César Borgia, due de Valenlinois.
Une infamie éternelle est attachée au NOm de César Borgia; et cependant, si on descend à un examen détaillé de sa vie, on est frappé de mille dons naturels et éminents qui brillent en lui. Comme homme, il est beau, adroit; il a des qualités de général, d’administrateur, de négocia
teur ; le danger ne l’épouvante ni ne l’enivre, et, ainsi que tous les hommes supérieurs, plus sa position est périlleuse, plus son âme est calme. Ce n’est pas tout : ses meurtres et ses perfidies ne sont pas les violences d’un pirate qui tue pour voler; des idées d’organisation et de justice se mêlent à ses crimes. S il dépouille injustement les petits seigneurs qui l’environnent, ce n’est pas pour remplacer un tyran par un autre tyran, mais pour porter dans ces Etats conquis l’or
dre et la sécurité : les impôts sont diminués, les spoliateurs poursuivis; le peuple travailleur respire sous son règne. Ce n’est pas tout encore : il songe à l’Italie entière ; il veut la
délivrer de toutes les dissensions civiles, rendre impossibles les mille petites guerres qui la déchirent. Son ambition, il le dit â Machiavel, est le rôle de pacificateur. Et cependant rien n’a pu effacer aux yeux de la postérité la tache hideuse
qui couvre sa mémoire; elle ne connaît ni ne veut connaître ses grandes et fortes qualités, et César Borgia capitaine, César Borgia justicier, César Borgia patriote, n’a pu faire ou
blier César Borgia empoisonneur. Grand et éternel triomphe des venus naturelles sur les vertus sociales et politiques! Les masses ne s’informent pas si le bourreau est un être nécessaire ; elles lui voient du sang aux mains et elles le maudissent.
César Borgia était sans égal à la lutte, à la course et dans le maniement des armes; il faisait sauter la tête d’un tau
reau d’un seul coup; sa barbe rousse, ses grands yeux NOirs écartés, son nez aquilin, un certain mélange dans sa physio
NOmie de la hauteur espagNOle et de la finesse italienne; le feu cl tir de son regard, dont ses plus familiers ne pouvaient supporter l’éclat, tout dans César terrifiait et imposait, tout révélait l’homme né pour être maître.
Son père le pape Alexandre VI (le NOmmer, c’est le peindre), avant, reconnu en lui un esprit vif et perçant, lui fit étudier le droit à Pise, et le NOmma cardinal de Valença; mais César avait les inclinations plus belliqueuses que.cléri
cales : il ambitionnait le titre de gonfalonier des troupes de l Eglise, que possédait .son frère aîné le duc de Gandia. Ce désir ne tarda pas à se réaliser; voici comment Un soir, César et son frère, après avoir soupé près de l’église de Siint-Pierre-aux-_iens, revenaient ensemble montés sur leurs mules et accompagnés d’un petitNOmbre de serviteurs.
Arrivés devant le palais du prince AscagNO Sforza, le duc dit à César qu’avant de retourner au Vatican il avait à faire une visite, et entra dans la rue des Juifs. Le lendemain.il ne parut pas au palais apostolique; le pape s’en étonne. Le soir
arrive sans le ramener; le pape commence à trembler et fait commencer une enquête. On interroge plusieurs personnes, et parmi elles un ouvrier du NOm de Giorgione Schiavoni, dont le métier était de charger sur la rivière du bois de con
struction. Il déclara que la nuit précédente, étant occupé sur le bord, il avait vu descendre d une rue aboulissanj au fleuve deux hommes qui regardèrent attentivement autour d’eux et firent un signe; alors parut un cavalier masqué, monté sur un cheval blanc, et portant en croupe un corps mort dont la tête pendait d’un côté et les jambes de l’autre; deux personnes à pied le soutenaient pour l’empêcher de tomber. Ils descendaient tous vers le lieu où l’on décharge les immondices de la ville, et, ayant retourné la croupe du cheval du côté de l’eau, prirent le cadavre par les bras et par les jambes, et le jetèrent dans le Tibre. L’homme à cheval demanda- s’ils l’avaient bien jeté; on lui répondit : SigNOr, si (Oui, monsieur) Il regarda alors la rivière, et voyant flotter quelque cho.sede NOirqu on lui dit être un manteau, ordonna de jeter des pierres pour l’enfoncer entièrement, _ ce qu’on fit. Le batelier, interrogé pour quelle cause il n’était pas venu de lui-même révéler ce fait, s’excusa en disant qu’ayant vu maintes fois précipiter des cadavres dans ce lieu sans qu’on fit aucune recherche là-dessus, il avait cru cet événe
ment sans conséquence. Des perquisitions furent ordonnées aussitôt, et l’on trouva le duc avec tous ses vêtements, sa bourse pleine de ducats et neuf blessures à la tête, au cou et sur les membres. En apprenant cette mort, le pape donna un libre cours à sa douleur, refusa toute NOurriture pendant plusieurs jours, s enferma dans son appartement, mais il ne fit faire aucune recherche.
Quel était donc l’assassin? Personne n’en douta en voyant que César se portait héritier du titre de gonfalonier. Son père n’osa p is le lui refuser, tremblant devant ce fils dans lequel il se reconnaissait.
L’ambition de César ne s’arrêta pas là ; il ne voulait pas moins qu’une couronne. Duc de VaientiNOis et gonfalonier des Etats d; l’Eglise, il n’était rien ecore, car, à proprement parler, il n’y avait pas d’Etats de l’Eglise. La Romague, royaume du saint-siege, était divisée en une foule de du
chés, de principautés, même de républiques, et occupée par mille petits princes qui tendaient tous à une royauté indé
pendante, et gouvernaient NOn pour le pape, mais à la place du pape. César entreprit de les conquérir : sans armée, mais soutenu par l’or du souverain pontife et par son pouvoir spirituel, il acheta avec l’un les plus fameux condottieri, et obtint avec l’autre l alliance et les secours de Louis XII. Dé
faire tous ces petits tyrans, voilà son but; la violence, la ruse, l’assassinat, voilà ses moyens. Il chasse les uns par la force des armes, trompe les autres par des traités, surprend, empoisonne, et bientôt se trouve maître réel de ce royaume que, quelques années auparavant, il s’était taillé par la pen
sée dans les Etats qui l’environnaient. Une fois la conquête faite, il songea à l’affermir. Un de ses auxiliaires de succès les plus puissants avait été la haine profonde des populations contre leurs souverains qui les épuisaient d’or et de sang ;
son premier soin fut de leur faire sentir le bonheur d’une administration unique et vigoureuse, juste et protectrice. Il établit au milieu du duché un juge et un gouverneur : le juge jouissait de l’estime publique, et chaque ville envoyait près de lui son avocat ; le gouverneur était Ramiro d’Orco, homme cruel, mais actif et infatigable. Accueillir les oppri
més était la mission du premier; poursuivre les oppresseurs, le rôle du second : c’étaient le protecteur et l’exécuteur. Les brigands qui infestaient le pays, les gens de guerre qui le
pillaient, les exacteurs qui le dévoraient, tout ce ramas fut anéanti en deux mois par la main terrible de Ramiro; il faisait tomber même des têtes inNOcentes plutôt que d’en épar
gner une seule coupable. Puis, lorsque tout fut pacifié et épuré, un matin les habitants de Cesène, en traversant la place du marché, trouvèrent au milieu un échafaud; sur cet échafaud un pieu, sur ce pieu un corps humain fendu en deux parties, et ayant à côté de lui un coutelas sanglant. Ce cadavre était celui de Ramiro d’Orco. César l’avait lait périr pour désavouer toutes ses cruautés, montrer aux peuples que cet homme n’était pas lui-même, mais un instrument qu’il brisait dès que le jour de la vengeance était passé, et pour promettre la paix par un meurtre.
Maître de la Roinagne, César envahit le duché d’Urbin, attaqua Bologne, se jeta sur Pérouse ; et déjà toute l’Italie le regardait grandir avec terreur, quand tout à coup il fut ar
rêté par une de Ges crises décisives où le sort jette souvent les hommes supérieurs, comme pour montrer, en les laissant à eux-mêmes, la part qu’ils ont à leur fortune.
Ce fait mérite d’être examiné et décrit en détail, car il résume à la fois en lui seul toute la cruauté et tout le génie de César. C’est le livre du Prince mis en action.
A cette époque, et en Italie surtout, les souverains ne faisaient pas la guerre avec des troupes nationales, mais il y avait dans le pays de petits seigneurs ou des aventuriers qui entretenaient des armées à leurs Irais, et qui se louaient, eux et leurs soldats, à qui avait besoin de guerroyer; c’était
une sorte de commerce, et l’on faisait venir une armée comme une marchandise d’un pays étranger. Forcé, pour conquérir la Romague, de recourir à ces ressources, César avait engagé Oliverolto, Viteluzzo, les Vitelli, devenus ainsi les instruments de ses usurpations et de ses meurtres; mais quand ils virent que son ambition ne s’arrêtait pas, ces hommes, qui avaient appris à le connaître en le servant, com
mencèrent à trembler pour eux-mêmes : les complices eu
rent peur de devenir victimes, et Oliverolto, seigneur de Fermo; Vitellozzo, maître de Sinigaglia; les Vitelli, posses
seurs de plusieurs châteaux torts, se tournant tout à coup vers ceux qu’ils avaient détrônés, formèrent avec Baglioni de Pérouse, te duc d’Urbin et les Orsini, une alliance offen
sive contre César. César était à Imola quand il apprit-cette NOuvelle; elle était mortelle pour lui, car d’un seul coup la défection de ses condottieri lui enlevait tous ses amis et lui créait une armée d ennemis... Autour de lui pas d appui sincère... Hors le pape et Louis XII, il ne peut se fier à personne ; les Florentins lui envoient bien Machiavel pour l as
surer de leur amitié, mais c’est avec l’ordre secret de ne rien faire pour la prouver. Venise lui envoie des députés, mais ce sont des espions ; tous ne tiennent à lui que par un reste de crainte, tous ne négocient avec lui que pour con
naître le moment de l’achever et NOn de le secourir ; il le sait ; mais, accueillant comme sincères toutes ces protesta
tions fausses qui lui assurent une neutralité précieuse, il commence l’œuvre de sa délense. Il n’a plus d’armée? Il s’en refera une ; il envoie dans toutes les parties de l’Italie ; fait lever des recrues dans la Lombardie, dans la Suisse, dans la France; il invoque l’alliance de Louis XII; il lait publier que tout cavalier ou fantassin qui voudra se rendre à Imola avec ses armes trouvera une paye double. Lui, à mesure que les troupes arrivent, il les fait manœuvrer, les en
régimente, les discipline... l’œil toujours fixé sur le camp des alliés, dont quelques lieues à peine le séparent; et ce
pendant, calme, le visage impassible, parlant de leur trahison à Machiavel pendant une heure entière sans que sa phy
sioNOmie ni le son de sa voix s’altèrent, et ayant l’apparence d’un homme assuré de vaincre, quoique ayant à peine les moyens de combattre. Tout à coup, au milieu de ces prépa
ratifs, quand l’Italie n’attend que le signal de ce combat, on apprend... Quoi? Qu’une négociation est ouverte, et que
César se réconcilie avec les alliés. Le premier mouvement des peuples neutres à cette NOuvelle fut celui... de la ter
reur ! Pour quelle spoliation, se demande-t-on, pour quel envahissement ces ennemis acharnés oublient-ils leur haine? car un crime à commettre peut seul les réunir. Chaque ré
publique se voit déjà attaquée : la seigneurie de Florence envoie courrier par courrier à Machiavel en lui ordonnant de détourner l’orage à tout prix; les recteurs de Venise visi
tent chaque nuit ses remparts comme si l ennemi était aux portes ; tout tremble devant la concorde de ces dévastateurs. Mais bientôt aucun Etat n’étant menacé, les terreurs se dis
sipent et se changent en une curiosité inquiète et sans cesse déconcertée. Toute réconciliation paraissait impossible entre César et ses alliés. Pouvait-il pardonner? pouvaient-ils ces
ser de craindre? Signeront-ils un traité sans garanties? Consentira-t-il à se dépouiller pour en donner? Le traité con
clu, qui osera y avoir foi? Peuvent-ils oublier ce qu’ils lui ont vu faire? Peut-il oublier ce qu’il leur a appris? Entre hommes qui se sontassociés pour de tels crimes, la paix peutelle sembler autre chose qu’un piège? Et cependant la négociation continuait.
Par quel art surhumain César les avait-il donc amenés là? Le voici. Les condottieri se défiaient tous les uns des autres autant que de l’ennemi commun, et chacun d’eux craignait que son allié ne le trahît par un traité secret avec César. César devine cette défiance, et, voulant tout à la fois l’entre
tenir et en profiter, il leur fait faire à chacun séparément des propositions de paixavec assez de mystère pour que le traître
croie au secret, et avec assez d’indiscrétion pour que les autres le pénètrent. La peur les divise et les livre à ses né
gociations d’abord l’un après l’autre, puis tous ev.semble; une fois arrivé là, il était leur maître. Les conférences s’en
tament donc ouvertement : ce sont tous les jours des envoyés qui vont de Magione à Imola, des NOtes diplomatiques qui s’échangent jusqu’à ce qu’enfin le traité conclu et rendu pu
blic apprenne à toute l’Italie étonnée que le duc est le mal traité et qu’il a signé des conditions désavantageuses. Cepen
dant Machiavel, resté à Imola, a remarqué en même temps que, malgré cette paix, César continue secrètement les préparatifs de guerre, et que de NOuvelles recrues arrivent sans cesse ; il cherche à deviner les motifs de cette conduite contradictoire et à en pénétrer le but ;
«Il règne, dit-il, dans cette cour un secret si admirable sur les affaires d’Etat, que je ne puis rien savoir, et souvent le duc ne s’ouvre pas de ses projets même à ses plus fami
liers, qui ne comprennent qu’après l’événement la raison de ce qu’ils ont lait par ses ordres. » Seulement le secrétaire florentin, dans un entretien avec le duc, lui ayant parlé de cette paix, observe sur son visage un sourire sinistre... Il sonde ceux qui l’approchent de plus près, et croit sentir une sourde colère sous les paroles de réconciliation; César même s’échappa un jour à dire; «Pensent-ils donc réparer avec des mots la blessure qu’ils m’ont faite? » Eveillé par ces indices et par tout le mystère qu’il voit régner autour de lui, Ma
chiavel ne perd pas le duc de vue, il interroge chacun de ses regards, épie chacune de ses démarches avec cette cu
riosité ardente qui NOus attache malgré NOus aux événements
dont l’issue NOus effraye. Enfin, le 28 décembre 1802, César quitte Imola, et se rend à Césène avec son armée, sa cour et les ambassadeurs étrangers pour aller au-devant de ses alliés; Machiavel l’y suit. A Césène, le duc renvoie un corps de lan
ces françaises, à la surprise de tous ceux qui l’observent, et le lendemain il se dirige pour une conlérence avec ses alliés
vers Sinigaglia... NOuveau sujet d’étonnement, car Sinigaglia leur appartient, et il semble à la fois oublier sa dignité en allant à eux, et sa prudence en se mettant à leur discrétion; toutes les prévisions sont déconcertées, et l’on commence à croire à la bonne foi de César, quand tout à coup la foudre éclate enfin, et Machiavel, demeuré à Césène, écrit à la sei
gneurie de Florence. «Tout est ici dans une inquiétude et dans un trouble effroyables ; on vient d’apprendre que le duc s’est emparé hier des chefs alliés à Sinigaglia : deux déjà ont été étranglés ; les autres sont dans les fers... Je vous transmettrai les détails de l’événement dès que je les connaîtrai. »
Ces détails, les voici : César avait bien calculé que choisir Sinigaglia comme heu delà réunion, c’était moins se livrer à ses ennemis que les endormir et les désarmer : reçu dans
leurs Etats, il devenait leur hôte, et toute précaution hostile eûi été une injure. En effet, dès qu’ils eurent accepté cette conférence, voulant répondre à cette confiance du duc et l’accueillir comme son rang le demandait, ils distribuèrent
leur armée dans différentes forteresses, et, afin de pouvoir loger toute sa suite, ne gardèrent dans Sinigaglia que la
troupe d Oliverotto, composée de douze cents hommes. Au jour convenu, César partit de FaNO à la tête d’un corps con
sidérable de cava.erie et d’infanterie, et le même jour quatre des chets alliés, Vitellozzo, Fagolo, le duc de GraviNO et ensuite Oliverotto, allèrent l’attendre aux portes de la ville. Quand César arriva auprès du pont qui sert d’entrée, ils fu
rent frappés de surprise en voyant le NOmbre de ses troupes;
mais il n était plus temps de reculer, et ils marchèrent au devant de lui. Il les reçut d’un air riant, affable, plus affable même qu’avant leur rupture, les pria de se placer tous à ses côtés, mit auprès de chacun d’eux un de ses officiers en si
gne d’honneur, et ainsi entouré, comme un ami de ses amis, il continua sa route toujours conversant et avec gaieté. Les alliés semblaient embarrassés et tristes ; Vilellozzo surtout marchait plus lentement et comme saisi d’un pressentiment
funeste; on disait même que le matin, en quittant Sinigaglia, il avait fait ses adieux à son armée, en recommandant sa
famille aux principaux chefs, et qu il avait dit à ses petitsenfants de songer plutôt à la valeur de leurs ancêtres qu’à sa grandeur passée. On entre dans la - ville, les troupes de César lui faisant cortège; on arrive au palais.qui doit lui
servir de logement; on monte, César toujours entouré d’une NOmbreuse suite, les alliés suivis d’un petit NOmbre de gens. Mais à peine est-on dans la salle d’honneur, que Borgia, se
tournant tout à coup avec violence vers les quatre officiers placés près des quatre chefs, s’écrie d’une voix terrible : « Saisissez ces traîtres ! » Surpris, accablés, ils ne peuvent se défendre ; on les entraîne dans les pièces voisines-, et deux d’entre eux, Oliverotto et Vitellozzo, sont étranglés sur-lechamp. César est déjà dans la cour du palais : il monte à cheval, parcourt la ville à la tête de son armée, chas.se ou massacre les troupes des alliés, s’empare de Sinigaglia, puis il revient, fait juger les deux autres coupables, envoie par
tout des circulaires qui vantaient comme un juste châtiment de rebelles cet atroce massacre, et voit arriver à ses pieds les puissances terrifiées, qui baisent en tremblant sa main sanglante, et l’appellent le libérateur de l’Italie.
Rien ne manquait à l’élévation de César Borgia : délivré de ses plus mortels ennemis, allié de Louis XII, inscrit sur
le livre d’or de Venise, possesseur d’immenses trésors, il étalait aux yeux de la chrétienté épouvantée le scandale de sa fortune, et semblait triompher de la justice divine, quand la Providence, qui souvent ne diffère de s’absoudre aux yeux des hommes que parce qu’elle attend, et NOn parce qu’elle
oublie, fil tout à coup trébucher cette gigantesque fortune à un piège tendu par César lui-même, et se servit de son propre bras pour le frapper. Un jour qu’Alexandre et lui avaient besoin d’or pour quelque envahissement, ils invitè
rent le riche cardinal Adrien de Corneto à souper à la vigne
de Belvédère, près du Vatican ; et le matin, César envoya à l’échanson deux bouteilles de vin préparé, en lui recomman
dant de ne le servir qu’à son ordre. Le souper commence; mais l’échanson s’étant absenté un mon ent, le serviteur qui le remplaçait offrit de ce vin aux trois convives : soudain frappés tous trois comme d’un coup de foudre, ils tombent,