metftales n’en avaient obtenu l’an dernier. Cela s’explique aisément. En 1846, quand elles se réunirent, la curiosité, la passion publiques venaient d’être absorbées par des élections générales que l’opposition avait déNOncées comme entachées de manœuvres, et par une avant-session législative où les opérations d’Embrun, de Cosne, de Vendôme, d’Altkirch, avaient donné lieu aux débats les plus irritants. C’était le lendemain même de ces diversions passionnées que les con
seils avaient à procéder à leurs paisibles travaux et à émettre leurs vœux platoniques. On n’y prit pas garde. Cette année,
au contraire, la session parlementaire a été peu remplie; le ministère, vivement attaqué par l’opposition, s’est défendu en disant que les plaintes formulées, que les accusations por
tées, que les demandes de réformes, pour avoir quelque poids, auraient besoin de trouver de l’écho dans le pays. On a écouté pour savoir si cet écho se ferait entendre, et l’on a eu en même temps le retentissement des vœux d’un certain NOmbre de conseils généraux et celui des tostes des banquets réformistes.
L’an dernier, treize conseils généraux avaient demandé la révision de la loi électorale ; c’étaient ceux des départe
ments des Ardennes, de l’Aube, de la Corse, de la Côte-d’Or, des Côtes-du-NOrd, de la Creuse, d’iile et-Vilaine, de la Mayenne, du Morbihan, du NOrd, de Saône-et-Loire, de la Seine-Inférieure et des Deux-Sèvres. Cette année, on a vu ces mêmes conseils reNOuveler le même vœu, quelques-uns en y adjoignant la réforme parlementaire, et de plus les départements de l’Aisne, de l’Aveyron, de la Corrèze, du Fi
nistère, de la Haute-Loire, de la Moselle, de l’Oise, du Haut- Rhin et des Vosges, sont venus s’inscrire sur la même liste. Le remède le plus généralement indiqué, c’est l’élargisse
ment NOtable des circonscriptions électorales, et même, de plusieurs côtés, le vote au chef-lieu.
Cinq départements (NOrd, Aisne, Finistère, Côte-d’Or et Haut-Rhin) se sont déclarés affligés des scandales qui de
puis quelque temps se sont révélés dans diverses parties du service public, et ils ont appelé de leurs vœux une sévère attention dans le choix des agents du gouvernement, dans l’evuirr n de leur probité, de leur moralité, la cessation d’a
bus d’influences et une observation stricte et équitable de règles d’admission et d’avancement. Le conseil de ia Creuse s’est également associé à ce dernier vœu.
La Moselle ne se borne pas à réclamer des modifications législatives pour assurer l’indépendance de l’électeur et du député ; elle demande, qu’il y ait incompatibilité déclarée entre les fonctions de membre d’un conseil général ou d’ar
rondissement et la situation d’entrepreneur de travaux ou de fournitures à la charge du département.
Le NOrd demande la présentation d’un projet de loi propre à empêcher que le choix des jurés qui font le service des cours d’assises puisse être influencé par des préoccupations étrangères aux véritables intérêts de la justice. — Enfin le même conseil et ceux de Saône-et-Loire et d’Eure-et-Loir demandent que les dispositions législatives sur les anNOnces judiciaires soient modifiées.
Tarn-et-Garonne forme le vœu que la garde nationale, cette institution d’ordre et de liberté, soit réorganisée là où elle a été dissoute.
Soixante-six départements avaient fait entendre l année dernière des réclamations contre l’impôt du sel. Ce NOmbre, déjà si imposant, s’est accru encore. L’Oise, par exemple, est dans les recrues de cette année. Une réduction NOtable est demandée par tous les conseils ; quelques-uns la déterminent et voudraient voir le droit fixé à un décime par ki
logramme. Beaucoup réclament la suppression de tout droit dès qu’elle sera possible.
Cinquante-quatre départements, à la session de 1846, s’é taient proNOncés pour la réforme postale. Le NOrd, le Gard, la Creuse, la Haute-Saône, viennent se joindre aux anciens défenseurs de cette cause du bon sens, de l’équité et du progrès, désertée par la seule Dordogne, qui, sous le com
mandement de son président, M. Mérilhou, est, cette année, passée à l’ennemi, en motivant bien pauvrement sa conversion rélrogade.
La réduction de l’intérêt de la rente S pour 100, avec offre de remboursement au pair, demandée par vingt-deux départe
ments l’an dernier, est réclamée en outre cette année par le NOrd et quelques autres qui ne s’élaient pas encore pro NOncés. Le NOrd ne veut d’exception qu’en faveur des com
munes,.des hospices et des établissements de bienfaisance. — La Moselle voudrait, elle, que toutes les rentes sur l’E
tat fussent, au décès du propriétaire, soumises à un droit de mutation.
Plusieurs conseils, inquiets de ce qu’ils regardent de la part du gouvernement comme une tolérance trop grande pour les communautés religieuses, lui en signalent le dan
ger, où moment où se prépare la loi d’enseignement ; c’est ia Creuse, la Drôme, la Côte-d’Or, l’Aube, les Côtes-du- NOrd. :— Le Doubs et l’Oise demandent que les biens de ces communautés, biens de mainmorte, soient soumis à un droit tenant lieu de droit de mutation. Lesbiens des bureaux de bienfaisance en devraient être dispensés.
M. le ministre du commerce et de l’agriculture avait fait demander aux conseils généraux par l’intermédiaire des préfets des renseignements sur la récolte des céréales de -1847.Chaque conseillera répondu quant à son. canton, mais la plupart en déclarant qu’ils ne pouvaient garantir ce qu’ils n’étaient en position de recueillir que par ouï-dire. De ces renseignements superficiels il résulte que la récolte dernière sera surabondante d’un cinquième environ ; mais plusieurs conseils ont saisi l’occasion qui leur était offerte pour con
jurer le ministre de ce département de prendre désormais des mesures propres à assurer l’exactitude des renseigne
ments recueillis par lui, de manière à conjurer le retour des illusions où de fausses informations l’ont entretenu l’an der
nier, qui l’ont fait abuser le pays par ces communications, et qui ont empêché le commerce de recourir en temps utile aux provenances extérieures. Ces circonstances n’ont peut
être pas été étrangères au reNOuvellement d’un vœu déjà exprimé par quelques conseils les années précédentes, la création d’un ministère spécial de l’agriculture.
Cinq ou six départements avaient, en 18.46, sollicité l’a bolition de l’esclavage. L’Aisne, le Gers, Indre-et-Loire, la Loire-Inférieure et Tarn-et-Garonne se sont, en 1847, associés à ce vœu.
L’établissement d’un impôt modéré sur les chiens est toujours réclamé, plutôt encore dans des vues de sûreté publi
que que comme ressource pour le trésor. Le chien de l’a
veugle est partout signalé comme devant être excepté de cette mesure. A tous ceux qui l’avaient déjà provoquée, d’autres sont encore venus se joindre cette armée. Mais les chiens ont trouvé un vengeur, c’est le conseil général du NOrd, qui ne veut pas qu’onen tasse des contribuables, mais qui prétend néanmoins qu’ils soient protégés comme s’ils l’étaient, car il a émis le vœu « que les Chambres soient sai
sies d’un projet de loi ayant pour objet de punir l’action d’infliger de mauvais traitements aux animaux, sur la voie publique, malicieusement et avec scandale. »
La loi des patentes a été signalée comme ayant manqué le but qu’on s’était proposé en la votant, comme dégrevant la grande industrie et surchargeant le petit commerce ; — la loi sur le travail des enfants dans les manufactures comme n’étant pas sérieusement exécutée ; — le code foreslier comme étant insuffi-ant pour les questions de défrichement et de reboisement.
La question des biens communaux et la nécessité d’adopter un parti à leur sujet ont, comme toujours, occupé tous les conseils. Il y a en France 7 millions 649,692 hectares de terres incultes appartenant aux communes. C’est, à ISO.000 hectares près (110,000 aux particuliers et 40,000 à l’Etat),
l’intégralité de ce que le pays compte de terres sans culture. Les calculs les mieux établis font voirque ces pâturages col
lectifs ne rendent aujourd’hui en moyenne que 8 francs par hectare, qu’ils en produiraient 197 s’ils étaient cultivés en céréales, et que cette moyenne s’élèverait considérablement encore par la conversion en prairies de ceux de ces terrains qui se prêtent aux irrigations. Tous les conseils sont d’ac
cord pour signaler cet état de choses comme déplorable, mais trois partis sont proposés pour en sortir : les uns penchent pour le partage, d’autres proposent l’amodiation, d’autres enfin la vente, et ie gouvernement dans le doute s’abstient. Il devrait plutôt écouter son devoir que le proverbe.
Le code rural, — la réorganisation des gardes champêtres, — la question des irrigations, — celle du défrichement et du reboisement, — la réforme du système hypothécaire, — la fondation du crédit et des banques agricoles, — la con
servation et le reNOuvellement du cadastre, — l’amélioration du sort ries instituteurs primaires,—l’organisation d’institutrices laïques, — la propagation des crèches et des salles d’a sile, — la question si urgente des enfants-trouvés, —la lé
gislation sur les assurances,—et les modifications à apporter à NOtre système de douanes, mais sans admettre le libreéchange, voilà ce qui a occupé presque généralement les con
seils, qui ont eu ensuite à débattre, chacun de leurcôté, telle ou telle autre question qui les touchait particulièrement.
Les arts n’ont pas été plus oubliés par certains conseils que les souvenirs historiques et tes devoirs de la reconnaissance nationale. Une NOuvelle statue de Jeanne d’Arc, con
fiée à Foyatier et destinée à remplacer le ridicule monument relégué dans un coin de la place du Martroy à Orléans, la statue du général Drouot et le monument à élever sur le champ de bataille de Champaubert, ont été l’objet d’allocations. Il n’est pas jusqu’à Guy-Coquille, député galli
can du Nivernais aux Etats de Blois de 1688, qui ne soit à la veille d’être érigé en bronze sur la. place de la petite ville de Decize : hommage tardif dont M. le procureur général Dupin est et demeurera responsable.
Courrier de Paris.
Il y a longtemps qu’on n’avait vu à la cour d’assises le spectacle que son enceinte NOus a offert pendant cette semaine : c’est toute une population de voleurs de grand chemin qui est venue s’abattre sur ses bancs. Soixante prévenus, ni plus ni moins ; il est évident que le métier s’agran
dit, et que la profession n’est pas mauvaise, puisque tant de gens s’en mêlent, et NOtez bien que la bande entière n’est pas sous la main de la justice : beaucoup se sont évadés et cou
rent les champs ; ils ont fatigué les bottes de sept lieues de Ja gendarmerie et glissé entre l»s grandes mains télégra
phiques de ia police. Qui sait même ai, à l’heure qu il est,
plusieurs de ces messieurs n’ont, pas repris le cours de leurs opérations, car c est ainsi qu’ils qualifient leur industrie coupable, comme dit le code à son tour. On sait sur quelle denrée opéraient ces industriels et de quels objets s’alimen
tait leur commerce ; lorsqu’on s’associe en si grand NOmbre et que la troupe offre presque l’équivalent d’un régiment, ce n’est pas assurément pour entreprendre de minces affaires et tenter d’insignifiantes razzias. On marchait donc à des ex
péditions plus ou moins considérables sous la conduite d’un chef qui avait dressé le plan de campagne, marqué les éta
pes, disposé les postes et désigné le butin à conquérir. Il ne faudrait pas croire néanmoins que la troupe, fière de son NOmbre, opérât par la violence et à force ouverte ; elle ne devait pas compromettre son existence et son avenir dans des batailles rangées, et elle suivit toujours les voies sour
NOises et pacifiques, si bien qu’au bout de cette campagne, qui a duré dix années, on n a pas relevé un seul cadavre, il n’y a pas eu une goutte de sang répandue ; on cite seule
ment un brave homme mort de saisissement et de douleur en se voyant dépouillé du ballot de marchandises qui composait toute sa fortune.
Claude Thibert, dit l’acte d’accusation, le chef apparent de ces malfaiteurs, cherchait surtout à dévaliser les voilures des marchands et les chargements des rouliers qui stationnent
pendant la nuit à la porte des auberges. Il exerçait un commerce apparent qui aidait singulièrement à sa criminelle industrie, celui de marchand colporteur, et sa patente lui donnait les moyens de se présenter partout sans exciter de méfiance. Doué d’une activité prodigieuse, on le voyait au
jourd’hui dans une localité, le lendemain on le rencontrai! dans une autre, à vingt ou trente lieues de distance, et par
tout où il passait, un vol considérable était signalé. « Il n’y a que les imbéciles qui vont à pied, » c’était là son mot favori.
Du reste, tous ces vols se ressemblent, et ce n’est pas dans leur perpétration uniforme qu’éclate Y originalité propre à chacun de leurs auteurs. Dufour, le second de Thi
bert et son lieutenant, appartient, comme son chef, à cette classe dangereuse des marchands forains, voyageant de marché en marché et cachant leurs soustractions fraudu
leuses dans ces charrettes soigneusement closes qui sont à la fois le magasin et le véhicule du voleur. Dickers est un jeune homme de vingt-deux ans à peine, sorti de la grande tribu des vagabonds et rôdeurs de campagne. Le reste de la bande appartient à ces professions suspectes de mar
chands de foulards, rouenneries, NOuveautés, qui dénaturent facilement le larcin, ou de cabaretiers et d’aubergistes qui le recèlent. En outre, la troupe possédait son savant et son physicien dans la personne d’Hermann, dit le Siffleur, qui
pour ses tours d’adresse, se voyait, a-t-il dit, recherché dans les meilleures sociétés; elle avait aussi son Loustig et diseur de bons mots, un certain Gosset, dit l’abbé Josse. Celui-là a donné àj’audience un échantillon de son savoir-faire. « Souviens-toi, lui crie Thibert, de ces beaux coupons de draps que je t’ai repassés et de tant de pièces de cotonnades. — Des tissus de mensonges, réplique l’inculpé. » Une circon
stance rare dans ces sortes d’affaires, c’est que la plupart nient les méfaits dont on les accuse, ils repoussent ia part de crime et de honte que leurs chefs s’efforcent de faire peser sur eux. Lorsque la dénégation absolue semble impossible
ils se réfugient dans les réticences, ou allèguent la misère comme excuse. Quant à leurs accusateurs, ils sont décidés et imperturbables, iis ne reculent devant aucun aveu; mais
comme tant d’autres travailleurs de la même fabrique ils ne tirent point vanité de leurs exploits et ne songent pas à en taire parade. Même dans ce compte rendu circonstancié et minutieux de leurs filouteries, rien n’empêche de voir l’effet d’un commencement de repentir et l’intention de rendre hommage à la vérité, plutôt que la satisfaction méchante d entraîner des complices dans l’abîme. Un mot échappé à l’un de ces misérables éclaire d’un jour fâcheux l’état de moralité de NOs campagnards : a Je sais très-bien parler l’ar
got, a dit la femme Gondon ; tout ie monde le parle dans les campagnes.» NOus n’avions malheureusement pas besoin de ce cenificat pour savoir que depuis longtemps ies chaumières n’abritent plus guère de Némorins, et que les. voleurs des grandes villes se retrouvent aisément dans Jes bois; mais on conviendra que si tout le monde parle l’argot au villagè ce n est rassurant pour personne. Selon toute vraisemblance
las quinze bandits qui, dernièrement, dévalisaient ia malle de Rennes à Nantes après avoir mis en fuite une partie de l’escorte et massacré l’autre, faisaient usage de cette linguis
tique. Au milieu de pareilles alertes, il est assez étrange de voir Tadministration porter à la connaissance du public le fait suivant : «Sur le NOmbre toujours trop considérable des crimes et délits commis en France dans le courant de
l’année dernière, on en compte treize mille deux cent vingtdont les auteurs n’ont pu être découverts. »
Aussi bien, ce n’est, pas seulement le vol qui s’est perfectionné de NOs jours, il y a un progrès NOtablè dans l’effi
cacité des moyens employés par le voleur pour se débarras
ser du volé. Pour cela, ces messieurs ont recours à diverses méthodes ; en voici trois dont l’énumération pourra satisfaire quelques curieux : au rebours du sentiment que Robert- Macaire manifeste àson ami Bertrand, il en résulterait qu il est facile au scélérat de tuer son homme sans le faire trop crier. Un de ces moyens consiste à frapper l’importun à la tête avec une pierre enfermée dans un bas de laine; pour peu que le frappant soit sûr de l’application du coup, le frappé perd aussitôt le sentiment, cela suffit. Un autre moyen plus usité encore, c est d’aplatir le nez jusqu’à fracture du cartilage :
la victime s’évaNOuit, et l opérateur peut alors travailler sans dérangement. Le dernier moyen, NOn moins efficace au dire des experts, c’est de saisir l’importun par ies cheveux de de
vant et de l’abattre face contre terre, comme un bœuf saisi par les cornes, heureux alors les promeneurs attardés qui portent perruque ! -
Changeons de style et quittons ce genre de conversation malsain ; il donne la fièvre et le frisson. Voici le théâtre et sa moisson hebdomadaire, une comédie à l’Odéon, un vau
deville au théâtre de la Bourse, peu de chose, malgré le fracas des titres : la Couronne de France, c’est la comédie Elle ou la Mort, c’est le vaudeville. Une anecdote, oui re
monte au déluge d’historiettes dont NOus sommes redevables au seizième siècle, a servi de sujet et de prétexte à la Cou
ronne de France. Quel écolier un peu friand de Brantôme et de ses joyeusetés n’y a pas lu l’aventure de cette belle Marie U’Angleterre, venue tout exprès en France pour épouser lé bon vieux roi Louis XII, et trouvant au débarcadère le galart François, comte d’Angoulême, qui s’en éprend, dit encore le
chroniqueur, comme le feu mord la mèche? En sa qualité de jouvenceau étourdi, François oublie cette Couronne de France, superbe joyau dont il est l’héritier présomptif il tente de séduire la reine et de supplanter un rival anglais , le charmant Brandon, duc de Suffolk, ami de Ma
rie et peut-être mieux encore, et dans tous les cas son che
valier d’honneur. Pendant que le Valois pousse de toutes ses forces à un déNOûment diabolique, il est arrêté tout court dans son entreprise par cette objection ad hominem, que lui décoche Duprat : « Voulez-vous donc absolument que le roi ait un héritier?» NOus disons Duprat, uniquement pour ne pas désobliger la comédie ; mais il est certain que d’après 1 histoire, c’est à Fkuranges que reviendrait l’hon
seils avaient à procéder à leurs paisibles travaux et à émettre leurs vœux platoniques. On n’y prit pas garde. Cette année,
au contraire, la session parlementaire a été peu remplie; le ministère, vivement attaqué par l’opposition, s’est défendu en disant que les plaintes formulées, que les accusations por
tées, que les demandes de réformes, pour avoir quelque poids, auraient besoin de trouver de l’écho dans le pays. On a écouté pour savoir si cet écho se ferait entendre, et l’on a eu en même temps le retentissement des vœux d’un certain NOmbre de conseils généraux et celui des tostes des banquets réformistes.
L’an dernier, treize conseils généraux avaient demandé la révision de la loi électorale ; c’étaient ceux des départe
ments des Ardennes, de l’Aube, de la Corse, de la Côte-d’Or, des Côtes-du-NOrd, de la Creuse, d’iile et-Vilaine, de la Mayenne, du Morbihan, du NOrd, de Saône-et-Loire, de la Seine-Inférieure et des Deux-Sèvres. Cette année, on a vu ces mêmes conseils reNOuveler le même vœu, quelques-uns en y adjoignant la réforme parlementaire, et de plus les départements de l’Aisne, de l’Aveyron, de la Corrèze, du Fi
nistère, de la Haute-Loire, de la Moselle, de l’Oise, du Haut- Rhin et des Vosges, sont venus s’inscrire sur la même liste. Le remède le plus généralement indiqué, c’est l’élargisse
ment NOtable des circonscriptions électorales, et même, de plusieurs côtés, le vote au chef-lieu.
Cinq départements (NOrd, Aisne, Finistère, Côte-d’Or et Haut-Rhin) se sont déclarés affligés des scandales qui de
puis quelque temps se sont révélés dans diverses parties du service public, et ils ont appelé de leurs vœux une sévère attention dans le choix des agents du gouvernement, dans l’evuirr n de leur probité, de leur moralité, la cessation d’a
bus d’influences et une observation stricte et équitable de règles d’admission et d’avancement. Le conseil de ia Creuse s’est également associé à ce dernier vœu.
La Moselle ne se borne pas à réclamer des modifications législatives pour assurer l’indépendance de l’électeur et du député ; elle demande, qu’il y ait incompatibilité déclarée entre les fonctions de membre d’un conseil général ou d’ar
rondissement et la situation d’entrepreneur de travaux ou de fournitures à la charge du département.
Le NOrd demande la présentation d’un projet de loi propre à empêcher que le choix des jurés qui font le service des cours d’assises puisse être influencé par des préoccupations étrangères aux véritables intérêts de la justice. — Enfin le même conseil et ceux de Saône-et-Loire et d’Eure-et-Loir demandent que les dispositions législatives sur les anNOnces judiciaires soient modifiées.
Tarn-et-Garonne forme le vœu que la garde nationale, cette institution d’ordre et de liberté, soit réorganisée là où elle a été dissoute.
Soixante-six départements avaient fait entendre l année dernière des réclamations contre l’impôt du sel. Ce NOmbre, déjà si imposant, s’est accru encore. L’Oise, par exemple, est dans les recrues de cette année. Une réduction NOtable est demandée par tous les conseils ; quelques-uns la déterminent et voudraient voir le droit fixé à un décime par ki
logramme. Beaucoup réclament la suppression de tout droit dès qu’elle sera possible.
Cinquante-quatre départements, à la session de 1846, s’é taient proNOncés pour la réforme postale. Le NOrd, le Gard, la Creuse, la Haute-Saône, viennent se joindre aux anciens défenseurs de cette cause du bon sens, de l’équité et du progrès, désertée par la seule Dordogne, qui, sous le com
mandement de son président, M. Mérilhou, est, cette année, passée à l’ennemi, en motivant bien pauvrement sa conversion rélrogade.
La réduction de l’intérêt de la rente S pour 100, avec offre de remboursement au pair, demandée par vingt-deux départe
ments l’an dernier, est réclamée en outre cette année par le NOrd et quelques autres qui ne s’élaient pas encore pro NOncés. Le NOrd ne veut d’exception qu’en faveur des com
munes,.des hospices et des établissements de bienfaisance. — La Moselle voudrait, elle, que toutes les rentes sur l’E
tat fussent, au décès du propriétaire, soumises à un droit de mutation.
Plusieurs conseils, inquiets de ce qu’ils regardent de la part du gouvernement comme une tolérance trop grande pour les communautés religieuses, lui en signalent le dan
ger, où moment où se prépare la loi d’enseignement ; c’est ia Creuse, la Drôme, la Côte-d’Or, l’Aube, les Côtes-du- NOrd. :— Le Doubs et l’Oise demandent que les biens de ces communautés, biens de mainmorte, soient soumis à un droit tenant lieu de droit de mutation. Lesbiens des bureaux de bienfaisance en devraient être dispensés.
M. le ministre du commerce et de l’agriculture avait fait demander aux conseils généraux par l’intermédiaire des préfets des renseignements sur la récolte des céréales de -1847.Chaque conseillera répondu quant à son. canton, mais la plupart en déclarant qu’ils ne pouvaient garantir ce qu’ils n’étaient en position de recueillir que par ouï-dire. De ces renseignements superficiels il résulte que la récolte dernière sera surabondante d’un cinquième environ ; mais plusieurs conseils ont saisi l’occasion qui leur était offerte pour con
jurer le ministre de ce département de prendre désormais des mesures propres à assurer l’exactitude des renseigne
ments recueillis par lui, de manière à conjurer le retour des illusions où de fausses informations l’ont entretenu l’an der
nier, qui l’ont fait abuser le pays par ces communications, et qui ont empêché le commerce de recourir en temps utile aux provenances extérieures. Ces circonstances n’ont peut
être pas été étrangères au reNOuvellement d’un vœu déjà exprimé par quelques conseils les années précédentes, la création d’un ministère spécial de l’agriculture.
Cinq ou six départements avaient, en 18.46, sollicité l’a bolition de l’esclavage. L’Aisne, le Gers, Indre-et-Loire, la Loire-Inférieure et Tarn-et-Garonne se sont, en 1847, associés à ce vœu.
L’établissement d’un impôt modéré sur les chiens est toujours réclamé, plutôt encore dans des vues de sûreté publi
que que comme ressource pour le trésor. Le chien de l’a
veugle est partout signalé comme devant être excepté de cette mesure. A tous ceux qui l’avaient déjà provoquée, d’autres sont encore venus se joindre cette armée. Mais les chiens ont trouvé un vengeur, c’est le conseil général du NOrd, qui ne veut pas qu’onen tasse des contribuables, mais qui prétend néanmoins qu’ils soient protégés comme s’ils l’étaient, car il a émis le vœu « que les Chambres soient sai
sies d’un projet de loi ayant pour objet de punir l’action d’infliger de mauvais traitements aux animaux, sur la voie publique, malicieusement et avec scandale. »
La loi des patentes a été signalée comme ayant manqué le but qu’on s’était proposé en la votant, comme dégrevant la grande industrie et surchargeant le petit commerce ; — la loi sur le travail des enfants dans les manufactures comme n’étant pas sérieusement exécutée ; — le code foreslier comme étant insuffi-ant pour les questions de défrichement et de reboisement.
La question des biens communaux et la nécessité d’adopter un parti à leur sujet ont, comme toujours, occupé tous les conseils. Il y a en France 7 millions 649,692 hectares de terres incultes appartenant aux communes. C’est, à ISO.000 hectares près (110,000 aux particuliers et 40,000 à l’Etat),
l’intégralité de ce que le pays compte de terres sans culture. Les calculs les mieux établis font voirque ces pâturages col
lectifs ne rendent aujourd’hui en moyenne que 8 francs par hectare, qu’ils en produiraient 197 s’ils étaient cultivés en céréales, et que cette moyenne s’élèverait considérablement encore par la conversion en prairies de ceux de ces terrains qui se prêtent aux irrigations. Tous les conseils sont d’ac
cord pour signaler cet état de choses comme déplorable, mais trois partis sont proposés pour en sortir : les uns penchent pour le partage, d’autres proposent l’amodiation, d’autres enfin la vente, et ie gouvernement dans le doute s’abstient. Il devrait plutôt écouter son devoir que le proverbe.
Le code rural, — la réorganisation des gardes champêtres, — la question des irrigations, — celle du défrichement et du reboisement, — la réforme du système hypothécaire, — la fondation du crédit et des banques agricoles, — la con
servation et le reNOuvellement du cadastre, — l’amélioration du sort ries instituteurs primaires,—l’organisation d’institutrices laïques, — la propagation des crèches et des salles d’a sile, — la question si urgente des enfants-trouvés, —la lé
gislation sur les assurances,—et les modifications à apporter à NOtre système de douanes, mais sans admettre le libreéchange, voilà ce qui a occupé presque généralement les con
seils, qui ont eu ensuite à débattre, chacun de leurcôté, telle ou telle autre question qui les touchait particulièrement.
Les arts n’ont pas été plus oubliés par certains conseils que les souvenirs historiques et tes devoirs de la reconnaissance nationale. Une NOuvelle statue de Jeanne d’Arc, con
fiée à Foyatier et destinée à remplacer le ridicule monument relégué dans un coin de la place du Martroy à Orléans, la statue du général Drouot et le monument à élever sur le champ de bataille de Champaubert, ont été l’objet d’allocations. Il n’est pas jusqu’à Guy-Coquille, député galli
can du Nivernais aux Etats de Blois de 1688, qui ne soit à la veille d’être érigé en bronze sur la. place de la petite ville de Decize : hommage tardif dont M. le procureur général Dupin est et demeurera responsable.
Courrier de Paris.
Il y a longtemps qu’on n’avait vu à la cour d’assises le spectacle que son enceinte NOus a offert pendant cette semaine : c’est toute une population de voleurs de grand chemin qui est venue s’abattre sur ses bancs. Soixante prévenus, ni plus ni moins ; il est évident que le métier s’agran
dit, et que la profession n’est pas mauvaise, puisque tant de gens s’en mêlent, et NOtez bien que la bande entière n’est pas sous la main de la justice : beaucoup se sont évadés et cou
rent les champs ; ils ont fatigué les bottes de sept lieues de Ja gendarmerie et glissé entre l»s grandes mains télégra
phiques de ia police. Qui sait même ai, à l’heure qu il est,
plusieurs de ces messieurs n’ont, pas repris le cours de leurs opérations, car c est ainsi qu’ils qualifient leur industrie coupable, comme dit le code à son tour. On sait sur quelle denrée opéraient ces industriels et de quels objets s’alimen
tait leur commerce ; lorsqu’on s’associe en si grand NOmbre et que la troupe offre presque l’équivalent d’un régiment, ce n’est pas assurément pour entreprendre de minces affaires et tenter d’insignifiantes razzias. On marchait donc à des ex
péditions plus ou moins considérables sous la conduite d’un chef qui avait dressé le plan de campagne, marqué les éta
pes, disposé les postes et désigné le butin à conquérir. Il ne faudrait pas croire néanmoins que la troupe, fière de son NOmbre, opérât par la violence et à force ouverte ; elle ne devait pas compromettre son existence et son avenir dans des batailles rangées, et elle suivit toujours les voies sour
NOises et pacifiques, si bien qu’au bout de cette campagne, qui a duré dix années, on n a pas relevé un seul cadavre, il n’y a pas eu une goutte de sang répandue ; on cite seule
ment un brave homme mort de saisissement et de douleur en se voyant dépouillé du ballot de marchandises qui composait toute sa fortune.
Claude Thibert, dit l’acte d’accusation, le chef apparent de ces malfaiteurs, cherchait surtout à dévaliser les voilures des marchands et les chargements des rouliers qui stationnent
pendant la nuit à la porte des auberges. Il exerçait un commerce apparent qui aidait singulièrement à sa criminelle industrie, celui de marchand colporteur, et sa patente lui donnait les moyens de se présenter partout sans exciter de méfiance. Doué d’une activité prodigieuse, on le voyait au
jourd’hui dans une localité, le lendemain on le rencontrai! dans une autre, à vingt ou trente lieues de distance, et par
tout où il passait, un vol considérable était signalé. « Il n’y a que les imbéciles qui vont à pied, » c’était là son mot favori.
Du reste, tous ces vols se ressemblent, et ce n’est pas dans leur perpétration uniforme qu’éclate Y originalité propre à chacun de leurs auteurs. Dufour, le second de Thi
bert et son lieutenant, appartient, comme son chef, à cette classe dangereuse des marchands forains, voyageant de marché en marché et cachant leurs soustractions fraudu
leuses dans ces charrettes soigneusement closes qui sont à la fois le magasin et le véhicule du voleur. Dickers est un jeune homme de vingt-deux ans à peine, sorti de la grande tribu des vagabonds et rôdeurs de campagne. Le reste de la bande appartient à ces professions suspectes de mar
chands de foulards, rouenneries, NOuveautés, qui dénaturent facilement le larcin, ou de cabaretiers et d’aubergistes qui le recèlent. En outre, la troupe possédait son savant et son physicien dans la personne d’Hermann, dit le Siffleur, qui
pour ses tours d’adresse, se voyait, a-t-il dit, recherché dans les meilleures sociétés; elle avait aussi son Loustig et diseur de bons mots, un certain Gosset, dit l’abbé Josse. Celui-là a donné àj’audience un échantillon de son savoir-faire. « Souviens-toi, lui crie Thibert, de ces beaux coupons de draps que je t’ai repassés et de tant de pièces de cotonnades. — Des tissus de mensonges, réplique l’inculpé. » Une circon
stance rare dans ces sortes d’affaires, c’est que la plupart nient les méfaits dont on les accuse, ils repoussent ia part de crime et de honte que leurs chefs s’efforcent de faire peser sur eux. Lorsque la dénégation absolue semble impossible
ils se réfugient dans les réticences, ou allèguent la misère comme excuse. Quant à leurs accusateurs, ils sont décidés et imperturbables, iis ne reculent devant aucun aveu; mais
comme tant d’autres travailleurs de la même fabrique ils ne tirent point vanité de leurs exploits et ne songent pas à en taire parade. Même dans ce compte rendu circonstancié et minutieux de leurs filouteries, rien n’empêche de voir l’effet d’un commencement de repentir et l’intention de rendre hommage à la vérité, plutôt que la satisfaction méchante d entraîner des complices dans l’abîme. Un mot échappé à l’un de ces misérables éclaire d’un jour fâcheux l’état de moralité de NOs campagnards : a Je sais très-bien parler l’ar
got, a dit la femme Gondon ; tout ie monde le parle dans les campagnes.» NOus n’avions malheureusement pas besoin de ce cenificat pour savoir que depuis longtemps ies chaumières n’abritent plus guère de Némorins, et que les. voleurs des grandes villes se retrouvent aisément dans Jes bois; mais on conviendra que si tout le monde parle l’argot au villagè ce n est rassurant pour personne. Selon toute vraisemblance
las quinze bandits qui, dernièrement, dévalisaient ia malle de Rennes à Nantes après avoir mis en fuite une partie de l’escorte et massacré l’autre, faisaient usage de cette linguis
tique. Au milieu de pareilles alertes, il est assez étrange de voir Tadministration porter à la connaissance du public le fait suivant : «Sur le NOmbre toujours trop considérable des crimes et délits commis en France dans le courant de
l’année dernière, on en compte treize mille deux cent vingtdont les auteurs n’ont pu être découverts. »
Aussi bien, ce n’est, pas seulement le vol qui s’est perfectionné de NOs jours, il y a un progrès NOtablè dans l’effi
cacité des moyens employés par le voleur pour se débarras
ser du volé. Pour cela, ces messieurs ont recours à diverses méthodes ; en voici trois dont l’énumération pourra satisfaire quelques curieux : au rebours du sentiment que Robert- Macaire manifeste àson ami Bertrand, il en résulterait qu il est facile au scélérat de tuer son homme sans le faire trop crier. Un de ces moyens consiste à frapper l’importun à la tête avec une pierre enfermée dans un bas de laine; pour peu que le frappant soit sûr de l’application du coup, le frappé perd aussitôt le sentiment, cela suffit. Un autre moyen plus usité encore, c est d’aplatir le nez jusqu’à fracture du cartilage :
la victime s’évaNOuit, et l opérateur peut alors travailler sans dérangement. Le dernier moyen, NOn moins efficace au dire des experts, c’est de saisir l’importun par ies cheveux de de
vant et de l’abattre face contre terre, comme un bœuf saisi par les cornes, heureux alors les promeneurs attardés qui portent perruque ! -
Changeons de style et quittons ce genre de conversation malsain ; il donne la fièvre et le frisson. Voici le théâtre et sa moisson hebdomadaire, une comédie à l’Odéon, un vau
deville au théâtre de la Bourse, peu de chose, malgré le fracas des titres : la Couronne de France, c’est la comédie Elle ou la Mort, c’est le vaudeville. Une anecdote, oui re
monte au déluge d’historiettes dont NOus sommes redevables au seizième siècle, a servi de sujet et de prétexte à la Cou
ronne de France. Quel écolier un peu friand de Brantôme et de ses joyeusetés n’y a pas lu l’aventure de cette belle Marie U’Angleterre, venue tout exprès en France pour épouser lé bon vieux roi Louis XII, et trouvant au débarcadère le galart François, comte d’Angoulême, qui s’en éprend, dit encore le
chroniqueur, comme le feu mord la mèche? En sa qualité de jouvenceau étourdi, François oublie cette Couronne de France, superbe joyau dont il est l’héritier présomptif il tente de séduire la reine et de supplanter un rival anglais , le charmant Brandon, duc de Suffolk, ami de Ma
rie et peut-être mieux encore, et dans tous les cas son che
valier d’honneur. Pendant que le Valois pousse de toutes ses forces à un déNOûment diabolique, il est arrêté tout court dans son entreprise par cette objection ad hominem, que lui décoche Duprat : « Voulez-vous donc absolument que le roi ait un héritier?» NOus disons Duprat, uniquement pour ne pas désobliger la comédie ; mais il est certain que d’après 1 histoire, c’est à Fkuranges que reviendrait l’hon