rible. Une attaque générale commença. Après de premiers avantages, accablé par le nombre,
il perdit, assure-t-on, ISO hommes tués et 200 prisonniers, et parmi eux plusieurs de ses hommes les plus importants. Le combat dura jusqu à midi.
«.Après s’être replié en arrière, Abd-el- Kader eût encore essayé peut-être de reprendre l’initiative, mais la nouvelle deson insuccès et des pertes qü’il avait essuyéesétait déjà arrivée à la deïra, et pendant toute la nuit les lamen
tations des femmes retentirent au loin. A ce bruit, qu’il était facile d’interpréter, par un
mouvement instinctif en pareille circonstance aux populations arabes et kabyles, les tribus avoisinantes, et en tête les Angades, coururent vers les tentes mal défendues pour les piller.
Un désordre complet existait déjà au milieu
d’elles, lorsque l’émir arrivaassez à tempsavee ses réguliers pour les protéger. »
Après cet échec, dont les suiles devaient être si terribles pour lui, Abd-el-Kader s’était retiré dans une région appelée Agueddin, si
tuée entre la Moulaïa, la mer et les montagnes de lvebdana, et. présentant d autres fortes positions. Là un nouveau combat ne tarda pas à s’engager. Le 21, les Kabyles marocains, excités par l’appât du butin, commencèrent l’at
taque : pendant toute la journée les cavaliers réguliers et les fantassins d’Abd-el-Kader se défendirent en désespérés. Le soir, la moitié s’était fait tuer. Toute résistance devenait dès
lors impossible. Les survivants se dispersèrent pendant la nuit, et la-deïra vint se réfugier sur le territoire français, où les Marocains vainqueurs n’osèrent pas la poursuivre. Les rapport du gouverneur général et surtout ceux
du général deLamoricièré, auquel revient tout l’honneur de la soumission d’Abd-el-Kader, ont appris à la France entière le dénoûment dramatique delà première phase delà guerre d’Afrique. Ces faits sont si connus maintenant de tous nos lecteurs, qu’il serait inutile même de les résumer ; qu’il nous suffise de rappeler que, le 24, dans l’après-midi,
Abd-el-Kader fut reçu au marabout de Sidi-Brahim par le colonel de Montauban, que rejoignirent bientôtles généraux de Lamoricière etCavaignac. Une heure après, ameneà Nemours (Djemma- G-azoual.), il était présenté au gouverneur général S. A. IL le duc d’Aumale, qui y était arrivé le matin même,
et auquel il remettait un cheval de soumission. Le prince gouverneur ratifia laparole donnée par le général de Lamoricière, qu’Abd-el-Kader serait conduit à Alexandrie ou à Saint-Jcan-d’Acre, avec le ferme espoir que le gouvernement du roi lui donnera sa sanction. Le 24, Abd-el-Kader s’embar
quait pour Oran, et d’Oran, l’Asmodée l’a amené à Toulon, où il est, comme on le sait, arrivé le 29 avec sa famille et sa suite. Parmi les personnages de distinction qui l’accompa
gnent se trouvent un de ses beaux-frères, Kadji-Mustaphaben-Thami, le même qui fut chargé d’exécuter l’ordre bar
bare de mas-aerer les prisonniers faits à Sidi-Brahim ; son kalifa Kaddour-ben-Allal, frère de Sidi-Embarack, et l’aga de ses réguliers, Mahmoud-ben-el-Keur. Il a également em
mené avec lui sa mère, ses trois femmes et deux fils, dont T aîné, Mahmoud-ben-Abd-el-Kader, enfant d’une physionomie très-intéressante, est âgé d’environ huit ans.
Au moment où nous écrivons, Abd-el-Kader est encore au lazaret de Toulon, où il attend que le gouvernement français ait prononcé sur son sort. Quel sera l’avenir de cet homme dont le passé a été si glorieux et dont la condition présente est si misérable? Nul ne peut le prévoir ; mais nous désirons vivement que le ferme espoir de S. A. K. le duc d’Aumale soit complètement trompé, et nous espérons, quant à nous, que le gouvernement du roi n’accordera pas sa sanction à la parole imprudente donnée par le général de Lamoricière. Envoyer Abd-el-Kader en Syrie ou en Egypte, ce serait lui rendre, aux yeux des Arabes, tout le prrstige qu’il vient de perdre; ce serait entraver et arrêter tous les progrès do la co
lonisation naissante par la menace perpétuelle d’une nouvelle prise d’armes; ce serait mettre une arme terrible aux mains de notre plus redoutable ennemie, l’Angleterre; ce serait, en un mot, se rendre coupable d’un acte de haute trahison envers la France...
Les armes rendues par Abd-el-Kader au général Lamoricière au moment de sa soumission ont été rapportées en France par M. le colonel de Beaulort, aide de camp du duc d’Aumale. Les pistolets ont été remis au Roi, et M. le duc d’Aumalc a fait offrir le sabre à madame de Lamoricière, qui a bien voulu nous permettre d’en faire un dessin qui figure parmi les armes accompagnant, sur la page précédente, le portrait de l’émir (1).
Que la paix et la tranquillité régnent pendant quelques années seulement en Algérie, et la colonisation, si longtemps incertaine n’héritera plus à se développer. non-seulement la
France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie enverront en Afrique un plus grand nombre d’hommes et des capitaux plus considé
rables, mais les Arabes eux-mêmes ne tarderont pas à prendre part au mouvement général, à se métamorphoser, à sè
(1 ) Celte arme estcle la forme de tous les sabres turcs ; la lame, en damas, est surmontée d’une poignée garnie en argent repoussé ; le fourreau est également garni dans toute sa longueur
en argent repoussé, dont l’ornementation est empruntée au style en usage sous Louis XIV. Une petite tresse de cuir atta
chée à l’un des bouts du croisillon de la poignée nous a paru
d’un usage fort difficile à deviner; un cordon de soie garni de glands et de bosseltes, et passant par deux anneaux attachés au fourreau, servait à fixer sur les épaules ou à la ceinture celle arme qu’un long usage, ou peut-être le transport a mis en assez mauvais état pour que les différentes pièces de raccord qui for
ment le fourreau aient dû être rattachées par un cordonnet dans toute leur longueur.
civiliser, à se confondre, dans de certaines limites, avec la population européenne, nous n’en voulons pour preuve que le fait si grave qui vient de se produire dans la province d’O ran, et auquel la presse française n’a pas accordé assez d’at
tention. Ce fait demande, pour- être bien compris, quelques explications préliminaires que M. Azéma de Montgravier, capitaine d’artillerie, attaché aux affaires arabes de la divi
sion d’Oran, et auteur de plusieurs travaux historiques cités souvent avec éloge dans ce journal, s’est chargé de nous fournir. nous empruntons le passage suivant au remarquable article qu’il a publié dans l Echo d’Oran du 23 décembre :
« L’Arabe du Te l n’est point nomade; le territoire de chaque tribu était, avant notre conquête, limité d’une manière aussi précise que celui d’une commune de France, mais il occupe toujours un espace beaucoup plus considérable que le terrain qui serait nécessaire en Europe pour nourrir un nombre de familles égal à celui qu’il fait vivre dans ce pays.
La portion qui n’est pas cultivée sert de champ de pâture aux bestiaux; on sait, en outre, que la propriété n’est pas indi
viduelle : la tribu elle-même, du moins dans la province d’Oran, n’est pas propriétaire; elle est seulement usufruitière du territoire dont le gouvernement peut la déposséder. Les
tribus Markzen, nombreuses du reste, faisaient cependant exception à cette règle générale, et possédaient le sol héré
ditairement. Tel est le droit des gens que nous ont légué les Turcs, et tout semble indiquer qu’il prit naissance avec leur domination. Dans l’ordre matériel, les deux différences que nous venons de signaler entre ces peuples et les nations civilisées sont les principales. En ce qui concerne la hiérar
chie sociale, celle des Arabes a la plus grande analogie avec les classes qui composaient autrefois les sociétés chrétiennes du moyen âge, et l’on y trouve, comme chez nos ancêtres, les grandes familles nobilières, les cultivateurs et les serfs.
« La première conséquence à déduire d’un pareil état de choses, c’était d’abord la possibilité de le modifier sans por
ter aucune alleinle aux idées morales et à la religion : pour arriver à ce but, il suffisait de développer chez Tes Arabes l’amour de la propriété et du travail, et de remplacerla tente par la maison. »
Au mois de mars 1847, M. le colonel W. Eslerhazy, directeur des affaires arabes de la province, avait présenté à M. le maréchal gouverneur général un projet par lequel il proposait de concéder aux tribus des Douairs et Smelas celles qui nous ont rendu sous les ordres du général Mustapha tant et de si grands services pendant la guerre, le territoire dont elles ont héréditairement Tusufruit, dans le but de transformer leurs villages mobiles, leurs douars, en habitations fixes. Ce projet, soumis au conseil supérieur d’administration avait été adopté à l’unanimiié, et l’un des premiers actes du nouveau gouverneur général a été d’en autoriser immédiatement la mise à exécution. L’auteur du projet a reçu l’ordre de procé
der à un essai dans le pays des Smelas : cet essai, du succès duquel on avait douté, a complètement réussi. Eu ce mo
ment, malgré la saison défavorable de l’hiver et des labours, quinze villages sont déjà en cours de construction, et les autres n’attendent que des ouvriers disponibles pour être entrepris.
Le village ne sera autre chose qu’un douar en maçonnerie, offrant sur une enceinte rectangulaire un mur de défense, de valeur absolument nulle contre nous, mais très-suffisante pour protéger nos alliés contre d’autres Arabes agresseurs. La maison du chef du douar occupe le milieu d’une des fa
ces ; la mosquée, celui de la face opposée. Ces deux bâtiments, plus élevés que les autres, seront construits dans un goût oriental, quoique avec la plus grande simplicité. Quelques maisons auront deux et même trois chambres et une écurie voisine de ia maison : toutes auront une cheminée. L inté
rieur du village sera suffisant pour parquer les bestiaux; enfin t ien n’a été omis de ce qui devait réunir les deux conditions essentielles d’utilité et d’économie; car, et il importe de
bien noter ce point, la France ne dépensera pas un cenlime, et c’est le peuple arabe qui payera ses demeures. Cette dernière circonslance est de nature à étonner toutes les per
sonnes qui connaissent son amour pour l’argent et pour la vie patriarcale; et certes, nous le dirons sans partialité, ce n’est pas un médiocre honneur, pour l’auteur de ce pro
jet, d’avoir eu sur l’esprit de toute cette population une pareille influence: un consentement aussi général ne saurait être obtenu par des moyens de coercition, et avant que lo pro
jet fût approuvé, on savait à ia direction des affaires arabes qu’il ne susciterait pas urte seule réclamation. Voici, du reste, la nature des conditions que les intéressés ont faites eux-mê
mes ; 1“ les matériaux seront transportés par eux à pied d’œuvre; 2° chaque maison sera proportionnelle aux sommes offertes par chaque chef des tentes; 5° les murs seront con
struits en bonne maçonnerie, et les principaux auront 30 centimètres d’épaisseur, de façon à ce qu’on puisse y ajouter plus tard un étage ; 4° chaque lot de terre concédé en,toute propriété à chaque chef de tente Ine sera pas au-dessous delà valeur du terrain qu’il était dans l’usage de cultiver anciennement ; les offres d’argent faites par chaque individu, suivant sa fortune, sont classées dans les catégories suivantes : 2,000 fr., 1,300 fr„ 730 fr., 430 fr.
« On comprend facilement, nous écrit notre correspondant d Oran, toute la portée qu’un pareil fait peut avoir pour la sécurité et l’avenir du pays. Si ce mouvement est iavorisé avec intelligence, il peut changer d’ici à peu de temps l’as
pect de la contrée. Du moment où l’Arabe consent à se fixer au sol, il accepte implicitement une modification profonde dans ses mœurs et ses habitudes : il se crée des intérêts communs et solidaires avec les nôtres, il entre dans le mouvement colonisateur, et devient aussi intéressé que l’Euro
péen lui-même1 à la tranquillité et à la sécurité du pays. Il est inutile d’ajouter une foule d’autres considérations qui dé
coulent naturellement de cette importante initiative, et qui seront facilement saisies par tous ceux qui connaissent un peu l’Afrique. »
Lesdessinsqui accompagnentcetarticlereprésententun des villages en construction d’après le plan-type qui a été adopté par le prince gouverneur général. Un voit que ce n’est autre chose qu’un douar en maçonnerie, rendu défensif contre les incursions des Arabes ennemis, par l’adoption de la forme quadrangulaire, au lieu de la forme circulaire invariable qu’affecte toujours le village de tentes.
Courrier de Paris.
Voici le revers de la médaille : le jour de Tan est mort ; il a vécu ce que vivent les colifichets et les roses, l’espace d’un, matin; foin des bonbons et autres douceurs; en voilà jusqu’à la future année ; plus de compliments, de cadeaux, ni d’é- trennes ; chacun serre et resserre les cordons de sa bourse que cet heureux anniversaire avait si follement déliés, et nos Parisiens vont savourer d’autres plaisirs. La tribune va tonner, et le concert détonnera, puis viendront les joies bruyantes du carnaval.
On avait tiré un horoscope lamentable de l’année qui vient de finir; elle commençait par un vendredi, et c’est un ven
dredi quelle est morte, et là dessus les superstitieux et les fatalistes avaient tracé sa route à travers les malheurs et les disgrâces, et Ton a pu juger de la vérité du pronostic. L’année 1848 s’annonce sous de plus riants auspices ; nous n’a
vons pas encore consulté sur elle le vol des oiseaux ni les en
trailles des victimes, la contemplation des astres ne nous a rien appris de sa destinée finale ; mais, sans être précisément Cassandre ou mademoiselle Lenormant, on peut attendre d’elle plus d’agrémeut que n’en a procuré sa sœur aînée. La nou
velle venue îriest-elle pas née sous un astre favorable? voyez plutôt le beau temps qu’elle nous amène : cet autre Hercule étouffe aussi des monstres à son berceau, ce qui doit s’entendre de la grippe, dont les marchands de pâte pectorale déplo
rent la disparition prématurée. En outre, tout présage à notre jeune année une enfance joyeuse ; le carnaval sera long et sur
vivra aux giboulées de mars; grâce à elle, nous danserons donc plus longtemps qu’à l’ordinaire. Bref, ce sera l année aux grandes surprises, s’il faut en juger par la première qu’elie
nous procure, l’arrivée d’Abd-el-Kader, et s’il est vrai que la capitale soit donnée pour loge au lion le plus glorieux de l’A
frique. Est-il besoin de signaler la sensation extraordinaire
que cause dansles salons l’apparition probable et,très-prochaine du fameux émir. Les lions de ia tribune frémissent de la con
currence; ils se figurent déjà ce rival en burnous allant sur leurs brisées ; l’attention publique est acquise à ses moindres rugissements; il fréquentera les roûts, il sera admis à la cour; à lui les ovations de la presse, la curiosité de la foule, les sou
rires des femmes, qui se disent déjà que le terrible émir n’est effrayant et barbare qu’à la guerre. Seulement une circon
stance pourrait déranger ces nouveaux plans de campagne dressés contre lui : l’émir ne marche, dit-on, qu’entouré de sa deïra, et il ne se plaît qu’au couscoussou mangé en famille.
Toutefois il faut s’attendre à voir sa présence à Paris utilisée comme réclamerie de salon. Qui ne sait que beaucoup de grandes maisons ont leur pelote des illustrations où chaque célé
brité est étiquetée et piquée comme un papillon, où la nuance orientale est principalement recherchée. A ces visiteurs par excellence on présente ordinairement un élégant album, sorte de livre d’or où ils sont invités à écrire leur nom, ou bien à faire leur croix, faute de mieux. C’est après une de ces cérémonies que l’illustre Bou-Maza demandait dernièrement à
M. de C. l’autorisation de prendre le seing de madame de C., ce que le mari accorda de la meilleure grâce du monde, laissant les mauvais plaisants s’égayer à leur aise de l’équivoque.
Circonstance extraordinaire, on a ri également à l’Opéra, l’autre soir, pendant la représentation de la Jérusalem. Les femmes élégantes ont la rage des bouquets monstres, et lord
N. , qui s’était muni d’une de ces offrandes à l’intention de là belle comtesse de R., ne put jamais faire entrer son présent par la porte de la baignoire ; il fallut le réduire de moitié.
Plan d’un village arabe.
il perdit, assure-t-on, ISO hommes tués et 200 prisonniers, et parmi eux plusieurs de ses hommes les plus importants. Le combat dura jusqu à midi.
«.Après s’être replié en arrière, Abd-el- Kader eût encore essayé peut-être de reprendre l’initiative, mais la nouvelle deson insuccès et des pertes qü’il avait essuyéesétait déjà arrivée à la deïra, et pendant toute la nuit les lamen
tations des femmes retentirent au loin. A ce bruit, qu’il était facile d’interpréter, par un
mouvement instinctif en pareille circonstance aux populations arabes et kabyles, les tribus avoisinantes, et en tête les Angades, coururent vers les tentes mal défendues pour les piller.
Un désordre complet existait déjà au milieu
d’elles, lorsque l’émir arrivaassez à tempsavee ses réguliers pour les protéger. »
Après cet échec, dont les suiles devaient être si terribles pour lui, Abd-el-Kader s’était retiré dans une région appelée Agueddin, si
tuée entre la Moulaïa, la mer et les montagnes de lvebdana, et. présentant d autres fortes positions. Là un nouveau combat ne tarda pas à s’engager. Le 21, les Kabyles marocains, excités par l’appât du butin, commencèrent l’at
taque : pendant toute la journée les cavaliers réguliers et les fantassins d’Abd-el-Kader se défendirent en désespérés. Le soir, la moitié s’était fait tuer. Toute résistance devenait dès
lors impossible. Les survivants se dispersèrent pendant la nuit, et la-deïra vint se réfugier sur le territoire français, où les Marocains vainqueurs n’osèrent pas la poursuivre. Les rapport du gouverneur général et surtout ceux
du général deLamoricièré, auquel revient tout l’honneur de la soumission d’Abd-el-Kader, ont appris à la France entière le dénoûment dramatique delà première phase delà guerre d’Afrique. Ces faits sont si connus maintenant de tous nos lecteurs, qu’il serait inutile même de les résumer ; qu’il nous suffise de rappeler que, le 24, dans l’après-midi,
Abd-el-Kader fut reçu au marabout de Sidi-Brahim par le colonel de Montauban, que rejoignirent bientôtles généraux de Lamoricière etCavaignac. Une heure après, ameneà Nemours (Djemma- G-azoual.), il était présenté au gouverneur général S. A. IL le duc d’Aumale, qui y était arrivé le matin même,
et auquel il remettait un cheval de soumission. Le prince gouverneur ratifia laparole donnée par le général de Lamoricière, qu’Abd-el-Kader serait conduit à Alexandrie ou à Saint-Jcan-d’Acre, avec le ferme espoir que le gouvernement du roi lui donnera sa sanction. Le 24, Abd-el-Kader s’embar
quait pour Oran, et d’Oran, l’Asmodée l’a amené à Toulon, où il est, comme on le sait, arrivé le 29 avec sa famille et sa suite. Parmi les personnages de distinction qui l’accompa
gnent se trouvent un de ses beaux-frères, Kadji-Mustaphaben-Thami, le même qui fut chargé d’exécuter l’ordre bar
bare de mas-aerer les prisonniers faits à Sidi-Brahim ; son kalifa Kaddour-ben-Allal, frère de Sidi-Embarack, et l’aga de ses réguliers, Mahmoud-ben-el-Keur. Il a également em
mené avec lui sa mère, ses trois femmes et deux fils, dont T aîné, Mahmoud-ben-Abd-el-Kader, enfant d’une physionomie très-intéressante, est âgé d’environ huit ans.
Au moment où nous écrivons, Abd-el-Kader est encore au lazaret de Toulon, où il attend que le gouvernement français ait prononcé sur son sort. Quel sera l’avenir de cet homme dont le passé a été si glorieux et dont la condition présente est si misérable? Nul ne peut le prévoir ; mais nous désirons vivement que le ferme espoir de S. A. K. le duc d’Aumale soit complètement trompé, et nous espérons, quant à nous, que le gouvernement du roi n’accordera pas sa sanction à la parole imprudente donnée par le général de Lamoricière. Envoyer Abd-el-Kader en Syrie ou en Egypte, ce serait lui rendre, aux yeux des Arabes, tout le prrstige qu’il vient de perdre; ce serait entraver et arrêter tous les progrès do la co
lonisation naissante par la menace perpétuelle d’une nouvelle prise d’armes; ce serait mettre une arme terrible aux mains de notre plus redoutable ennemie, l’Angleterre; ce serait, en un mot, se rendre coupable d’un acte de haute trahison envers la France...
Les armes rendues par Abd-el-Kader au général Lamoricière au moment de sa soumission ont été rapportées en France par M. le colonel de Beaulort, aide de camp du duc d’Aumale. Les pistolets ont été remis au Roi, et M. le duc d’Aumalc a fait offrir le sabre à madame de Lamoricière, qui a bien voulu nous permettre d’en faire un dessin qui figure parmi les armes accompagnant, sur la page précédente, le portrait de l’émir (1).
Que la paix et la tranquillité régnent pendant quelques années seulement en Algérie, et la colonisation, si longtemps incertaine n’héritera plus à se développer. non-seulement la
France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie enverront en Afrique un plus grand nombre d’hommes et des capitaux plus considé
rables, mais les Arabes eux-mêmes ne tarderont pas à prendre part au mouvement général, à se métamorphoser, à sè
(1 ) Celte arme estcle la forme de tous les sabres turcs ; la lame, en damas, est surmontée d’une poignée garnie en argent repoussé ; le fourreau est également garni dans toute sa longueur
en argent repoussé, dont l’ornementation est empruntée au style en usage sous Louis XIV. Une petite tresse de cuir atta
chée à l’un des bouts du croisillon de la poignée nous a paru
d’un usage fort difficile à deviner; un cordon de soie garni de glands et de bosseltes, et passant par deux anneaux attachés au fourreau, servait à fixer sur les épaules ou à la ceinture celle arme qu’un long usage, ou peut-être le transport a mis en assez mauvais état pour que les différentes pièces de raccord qui for
ment le fourreau aient dû être rattachées par un cordonnet dans toute leur longueur.
civiliser, à se confondre, dans de certaines limites, avec la population européenne, nous n’en voulons pour preuve que le fait si grave qui vient de se produire dans la province d’O ran, et auquel la presse française n’a pas accordé assez d’at
tention. Ce fait demande, pour- être bien compris, quelques explications préliminaires que M. Azéma de Montgravier, capitaine d’artillerie, attaché aux affaires arabes de la divi
sion d’Oran, et auteur de plusieurs travaux historiques cités souvent avec éloge dans ce journal, s’est chargé de nous fournir. nous empruntons le passage suivant au remarquable article qu’il a publié dans l Echo d’Oran du 23 décembre :
« L’Arabe du Te l n’est point nomade; le territoire de chaque tribu était, avant notre conquête, limité d’une manière aussi précise que celui d’une commune de France, mais il occupe toujours un espace beaucoup plus considérable que le terrain qui serait nécessaire en Europe pour nourrir un nombre de familles égal à celui qu’il fait vivre dans ce pays.
La portion qui n’est pas cultivée sert de champ de pâture aux bestiaux; on sait, en outre, que la propriété n’est pas indi
viduelle : la tribu elle-même, du moins dans la province d’Oran, n’est pas propriétaire; elle est seulement usufruitière du territoire dont le gouvernement peut la déposséder. Les
tribus Markzen, nombreuses du reste, faisaient cependant exception à cette règle générale, et possédaient le sol héré
ditairement. Tel est le droit des gens que nous ont légué les Turcs, et tout semble indiquer qu’il prit naissance avec leur domination. Dans l’ordre matériel, les deux différences que nous venons de signaler entre ces peuples et les nations civilisées sont les principales. En ce qui concerne la hiérar
chie sociale, celle des Arabes a la plus grande analogie avec les classes qui composaient autrefois les sociétés chrétiennes du moyen âge, et l’on y trouve, comme chez nos ancêtres, les grandes familles nobilières, les cultivateurs et les serfs.
« La première conséquence à déduire d’un pareil état de choses, c’était d’abord la possibilité de le modifier sans por
ter aucune alleinle aux idées morales et à la religion : pour arriver à ce but, il suffisait de développer chez Tes Arabes l’amour de la propriété et du travail, et de remplacerla tente par la maison. »
Au mois de mars 1847, M. le colonel W. Eslerhazy, directeur des affaires arabes de la province, avait présenté à M. le maréchal gouverneur général un projet par lequel il proposait de concéder aux tribus des Douairs et Smelas celles qui nous ont rendu sous les ordres du général Mustapha tant et de si grands services pendant la guerre, le territoire dont elles ont héréditairement Tusufruit, dans le but de transformer leurs villages mobiles, leurs douars, en habitations fixes. Ce projet, soumis au conseil supérieur d’administration avait été adopté à l’unanimiié, et l’un des premiers actes du nouveau gouverneur général a été d’en autoriser immédiatement la mise à exécution. L’auteur du projet a reçu l’ordre de procé
der à un essai dans le pays des Smelas : cet essai, du succès duquel on avait douté, a complètement réussi. Eu ce mo
ment, malgré la saison défavorable de l’hiver et des labours, quinze villages sont déjà en cours de construction, et les autres n’attendent que des ouvriers disponibles pour être entrepris.
Le village ne sera autre chose qu’un douar en maçonnerie, offrant sur une enceinte rectangulaire un mur de défense, de valeur absolument nulle contre nous, mais très-suffisante pour protéger nos alliés contre d’autres Arabes agresseurs. La maison du chef du douar occupe le milieu d’une des fa
ces ; la mosquée, celui de la face opposée. Ces deux bâtiments, plus élevés que les autres, seront construits dans un goût oriental, quoique avec la plus grande simplicité. Quelques maisons auront deux et même trois chambres et une écurie voisine de ia maison : toutes auront une cheminée. L inté
rieur du village sera suffisant pour parquer les bestiaux; enfin t ien n’a été omis de ce qui devait réunir les deux conditions essentielles d’utilité et d’économie; car, et il importe de
bien noter ce point, la France ne dépensera pas un cenlime, et c’est le peuple arabe qui payera ses demeures. Cette dernière circonslance est de nature à étonner toutes les per
sonnes qui connaissent son amour pour l’argent et pour la vie patriarcale; et certes, nous le dirons sans partialité, ce n’est pas un médiocre honneur, pour l’auteur de ce pro
jet, d’avoir eu sur l’esprit de toute cette population une pareille influence: un consentement aussi général ne saurait être obtenu par des moyens de coercition, et avant que lo pro
jet fût approuvé, on savait à ia direction des affaires arabes qu’il ne susciterait pas urte seule réclamation. Voici, du reste, la nature des conditions que les intéressés ont faites eux-mê
mes ; 1“ les matériaux seront transportés par eux à pied d’œuvre; 2° chaque maison sera proportionnelle aux sommes offertes par chaque chef des tentes; 5° les murs seront con
struits en bonne maçonnerie, et les principaux auront 30 centimètres d’épaisseur, de façon à ce qu’on puisse y ajouter plus tard un étage ; 4° chaque lot de terre concédé en,toute propriété à chaque chef de tente Ine sera pas au-dessous delà valeur du terrain qu’il était dans l’usage de cultiver anciennement ; les offres d’argent faites par chaque individu, suivant sa fortune, sont classées dans les catégories suivantes : 2,000 fr., 1,300 fr„ 730 fr., 430 fr.
« On comprend facilement, nous écrit notre correspondant d Oran, toute la portée qu’un pareil fait peut avoir pour la sécurité et l’avenir du pays. Si ce mouvement est iavorisé avec intelligence, il peut changer d’ici à peu de temps l’as
pect de la contrée. Du moment où l’Arabe consent à se fixer au sol, il accepte implicitement une modification profonde dans ses mœurs et ses habitudes : il se crée des intérêts communs et solidaires avec les nôtres, il entre dans le mouvement colonisateur, et devient aussi intéressé que l’Euro
péen lui-même1 à la tranquillité et à la sécurité du pays. Il est inutile d’ajouter une foule d’autres considérations qui dé
coulent naturellement de cette importante initiative, et qui seront facilement saisies par tous ceux qui connaissent un peu l’Afrique. »
Lesdessinsqui accompagnentcetarticlereprésententun des villages en construction d’après le plan-type qui a été adopté par le prince gouverneur général. Un voit que ce n’est autre chose qu’un douar en maçonnerie, rendu défensif contre les incursions des Arabes ennemis, par l’adoption de la forme quadrangulaire, au lieu de la forme circulaire invariable qu’affecte toujours le village de tentes.
Courrier de Paris.
Voici le revers de la médaille : le jour de Tan est mort ; il a vécu ce que vivent les colifichets et les roses, l’espace d’un, matin; foin des bonbons et autres douceurs; en voilà jusqu’à la future année ; plus de compliments, de cadeaux, ni d’é- trennes ; chacun serre et resserre les cordons de sa bourse que cet heureux anniversaire avait si follement déliés, et nos Parisiens vont savourer d’autres plaisirs. La tribune va tonner, et le concert détonnera, puis viendront les joies bruyantes du carnaval.
On avait tiré un horoscope lamentable de l’année qui vient de finir; elle commençait par un vendredi, et c’est un ven
dredi quelle est morte, et là dessus les superstitieux et les fatalistes avaient tracé sa route à travers les malheurs et les disgrâces, et Ton a pu juger de la vérité du pronostic. L’année 1848 s’annonce sous de plus riants auspices ; nous n’a
vons pas encore consulté sur elle le vol des oiseaux ni les en
trailles des victimes, la contemplation des astres ne nous a rien appris de sa destinée finale ; mais, sans être précisément Cassandre ou mademoiselle Lenormant, on peut attendre d’elle plus d’agrémeut que n’en a procuré sa sœur aînée. La nou
velle venue îriest-elle pas née sous un astre favorable? voyez plutôt le beau temps qu’elle nous amène : cet autre Hercule étouffe aussi des monstres à son berceau, ce qui doit s’entendre de la grippe, dont les marchands de pâte pectorale déplo
rent la disparition prématurée. En outre, tout présage à notre jeune année une enfance joyeuse ; le carnaval sera long et sur
vivra aux giboulées de mars; grâce à elle, nous danserons donc plus longtemps qu’à l’ordinaire. Bref, ce sera l année aux grandes surprises, s’il faut en juger par la première qu’elie
nous procure, l’arrivée d’Abd-el-Kader, et s’il est vrai que la capitale soit donnée pour loge au lion le plus glorieux de l’A
frique. Est-il besoin de signaler la sensation extraordinaire
que cause dansles salons l’apparition probable et,très-prochaine du fameux émir. Les lions de ia tribune frémissent de la con
currence; ils se figurent déjà ce rival en burnous allant sur leurs brisées ; l’attention publique est acquise à ses moindres rugissements; il fréquentera les roûts, il sera admis à la cour; à lui les ovations de la presse, la curiosité de la foule, les sou
rires des femmes, qui se disent déjà que le terrible émir n’est effrayant et barbare qu’à la guerre. Seulement une circon
stance pourrait déranger ces nouveaux plans de campagne dressés contre lui : l’émir ne marche, dit-on, qu’entouré de sa deïra, et il ne se plaît qu’au couscoussou mangé en famille.
Toutefois il faut s’attendre à voir sa présence à Paris utilisée comme réclamerie de salon. Qui ne sait que beaucoup de grandes maisons ont leur pelote des illustrations où chaque célé
brité est étiquetée et piquée comme un papillon, où la nuance orientale est principalement recherchée. A ces visiteurs par excellence on présente ordinairement un élégant album, sorte de livre d’or où ils sont invités à écrire leur nom, ou bien à faire leur croix, faute de mieux. C’est après une de ces cérémonies que l’illustre Bou-Maza demandait dernièrement à
M. de C. l’autorisation de prendre le seing de madame de C., ce que le mari accorda de la meilleure grâce du monde, laissant les mauvais plaisants s’égayer à leur aise de l’équivoque.
Circonstance extraordinaire, on a ri également à l’Opéra, l’autre soir, pendant la représentation de la Jérusalem. Les femmes élégantes ont la rage des bouquets monstres, et lord
N. , qui s’était muni d’une de ces offrandes à l’intention de là belle comtesse de R., ne put jamais faire entrer son présent par la porte de la baignoire ; il fallut le réduire de moitié.
Plan d’un village arabe.