montagnes, NOus retrouva chevauchant dans les âpres sentiers du plateau de Sidi-Tamtam. Vers dix heures, NOus atteignîmes le Ras-el- Akba, passage bien connu de NOtre armée. Le sirocco soufflait avec force et NOus envoyait des bouffées brûlantes,
échappées de la fournaise du Sahara. Le silence de la faim et de la fatigue régnait dans la petite caravane. Pour abréger,
NOus traversâmes à gué une petite rivière bordée de lauriersroses, et marchâmes à travers champs, sans respect pour de fort belles orges appartenant aux Kabyles du voisinage. Parvenus sur la crête d’une chaîne étroite et profondément ra
vinée, NOus découvrîmes de loin le lieu de NOtre halte. Tan
dis que mon mulet s’évertuait, avec toute la science d’un
artiste acrobate, à cheminer sans accident sur la déclivité d’un terrain semé de roches glissantes, je rencontrai un vieil Arabe qui marchait, un bâton à la main, dans la direc
cienset les modernes, la musique pathétique et la musique légère, leur talent s’accommode[de tous les genres, et leurs
instruments triomphent des difficultés les plus périlleuses. En un mot, leur exécution ne cloche jamais ; si bien que
chacune de leurs soirées est pour eux l’occasion d’un NOuveau succès de curiosité et de surprise ; cette musique vous
jette en effet dans un ravissement surnaturel et tout à f ait digne des Contes fantastiques d’Hoffmann. On ira les enten
dre, on ira les voir ; mais comme il n’est pas permis à NOs abonnés des départements et de l’étranger d’aller à la Co
rinthe des Variétés, NOus leur montrons, dans cette vignette, ces musiciens phéNOmènes, dont l’audition leur est interdite.
Les Bains maudits.
(hammam MESKOUTIN.)