présence. A côté d’eux, Béranger et Victor Hugo, qu’on ne s’attendait guère à voir en cette affaire. — Au bas de l’es
trade, s’étendaient les rangées de banquettes pour le commun des assistants, invités, professeurs et élèves.
M. Dubois a parlé le premier. Il a raconté l’histoire de l Ecole NOrmale ab ovo, retraçant toutes les vicissitudes de l’institution, célébrant toutes les illustrations qu’elle compte parmi ses maîtres et ses élèves, n’oubliant personne, si ce
n’est M. Michelet tout seul, dont l’enseignement a laissé pourtant quelques souvenirs h l’Ecole ; mais il paraît que le célèbre historien est en disgrâce auprès de M. Dubois. — Bref, après un résumé de deux heures, NOus étions arrivés au bout de cet historique: NOus entrions dans l’heureuse pé
riode que la générosité de l’Etat vient d’ouvrir à l’Ecole NOrmale ; il ne NOus restait plus qu’à NOus féliciter de NOtre condition présente, et NOs yeux se pouvaient arrêter avec com
plaisance sur le brillant tableau de NOs.destinées NOuvelles:
— un bâtiment élégant, spacieux, salubre, qui représente une dot de deux millions cinq cent mille francs; vingt-quatres maîtres de conférence, d.ux aumôniers, deux écoNOmes, cinq maîtres surveillants, deux ou trois commis d’adminis
tration, trois directeurs, quarante employés ou domestiques (pour quatre vingts élèves),plus un budget de 500,000 francs.
Que voulez-vous de plus ou de mieux? 500,000francs de revenu, plus l’intérêt des 2,800,000 francs, intérêt qui peut s’évaluer à 180,000 francs;—ceci NOus donne une somme ronde de 450,000 francs par an, à diviser entre quatre-vingts élèves : soit 5,000 francs chaque année par élève; et le séjour à l’Ecole étant de trois années, c’est une petite somme de -15,000 francs que coûte à l’Etat chaque apprenti professeur, avant même qu’il ait professé.
Ces chiffres ont peut-être plus d’éloquence que les périodes de M. le directeur ; ils apprennent aux élèves de l’Ecole NOrmale ce dont ils sont redevables envers l’Etat, quels sa
crifices fait pour eux l’épargne publique, et quels devoirs leur impose cette libéralité nationale.
A défaut de morale civique, qui lui répugne sans doute, pous attendions du moins de M. le directeur des promesses 4’amélioration dans l’écoNOmie intellectuelle et physique de l’Ecole. L’ère NOuvelle ne devait-elle pas être signalée par quelques réformes utiles dans le système des éludes, par quelques progrès et accroissements de l’institution môme? NOtre attente a été déçue. On avait dit aux Chambres que
l’Ecole, installée dans son NOuveau local, pourrait augmenter d’un tiers le NOmbre de ses élèves. Mais NOus avons fait voir comment elle s’était rétrécie, en s’agrandissant de plus du double... S’il arrivait, par malheur, que M. le ministre do
tât l’Ecole de deux autres directeurs adjoints, il faudrait mettre les élèves à la porte, et laisser la maison entière à ceux qui l’administrent.
En fait de NOuveautés pour lVsprit, tout se . réduit à un cours de pédagogie, imaginé par le directeur. Cela se fait à huis clos, et l’on n’y admet que les élèves déjà mûrs. NOus ne trahirons pas le secret des improvisations pédagogiques de M. Dubois. D’ailleurs ce qu’on en rapporte dépasse toute croyance. Est-il vraisemblable, par exemple, que l’ancien ré
dacteur du j ou t nal le Globe se fasse prédicateur chrétien comme un simple carme décliaux?Etpeut-on supposer encore qu’un chef de l’enseignement, chargé de mûrir de jeunes esprits, s’efforce de tourner la pensée vers les soins positifs et matériels de l’intérêt, le culte des autorités, le mariage électoral, etc., etc.?
M. Dubois ayant terminé son interminable histoire, M. le directeur des études a lu un rapport sur les exercices de l’Ecole durant l’année scolaire 1846-47. Ce compte rendu,
mélange d’éloge et de b!âme, n’avait guère d’intérêt que pour les élèves, et peut-être eût-on bien fait de le réserver pour une réunion defamiile. Les progrès de M. J îles ou l’in
capacité de M. Paul, les succès de M. Jean ou l’échec de M. Pierre touchaient médiocrement le public, impatient d’entendre parler M. de Salvandv.
Le ministre n’a dit que quelques mots, et NOus regrettons le laconisme extrême de son allocution. L’Université, en Butte à de si vives attaques, a besoin des encouragements de l’Etat : elle attend, de la bouche du ministre, le témoignage de la sympathie nationale, l’approbation du présent et l’as
surance de l’avenir. Peut-être l’occasion était-elle excellente pourM. de.Salvandy. Mais, laissant la question générale, il
n’a parlé que de son dévouement personnel ; et après avoir lélicité l’Ecole NOrmale en la personne de M. Dubois, il a levé.la séance.
On anNOnce que, pour mériter tous les éloges du ministre, M. le conseiller directeur va se démettre de sa place de pro
fesseur de lettres à l’Ecole Polytechnique, — comprenant enfin que le moins qu’il doive à l’Ecole NOrmale est de ne pas occuper ailleurs un emploi secondaire.
Une Histoire de chaque jour (1). TRADUITE DU DANOIS.
Une affaire me conduisit, il y a quelques années, en pays étranger. En revenant vers le Danemark, j’obtins de ceux qui m’avaient NOmmé leur mandataire la permission de m’ar
rêter, pour ma propre satisfaclion, dans le Mecklembourg.
Je m’établis près de Daberau, dans une propriété dont la riante situation faisait un singulier contraste avec le carac
tère des gens qui m’entouraient. Dans NOire bonne ville de Copenhague, où il n existe plus de vestiges de l’arrogance
aristocratique, on ne peut se faire une idée de la roideur des formes et des habitudes d’étiquette des petits gentilshommes du NOrd de l’Allemagne. Ce défaut me frappait surtout dans les réunions publiques et dans les bals, où, au milieu même de
(1) Cette NOuvelle fait partie du recueil publié par M. J. L. Ileiberg, NOveller garnie og mje, qui a obtenu un grand succès en Danemark.
la danse, tout le monde gardait une gravité solennelle et une attitude magistrale. On dira peut-être que j’étais dans une mauvaise disposition d’esprit. Je l’avoue, je m’ennuyais pro
fondément dans celte contrée, où j’espérais passer quelques jours de distraction, et j avais formé le projet de partir, quand par hasard il arriva une jeune DaNOise qui se rendait à Copenhague, et qui en un instant changea le cours de mes impressions. Sa vive et franche nature, la confiance qu’elle me témoigna, la gaieté qu’elle manifestait en dansant avec moi, dissipèrent comme par enchantement meslrétlexions mé
lancoliques, et Charlotte H. m’apparut comme une fée qui venait me consoler dans mon ennui. Cette fée était du reste très-jolie, et la b°auté n’est pas un don ordinaire dans le
NOrd de l’Allemagne. Enfin Charlotte était la fille d’un homme que je connaissais, d’un homme très-respectable et très-jus
tement considéré. Toutes ces circonstances réunies devaient naturellement me rendre fort assidu près de ma jeune compatriote. Elle était accompagnée d’une autre daine de Co
penhague, et se trouvait à Doberau à l’époque où les bains attirent dans cette ville une affluence d’étrangers et donnent lieu à nne quantité de fêtes. Un soir, en sortant d’un bal, NOus ne trouvâmes point la voiture qui devait NOus attendre. Le temps était beau. Les deux aimables DaNOises demandè
rent à s’en retourner à pied. Je pris le bras de Charlotte ; un autre jeune homme prit celui de sa compagne de voyage.
NOus NOus en allâmes ainsi le long des rives de la mer, dont ies vagues limpides scintillaient aux rayons de la lune. Le doux murmure des flots se mêlait aux accords de l orchestre que NOus venions de quitter ; le ciel était, pur, l’air odorant.
J’étais dans un de ces heureux moments où le cœur savoure avec délice tous les charmes de la nature, et jamais la jeune fille dont le bras reposait sur le mien ne nriavait paru si belle, et, de confidence en confidence, je ne sais comment il se fit que, lorsque NOus NOus quittâmes, NOus NOus étions l’un à l’autre formellement fiancés.
Quand je fus seul, je me semis stupéfait de la légèreté avec laquelle j’avais pris un engagement si grave. H me semb a que tout ce qui venait de se passer n’était qu’un rêve. Le lendemain j’entrai chez Charlotte, qui me présenta à sa compagne de voyage comme son fiancé, se mit à me tutoyer, et me traita comme si NOus NOus aimions l’un et l’aulre de
puis plusieurs années. Une telle manière d’être me choqua ; mais, d’un autre côté, je fus agréablement surpris de décou
vrir quelques-uns des talents de cette fiancée si décidée. Elle jouait habilement du piaNO, et avec art, se montrait fort exercée dans tous les petits ouvrages de broderie qui oc
cupent les loisirs des femmes. J’écrivis en même temps qu’elle à ses parents ; je leur demandai sa main en leur disant quelles étaient ma fortune et ma situation.
Charlotte devait partir par le prochain bateau à vapeur. NOus espérions aue ce même bateau NOus apporterait le consentement de la famille. En attendant, NOus NOus promenions chaque jour ensemble, et Charlolte, avec son léger babil,
me racontait toutes ses relations. Elle ne semblait pas avoir une très-vive affection pour son père; mais, en revanche, elle parlait, de sa mère avec une tendresse enthousiaste.
« Dieu soit loué ! me dil-eile un jour ; que mes parents aient la joie de me voir fiancée avec toi, après la douleur que leur a causée, il y a six mois, ma sœur de Suède.
— Tu viens de Suède! m’écriai-je. Je croyais que tu n’a vais ni frère ni sœur.
— C’est ma demi-sœur, répondit-elle d’un air indifférent, la fille de la première femme de mon père.
— Mais pourquoi l’appelles—tu ta sœur de Suède, et quel chagrin a-t-elle donné à tes parents?
— Je vais te dire : elle avait dix ans lorsque le frère de sa mère la prit avec lui et l’emmena en Suède. Cet oncle, chez qui elle demeurait, est mort il y a trois mois. C’était un homme riche et distingué qui avait voyagé dans le monde entier. Il conçut une telle affection pour ma sœur qu’il n’eut pas de repos avant de l’avoir fiancée avec son fils unique. Il y a deux ans environ que tous trois vinrent NOus voir à Co
penhague, et c’étaient des fêtes et des parties brillantes, et le jeuneHenning F... (ainsi s’appelait le fiancé de ma sœur) était un des plus charmants hommes qu’il fût possible de ren
contrer. Il paraissait fort amoureux, et cependant, à le voir avec ma sœur, on n’eût pas dit qu’ils étaient fiancés l’un à l’aulre, car ils ne se tutoyaient pas et ne causaient pas beau
coup entre eux. La plus grande liberté qu’il prît avec elle était de lui baiser la main. Ils partirent, lui pour les pays étrangers, elle pour retourner à Stockholm avec son oncle. Quelques mois après, arrive une lettre de Henning qui dé
clare qu’il aime éperdument une jeune fille étrangère, qu’il remet son sort entre les mains de ma sœur, et que si elle exige qu’il remplisse son engagement, il viendra le remplir.
Mais ma chère sœur est trop fière. Elle lui rendit aussitôt sa liberté, elle employa même tous ses efforts à apaiser son père, qui était fort irrité contre lui, et voilà comme Maïa est restée fille.
— Maïa, m’écriai-je, c’est un joli NOm !
— C’est celui de sa mère, qui était Suédoise. Mais, pense un peu. Le père de Henning fut si affligé de ne pas marier son fils avec ma sœur, qu’on croit que ce chagrin a été en partie cause de sa mort, et ma mère dit que Maïa a cela sur la conscience.
— Ta mère a tort. Il me semble que, dans cette circonstance, ta sœur s’est dignement et NOblement conduite. Tu
ne parais pas l’aimer; pourquoi donc?
— Ah! c’est certainement une assez bonnefille, mais si réservée et si fière, qu’il n’est pas agtéable de vivre avec elle.
— Est-elle jolie?
— NOn, pas du tout, et elle ne possède aucun tab nt qui mérite d’être signalé. Ma mère dit qu’elle ne s’entend qu’à faire les honneurs d’un dîner, chose qu’elle a apprise chez son oncle. Maintenant cet oncle est mort. Son fils voulait partager son héritage avec Maïa comme avec une sœur, mais elle s’y est refusée. Ma. mère dit qu’elle a eu tort, et que c’é
tait bien le moins qu’elle acceptât une fortune de celui qui
avait détruit son bonheur. Man père-, au contraire, approuve Maïa eu tout ce qu’elle fait. Bientôt elle quittera la Suède pour
venir demeurer avec NOus, ce qui ne sera pas tort réjouissant, car mon père la gâte, et ma mère a déjà eu à cause d’elle plusieurs scènes désagréables. »
Ce récit me donna une NOuvelle inquiétude. Je vis avec peine les relations dans lesquelles j’allais entrer : une famille
désunie, un père et une mère injustes envers chacun de leurs enfants ; une sœur qui devait être la mienne et qui m’ap
paraissait froide, contrainte, hautaine, et assombrie peutêtre parle chagrin. C’était là une triste perspective. Je réso
lus de hâter mon mariage, et d’échapper, en me retirant chez moi, à ces discordes de ménage.
Le bateau à vapeur de Copenhague NOus apporta le consentement que NOus attendions. Le père de Charlotte n’écrivait pas; mais la mère m’adressait une lettre flatteuse, si flat
teuse, qu’elle me rendit confus. Les qualités de sa fille n’é
taient du reste pas oubliées, et ede me félicitait d’épouser une femme qui devait être le modèle de son sexe.
Charlotte partit; je me trouvai seul, livré à moi-même et fort occupé des réflexions que faisait naître en moi ma NOu
velle situation. Cette jeune fille, me disais-je, est belle; elle est bonne, elle m’aime. Que puis-je désirer de plus? Mais en même temps j’étais bien étonné de la singulière éducation qu’elle avait reçue, du soin qu’on avait pris de lui donner des talents d’agrément, tandis qu’on la laissait sur d’autres points dans une rare igNOrance. Ses lettres m’attristaient et m’irri
taient. Jamais ]e n’avais vu une si laide écriture et une si méchante orthographe ; eiles étaient en outre d’un vide et d’une insignifiance inimaginables. Ce qu’elle m’apprit de plus intéressant dans cette correspondance, c’est que mon chien Fido était près d’elle. Mon frère me l’avait légué en mourant, et je l’aimais beaucoup. Il m’avait suivi sur le bateau à va
peur où je conduisais Charlotte, et elle l’avait emmené. Je répondis à ce passage de sa lettre par un fade compliment ;
je lui disque mon chien était plus heureux que moi, et qu’il représentait près d’elle le symbole de la fidélité.
Quelquesjours après, je me préparais à la rejoindre quand je reçus la visite d’un de mes anciens amis, Antoine B. 11 me raconta ce que je savais déjà, qu’il allait occuper en Fionie un emploi avantageux, et il ajouta qu’il était venu à Doberau tout exprès pour avoir un entretien avec moi.
«Cher ami, me dit-il, je viens te confur le bonheur de ma vie); je te choisis pour mon ministre plénipotentiaire.
— De quoi donc s’agit-ii?
— Tu pensts bien, répondit-il en s’approchant de la fenêtre pour cacher son embarras, qu’il s’agit d’une affaire d’amour. Heureux homme ! tu vas voir bientôt chaque jour la jeune tille que j’adore; tu es fiancé avec Charlotte H., et moi je ne pense qu’à sa sœur Maïa.
— Quoi! Maïa, qui n’est ni jolie, ni... jeune, si je ne me trompe, et qui a été délaissée par celui qui devait l’épouser!
— Qui t’a fait de pareils contes, s’écria t-il avec empor-» tement. Puis il reprit d’un ton de voix calme : Elle n’est pas jeune, dis-tu? elle n’a que deux ans de plus que Charlotte. Elle n’est pas jolie! NOn, ce mot ne peut donner une idée de ses charmes admirables. Elle a été délaissée par celui qui
devait l’épouser. Pauvre sot, qui n’a pas su garder la perle qu’il tenait entre ses mains ! Mais cet événement est précisé
ment ce qui m’a rendu Maïa p us chère. Elle aimait, je crois,
ce jeune homme, bien qu’il m’ait toujours paru qu’elle le traitait plutôt comme un frère que comme un amant. Ad
mets encore qu’elle ne l’ait pas aimé. Combien y a-t-il de jeunes filles qui, à sa place, auraient montré la même déli
catesse? Depuis longtemps, moi je l’aimais en secret, et j’ai cru que je deviendrais fou de joie quand j’ai appris qu’elle avait reconquis sa liberté.
— Mais où donc l’as tu connue ?
— A Stockholm, où ma mère demeura plusieurs années. J’allais souvent dans la maison de l’oncle de Maïa. Ah ! quel homme ! et quelle maison ! Jamais je ne retrouverai rien de semblable.
— Malgré tout, repris-je, je ne voudrais point me marier avec une jeune fille qui a déjà eu un fiancé.
— En Danemark, répondit-il, c’est possible, mais en Suède il n’en est pas de même. Je suis sûr qu’il n’y a jamais eu en
tre Maïa et son préiendu que les rapports les plus délicats. — Mais enfin lui as tu avoué ton amour ?
— Oh ! Dieu! NOn, jamais je n’aurais osé. J’ai seulement essayé de le lui laisser voir, et je ne sais si elle L’a compris. — Que dois-je donc faire?
— Veiller sur ce trésor, m’instruire de ce qui se passe autour d’elle, et si tu veux merendre le plus grand service, choisir un moment propice, proNOncer mon NOm, et si elle l’écoute avec intérêt, lui remettre cette lettre. Peu importe que la date en soit ancienne quand tu la remettras, mes sentiments ne changeront pas : ils seront les mêmes jusqu’à mon dernier jour. »
Je lui fis la promesse qu’il demandait avec tant d’ardeur, et NOus NOus quittâmes. En me promenant sur le pont du bateau à vapeur, je comparais les sentiments que Maïa avait inspirés a mon ami à ceux que j’éprouvais pour Charlotte. C’est une chose étrange, me disais-je, que ce sentiment que NOus appelons amour. Il semble que, comme les palmes, il se développe d’autant plus vivement qu’il a été comprimé à son origine. J’ai lu aussi je ne sais où que les rameaux de l’amour doivent être arrosés avec des larmes, comme ceux de la liberté avec du sang Heureux celui qui porte un tel senlimentdans le cœur ! si faible que soit son espérance, elle suffit pour l’enchanter. Mais le mariage peut être heureux aussi sans une pareille passion, et, en faisant ces réflexions, j’arrivai à Copenhague, et je descendis gaiement à terre.
II.
Je me présentai vers midi dans la demeure de ma fiancée. On n’était point prévenu de mon arrivée. Un domes
tique me fit entrer dans ungfge-sez bien meublée, où
trade, s’étendaient les rangées de banquettes pour le commun des assistants, invités, professeurs et élèves.
M. Dubois a parlé le premier. Il a raconté l’histoire de l Ecole NOrmale ab ovo, retraçant toutes les vicissitudes de l’institution, célébrant toutes les illustrations qu’elle compte parmi ses maîtres et ses élèves, n’oubliant personne, si ce
n’est M. Michelet tout seul, dont l’enseignement a laissé pourtant quelques souvenirs h l’Ecole ; mais il paraît que le célèbre historien est en disgrâce auprès de M. Dubois. — Bref, après un résumé de deux heures, NOus étions arrivés au bout de cet historique: NOus entrions dans l’heureuse pé
riode que la générosité de l’Etat vient d’ouvrir à l’Ecole NOrmale ; il ne NOus restait plus qu’à NOus féliciter de NOtre condition présente, et NOs yeux se pouvaient arrêter avec com
plaisance sur le brillant tableau de NOs.destinées NOuvelles:
— un bâtiment élégant, spacieux, salubre, qui représente une dot de deux millions cinq cent mille francs; vingt-quatres maîtres de conférence, d.ux aumôniers, deux écoNOmes, cinq maîtres surveillants, deux ou trois commis d’adminis
tration, trois directeurs, quarante employés ou domestiques (pour quatre vingts élèves),plus un budget de 500,000 francs.
Que voulez-vous de plus ou de mieux? 500,000francs de revenu, plus l’intérêt des 2,800,000 francs, intérêt qui peut s’évaluer à 180,000 francs;—ceci NOus donne une somme ronde de 450,000 francs par an, à diviser entre quatre-vingts élèves : soit 5,000 francs chaque année par élève; et le séjour à l’Ecole étant de trois années, c’est une petite somme de -15,000 francs que coûte à l’Etat chaque apprenti professeur, avant même qu’il ait professé.
Ces chiffres ont peut-être plus d’éloquence que les périodes de M. le directeur ; ils apprennent aux élèves de l’Ecole NOrmale ce dont ils sont redevables envers l’Etat, quels sa
crifices fait pour eux l’épargne publique, et quels devoirs leur impose cette libéralité nationale.
A défaut de morale civique, qui lui répugne sans doute, pous attendions du moins de M. le directeur des promesses 4’amélioration dans l’écoNOmie intellectuelle et physique de l’Ecole. L’ère NOuvelle ne devait-elle pas être signalée par quelques réformes utiles dans le système des éludes, par quelques progrès et accroissements de l’institution môme? NOtre attente a été déçue. On avait dit aux Chambres que
l’Ecole, installée dans son NOuveau local, pourrait augmenter d’un tiers le NOmbre de ses élèves. Mais NOus avons fait voir comment elle s’était rétrécie, en s’agrandissant de plus du double... S’il arrivait, par malheur, que M. le ministre do
tât l’Ecole de deux autres directeurs adjoints, il faudrait mettre les élèves à la porte, et laisser la maison entière à ceux qui l’administrent.
En fait de NOuveautés pour lVsprit, tout se . réduit à un cours de pédagogie, imaginé par le directeur. Cela se fait à huis clos, et l’on n’y admet que les élèves déjà mûrs. NOus ne trahirons pas le secret des improvisations pédagogiques de M. Dubois. D’ailleurs ce qu’on en rapporte dépasse toute croyance. Est-il vraisemblable, par exemple, que l’ancien ré
dacteur du j ou t nal le Globe se fasse prédicateur chrétien comme un simple carme décliaux?Etpeut-on supposer encore qu’un chef de l’enseignement, chargé de mûrir de jeunes esprits, s’efforce de tourner la pensée vers les soins positifs et matériels de l’intérêt, le culte des autorités, le mariage électoral, etc., etc.?
M. Dubois ayant terminé son interminable histoire, M. le directeur des études a lu un rapport sur les exercices de l’Ecole durant l’année scolaire 1846-47. Ce compte rendu,
mélange d’éloge et de b!âme, n’avait guère d’intérêt que pour les élèves, et peut-être eût-on bien fait de le réserver pour une réunion defamiile. Les progrès de M. J îles ou l’in
capacité de M. Paul, les succès de M. Jean ou l’échec de M. Pierre touchaient médiocrement le public, impatient d’entendre parler M. de Salvandv.
Le ministre n’a dit que quelques mots, et NOus regrettons le laconisme extrême de son allocution. L’Université, en Butte à de si vives attaques, a besoin des encouragements de l’Etat : elle attend, de la bouche du ministre, le témoignage de la sympathie nationale, l’approbation du présent et l’as
surance de l’avenir. Peut-être l’occasion était-elle excellente pourM. de.Salvandy. Mais, laissant la question générale, il
n’a parlé que de son dévouement personnel ; et après avoir lélicité l’Ecole NOrmale en la personne de M. Dubois, il a levé.la séance.
On anNOnce que, pour mériter tous les éloges du ministre, M. le conseiller directeur va se démettre de sa place de pro
fesseur de lettres à l’Ecole Polytechnique, — comprenant enfin que le moins qu’il doive à l’Ecole NOrmale est de ne pas occuper ailleurs un emploi secondaire.
Une Histoire de chaque jour (1). TRADUITE DU DANOIS.
Une affaire me conduisit, il y a quelques années, en pays étranger. En revenant vers le Danemark, j’obtins de ceux qui m’avaient NOmmé leur mandataire la permission de m’ar
rêter, pour ma propre satisfaclion, dans le Mecklembourg.
Je m’établis près de Daberau, dans une propriété dont la riante situation faisait un singulier contraste avec le carac
tère des gens qui m’entouraient. Dans NOire bonne ville de Copenhague, où il n existe plus de vestiges de l’arrogance
aristocratique, on ne peut se faire une idée de la roideur des formes et des habitudes d’étiquette des petits gentilshommes du NOrd de l’Allemagne. Ce défaut me frappait surtout dans les réunions publiques et dans les bals, où, au milieu même de
(1) Cette NOuvelle fait partie du recueil publié par M. J. L. Ileiberg, NOveller garnie og mje, qui a obtenu un grand succès en Danemark.
la danse, tout le monde gardait une gravité solennelle et une attitude magistrale. On dira peut-être que j’étais dans une mauvaise disposition d’esprit. Je l’avoue, je m’ennuyais pro
fondément dans celte contrée, où j’espérais passer quelques jours de distraction, et j avais formé le projet de partir, quand par hasard il arriva une jeune DaNOise qui se rendait à Copenhague, et qui en un instant changea le cours de mes impressions. Sa vive et franche nature, la confiance qu’elle me témoigna, la gaieté qu’elle manifestait en dansant avec moi, dissipèrent comme par enchantement meslrétlexions mé
lancoliques, et Charlotte H. m’apparut comme une fée qui venait me consoler dans mon ennui. Cette fée était du reste très-jolie, et la b°auté n’est pas un don ordinaire dans le
NOrd de l’Allemagne. Enfin Charlotte était la fille d’un homme que je connaissais, d’un homme très-respectable et très-jus
tement considéré. Toutes ces circonstances réunies devaient naturellement me rendre fort assidu près de ma jeune compatriote. Elle était accompagnée d’une autre daine de Co
penhague, et se trouvait à Doberau à l’époque où les bains attirent dans cette ville une affluence d’étrangers et donnent lieu à nne quantité de fêtes. Un soir, en sortant d’un bal, NOus ne trouvâmes point la voiture qui devait NOus attendre. Le temps était beau. Les deux aimables DaNOises demandè
rent à s’en retourner à pied. Je pris le bras de Charlotte ; un autre jeune homme prit celui de sa compagne de voyage.
NOus NOus en allâmes ainsi le long des rives de la mer, dont ies vagues limpides scintillaient aux rayons de la lune. Le doux murmure des flots se mêlait aux accords de l orchestre que NOus venions de quitter ; le ciel était, pur, l’air odorant.
J’étais dans un de ces heureux moments où le cœur savoure avec délice tous les charmes de la nature, et jamais la jeune fille dont le bras reposait sur le mien ne nriavait paru si belle, et, de confidence en confidence, je ne sais comment il se fit que, lorsque NOus NOus quittâmes, NOus NOus étions l’un à l’autre formellement fiancés.
Quand je fus seul, je me semis stupéfait de la légèreté avec laquelle j’avais pris un engagement si grave. H me semb a que tout ce qui venait de se passer n’était qu’un rêve. Le lendemain j’entrai chez Charlotte, qui me présenta à sa compagne de voyage comme son fiancé, se mit à me tutoyer, et me traita comme si NOus NOus aimions l’un et l’aulre de
puis plusieurs années. Une telle manière d’être me choqua ; mais, d’un autre côté, je fus agréablement surpris de décou
vrir quelques-uns des talents de cette fiancée si décidée. Elle jouait habilement du piaNO, et avec art, se montrait fort exercée dans tous les petits ouvrages de broderie qui oc
cupent les loisirs des femmes. J’écrivis en même temps qu’elle à ses parents ; je leur demandai sa main en leur disant quelles étaient ma fortune et ma situation.
Charlotte devait partir par le prochain bateau à vapeur. NOus espérions aue ce même bateau NOus apporterait le consentement de la famille. En attendant, NOus NOus promenions chaque jour ensemble, et Charlolte, avec son léger babil,
me racontait toutes ses relations. Elle ne semblait pas avoir une très-vive affection pour son père; mais, en revanche, elle parlait, de sa mère avec une tendresse enthousiaste.
« Dieu soit loué ! me dil-eile un jour ; que mes parents aient la joie de me voir fiancée avec toi, après la douleur que leur a causée, il y a six mois, ma sœur de Suède.
— Tu viens de Suède! m’écriai-je. Je croyais que tu n’a vais ni frère ni sœur.
— C’est ma demi-sœur, répondit-elle d’un air indifférent, la fille de la première femme de mon père.
— Mais pourquoi l’appelles—tu ta sœur de Suède, et quel chagrin a-t-elle donné à tes parents?
— Je vais te dire : elle avait dix ans lorsque le frère de sa mère la prit avec lui et l’emmena en Suède. Cet oncle, chez qui elle demeurait, est mort il y a trois mois. C’était un homme riche et distingué qui avait voyagé dans le monde entier. Il conçut une telle affection pour ma sœur qu’il n’eut pas de repos avant de l’avoir fiancée avec son fils unique. Il y a deux ans environ que tous trois vinrent NOus voir à Co
penhague, et c’étaient des fêtes et des parties brillantes, et le jeuneHenning F... (ainsi s’appelait le fiancé de ma sœur) était un des plus charmants hommes qu’il fût possible de ren
contrer. Il paraissait fort amoureux, et cependant, à le voir avec ma sœur, on n’eût pas dit qu’ils étaient fiancés l’un à l’aulre, car ils ne se tutoyaient pas et ne causaient pas beau
coup entre eux. La plus grande liberté qu’il prît avec elle était de lui baiser la main. Ils partirent, lui pour les pays étrangers, elle pour retourner à Stockholm avec son oncle. Quelques mois après, arrive une lettre de Henning qui dé
clare qu’il aime éperdument une jeune fille étrangère, qu’il remet son sort entre les mains de ma sœur, et que si elle exige qu’il remplisse son engagement, il viendra le remplir.
Mais ma chère sœur est trop fière. Elle lui rendit aussitôt sa liberté, elle employa même tous ses efforts à apaiser son père, qui était fort irrité contre lui, et voilà comme Maïa est restée fille.
— Maïa, m’écriai-je, c’est un joli NOm !
— C’est celui de sa mère, qui était Suédoise. Mais, pense un peu. Le père de Henning fut si affligé de ne pas marier son fils avec ma sœur, qu’on croit que ce chagrin a été en partie cause de sa mort, et ma mère dit que Maïa a cela sur la conscience.
— Ta mère a tort. Il me semble que, dans cette circonstance, ta sœur s’est dignement et NOblement conduite. Tu
ne parais pas l’aimer; pourquoi donc?
— Ah! c’est certainement une assez bonnefille, mais si réservée et si fière, qu’il n’est pas agtéable de vivre avec elle.
— Est-elle jolie?
— NOn, pas du tout, et elle ne possède aucun tab nt qui mérite d’être signalé. Ma mère dit qu’elle ne s’entend qu’à faire les honneurs d’un dîner, chose qu’elle a apprise chez son oncle. Maintenant cet oncle est mort. Son fils voulait partager son héritage avec Maïa comme avec une sœur, mais elle s’y est refusée. Ma. mère dit qu’elle a eu tort, et que c’é
tait bien le moins qu’elle acceptât une fortune de celui qui
avait détruit son bonheur. Man père-, au contraire, approuve Maïa eu tout ce qu’elle fait. Bientôt elle quittera la Suède pour
venir demeurer avec NOus, ce qui ne sera pas tort réjouissant, car mon père la gâte, et ma mère a déjà eu à cause d’elle plusieurs scènes désagréables. »
Ce récit me donna une NOuvelle inquiétude. Je vis avec peine les relations dans lesquelles j’allais entrer : une famille
désunie, un père et une mère injustes envers chacun de leurs enfants ; une sœur qui devait être la mienne et qui m’ap
paraissait froide, contrainte, hautaine, et assombrie peutêtre parle chagrin. C’était là une triste perspective. Je réso
lus de hâter mon mariage, et d’échapper, en me retirant chez moi, à ces discordes de ménage.
Le bateau à vapeur de Copenhague NOus apporta le consentement que NOus attendions. Le père de Charlotte n’écrivait pas; mais la mère m’adressait une lettre flatteuse, si flat
teuse, qu’elle me rendit confus. Les qualités de sa fille n’é
taient du reste pas oubliées, et ede me félicitait d’épouser une femme qui devait être le modèle de son sexe.
Charlotte partit; je me trouvai seul, livré à moi-même et fort occupé des réflexions que faisait naître en moi ma NOu
velle situation. Cette jeune fille, me disais-je, est belle; elle est bonne, elle m’aime. Que puis-je désirer de plus? Mais en même temps j’étais bien étonné de la singulière éducation qu’elle avait reçue, du soin qu’on avait pris de lui donner des talents d’agrément, tandis qu’on la laissait sur d’autres points dans une rare igNOrance. Ses lettres m’attristaient et m’irri
taient. Jamais ]e n’avais vu une si laide écriture et une si méchante orthographe ; eiles étaient en outre d’un vide et d’une insignifiance inimaginables. Ce qu’elle m’apprit de plus intéressant dans cette correspondance, c’est que mon chien Fido était près d’elle. Mon frère me l’avait légué en mourant, et je l’aimais beaucoup. Il m’avait suivi sur le bateau à va
peur où je conduisais Charlotte, et elle l’avait emmené. Je répondis à ce passage de sa lettre par un fade compliment ;
je lui disque mon chien était plus heureux que moi, et qu’il représentait près d’elle le symbole de la fidélité.
Quelquesjours après, je me préparais à la rejoindre quand je reçus la visite d’un de mes anciens amis, Antoine B. 11 me raconta ce que je savais déjà, qu’il allait occuper en Fionie un emploi avantageux, et il ajouta qu’il était venu à Doberau tout exprès pour avoir un entretien avec moi.
«Cher ami, me dit-il, je viens te confur le bonheur de ma vie); je te choisis pour mon ministre plénipotentiaire.
— De quoi donc s’agit-ii?
— Tu pensts bien, répondit-il en s’approchant de la fenêtre pour cacher son embarras, qu’il s’agit d’une affaire d’amour. Heureux homme ! tu vas voir bientôt chaque jour la jeune tille que j’adore; tu es fiancé avec Charlotte H., et moi je ne pense qu’à sa sœur Maïa.
— Quoi! Maïa, qui n’est ni jolie, ni... jeune, si je ne me trompe, et qui a été délaissée par celui qui devait l’épouser!
— Qui t’a fait de pareils contes, s’écria t-il avec empor-» tement. Puis il reprit d’un ton de voix calme : Elle n’est pas jeune, dis-tu? elle n’a que deux ans de plus que Charlotte. Elle n’est pas jolie! NOn, ce mot ne peut donner une idée de ses charmes admirables. Elle a été délaissée par celui qui
devait l’épouser. Pauvre sot, qui n’a pas su garder la perle qu’il tenait entre ses mains ! Mais cet événement est précisé
ment ce qui m’a rendu Maïa p us chère. Elle aimait, je crois,
ce jeune homme, bien qu’il m’ait toujours paru qu’elle le traitait plutôt comme un frère que comme un amant. Ad
mets encore qu’elle ne l’ait pas aimé. Combien y a-t-il de jeunes filles qui, à sa place, auraient montré la même déli
catesse? Depuis longtemps, moi je l’aimais en secret, et j’ai cru que je deviendrais fou de joie quand j’ai appris qu’elle avait reconquis sa liberté.
— Mais où donc l’as tu connue ?
— A Stockholm, où ma mère demeura plusieurs années. J’allais souvent dans la maison de l’oncle de Maïa. Ah ! quel homme ! et quelle maison ! Jamais je ne retrouverai rien de semblable.
— Malgré tout, repris-je, je ne voudrais point me marier avec une jeune fille qui a déjà eu un fiancé.
— En Danemark, répondit-il, c’est possible, mais en Suède il n’en est pas de même. Je suis sûr qu’il n’y a jamais eu en
tre Maïa et son préiendu que les rapports les plus délicats. — Mais enfin lui as tu avoué ton amour ?
— Oh ! Dieu! NOn, jamais je n’aurais osé. J’ai seulement essayé de le lui laisser voir, et je ne sais si elle L’a compris. — Que dois-je donc faire?
— Veiller sur ce trésor, m’instruire de ce qui se passe autour d’elle, et si tu veux merendre le plus grand service, choisir un moment propice, proNOncer mon NOm, et si elle l’écoute avec intérêt, lui remettre cette lettre. Peu importe que la date en soit ancienne quand tu la remettras, mes sentiments ne changeront pas : ils seront les mêmes jusqu’à mon dernier jour. »
Je lui fis la promesse qu’il demandait avec tant d’ardeur, et NOus NOus quittâmes. En me promenant sur le pont du bateau à vapeur, je comparais les sentiments que Maïa avait inspirés a mon ami à ceux que j’éprouvais pour Charlotte. C’est une chose étrange, me disais-je, que ce sentiment que NOus appelons amour. Il semble que, comme les palmes, il se développe d’autant plus vivement qu’il a été comprimé à son origine. J’ai lu aussi je ne sais où que les rameaux de l’amour doivent être arrosés avec des larmes, comme ceux de la liberté avec du sang Heureux celui qui porte un tel senlimentdans le cœur ! si faible que soit son espérance, elle suffit pour l’enchanter. Mais le mariage peut être heureux aussi sans une pareille passion, et, en faisant ces réflexions, j’arrivai à Copenhague, et je descendis gaiement à terre.
II.
Je me présentai vers midi dans la demeure de ma fiancée. On n’était point prévenu de mon arrivée. Un domes
tique me fit entrer dans ungfge-sez bien meublée, où