pant. Dm? toute la vallée, c’est un frais paysage où se cou fondent les ci nés arrondies des oliviers sauvages et des lentisquas ; sur l’emplacement des sources, au contraire, c’est la nature marte, pétrifiée : c’est une espèce de nécropole aux monuments uniformes, et qui, par sa teinte éclatante, rap
pelle, sous un aspect plus triste, ces villes orientales assises, éternellement blanches, au milieu de délicieuses oasis, éter
nellement vertes. On conçoit fort bien qu’à l’aspect de ce champ fantastique peuplé de gigantesques fantômes, la
bouré par l’eau bouillante et sans cesse envelop pé de vapeurs sulfureuses, 1 imagination des Arabes se soit exaltée et ait enfanté le conte poétique dont on vient de lire la traduction française.
On ne peut faire un pas à Hammam-Meskoutin sans rencontrer une marmite naturelle, bouillant avec bruit, sans se heurter à un monticule recouvrant une ancienne source. Ici, le liquide brûlant s’épanche en nappe plus ou moins pro
fonde ; là, il forme des ruisseaux dont les parois brillantes semblent avoir été récemment revêtues d’une couche de plâtre passée au lait de chaux ; plus loin, il s’échappe en cascade écumante. Partout ce sont des objets dont on ne re
connaît plus la forme première sous la chemise calcaire qui les couvre, des brins d’herbe ou des plantes incrustés, des stalagmites gracieuses ou bizarres.
Les cônes sont généralement disposés par groupes assez serrés. Le chef de l’établissement NOus montrales deux fiancés côte à côte, leurs parents debout auprès d’eux, le magistrat, enfin tous les acteurs de la légende, que je n’avais fait qu’a percevoir de loin, sur l’indication de mon vieil Arabe. L’ex
cellent dessin du capitaine de génie Le Masson, dont on voitici la reproduction, retrace, avec une parfaite exactitude, cette scène curieuse.
Quelques dépôts ont une forme allongée, et constituent de longues murailles. La plus remarquable de ces créations est un rempart d’environ 1 kilomètre de longueur sur 20 mètres de largeur à la base, et 10 ou 12 au sommet. D’un bout à l’autre de ce mûr compacte règne un conduit d’un mètre de profondeur, dont les exhaussements successifs ont très-pro
bablement donné naissance à ce phéNOménal moNOlithe. Le rocher est tapissé d’appendices stalaetiformes, curieux par leur extrême variété et leur aspect, tantôt grotesque, tantôt élégamment capricieux.
Plusieurs sources, au lieu de jaillir ou de couler de façon à engendrer soit des cônes, soit des murailles, couvrent tout simplement le sol de leurs dépôls, qui, dans leurs accroissements, se.moulent sur les inégalités du terrain, et les re
produisent, par conséquent, tout en les dissimulant sous leur épaisse enveloppe. Une de ces sources étalées, la plus volu
mineuse et la plus belle, forme une magnifique cascade qui aboutit à un large ruisseau d’eau froide, tributaire de la Seybouse. Aux eaux de cette source se joignent, celles d’une multitude d’autres situées, comme elle, à environ 30 mètres au-dessus du torrent; elles s’épanchent en nappes limpides,
en suivant la pente du ravin, et leurs dépôts ont construit une espèce d’escalier colossal de plus de cent mètres de dévelop
pement. Là ou elles ont trouvé un obstacle, elles ont creusé un bassin , d’où elles s’échappent par débordement, pour tom
ber dans de semblables réservoirs inférieurs, et ainsi de suite jusqu’à ce que, parvenues au-niveau de la rivière, elles s’y précipitent avec impétuosité. De la réunion de cette eau bouillante avec celle du ruisseau, résulte, on pent le dire, un bain tiède, donné par l anature. Ainsi, bain enaud, et même brûlant, au sommet du monticule, bain tiède au bas, bain froid à quelques pas en amont du torrent, on peut, dans cette immense baigNOire, se procurer toutes les températures possibles sans tourner le robinet. «
Comme mes compagNOns de voyage, je fus saisi d’un vif mouvement de surprise et d’admiration à l’aspect de cette merveilleuse cataracte, que couronne un nuage de vapeur. Ce qui ajoute à la beauté du tableau, c’est la couleur du vaste lit sur lequel bondissent ces eaux voyageuses : on dirait une muraille de-marbre blanclargementveinée d’une teinte fauve. C’est ainsi que-m’est apparu ce rempart naturel ; si j’eusse attendu vingt-quatre heures, je l’eusse vu tout autre, car je lis dans les NOtes que le docteur Grellois a bien voulu me communiquer : « La coloration propre aux dépôts est blan
che; mais elle est susceptible de varier à l’infini par la préence d’une matière organique qui change de teinte aux di
vers degrés de son développement, par la dissolution continue des principes colorants des matières qui se trouvent en con
tact avec l’eau; enfin, et surtout, par la diversité des éléments minéralisateurs qui se déposent à des distances variables du point d’origine. Aussi, rien n’est-il plus fugace que les diffé
rentes couleurs de cette cascade : on est surpris de ne pas trouver aujourd’hui toutes les teintes qu’on avait observées hier, et demain sans doute l’aspect ne sera plus le même qu’aujourd’hui. »
La température des sources principales est, à toutes les époques de l’année invariablement, de 93 degrés centigrade.
Ce fait, si remarquable, place Hammam-Meskoutin au premier rang des sources thermales, car je ne sache pas qu’il existe en Europe des eaux aussi chaudes (1). M. Grellois, étant un jour tombé dans un bassin, fut complètement brûlé de la ceinture aux pieds. Pour avoir un bain de vapeur, il suffit de placer un cabinet au-dessus d’un des principaux jets d’eau bouillante.
De quefle profondeur viennent les eaux d’Hammam-Mes
(1) En France, les sources dont la température et le plus élevée sont celles de Chaudesaigues’(Cantal), qui ont 88°centigrade. Puis viennent celles d’Ax (Ariége), 82 ,5; — celles d’OIetle (Pyrénées-Orientales),75°; — de Dax (Landes),72°,5, etc.— Les eaux d’Aix-la-Chapelle, en Prusse, n’ont que 61 ,66; celles de Carîsbad, en Bohême, 75 ,89. Si, conformément à l’opinion de quelques géographes, on considère l’Islande comme une dépendance de l’Europe, le premier rang pour la température n’ap
partiendra plus aux sources d’Hammani-Meskoutin, car l’eau du Geyser d’Islande, dans le bassin et après l’éruption, a 95° de chaleur ; au fond du cratère elle a 124°; dans la même île, le Reekum a 100°.
koutin? Si l’on admet que leur température résulte, NOn de la présence d’uu volcan, mais simplement de la profondeur d’où elles jaillissent, cette question peut recevoir une solu
tion, siNOn définitive, du moins approximative et provisoire.
Ou sait, en effet, qu’il a été constaté par des expériences faites au puits de Grenelle par MM. Arago et Walferdin, que la température de la terre s’accroissait en raison directe de la profondeur, et dans la proportion d’un degré par 32 mètres. Si l’on reconnaît ia rigueur de cette loi de progres
sion (contre laquelle, il faut le dire, se sont inscrits plusieurs physiciens), il sera aisé de calculer la distance de la nappe souterraine d’où s échappent les sources en question. De 93, chiffre de la température de ces sources, il faut d’abord re
trancher la température constante du sol, qui, dans cette partie de l’Afrique, peut être à priori évaluée à environ 13°; restera donc 80 à multiplier par 32 mètres, ce qui donnera,
pour la profondeur totale, 2,360 mètres, c’est-à-dire plus de la moitié de la hauteur du mont Blanc, et plus du double de celle du Vésuve.
Les eaux d’Hammam-Meskoutin répandent une odeur sulfureuse assez forte pour anNOncer leur présence à la distance
de trois ou quatre-cents mètres. Le dégagement du gaz a lieu presque entièrement au point où le liquide surgit du
sein de la terre. Du reste, malgré les principes minéraux dont elle est saturée, cette eau est parfaitement incolore et sans goût.
Comme les eaux, bien connues, de Sainte-Allyre en Auvergne, de Véron dans l’Yonne, de Carjae dans le Lot, d’Albert en Picardie, celles d’Hammam-Meskoutin sont incrus
tantes, c est-à-dire qu’elles ont la propriété de recouvrir tous les objets exposés à leur action d’une couche calcaire d’au
tant plus épaisse, que l’incrustation se lait plus près de la source. Toutes qui trempe dans les ruisseaux, feuilles, brins d’herbe, branches d’arbres, animaux, détritus quelconques,
est presque immédiatement revêtu d’une enveloppe d’un blanc éclatant, et dont chaque jour augmente la solidité. Une se
maine suffit pour incruster un nid d’oiseau, de façon à ce que la matière première soit complètement invisible.
On ne saurait déNOmbrer les sources du plateau d Hammam-Meskoutin, car tandis que les unes tarissent, d’autres apparaissent à quelque distance. On a constaté une véritable solidarité entre les tontaines d’un même système, c’est-à-dire que, si l’une diminue d’activité, sa voisine augmente dans la même proportion, tandis que les sources d’un système éloigné et distinct ne subissent pas la même influence.
Ce qu’il y avait de plus intéressant à constater, c’étaient les propriétés curatives de «es eaux. Des expériences décisives ont été faites : depuis ”1844, grâce à l’intelligente solli
citude du. général Randon, commandant supérieur de la subdivLiou de Bône, des militaires malades ont été envoyés à Hammam-Meskoutin et y ont été traités avec un grand suscès. Un hôpital temporaire, construit sur la rive gauche du ruisseau d’eau froide, peut contenir 80 malades. Le doc
teur Grellois, jeune homme aussi savant que modeste, dirige cet établissement avec une habileté et un dévouement audessus de tout éloge.
Des expériences faites, il résulte que ces eaux thermales sont souveraines contre les engorgements des viscères, con
séquences des fièvres intermittentes (tant il est vrai que la nature place toujours le remède à côté du mal), contre les bydropisies passives, les rhumatismes anciens, les douleurs, les ulcères invétérés, les maladies de la peau, les plaies résultant de blessures de longue date, les anémies, la prédo
minance lymphatique et les abcès scrofuleux. Que bénis soient donc les bains maudits!
L’établissement est ouvert pendant les mois d’avril, mai et juin. En juillet, la crainte des fièvres en lait fermer les por
tes, Quand les travaux proposés auront été exécutés, on pourra y recevoir des malades pendant huit mois de l’année, et il suffira de s’en éloigner pendant les fortes chaleurs.
Le zèle ayant suppléé aux ressources matérielles, on a trouvé moyen de rendre aussi complet que possible le trai
tement par les eaux thermales. Les bains se prennent dans
des bassins, ou piscines romaines, remises à neuf. Les douches peuvent s’administrer avec toutes les variétés désirables de
puissance et de température. Pour les fumigations, il s’agit tout simplement d’installer le malade dans une guérite au
dessus dune source. Certains dépôts mous sont utilisés sous forme de bains de boue ou p mr des applications locales. Enfin les eaux sont prises en boisson.
Quand il plaira au gouvernement de fonder ici un centre de population et un grand établissement médical, on y trouvera toutes les ressources désirables : d’abord un plateau ad
mirablement situé, et qui semble avoir été créé tout exprès ;
pour les constructions, ia pierre, la chaux, le calcaire en abondance, le bois de chêne dans les montagnes voisines ; pour l’agriculture, des terres arables d’excellente qualité,
un sol propre à la culture du coton, du tabac, du NOpal, du sésame, une grande puissance de végétation ; sur les co
teaux, composés de détritus de calcaires, de marnes et de grès, un terrain favorable à la vigne, au mûrier, à l’olivier, au figuier, au grenadier.
Deux heures après avoir quitté Hammam-Meskoutin, NOus arrivâmes à Ghelma. J’avais dit adieu avec regret à ce lieu si intéressant, me promettant bien de le recommander à tous
les voyageurs à qui viendra la très-heureuse idée d’aller pérégriner dans NOtre colonie. Je n’hésite pas à déclarer que quiconque parcourra NOs possessions africaines sans visiter les Bains Maudits pourra regretter de n’avoir pas vu la chose la plus curieuse de toute 1 Algérie. Fr. LACROIX.
La Cagdami.
Voir pages 6, 26, 36, 58, 70, 86 et 106.
VIII.
Ce fut un grand désappointement pour les amateurs de débats criminels, affriolés par les premières péripéties du
drame judiciaire où la Casdamî avait, à l’improviste, pris son rôle, que l’ajournement de ce procès, qui commençait à les
préoccuper, Transportez-vous devant l’affiche du Théâtre- Italien, le soir d’une première représentation, parmi les spectateurs ébahis, qu’arrêtent une bande blanche et le mot relâche écrit à la main, vous aurez l’idée des physioNOn ies
contrariées, des mines piteuses, des propos découragés,. as plaintes bruyantes qui attestèrent le mécontentement public, lorsqu’après un très-bref réquisitoire du ministère public, et un court délibéré avec ses assesseurs, le président pro
NOnça l’arrêt de la cour, motivé sur la nécessité, maintenant reconnue, d’une instruction supplémentaire. Cette décision, si évidemment équitable, fut saluée par d’unanimes murmures, tant la curiosité déçue est une passion implacable, et tant les hommes en masse ressemblent quelquefois, par leur intraitable égoïsme, à la pire espèce des enfants gâtés.
Encore ces spectateurs avides, si peu mesurés dans l’expression de leur désappointement, igNOraient-ils que l’ajour
nement proNOncé devait équivaloir, — on saura comment,— à une suppression complète. La Providence, infaillible gref
fier, avait définitivement rayé du rôle le procès intenté à la Pépita et à Pepindorio.
Mais, sans anticiper sur le déNOûment qui NOus reste à raconter, il NOus faut rendre compte des résultats qu’avaient eus les manœuvres habiles de maître Lambert.
A peine se fut-il assuré du véritable état des choses, en écoutant aux portes, — ce qui a toujours été, avant et depuis Figaro, le meilleur moyen, siNOn le plus honnête, d’ar
river à tout savoir, — qu’il fit partir en toute bâte son fidèle compagNOn. Celui-ci regagna Perpignan à l heure où le soleil levant commençait à dorer les toits les plus élevés de la ville endormie, et alla frapper tout direclement à la porte de la maison où le président de la cour d’assises, — un des con
seillers à la cour royale de Montpellier, délégué pour remplir ces fonctions, — se retirait chaque soir après le whist de la préfecture. Admis, NOn sans peine, à l’auditnee particulière de ce digne magistrat, qu’il fallut arracher violemment aux douceurs du sommeil, il lui donna des renseignements ac
cueillis avec un intérêt toujours croissant, et par suite des
quels différentes mesures furent adoptées, différents ordres expédiés dont on appréciera plus tard l’opportunité.
Le procureur du roi, mandé en toute hâte, prit part à ce conseil matinal, où fut délibérée la marche à suivre et les conclu
sions à prendre quand ia cour aurait repris séance. De retour chez lui, le chef du parquet rédigea, sans aucun retard, certains mandats d’amener qu’un brigadier de gendarmerie at
tendait à la porte, avec une escouade composée de ses plus alertes cavaliers. Et s’il n’avait pas été de fort bonne heure quand ce détachement quitta la ville, l’attention des bour
geois eût été certainement éveillée par l’allure insolite- que prenaient, ce matin-là, les agents de la force publique. Excités par les pressantes injonctions des magistrats, ils galopaient ni plus ni moins quedes jockeys dans un hippodrome.
Laissons-les accomplir leur mystérieuse mission, et transportons-NOus, à quelques heures de là, dans une sal e basse du tribunal, où le président des assises, le juge d’instruction .et le chef du parquet s’étaient réunis, après le lever de l’au
dience, pour y entendre la déposition de Lambert. On venait de la recevoir, et le greffier achevait d’en rédiger la teneur, lorsque, sur un signe du procureur du roi, la Casdami fut introduite.
Elle était plus pâle qu’à l’ordinaire, et paraissait inquiète. Sans qu’elle pût s’en rendre compte, l’ajournement du procès criminel lui avait par-u de mauvais augure, et de plus mau
vais augure encore les précautions qu’ou avait prises polir l’empêcher, elle, de quitter la ville. Au lieu de la décréter
d’arrestation, — et de la mettre ainsi sur ses gardes, — le président lui avait fait dire par un huissier qu’elle eût à ne pas s’éloigner, sous peine d’être immédiatement jetée en pri
son. En outre, elle s’était aperçue que, sans faire semblant de
rien, quelques agents subalternes de la policé locale ne la- perdaient plus un seul instant de vue ; et toutes ces manœuvres lui donnaient fort à penser.
Après tout, néanmoins, elle n’était point femme à perdre la tête plus tôt que de raison, et dès qu’elle se vit en face des trois magistrats, elle reprit la physioNOmie impassible, insouciante et dédaigneuse qui lui était particulière.
L’interrogatoire commença, comme presque tous les interrogatoires en matière criminelle, par quelques questions in
signifiantes destinées à dérouter les témoins dont on se méfie,
et à leur dissimuler la direction que les juges entendent donner à leur enquête. On lui demanda quels pouvaient être ses motifs de haine contre Antonio et sa femme ; mais on ne lui parla ni de Lambert, ni do Simprafié, ni des raisons que
l’on avait pour croire que ce dernier aurait agi de complicité avec elle; bien moins encore de ce qui avait pu se passer à Taxo, le jour où la Pépita était devenue mère.
Grâce à cette tactique, dont elle igNOrait les procédés routiniers, la bohémienne, — qui d’abord avait refusé de ré
pondre, — se rassura peu à peu. Tout au plus imagina-t-
elle que Pepindorio, pour affaiblir la valeur de son témoignage, avait bien pu raconter aux juges ce qui s’était passé entre
eux à l’époque de leur divorce par consentement NOn-mutuel. Et, partant de là, elle ne vit aucun inconvénient à répéter ce qu’il pouvait avoir dit : — qu’il l’avait trahie, et qu’elle avait voulu se venger.
Le procureur du roi s’empara sur-le- champ, en homme habile, de cet aveu significatif, et s’adressant au juge d’instruction :
« Demandez au témoin, lui dit-il, si son désir de vengeance ne l’aurait point entraînée, par hasard, à d’autres démarches que celles dont il a déjà été question entre elle et NOus. Demandez-lui si. par exemple, elle n’aurait rien tramé contre le repos et l’honneur de la fenjjHg qtielsoljuiari avait prise avec lui depuis leur rupture.
Il s’attendait à une réponse négative ; mais la Casdami sous les dehors d la folie, cachait qjiéifttèlli gencè aus sw
nette, aussi prompte que celle du crirq&ali feçto;é Ç:j
pelle, sous un aspect plus triste, ces villes orientales assises, éternellement blanches, au milieu de délicieuses oasis, éter
nellement vertes. On conçoit fort bien qu’à l’aspect de ce champ fantastique peuplé de gigantesques fantômes, la
bouré par l’eau bouillante et sans cesse envelop pé de vapeurs sulfureuses, 1 imagination des Arabes se soit exaltée et ait enfanté le conte poétique dont on vient de lire la traduction française.
On ne peut faire un pas à Hammam-Meskoutin sans rencontrer une marmite naturelle, bouillant avec bruit, sans se heurter à un monticule recouvrant une ancienne source. Ici, le liquide brûlant s’épanche en nappe plus ou moins pro
fonde ; là, il forme des ruisseaux dont les parois brillantes semblent avoir été récemment revêtues d’une couche de plâtre passée au lait de chaux ; plus loin, il s’échappe en cascade écumante. Partout ce sont des objets dont on ne re
connaît plus la forme première sous la chemise calcaire qui les couvre, des brins d’herbe ou des plantes incrustés, des stalagmites gracieuses ou bizarres.
Les cônes sont généralement disposés par groupes assez serrés. Le chef de l’établissement NOus montrales deux fiancés côte à côte, leurs parents debout auprès d’eux, le magistrat, enfin tous les acteurs de la légende, que je n’avais fait qu’a percevoir de loin, sur l’indication de mon vieil Arabe. L’ex
cellent dessin du capitaine de génie Le Masson, dont on voitici la reproduction, retrace, avec une parfaite exactitude, cette scène curieuse.
Quelques dépôts ont une forme allongée, et constituent de longues murailles. La plus remarquable de ces créations est un rempart d’environ 1 kilomètre de longueur sur 20 mètres de largeur à la base, et 10 ou 12 au sommet. D’un bout à l’autre de ce mûr compacte règne un conduit d’un mètre de profondeur, dont les exhaussements successifs ont très-pro
bablement donné naissance à ce phéNOménal moNOlithe. Le rocher est tapissé d’appendices stalaetiformes, curieux par leur extrême variété et leur aspect, tantôt grotesque, tantôt élégamment capricieux.
Plusieurs sources, au lieu de jaillir ou de couler de façon à engendrer soit des cônes, soit des murailles, couvrent tout simplement le sol de leurs dépôls, qui, dans leurs accroissements, se.moulent sur les inégalités du terrain, et les re
produisent, par conséquent, tout en les dissimulant sous leur épaisse enveloppe. Une de ces sources étalées, la plus volu
mineuse et la plus belle, forme une magnifique cascade qui aboutit à un large ruisseau d’eau froide, tributaire de la Seybouse. Aux eaux de cette source se joignent, celles d’une multitude d’autres situées, comme elle, à environ 30 mètres au-dessus du torrent; elles s’épanchent en nappes limpides,
en suivant la pente du ravin, et leurs dépôts ont construit une espèce d’escalier colossal de plus de cent mètres de dévelop
pement. Là ou elles ont trouvé un obstacle, elles ont creusé un bassin , d’où elles s’échappent par débordement, pour tom
ber dans de semblables réservoirs inférieurs, et ainsi de suite jusqu’à ce que, parvenues au-niveau de la rivière, elles s’y précipitent avec impétuosité. De la réunion de cette eau bouillante avec celle du ruisseau, résulte, on pent le dire, un bain tiède, donné par l anature. Ainsi, bain enaud, et même brûlant, au sommet du monticule, bain tiède au bas, bain froid à quelques pas en amont du torrent, on peut, dans cette immense baigNOire, se procurer toutes les températures possibles sans tourner le robinet. «
Comme mes compagNOns de voyage, je fus saisi d’un vif mouvement de surprise et d’admiration à l’aspect de cette merveilleuse cataracte, que couronne un nuage de vapeur. Ce qui ajoute à la beauté du tableau, c’est la couleur du vaste lit sur lequel bondissent ces eaux voyageuses : on dirait une muraille de-marbre blanclargementveinée d’une teinte fauve. C’est ainsi que-m’est apparu ce rempart naturel ; si j’eusse attendu vingt-quatre heures, je l’eusse vu tout autre, car je lis dans les NOtes que le docteur Grellois a bien voulu me communiquer : « La coloration propre aux dépôts est blan
che; mais elle est susceptible de varier à l’infini par la préence d’une matière organique qui change de teinte aux di
vers degrés de son développement, par la dissolution continue des principes colorants des matières qui se trouvent en con
tact avec l’eau; enfin, et surtout, par la diversité des éléments minéralisateurs qui se déposent à des distances variables du point d’origine. Aussi, rien n’est-il plus fugace que les diffé
rentes couleurs de cette cascade : on est surpris de ne pas trouver aujourd’hui toutes les teintes qu’on avait observées hier, et demain sans doute l’aspect ne sera plus le même qu’aujourd’hui. »
La température des sources principales est, à toutes les époques de l’année invariablement, de 93 degrés centigrade.
Ce fait, si remarquable, place Hammam-Meskoutin au premier rang des sources thermales, car je ne sache pas qu’il existe en Europe des eaux aussi chaudes (1). M. Grellois, étant un jour tombé dans un bassin, fut complètement brûlé de la ceinture aux pieds. Pour avoir un bain de vapeur, il suffit de placer un cabinet au-dessus d’un des principaux jets d’eau bouillante.
De quefle profondeur viennent les eaux d’Hammam-Mes
(1) En France, les sources dont la température et le plus élevée sont celles de Chaudesaigues’(Cantal), qui ont 88°centigrade. Puis viennent celles d’Ax (Ariége), 82 ,5; — celles d’OIetle (Pyrénées-Orientales),75°; — de Dax (Landes),72°,5, etc.— Les eaux d’Aix-la-Chapelle, en Prusse, n’ont que 61 ,66; celles de Carîsbad, en Bohême, 75 ,89. Si, conformément à l’opinion de quelques géographes, on considère l’Islande comme une dépendance de l’Europe, le premier rang pour la température n’ap
partiendra plus aux sources d’Hammani-Meskoutin, car l’eau du Geyser d’Islande, dans le bassin et après l’éruption, a 95° de chaleur ; au fond du cratère elle a 124°; dans la même île, le Reekum a 100°.
koutin? Si l’on admet que leur température résulte, NOn de la présence d’uu volcan, mais simplement de la profondeur d’où elles jaillissent, cette question peut recevoir une solu
tion, siNOn définitive, du moins approximative et provisoire.
Ou sait, en effet, qu’il a été constaté par des expériences faites au puits de Grenelle par MM. Arago et Walferdin, que la température de la terre s’accroissait en raison directe de la profondeur, et dans la proportion d’un degré par 32 mètres. Si l’on reconnaît ia rigueur de cette loi de progres
sion (contre laquelle, il faut le dire, se sont inscrits plusieurs physiciens), il sera aisé de calculer la distance de la nappe souterraine d’où s échappent les sources en question. De 93, chiffre de la température de ces sources, il faut d’abord re
trancher la température constante du sol, qui, dans cette partie de l’Afrique, peut être à priori évaluée à environ 13°; restera donc 80 à multiplier par 32 mètres, ce qui donnera,
pour la profondeur totale, 2,360 mètres, c’est-à-dire plus de la moitié de la hauteur du mont Blanc, et plus du double de celle du Vésuve.
Les eaux d’Hammam-Meskoutin répandent une odeur sulfureuse assez forte pour anNOncer leur présence à la distance
de trois ou quatre-cents mètres. Le dégagement du gaz a lieu presque entièrement au point où le liquide surgit du
sein de la terre. Du reste, malgré les principes minéraux dont elle est saturée, cette eau est parfaitement incolore et sans goût.
Comme les eaux, bien connues, de Sainte-Allyre en Auvergne, de Véron dans l’Yonne, de Carjae dans le Lot, d’Albert en Picardie, celles d’Hammam-Meskoutin sont incrus
tantes, c est-à-dire qu’elles ont la propriété de recouvrir tous les objets exposés à leur action d’une couche calcaire d’au
tant plus épaisse, que l’incrustation se lait plus près de la source. Toutes qui trempe dans les ruisseaux, feuilles, brins d’herbe, branches d’arbres, animaux, détritus quelconques,
est presque immédiatement revêtu d’une enveloppe d’un blanc éclatant, et dont chaque jour augmente la solidité. Une se
maine suffit pour incruster un nid d’oiseau, de façon à ce que la matière première soit complètement invisible.
On ne saurait déNOmbrer les sources du plateau d Hammam-Meskoutin, car tandis que les unes tarissent, d’autres apparaissent à quelque distance. On a constaté une véritable solidarité entre les tontaines d’un même système, c’est-à-dire que, si l’une diminue d’activité, sa voisine augmente dans la même proportion, tandis que les sources d’un système éloigné et distinct ne subissent pas la même influence.
Ce qu’il y avait de plus intéressant à constater, c’étaient les propriétés curatives de «es eaux. Des expériences décisives ont été faites : depuis ”1844, grâce à l’intelligente solli
citude du. général Randon, commandant supérieur de la subdivLiou de Bône, des militaires malades ont été envoyés à Hammam-Meskoutin et y ont été traités avec un grand suscès. Un hôpital temporaire, construit sur la rive gauche du ruisseau d’eau froide, peut contenir 80 malades. Le doc
teur Grellois, jeune homme aussi savant que modeste, dirige cet établissement avec une habileté et un dévouement audessus de tout éloge.
Des expériences faites, il résulte que ces eaux thermales sont souveraines contre les engorgements des viscères, con
séquences des fièvres intermittentes (tant il est vrai que la nature place toujours le remède à côté du mal), contre les bydropisies passives, les rhumatismes anciens, les douleurs, les ulcères invétérés, les maladies de la peau, les plaies résultant de blessures de longue date, les anémies, la prédo
minance lymphatique et les abcès scrofuleux. Que bénis soient donc les bains maudits!
L’établissement est ouvert pendant les mois d’avril, mai et juin. En juillet, la crainte des fièvres en lait fermer les por
tes, Quand les travaux proposés auront été exécutés, on pourra y recevoir des malades pendant huit mois de l’année, et il suffira de s’en éloigner pendant les fortes chaleurs.
Le zèle ayant suppléé aux ressources matérielles, on a trouvé moyen de rendre aussi complet que possible le trai
tement par les eaux thermales. Les bains se prennent dans
des bassins, ou piscines romaines, remises à neuf. Les douches peuvent s’administrer avec toutes les variétés désirables de
puissance et de température. Pour les fumigations, il s’agit tout simplement d’installer le malade dans une guérite au
dessus dune source. Certains dépôts mous sont utilisés sous forme de bains de boue ou p mr des applications locales. Enfin les eaux sont prises en boisson.
Quand il plaira au gouvernement de fonder ici un centre de population et un grand établissement médical, on y trouvera toutes les ressources désirables : d’abord un plateau ad
mirablement situé, et qui semble avoir été créé tout exprès ;
pour les constructions, ia pierre, la chaux, le calcaire en abondance, le bois de chêne dans les montagnes voisines ; pour l’agriculture, des terres arables d’excellente qualité,
un sol propre à la culture du coton, du tabac, du NOpal, du sésame, une grande puissance de végétation ; sur les co
teaux, composés de détritus de calcaires, de marnes et de grès, un terrain favorable à la vigne, au mûrier, à l’olivier, au figuier, au grenadier.
Deux heures après avoir quitté Hammam-Meskoutin, NOus arrivâmes à Ghelma. J’avais dit adieu avec regret à ce lieu si intéressant, me promettant bien de le recommander à tous
les voyageurs à qui viendra la très-heureuse idée d’aller pérégriner dans NOtre colonie. Je n’hésite pas à déclarer que quiconque parcourra NOs possessions africaines sans visiter les Bains Maudits pourra regretter de n’avoir pas vu la chose la plus curieuse de toute 1 Algérie. Fr. LACROIX.
La Cagdami.
Voir pages 6, 26, 36, 58, 70, 86 et 106.
VIII.
Ce fut un grand désappointement pour les amateurs de débats criminels, affriolés par les premières péripéties du
drame judiciaire où la Casdamî avait, à l’improviste, pris son rôle, que l’ajournement de ce procès, qui commençait à les
préoccuper, Transportez-vous devant l’affiche du Théâtre- Italien, le soir d’une première représentation, parmi les spectateurs ébahis, qu’arrêtent une bande blanche et le mot relâche écrit à la main, vous aurez l’idée des physioNOn ies
contrariées, des mines piteuses, des propos découragés,. as plaintes bruyantes qui attestèrent le mécontentement public, lorsqu’après un très-bref réquisitoire du ministère public, et un court délibéré avec ses assesseurs, le président pro
NOnça l’arrêt de la cour, motivé sur la nécessité, maintenant reconnue, d’une instruction supplémentaire. Cette décision, si évidemment équitable, fut saluée par d’unanimes murmures, tant la curiosité déçue est une passion implacable, et tant les hommes en masse ressemblent quelquefois, par leur intraitable égoïsme, à la pire espèce des enfants gâtés.
Encore ces spectateurs avides, si peu mesurés dans l’expression de leur désappointement, igNOraient-ils que l’ajour
nement proNOncé devait équivaloir, — on saura comment,— à une suppression complète. La Providence, infaillible gref
fier, avait définitivement rayé du rôle le procès intenté à la Pépita et à Pepindorio.
Mais, sans anticiper sur le déNOûment qui NOus reste à raconter, il NOus faut rendre compte des résultats qu’avaient eus les manœuvres habiles de maître Lambert.
A peine se fut-il assuré du véritable état des choses, en écoutant aux portes, — ce qui a toujours été, avant et depuis Figaro, le meilleur moyen, siNOn le plus honnête, d’ar
river à tout savoir, — qu’il fit partir en toute bâte son fidèle compagNOn. Celui-ci regagna Perpignan à l heure où le soleil levant commençait à dorer les toits les plus élevés de la ville endormie, et alla frapper tout direclement à la porte de la maison où le président de la cour d’assises, — un des con
seillers à la cour royale de Montpellier, délégué pour remplir ces fonctions, — se retirait chaque soir après le whist de la préfecture. Admis, NOn sans peine, à l’auditnee particulière de ce digne magistrat, qu’il fallut arracher violemment aux douceurs du sommeil, il lui donna des renseignements ac
cueillis avec un intérêt toujours croissant, et par suite des
quels différentes mesures furent adoptées, différents ordres expédiés dont on appréciera plus tard l’opportunité.
Le procureur du roi, mandé en toute hâte, prit part à ce conseil matinal, où fut délibérée la marche à suivre et les conclu
sions à prendre quand ia cour aurait repris séance. De retour chez lui, le chef du parquet rédigea, sans aucun retard, certains mandats d’amener qu’un brigadier de gendarmerie at
tendait à la porte, avec une escouade composée de ses plus alertes cavaliers. Et s’il n’avait pas été de fort bonne heure quand ce détachement quitta la ville, l’attention des bour
geois eût été certainement éveillée par l’allure insolite- que prenaient, ce matin-là, les agents de la force publique. Excités par les pressantes injonctions des magistrats, ils galopaient ni plus ni moins quedes jockeys dans un hippodrome.
Laissons-les accomplir leur mystérieuse mission, et transportons-NOus, à quelques heures de là, dans une sal e basse du tribunal, où le président des assises, le juge d’instruction .et le chef du parquet s’étaient réunis, après le lever de l’au
dience, pour y entendre la déposition de Lambert. On venait de la recevoir, et le greffier achevait d’en rédiger la teneur, lorsque, sur un signe du procureur du roi, la Casdami fut introduite.
Elle était plus pâle qu’à l’ordinaire, et paraissait inquiète. Sans qu’elle pût s’en rendre compte, l’ajournement du procès criminel lui avait par-u de mauvais augure, et de plus mau
vais augure encore les précautions qu’ou avait prises polir l’empêcher, elle, de quitter la ville. Au lieu de la décréter
d’arrestation, — et de la mettre ainsi sur ses gardes, — le président lui avait fait dire par un huissier qu’elle eût à ne pas s’éloigner, sous peine d’être immédiatement jetée en pri
son. En outre, elle s’était aperçue que, sans faire semblant de
rien, quelques agents subalternes de la policé locale ne la- perdaient plus un seul instant de vue ; et toutes ces manœuvres lui donnaient fort à penser.
Après tout, néanmoins, elle n’était point femme à perdre la tête plus tôt que de raison, et dès qu’elle se vit en face des trois magistrats, elle reprit la physioNOmie impassible, insouciante et dédaigneuse qui lui était particulière.
L’interrogatoire commença, comme presque tous les interrogatoires en matière criminelle, par quelques questions in
signifiantes destinées à dérouter les témoins dont on se méfie,
et à leur dissimuler la direction que les juges entendent donner à leur enquête. On lui demanda quels pouvaient être ses motifs de haine contre Antonio et sa femme ; mais on ne lui parla ni de Lambert, ni do Simprafié, ni des raisons que
l’on avait pour croire que ce dernier aurait agi de complicité avec elle; bien moins encore de ce qui avait pu se passer à Taxo, le jour où la Pépita était devenue mère.
Grâce à cette tactique, dont elle igNOrait les procédés routiniers, la bohémienne, — qui d’abord avait refusé de ré
pondre, — se rassura peu à peu. Tout au plus imagina-t-
elle que Pepindorio, pour affaiblir la valeur de son témoignage, avait bien pu raconter aux juges ce qui s’était passé entre
eux à l’époque de leur divorce par consentement NOn-mutuel. Et, partant de là, elle ne vit aucun inconvénient à répéter ce qu’il pouvait avoir dit : — qu’il l’avait trahie, et qu’elle avait voulu se venger.
Le procureur du roi s’empara sur-le- champ, en homme habile, de cet aveu significatif, et s’adressant au juge d’instruction :
« Demandez au témoin, lui dit-il, si son désir de vengeance ne l’aurait point entraînée, par hasard, à d’autres démarches que celles dont il a déjà été question entre elle et NOus. Demandez-lui si. par exemple, elle n’aurait rien tramé contre le repos et l’honneur de la fenjjHg qtielsoljuiari avait prise avec lui depuis leur rupture.
Il s’attendait à une réponse négative ; mais la Casdami sous les dehors d la folie, cachait qjiéifttèlli gencè aus sw
nette, aussi prompte que celle du crirq&ali feçto;é Ç:j