ture de six à huit degrés Réaumur au-dessous de zéro. Cela dui e souvent une heure, quelquefois deux. Au sortir de là, les kabqks (cabarets) de la ville se remplissent, et l’eau-de-vie coule à pleins bords. Chacun se grise en conscience; les rues se jonchent de buveurs ; puis le choléra se déclare. Avanthier, après une de ces prières si efficaces, on a relevé et transporté à la clinique de Moscou quinze cholériques. X.... (l un des médecins) m’a dit qu’ils étaient tous ivres-morts. On a fait sous main près du métropolite des démarches pour l’en
gager à renoncer à ces prières. Mais, du reste, je t assure que
le choléra ne joue ici aucun personnage important ; on 11e s en occupe pas, et l’on en parle à peine. Les théâtres sont pleins. Les affaires, la bourse, les tribunaux, sont en entière activité. Toute crainte a disparu. L automne est beau, un peu froid. nous avons eu vingt degrés Réaumur la première nuit qui a suivi notre départ de Saint-Pétersbourg. »
Etats-Unis et Mexique. — Les nouvelles de New-York annoncent beaucoup d’agitation à Washington par suite de la prochaine ouverture du congrès, qui élait fixéeau 0 décembre. On faisait une foule de conjectures sur la teneur du message du président, qui devait être publié à New-York dans la soirée du 7.
République de l’Equateur, — La république de l’Equateur, dans l’Amérique du Sud, dont la capitale est Quito et le principal port de commerce Guayaquil sur l’océan Pacifique, paraît avoir retrouvé le calme à ia suite des dissensions civi
les qui l’ont agitée. On se rappelle que l’ex-président de cet Etat, le général Florez, réfugié en Europe, avait tenté de faire des armements pour reconquérir le pouvoir, et qu’il a dû renoncer à son projet. Le président actuel de la république de l’Equateur, don Vicente Roca, a ouvert la session des chambres législatives, le 15 septembre de cette année, par un message dans lequel il a rendu compte de ses tentatives, de ses démarches pour les combattre, de l’appui qu’il a trouvé auprès dé]’Angleterre et de la France.
« S. M. le roi des Français, a-t-il dit, constant et loyal.-ami de notre république, m’a écrit pour me faire part du mariage de S. A. R. le duc de Montpensier, son fils, avec la princesse Maria-Luisa-Fernanda, infante d’Espagne. Je dois surtout vous.informer avec plaisir que cet illustre monarque a géné
reusement interposé ses bons offices auprès du gouvernement espagnol pour faire interdire les enrôlements, les armements et les autres préparatifs qui se faisaient contre nous dans ia Péninsule. »
Désastres. — Une horrible catastrophe est rapportée par le Courrier des Etats-Unis. Le 21 novembre, le steamer à hélice Phœnix se trouvait à environ 19 milles de Sheboygan (lac Michigan), lorsqu’on découvrit que ie feu était à bord. Un vent frais régnait alors, et cette circonstance, jointe à la con
fusion du moment, rendit inutiles tous les efforts que l’on au
rait pu tenter pour arrêter les progrès de l’incendie. Alors commença une de ces horribles scènes dont les lacs de l’in
térieur n’ont que trop souvent été le théâtre. Qu’on se figure deux cents passagers, presque tous émigrants allemands,
„et parmi lesquels se trouvaient nombre d’enfants et de fem-, mes: parqués en quelque sorte sur ce pont brûlant, et n’ayant à choisir qu’entre deux genres de mort également affreux :
les flots ou les flammes. De ce nombre, trente seulement sont parvenus à se sauver sur un bateau et ont été recueillis par le Delcnoare, spectateur impuissant de ce désastre, dans lequel ont été ensevelies cent soixante-dix victimes J
— On écrit du Cap-Haïtien, le 14 novembre ;
« La corvette de guerre haïtienne la Constitution a sauté dans la rade de Port-au-Prince le 7 novembre, à une heure de l’après-midi. Tout l’équipage a péri, à l’exception de dix hom
mes. La Constitution était naguère la goélette Nautilus, des Etats-Unis, vendue au gouvernement haïtien. On évalue la perte à 50,000 dollars (202,500 (r ). Cet accident est d autant plus regrettable que la république avait déjà perdu de même une autre goélette de guerre, la Présidente. »
— Un navire marchand, atrivé de Bergen (norwége) à Copenhague, a apporté la iriste nouvelle qu âpres des pluies tor
rentielles qui étaient tombées continuellement pendant trois semaines, la ville de Bergen et ses environs, jusqu’à une dis
tance de trois lieues, se trouvaient inondés, et qu’en outre il y avait eu des éboulements de terre et des avalanches qui ont enterré des villages entiers, nommément ceux d’Oevreboelhjpm et deHoyenbierghjem; quebeaucoupdepersonnesavaient péri dans ces désastres, qui avaient causé une grande misère.
Nécrologie. — M. le vicomte Dudresnay, député du Finistère, âgé de cinquante-sept ans ; —M. le comte Dubois,
ancien préfet de poïïce sous l’Empire, âgé de quatre-vingtdix ans, viennent de mourir; ce dernier laisse, dit-on, des mémoires curieux sur l’époque où il a pris part à l’adminis
tration. — A Versailles, est mort le général Olivieri, réfugié italien, qui avait bravement combattu dans les armées fran
çaises sous l Empire. Il commandait un régiment de dragons à Waterloo.
DEUX PAS EN ARRIÈRE POUR UN PAS EN AVANT.
nous signalions dernièrement avec éloges un commencement de réforme administrative qui, en établissant le concours pour l’admission aux emplois des ministères, améliorait la condition des employés, leur ouvrait une carrière plus large et tendait à faire cesser une confusion illogique et injuste entre les travaux manuels et ceux de la capacité, entre la position du rédacteur lettré et celle du simple copiste (I).
nous applaudissions de toutes nos forces à ce pas encore indécis dans la voie de l’équité et du progrès, nous nous hâ
tions trop, ou plutôt’, tandis que nous écrivions l’histoire,
l’histoire cessait d’être vraie. Cette velléité de mieux faire où nous aimions à voir, sinon un bien présent, au moins le présage d’une nouvelle ère administrative, s’évanouissait, et
(1) Voir le numéro de l Illustration du 27 novembre 1847,
la réforme à peine ébauchée s’effaçait pour faire plus que jamais place à la routine triomphante.
L’un des principaux ministères, celui où les nouvelles idées avaient été mises en pratique sur l’échelle la plus large et la plus libérale, retombe lourdement dans la vieille ornière, et à l’heure qu’il est, l’on s’occupe activement d’anéantir le peu d’amélioration qu’on y avait introduit. L’interminable hiérar
chie qui morcèle la carrière et multiplie les degrés de telle sorte que Sully, Richelieu et Mazarin n’eussent pu les fran
chir en leurs trois existences superposées, cette hiérarchie, dis-je, renaît de ses cendres mal éteintes, et hérisse de nouveau la route de classes, de titres et d’emplois comme d’autant de chevaux de frise. L’avançement possible est ré
duit, et le même niveau de plomb va peser, comme jadis, sur l expéditionnaire ignare’ét sur l’homme d’intelligence. L’un et l’autre auront droit, dans la même proportion, aux largesses ministérielles : j’emploie ce mot à défaut d’autres. Enfin, il est question d’abolir le concours et d’en revenir tout simple
ment au régime du bon plaisir. Ce serait déjà chose faite, si l’on ne craignait pas la censure des Chambres et le qu en dira t on de ces bancs redoutés où s’élabore la manne nour
ricière du budget, mais d’où partent aussi ces carreaux qui foudroient de temps à autre les ministres.
A tout péché miséricorde. Si d’aventure l’on a eu en un jour de détresse ou de distraction l’idée du bien, on en ap
pelle, comme 011 voit. Pécheur repentant cause plus de joie au ciel politique que dix justes; c’est l’Ecriture qui nous l’apprend. On s’était fourvoyé dans le progrès; mais il est temps encore, il 11’est jamais trop tard pour déserter la bonne voie.
Autre observation. nous avons signalé le singulier calcul, T étrange personnalité de cps commis de fortune qui, une fois grimpés au haut de l’échelle hiérarchique, ont retiré à eux cette échelle, de façon à ne pouvoir ni être atteints, ni même
suivis à distance dans leur vol d’aiglon au sommet de l’empirée ministériel. Uniquement préoccupés du soin d’assurer leurs derrières, selon la prudente formule du cabinet du 15 avril, ces aquilées à l’œil myope n’ont pas vu l’ennemi du
devant accourant sur eux avec des serres bien autrement ouvertes et autrement menaçantes que celles des oisillons fai
bles qui voletaient dans les espaces sublunaires. En d’autres termes, ils sont restés isolés et suspendus en l’air, loin de tous ceux qui auraient pu les soutenir, en revanche, expdsés sans point d’appui aucun aux attaques meurtrières des rocs et des condors parlementaires.
Citons un exemple, pour quitter les nuées et la métaphore. Un de ces commis, arrivé, par la grâce d’une réelle capa
cité aidée de circonstances exceptionnelles, aux plus hautes fonctions de la hiérarchie, moins toutefois celles de ministre,— un sous-secrétaire d’État sorti des bureaux, chose inouïe! — est eu ce moment précipité brusquement du faite des hon
neurs et d’un pouvoir qui fut presque absolu durant une longue suite d’années. Point de transition, point de compen
sation : c’est une disgrâce complète. Pourquoi cette chute? Apparemment, on avait besoin de la place. — Qui Ta obtenue? — Naturellement un personnage parlementaire, un dé
puté, un nouveau venu, hier encore à peu près inconnu du pays et de l administration.
Le sous-secrétaire d’Etat, issu de la bureaucratie, et aujourd’hui remercié, eut la faiblesse grande, il y a peu d’années, de se laisser gagner à la tentation d’aborder la vie politique! On lui persuada qu’un homme de sa sorte ne pouvait moins faire que d’être député; on lui improvisa une candidature : il l’accepta et échoua. Dès ce jour, ses amis éclairés purent avec chagrin pronostiquer sa chute. Tant qu’il avait représenté les droits acquis, l’ancienneté, le travail, l’aptitude spéciale, sa position était demeurée inexpugnable. Les ministères et une révolution même avaient passé au-dessus de sa tête sans la menacer seulement. Mais, du moment, où, revêtu d’un titre déjà périlleux par son élévation même, il voulut y joindre ce
lui de législateur et le brigua en pure perte, il n’y eut plus en lui qu’un candidat non élu, un haut fonctionnaire sans ra
cines et sans crédit électoral, incapable de rendre au pouvoir en appui ce qu’il recevait de lui en argent ou honneurs, si ce n’est peut-être par le côté essentiellement secondaire de la capacité et de l’expérience. C’est ainsi qu’il voua lui-même sa tête cà l’ostracisme dans un avenir plus on moins proche, lequel ne s’est pas fait attendre.
Néanmoins, tout sous-secrétaire d’Etat et tout candidat malheureux qu’il était, il est vraisemblable qu’on n’eut pu toucher à sa position, si elle eut été renforcée, administrati
vement parlant, par un arrière-ban, une colonne serrée de fonctionnaires le suivant de près, marchant pour ainsi dire dans ses traces et dont l’un du moins eût été dès long
temps désigné par son grade, par Ja voix publique, par l’incontestable puissance de la position acquise, à lui succéder au besoin , comme le lieutenant au capitaine. On con
çoit bien que, dans ce cas, il n’y aurait eu aucun profit à le remplacer, la succession étant dévolue à l’avance. Mais cet héritier présomptif, ce suppléant possible, c’est là précisément ce que les hommes arrivés ont toujours eu en sainte horreur et tenu àdislance plus que respectueuse par un calcul d’aveugle personnalité. Entre eux et tout le petit peu
ple des employés, il n’y a rien qu’un immense vide, un hiatus soigneusement entretenu et élargi, juste l’espace néces
saire pour se fracturer bras et jambes. Quand un colonel meurt, le lieutenant-colonel prend sa place sans opposition et sans difficulté possibles. Il n’y a pas à espérer de départir sa survivance à un évêque, à lin attaché d ambassade, ou à
un officier d’un grade inférieur arbitrairement choisi dans les rangs de l’armée. Dans l’ancien empire d’Allemagne, il y avait d&rière l’Empereur le roi des Romains, qui ne détrônait pas l’élu de la diète, mais au contraire écartait de lui les com
pétiteurs, comme devant nécessairement monter après lui sur le trône. Le grand dauphin sous la monarchie absolue, le prince royal sous la nouvelle, représentent exactement le même espoir, le même appui et la même sécurité pour les usufruitiers du pouvoir royal.
Dans les ministères, rien de semblable. Il existe si peu de solidarité, la chaîne hiérarchique est tellement rompue entre le haut fonctionnaire qui succombe et ses anciens pairs, ce météore est tellement loin des nébuleuses bureaucratiques,
que sa chute n’éveille aucune ambition et 11’affec.te pas plus la cohorte administrative qu’une révolution dans Mars ou dans Saturne. Personne ne pouvant songer à recueillir cet héritage sidéral, le ministère qui, non-seulement le confisque, mais qui l’escompte à son profit, n’a point à craindre un soulève
ment d’opinion. Il ne blesse aucun droit;, ne trompe aucun espoir et peut, à son gré, envoyer au petit peuple des roseaux un soliveau ou une grue. L’ex-rûi, le haut fonction
naire, n’a pas voulu qu’il fût possible de le remplacer après sa mort : il le sera de son vivant.
De tout ceci on peut extraire plusieurs moralités ou axiomes.
L’esprit d’individualisme exagéré n’est pas seulement un défaut grave, c’est une faute.
On voue généralement ses services à l’Etat quand on n’a rien de mieux à faire, à peu près comme ces pauvres filles qui se fiancent avec Dieu, faute de trouver un épouseur.
C’est fort bien fait, car l’Etat, en revanche, se soucie peu des dévouements équivoques que lui procurent le hasard, l’impuissance ou tout simplement le désir de partieiper pour quelques miettes au budget et de recouvrer, sous la forme de traitement, une partie des lourds impôts qu’acquitte annuellement le pays.
L’administration, qui est la tête et la boussole de la nation, se recrute à peu près comme une compagnie franche.
Au milieu des médiocrités qui nécessairement pullulent à l’ombre d’un pareil système, ce n’est pas une grande avance que d’être par extraordinaire intelligent et instruit.
Il est certain niveau qu’un employé prudent ne doit pas songer à franchir.
il peut ne pas suffire, bien qu’en dise l’Evangile, de s’abaisser pour être élevé ; mais s’élever, c’est prendre le chemin infaillible d’être tôt ou tard abaissé. Le sort de l’employé n’est stable qu’à la condition d’être obscur.
Que, si par hasard, on descend à s’occuper un instant de lui, on ne se demande pas : Qui est-il? Mais : D’où sort-il ? ou en d’autres termes : Quel député nous l’envoie?
Un tel régime ne serait pas supportable deux fois vingtquatre heures, si ce qu’on nomme fort proprement la ma
chine administrative était autre chose en effet qu’un grande manivelle à bras, parfaitement montée dans le principe, mais commençant à s’user un peu et jouant toujours le même air, bien que la musique et le goût des auditeurs aient bien changé depuis le règne de l’organiste primitif.
La moitié des pères de France ont pour leurs fils l’ambition de Cochin, l’avocat, qui disait du sien; « S’il n’a pas de mérite, je le ferai asseoir. » Leurs fils sont assis en effet à peu près sept heures par jour.
Et, à ce propos, une anecdoie démontrera les avantages de l’assiduité bureaucratique. M le comte d’A......, génie universel, qui a successivement géré les deux tiers des mi
nistères, et a laissé partout le renom d’une extrême rigidité sur ce chapitre, poussait, parfois dans les bureaux des recon
naissances fortuites, un peu moins peut-être pour discerner et encourager le mérite que pour punir les manquements àu précepte fondamental de la présence corporelle. Surprenaitil un employé en faute, c’est-à-dire absent, il s’écrivait sur sa pancarte, avec addition de ces terribles mots : privation d’appointements pour un mois ; signé : LE MINISTRE. Le délinquant, au retour, avait l’œil réjoui de cette carte de visite.
Un jour, eu revanche, ou pour mieux dire, une nuit, — ceci se passait entre neuf et dix heures du soir au ministère de l’intérieur, — le comte d’A......, sortant de son hôtel, avisa
une fenêtre des bureaux dont l’éclairage inusité contrastait avec la parfaite obscurité du bâtiment. L’œil du ministre, à cette vue, s’illumina comme La fenêtre; il, fit appeler son chef du service intérieur, et lui demanda le nom de l’em
ployé zélé, du colimaçon vertueux qui habitait encore la coque bureaucratique à cette heure phénoménale, On lui dit le nom de ce mollusque; le ministre en prit note et, séance tenante, alloua à ce commis modèle une gratification de mille francs.
Mandé le lendemain chez son chef de bureau, ce dernier y parut en tremblant et allait, comme Scapin, entamer une confession laborieuse et demander grâce sans doute poiir quelque méfait inédit., quand il lui fut donné lecture de la dé
cision du ministre. Qu’on juge de sa joie et de son étonne
ment ! Cet employé si assidu élait un pauvre diable traqué par d’implacables créanciers et décrété de prise de corps, qui, pour échapper aux limiers de M. Moreau, avait pris depuis quelques jours le sage parti de ne plus quitter son bureau et y avait à cette fin transporté philosophiquement son domicile politique, son bonnet de nuit et sa marmite. Son grand zèle consistait à brûler la chandelle et le bois du gouvernement au profit de son pot-au-feu et au grand dépit des recors. Si Port- Royal vivait encore, comme ses ennemis les jésuites, ou pour
rait dire que c’est de la grâce efficace unie à la présence réelle. Le comte d’A......, retiré de la vie politique, s’épanouit main
tenant à la tête d’une grande institution financière où il a naturellement introduit ce précieux dogme. — Avis aux em
ployés de cet établissement qui peuvent avoir maille à partir avec des usuriers féroces ou d’intraitables fournisseurs,
Elle était partie, elle avait disparu comme une ombre, et puis voilà qu’elle revient à la vie dans la pompe et les accla
mations. Il n’y a qu’un signe à changer, qu’un chiffre à rem
placer dans son extrait de naissance: 1847 est mort, vive 1848!
C’est un règne nouveau qui commence aujourd’hui même, et dont l’avènement attendu est salué comme une surprise. Qu’il vente ou qu’il neige, que le ciel se fasse sombre et, rechigné, et montré en cette occasion un front aussi rembruni que celui d’un père trop chargé de famille, ce jour n’en est pas moins


administratifs.




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