Voici une semaine dont le signalement est assez difficile à donner : elle s’est passée en préparatifs de toutes sortes. Vous ne sauriez trouver une maison de quelque importance où la campagne d’hiver ne s’annonce en ce moment par un pré
paratif. 11 est un monde où le plaisir se prémédite comme.une affaire, et la politique comme une distraction. Combien de gens auxquels l’ambition fait prendre la livrée du plaisir, et combien d’autres personnes, en recevant des célébrités politi
ques et littéraires, ne songent qu’à satisfaire un petit senti
ment de vanité très-excusable ; c’est ainsi que leur salon de
vient une espèce de musée de curiosités dont ils procurent l’exhibition périodique à leurs amis. Cependant nous n’en sommes encore qu’aux prépa
ratifs, ainsi que nous le disions tout à l’heure, et nous ne fai
sons que toucher à ce moment d’entrée en scène où chacun rumine ses moyens de succès et prépare ses grands effets. Les femmes songent à la toilette, l’orateur à la tribune, l’impro
visateur recueille ses feuillets, et le causeur ses bons mots.
Pendant que le dilettantisme rêve des concerts, la charité organise des tombolas ; la poli
tique aura beau gronder cet hiver, il devient évident qu’on veut lui ménager des distractions.
Cette bienheureuse saison qui ramène toutes les danses, y compris la danse parlementaire,
s’inaugure ordinairement par quelque surprise officielle : par exemple une fournée de
pairs, ou même la création de nouvelles positions politiques.
C’est là un de ces événements mémorables qui contribuent toujours à l’agitation de certains salons peuplés de femmes d’E­
tat, et qui ajoutent à cette fièvre contagieuse de préparatifs, car on sait que telle fête acceptée par un personnage puissant et considérable devient par
fois un engagement de sa
part, et telle autre peut passer pour un tacite hommage de gratitude. Vous voyez néanmoins que si l’on danse déjà quel
que part, ce n’est pas encore par reconnaissance, puisqu’il paraît que l’on n’a pas pu trouver jusqu’à présent des hommes
Courrier de Paris.
Mais, à défaut de on dit parlementaires et mondains, voici des nouvelles diplomatiques. L’ambassadeur du shah a eu son
audience de congé, et toute re
présentation orientale a cessé ; comme dédommagement, on
assure que les envoyés de la reine Pomaré sont arrivés dans la capitale. Lorsqu’autrefois le compatriote de ces messieurs,
le fameux Aoutourou, y fut amené par M. de Bougainville, sa présence fit beaucoup de sensation, et même la légèreté de sa conduite, et surtout celle de son costume, causa un soup
çon de scandale. Le costume de ces nouveaux venus ne serait pas moins primitif, dit-on, que celui de leur prédécesseur. Comment alors les admettre dans nos salons, où une mise décente fut toujours de rigueur? Il est aussi question de les présenter à la cour, mais le caractère officiel dont ils sont re
vêtus n’est-il pas insuffisant pour la circonstance? et, quoi
qu’on ait couvert l’orateur de la troupe du cordon de la Lé
gion d’honneur, il eût été plus convenable peut-être de lui donner d’abord une jaquette.
Parlons d’un événement plus sérieux : c’est cette rencontre dont le dénoûment fut si fatal et ; que le jury devait cependant couvrir d’une juste abso
lution. Le combat s’était passé loyalement et selon les strictes lois de l’honneur. Les accusés n’appartenaient pas à la jeu
nesse dorée, mais à la brave et studieuse population de nos éco
les militaires, qui n’a qu’un tort, celui de porter jusqu’à l’excès la susceptibilité de l’honneur : les détails de cette af
faire, trop connus maintenant pour que nous les répétions, ont révélé des circonstances ex
trêmement atténuantes pour le principal accusé; il s’agit de cette tyrannie grossière qu’exercent les anciens sur les nou
veaux, et dont l’usage paraît s’être maintenu à l’école de Saint-Cyr. Ces procédés déplo
rables qui jadis furent aussi en usage à l’école Polytechnique, en disparurent, il y a quelques années, à la suite d’une querelle dont le dénoûment
Théâtre des Variétés. — M Bouffé, rôle de Jérôme le maçon, acte premier.
d’une assez bonne pâte pour cette fournée de nouveaux pairs et de sous-secrétaires d’Etat inattendus.
Accident au chemin de fer d’Orléans, le 19 novembre 1847.
fut également tragique. Quand le comte de Saint-Germain voulut introduire la discipline et les coups de bâton germa
niques dans l’armée française, les soldats s’écrièrent : « Sandis, i’aimerais mieux le tranchant ou la pointe ! » Comment
de jeunes officiers ne se révolteraient-ils pas d’obligations également avilissantes?