Lord N., qui voulait à son tour arriver par la même porte que son cadeau fleuri, ne fut pas plus heureux dans sa tentative, grâce à l’embonpoint également fleuri qui le distingue, et la réduction du paquet n étant plus possible cette fois, Sa Grâce alla se réfugier dans la loge plus aérée de son compatriote sir X., vers laquelle d’ailleurs les regards de l’orchestre et du parterre semblaient se diriger avec intérêt. Cette loge était occupée en effet par deux charmantes insulaires dont un cercle d or retenait la blonde chevelure, et dont un costume excessivement printanier rehaussait l’éclatante beauté. Les nym
phes de Calypso n’étaient pas plus légèrement vêtues dans leur île mythologique, et ces dames auraient pu tenir le pari piquant engagé autrefois au sujet d une beauté célèbre du Di
rectoire, dont la toilette entière, mise dans une balance, se trouva d’un poids égal à deux onces.
Le théâtre ne nous a donné encore que des étrennes chétives ; voici d’abord la Marinette de la Comédie-Française :
pied leste, œil fripon, gais propos, cette. Marinette est une friponne fort gentille et très-délurée ; mais les fourberies de ce Scapin en jupon ne sauraient être racontées : on se pro
mène le nez au vent, on se carre dans sa robe de bure, on jase comme une pie, on se moque de Gros-René, on turlupine la magistrature en compagnie de Turlupin, et puis on va épouser son galant : rien de moins imprévu assurément.
Depuis Searron, en passant par Molière, Legrand, Hauteroche et Lesage, que de fois n’avons-nous pas vu ces visages bouffons et ri de ces personnages en perruque à marteau ou enmanteau de toile à paillasse ! nous vous connaissons tous, beaux masques, et vous vous nommez encore Cassandre,
Garguille, Géronte, Scapin, Lisette et Marinette ; mais vous êtes toujours du bon coin de la vieille comédie, voire gaieté est de la bonne enseigne, vos tours sont plaisants, et votre langage est trempé aux meilleures sources. Jamais, d’ailleurs,
mademoiselle Brohan, cette franche Marinette, n’avait joué avec plus de verve et d’entrain; jamais, non plus, M. Samson n’avait montré plus d’esprit et M. Got de naturel et d’a
bandon; il faut donc féliciter le jeune auteur, M. de Courcelles, de toutes ces bonnes fortunes.
Ce n’est pas ainsi qu’on entend à l’Odéon la fête des premières représentations. Là bas, la vraie comédie se joue or
dinairement dans la salle, et c’est le parterre qui se charge du principal rôle : jetez et mêlez dans un grand sac toutes sortes d’objets hétéroclites et qui jurent de se trouver en
semble, tels que nids d’aigles, chattes en souffrance, roquets
plaintifs, et cette harmonie vous donnera une faible idée des cris étranges qui s’élèvent du parterre au jour de ces so
lennités. Il s’agissait ce soir-là d’un drame et d’une[revue-vaudeville, et tout ce qu’il nous est possible d’en dire, c’est que le drame, Cécile Lebrun, est tiré d’un roman de madame Aucelot, intitulé Gabrielle, et mis en pièce par M. Ancelot.
nous soupçonnons grandement cette Cécile d’être la victime d’une mésalliance, comme son modèle Gabrielle. Lejeune duc qui l’a épousée en considération de sa dot est loin de lui don
ner du bonheur pour son argent. Pendant que la zizanie fait des siennes dans le ménage, une bonne femme de mère, vé
ritable caquet-bon-bec, moralise à outrance et pêche ses plus beaux arguments en eau trouble, et voyant le cœur de son
gendre absolument fermé à ses exhortations maternelles, la voilà qui s’écrie : Prenez ma tête, monsieur, et ne vouez pas
ma fille au déshonneur ! Sur cet appel déchirant, les époux s’embrassent et le beau temps est rétabli au baromètre conjugal, tandis que la tempête gronde de plus belle dans la salle. C’est alors que le régisseur vient se mêler au dénoûment d’une manière inattendue, et lance au parterre en tumulte la citation historique : Frappe, mais écoute, c’est-à-dire, frappe le drame, mais écoute la comédie, prête l’oreille à notre Revue chansonnée et à notre Banquet de 1847. L’aréopage s’est donc calmé un peu, et il s’est assis à ce banc d’huîtres odéonien, moitié fâché, moitié riant, et il
a revu et laissé passer sans plus d’opposition ni d’encombre toutes ces célébrités de l’année passée, ces plaisanteries à l’éther et au chloroforme, ces sarcasmes ébréchés, ces épi
grammes dont une autre scène avait eu la primeur. Ainsi du Gymnase, qui est venu mêler un petit air de flûte à ce grana concerto de plaisanteries, de turlupinades, d’anas et de mots bons et mauvais qui accompagnent l’agonie de l’an
née expirante et inaugurent la nouvelle. Son nouvel Art de ne pas donner d étrennes est pratiqué par deux maris infi
dèles qui ne sont guère de l’avis de cet époux rangé qui a dit : Chacun pour soi, chacun chez soi; c’est, l’un qui donne des étrennes à la femme de l’autre, et ils tendent tous les deux à se minotauriser mutuellement, comme dirait Balzac ; mais ces dames n’ont rien à se cacher, et en vertu d’un troc convenu d’avance, quelles exécutent à la barbe de ces
messieurs, chacun d’eux se trouve avoir octroyé à son épouse légitime le cadeau qu’il croyait donner à une amoureuse.
Rentrons dans le grand chapitre étrennes par une anecdote. M. de B..., arrivé récemment à Paris du fin fond de la Bre
tagne, emploie coînme valet de pied un paysan qu’il a enlevé à la charrue. A peine descendu chez lui, son premier soin fut d’envoyer Pierre porter des cartes de visite chez ses con
naissances. « Prends cette liste, lui dit-il, et tu déposeras successivement ces cartes chez les concierges en leur faisant des cornes. » Le Bas-Breton entre rue de Lille, no et dit au portier : « Voici une carte pour M. L... de la part de mon maître, et ceci pour vous (le geste se deviné], — Qu’est-ce que vous faites donc là? — Parbleu, je vous fais des cornes.»
Menacé dans sa retraite, le domestique se réfugia rue Taranne et recommença bonnement la même scène. Mais d s a
dressait à un concierge récemment marié : celui-ci, prenant là plaisanterie au sérieux, rossa d’importance le messager qui termina là sa pose de cartes et de cornes.
Mais trêve aux plaisanteries. La semaine a eu ses deuils et ses désastres. Il est de légitimes douleurs auxquelles notre petite chronique ne doit s associer que par le silence ; cette réserve ne lui est pas absolument imposée quand il s’agit d’un grand scandale. Un notaire qui jouissait de la considération de ses collègues a été incarcéré à la suite de découvertes lâ
cheuses. Il avait fait un criminel abus de valeurs et de titres qui lui furent confiés par plusieurs familles. Sans nous faire l’écho des bruits qui circulent et des nombreux méfaits qu’on impute au coupable, nous dirons seulement, comme tant d’autres, qu’après le déplorable exemple donné récemment par le notaire Lebon, il est triste devoir que l’autorité n’ait pris l’initiative d’aucune mesure propre à prévenir le retour de semblables catastrophes. Ce n’est pas attaquer l’honneur des membres d’uu corps, dont la majorité est certainement très-digne de respect, que de dire que ses statuts et peut-être sa composition réclament une réforme. A cet égard, la statistique judiciaire parle très-haut, et c’est un accusateur pu
blic dont la voix ne saurait être plus longtemps méconnue; elle constate que, dans ces huit dernières années, environ cent vingt de ces officiers ministériels ont dû comparaître devant la juridiction criminelle. On ajoute que ce chiffre, si élevé qu’il soit, n’exprime pas exactement le nombre des notaires qui, dans ce laps de temps, ont forfait à leurs devoirs, et que beaucoup de scandales ont été étouffés par l’intervention de la chambre notariale.
Du reste, le crime semble heureusement engourdi à Paris, et il y a longtemps que les habitués de cour d’assises n’y ont eu la”surprise de quelque méfait, à grand spectacle. Cette es
pèce de halte et de trêve dans l’horreur peut être également signalée dans toute la France; et pour trouver quelque chose d’original dans ce genre, il faudrait passer la frontière et pé
nétrer dans le cachot des meurtriers de la demoiselle Evenepoël. L’un d’eux, le plus jeune, le prévenu Van Denplas,
dont la tenue et les manières contrastent singulièrement avec celles de son complice, semble justifier, une fois encore, par son langage et les sentiments qu’il affiche, l’opinion de quelques moralistes chagrins au sujet de la démoralisation de plus en plus flagrante des classes bien éduquées de la société, Van Denplas a la tournure et la bonne façon d’un gentil
homme, ce qui lui a valu le sobriquet de Baron parmi ses pareils; c’est encore le crime en gants jaunes, au sourire moqueur, à la parole facile, ornée et cassante. Lorsque le magistrat a demandé à ce grand esprit s’il avait jamais songé à un monde meilleur et à l’expiation réservée là haut au criminel : « Bah ! bah ! répond-il, nous connaissons tout cela, ou plutôt, je vous avoue que j’ignore absolument ce qui s’y passe; y avez-vous été, monsieur le procureur, et savezvous ce qui a lieu après la mort? Allons, vous êtes sur ce chapitre tout aussi savant que moi. — Cependant, ajoute le magistrat, le doigt de Dieu est marqué dans la découverte du crime, les murs ont en des oreilles, les murs ont parlé. — Ah! ah! des murs qui ont des oreilles, réplique-t-il alors absolument comme Robert Macaire, des murs qui ont une langue ; en vérité, p’est fort drôle, et je voudrais bien voir de ces murs-là ! »
MM. les ministres n’ont pas encore ouvert leurs salons, et l’on sait qu’un grand malheur domestique empêchera la cour de donner cette année le signal des plaisirs officiels ; mais, à défaut de l’exemple venu des hautes régions, les entrepre
neurs des bals publics ont pris l’initiative. On dansait hier et l’on dansera demain à l’Opéra, aux Variétés et à l’Qpéra- National ; en outre, l’ouragan musical commence à se dé
chaîner dans la capitale, et toutes les salles disponibles des douze arrondissements sont retenues pour quelque concert d’agrément ou de bienfaisance. D’autres pourraient vous dire que la persécution des bonnes œuvres et de la musique de pauvres et d’aveugles a commencé sur tous les points et pro
cède déjà sur la plus grande échelle, mais que le ciel nous garde jamais de toucher de la pointe de notre raillerie cette chose sainte par excellence : lœuvre de charité. A l’aspect de cette pluie de billets et de ces monceaux de circulaires qui nous arrivent, comment ne pas constater une fois encore à quel point la bienfaisance est ingénieuse à se créer des ressources. Dans l’embarras où nous sommes de vous convier à chacune dé ces fêtes, en les désignant nominalement, con
tentons-nous de répéter que de toutes parts on s’apprête à s’amuser au profil des infortunes respectables et des plus nobles indigences ; et qu’au moment où les mairies se trans
forment en salons de bal, le Jardin-d’Hiver prépare une
grande fête au bénéfice des pensionnaires de l’ancienne liste civile.
Histoire de la Semaine.
La mort de S. A. R. madame Adélaïde d’Orléans, la soumission d’Abd-el-Kader, la ruine éclatante d’un notaire fas
tueux, tout cela, avec le courant de débats et de démêlés politiques, de projets.de réforme et de monopoles administra
tifs, s’est accumulé à la fin d’une année déjà fort remplie. -
Dans la nuit du 22 au 23 décembre, Abd-el-Kader s’est rendu au général de Lamoricière. Cet événement, heureux pour la France, glorieux pour son armée, a été annoncé le 1er janvier à la population parisienne, On sait comment et à quelle singulière condition s’est brusquement terminée une lutte de quatorze ans.
Dans la nuit du 30 au 31, madame la princesse Adélaïde, sœur du roi, est morte subitement étouffée par une attaque d’asthme, à l’âge de soixante-dix ans. Cette princesse, née le 23 août 1777, plus jeune de quatre années que le roi son frère, avait, comme lui, été élevée par madame de Genlis.
L’acte de décès a été dressé le 1er aux Tuileries, où les restes mortels ont été exposés dans une chapelle ardente dressée dans le grand salon de l’appartement que Son Altesse Royale occupait au pavillon de Flore. Les obsèques ont eu lieu mer
credi à Paris et le même jour à Dreux. —Les revenus de la princesse montaient à 1,800,000 francs environ, représen
tant un capital de 60 millions qu’elle a ainsi répartis par ses dispositions testamentaires :
Un million destiné à acquitter divers legs particuliers, — 2 millions au jeune duc de Chartres, frère du comte de Pa
ris; — 10 millions à M. le due de Nemours et les forêts de Crécy et d Armainvilliers ; — et les 47 millions de sur
plus, par moitié, à M. le prince- de Joinville, qui devra avoir dans son lot la forêt d’Arc en Barrois, et à M. le duc de Montpensier, qui aura dans le sien les terre et château de Randan en Auvergne.
— L’année 1847, bien que toute pacifique, aura été aussi féconde en promotions aux plus hautes dignités militaires que les années les plus remplies de l’empire ; l’armée de terre a vu nommer doux maréchaux ; l’armée navale vient de voir une ordonnance du 23 décembre élever M. de Mackau à la dignité d’amiral.
Présentation nu budget de 1849. — Le ministre des finances a déposé lundi dernier sur le bureau de la chambre des députés le projet de budget des recettes et des dépenses pour l’exercice 1849. Selon ce projet, le chiffre des dépenses ordinaires pour 1849 s’élèverait à la somme de 1 milliard 382 millions 468,322 fr., et celui des recettes à la somme de 1
milliard 583 millions 469,560 fr. Excédant des recettes, sur les dépenses, 1 million 10,058fr. Comparéaubudget voté pour l’exercice 1848, celui qui est proposé pour 1849 présente un
excédant de dépenses de 20 millions 786,632 fr., lequel vient d’un accroissement de ISmillions 347,855 fr. ajoutés par des lois déjà votées aux charges légales de la dette publique, et de 7 millions 589,181 fr. de dépenses balancées par des recettes corrélatives, telles que celles des départements, des communes, de plusieurs services spéciaux, etc.
Quant aux dépenses extraordinaires qui doivent se solder au moyen des réserves de l’amortissement et des ressources fournies par les emprunts que les Chambres ont déjà votés, elles se divisent, comme on sait, en deux classes ; l’une qui comprend les travaux ordonnés par la loi du 23 juin 1841, au profit des deux départements de la guerre et de la marine;
l’autre qui comprend les travaux (chemins de fer) exécutés en vertu de la loi du 11 juin 1842. Pour les dépenses de la première catégorie, le ministère demande 18 millions 850,000 fr., dont 12 millions 850,000 fr. pour le ministère de la guerre et 6 millions pour le. service de la marine. Pour les dépenses de la seconde catégorie, la demande de crédit est de 116 millions 678,000 fr., somme inférieure d’environ 47 millions à la moyenne des allocations accordées pour les deux années 1847 et 1848.
Projet de loi sur le sel et la taxe des lettres, — Le projet de loi relatif à la réduction de l’impôt sur .le sel propose un système emprunté à l’Allemagne. Il consiste à investir l’Etat du privilège de la vente des sels en gros à un prix déterminé, et à le faire revendre au détail à un prix également fixé, soit par le commerce libre, soit par des débi
tants commissionnés. Le projet de loi se prononce pour le commerce libre. Mais, en revanche, il ne se prononce pas pour le droit de propriété. Selon le projet, l’Etat, soumettant à l’exercice la fabrication ou l’extraction du sel, annoncerait tous les ans, après le mois d’octobre,- c’est-à-dire après la fin de la campagne de fabrication, quels seraient ses besoins pro
bables pour l’année suivante, déterminerait le prix auquel il achèterait le sel, et répartirait les fournitures à faire entre les producteurs selon l’importance de leur fabrication. Une fois les sels approvisionnés, ils seraient transmis dans chaque arrondissement aux entrepositaires des tabacs dans des sacs
plombés, de 100 kilogrammes, que le public ou le commerce de détail viendra chercher selon ses besoins. Quant aux sels pour l’exportation, ou nécessaires à la fabrication des soudes, aux pêches maritimes, à l’agriculture, ils seraient exempts de tous droits et livrés au prix de revient. Les sels destinés à l’agriculture seraient, comme les sels employés pour les pê
ches maritimes, dénaturés avant d’être livrés à la consomma
tion. Le ministre admet qu’avec l’adoption de ce système on pourrait vendre le sel en gros gu prix de 27 centimes, en détail au prix de 50 centimes, et n’avoir, dès la première année, à. regretter dans les recettes qu’une diminution del5millions de francs.
Il est à craindre que la réduction de prix ne soit pas assez forte pour provoquer une augmentation considérable de consommation.
Quant à la prétendue réforme postale, le ministre se borne à proposer un simple dégrèvement en persistant dans le sys
tème actuel des zones. 11 fixe à 50 centimes le maximum de la taxe progressive des lettres simples. Celte réduction, qui n’est pas de nature à déterminer les résultats obtenus en An
gleterre par la taxe unique, causera dès le principe, dans les recettes actuelles de la poste, une diminution de 8 millions de francs; la mesure sur le sel en amènera une de 15 millions.
Ce serait donc 20 millions auxquels il faudrait renoncer tout d’abord sur ces deux natures de recettes. Le ministre croit que, dans les circonstances présentes, il serait imprudent pour le trésor de consentir à un pareil sacrifice, et propose-,
dans le cas de l’adoption de ces deux projets, d’en renvoyer l’application au 1er janvier 1850, c’est-à-dire à deux ans.
Caisse d’épargne de Paris. — Cet établissement vient d’arrêter au 51 décembre le compte de ses recettes et de ses dépenses pour l’année 1847. L’ensemble des opérations présente les résultats suivants :
Elle a reçu, 1° en 245,450 versements, dont 28,953 nouveaux, la somme de 31 millions 690,951 fr.;
2° En 1,607 transferts, recettes provenant des caisses d’é pargne départementales, 1 million 219,528 fr. 19 c.
Elle a capitalisé, pour compte des déposants au 51 décembre, les intérêts fractionnés en 548,211 parties, et formant un total de 3 millions 15,672 fr.
Elle a remboursé, 1° en 112,616 retraits, dont 30,418 pour solde, la somme de 41 millions 255,248 fr. 65 c.; 2° en 1,601 transferts, payements envoyés aux caisses d’épargne dé
partementales, 1 million 128,870 fr. 10 c.; et5° en achats de 222,420 fr. de rentes, à la demande de 4,029 déposants, la somme de 5 millions 260,005 fr. 30 c.
Elle redoit le 51 décembre, à 183,449 déposants, la somme de 80 millions 146,351 fr. 85 c.
Celte situation, comparée à celle de l’année 1846, fait ressortir, sur le solde dû aux. déposants, une diminution de 11 millions 718,504 fr. 74 c.; mais les achats de rentes opérés
phes de Calypso n’étaient pas plus légèrement vêtues dans leur île mythologique, et ces dames auraient pu tenir le pari piquant engagé autrefois au sujet d une beauté célèbre du Di
rectoire, dont la toilette entière, mise dans une balance, se trouva d’un poids égal à deux onces.
Le théâtre ne nous a donné encore que des étrennes chétives ; voici d’abord la Marinette de la Comédie-Française :
pied leste, œil fripon, gais propos, cette. Marinette est une friponne fort gentille et très-délurée ; mais les fourberies de ce Scapin en jupon ne sauraient être racontées : on se pro
mène le nez au vent, on se carre dans sa robe de bure, on jase comme une pie, on se moque de Gros-René, on turlupine la magistrature en compagnie de Turlupin, et puis on va épouser son galant : rien de moins imprévu assurément.
Depuis Searron, en passant par Molière, Legrand, Hauteroche et Lesage, que de fois n’avons-nous pas vu ces visages bouffons et ri de ces personnages en perruque à marteau ou enmanteau de toile à paillasse ! nous vous connaissons tous, beaux masques, et vous vous nommez encore Cassandre,
Garguille, Géronte, Scapin, Lisette et Marinette ; mais vous êtes toujours du bon coin de la vieille comédie, voire gaieté est de la bonne enseigne, vos tours sont plaisants, et votre langage est trempé aux meilleures sources. Jamais, d’ailleurs,
mademoiselle Brohan, cette franche Marinette, n’avait joué avec plus de verve et d’entrain; jamais, non plus, M. Samson n’avait montré plus d’esprit et M. Got de naturel et d’a
bandon; il faut donc féliciter le jeune auteur, M. de Courcelles, de toutes ces bonnes fortunes.
Ce n’est pas ainsi qu’on entend à l’Odéon la fête des premières représentations. Là bas, la vraie comédie se joue or
dinairement dans la salle, et c’est le parterre qui se charge du principal rôle : jetez et mêlez dans un grand sac toutes sortes d’objets hétéroclites et qui jurent de se trouver en
semble, tels que nids d’aigles, chattes en souffrance, roquets
plaintifs, et cette harmonie vous donnera une faible idée des cris étranges qui s’élèvent du parterre au jour de ces so
lennités. Il s’agissait ce soir-là d’un drame et d’une[revue-vaudeville, et tout ce qu’il nous est possible d’en dire, c’est que le drame, Cécile Lebrun, est tiré d’un roman de madame Aucelot, intitulé Gabrielle, et mis en pièce par M. Ancelot.
nous soupçonnons grandement cette Cécile d’être la victime d’une mésalliance, comme son modèle Gabrielle. Lejeune duc qui l’a épousée en considération de sa dot est loin de lui don
ner du bonheur pour son argent. Pendant que la zizanie fait des siennes dans le ménage, une bonne femme de mère, vé
ritable caquet-bon-bec, moralise à outrance et pêche ses plus beaux arguments en eau trouble, et voyant le cœur de son
gendre absolument fermé à ses exhortations maternelles, la voilà qui s’écrie : Prenez ma tête, monsieur, et ne vouez pas
ma fille au déshonneur ! Sur cet appel déchirant, les époux s’embrassent et le beau temps est rétabli au baromètre conjugal, tandis que la tempête gronde de plus belle dans la salle. C’est alors que le régisseur vient se mêler au dénoûment d’une manière inattendue, et lance au parterre en tumulte la citation historique : Frappe, mais écoute, c’est-à-dire, frappe le drame, mais écoute la comédie, prête l’oreille à notre Revue chansonnée et à notre Banquet de 1847. L’aréopage s’est donc calmé un peu, et il s’est assis à ce banc d’huîtres odéonien, moitié fâché, moitié riant, et il
a revu et laissé passer sans plus d’opposition ni d’encombre toutes ces célébrités de l’année passée, ces plaisanteries à l’éther et au chloroforme, ces sarcasmes ébréchés, ces épi
grammes dont une autre scène avait eu la primeur. Ainsi du Gymnase, qui est venu mêler un petit air de flûte à ce grana concerto de plaisanteries, de turlupinades, d’anas et de mots bons et mauvais qui accompagnent l’agonie de l’an
née expirante et inaugurent la nouvelle. Son nouvel Art de ne pas donner d étrennes est pratiqué par deux maris infi
dèles qui ne sont guère de l’avis de cet époux rangé qui a dit : Chacun pour soi, chacun chez soi; c’est, l’un qui donne des étrennes à la femme de l’autre, et ils tendent tous les deux à se minotauriser mutuellement, comme dirait Balzac ; mais ces dames n’ont rien à se cacher, et en vertu d’un troc convenu d’avance, quelles exécutent à la barbe de ces
messieurs, chacun d’eux se trouve avoir octroyé à son épouse légitime le cadeau qu’il croyait donner à une amoureuse.
Rentrons dans le grand chapitre étrennes par une anecdote. M. de B..., arrivé récemment à Paris du fin fond de la Bre
tagne, emploie coînme valet de pied un paysan qu’il a enlevé à la charrue. A peine descendu chez lui, son premier soin fut d’envoyer Pierre porter des cartes de visite chez ses con
naissances. « Prends cette liste, lui dit-il, et tu déposeras successivement ces cartes chez les concierges en leur faisant des cornes. » Le Bas-Breton entre rue de Lille, no et dit au portier : « Voici une carte pour M. L... de la part de mon maître, et ceci pour vous (le geste se deviné], — Qu’est-ce que vous faites donc là? — Parbleu, je vous fais des cornes.»
Menacé dans sa retraite, le domestique se réfugia rue Taranne et recommença bonnement la même scène. Mais d s a
dressait à un concierge récemment marié : celui-ci, prenant là plaisanterie au sérieux, rossa d’importance le messager qui termina là sa pose de cartes et de cornes.
Mais trêve aux plaisanteries. La semaine a eu ses deuils et ses désastres. Il est de légitimes douleurs auxquelles notre petite chronique ne doit s associer que par le silence ; cette réserve ne lui est pas absolument imposée quand il s’agit d’un grand scandale. Un notaire qui jouissait de la considération de ses collègues a été incarcéré à la suite de découvertes lâ
cheuses. Il avait fait un criminel abus de valeurs et de titres qui lui furent confiés par plusieurs familles. Sans nous faire l’écho des bruits qui circulent et des nombreux méfaits qu’on impute au coupable, nous dirons seulement, comme tant d’autres, qu’après le déplorable exemple donné récemment par le notaire Lebon, il est triste devoir que l’autorité n’ait pris l’initiative d’aucune mesure propre à prévenir le retour de semblables catastrophes. Ce n’est pas attaquer l’honneur des membres d’uu corps, dont la majorité est certainement très-digne de respect, que de dire que ses statuts et peut-être sa composition réclament une réforme. A cet égard, la statistique judiciaire parle très-haut, et c’est un accusateur pu
blic dont la voix ne saurait être plus longtemps méconnue; elle constate que, dans ces huit dernières années, environ cent vingt de ces officiers ministériels ont dû comparaître devant la juridiction criminelle. On ajoute que ce chiffre, si élevé qu’il soit, n’exprime pas exactement le nombre des notaires qui, dans ce laps de temps, ont forfait à leurs devoirs, et que beaucoup de scandales ont été étouffés par l’intervention de la chambre notariale.
Du reste, le crime semble heureusement engourdi à Paris, et il y a longtemps que les habitués de cour d’assises n’y ont eu la”surprise de quelque méfait, à grand spectacle. Cette es
pèce de halte et de trêve dans l’horreur peut être également signalée dans toute la France; et pour trouver quelque chose d’original dans ce genre, il faudrait passer la frontière et pé
nétrer dans le cachot des meurtriers de la demoiselle Evenepoël. L’un d’eux, le plus jeune, le prévenu Van Denplas,
dont la tenue et les manières contrastent singulièrement avec celles de son complice, semble justifier, une fois encore, par son langage et les sentiments qu’il affiche, l’opinion de quelques moralistes chagrins au sujet de la démoralisation de plus en plus flagrante des classes bien éduquées de la société, Van Denplas a la tournure et la bonne façon d’un gentil
homme, ce qui lui a valu le sobriquet de Baron parmi ses pareils; c’est encore le crime en gants jaunes, au sourire moqueur, à la parole facile, ornée et cassante. Lorsque le magistrat a demandé à ce grand esprit s’il avait jamais songé à un monde meilleur et à l’expiation réservée là haut au criminel : « Bah ! bah ! répond-il, nous connaissons tout cela, ou plutôt, je vous avoue que j’ignore absolument ce qui s’y passe; y avez-vous été, monsieur le procureur, et savezvous ce qui a lieu après la mort? Allons, vous êtes sur ce chapitre tout aussi savant que moi. — Cependant, ajoute le magistrat, le doigt de Dieu est marqué dans la découverte du crime, les murs ont en des oreilles, les murs ont parlé. — Ah! ah! des murs qui ont des oreilles, réplique-t-il alors absolument comme Robert Macaire, des murs qui ont une langue ; en vérité, p’est fort drôle, et je voudrais bien voir de ces murs-là ! »
MM. les ministres n’ont pas encore ouvert leurs salons, et l’on sait qu’un grand malheur domestique empêchera la cour de donner cette année le signal des plaisirs officiels ; mais, à défaut de l’exemple venu des hautes régions, les entrepre
neurs des bals publics ont pris l’initiative. On dansait hier et l’on dansera demain à l’Opéra, aux Variétés et à l’Qpéra- National ; en outre, l’ouragan musical commence à se dé
chaîner dans la capitale, et toutes les salles disponibles des douze arrondissements sont retenues pour quelque concert d’agrément ou de bienfaisance. D’autres pourraient vous dire que la persécution des bonnes œuvres et de la musique de pauvres et d’aveugles a commencé sur tous les points et pro
cède déjà sur la plus grande échelle, mais que le ciel nous garde jamais de toucher de la pointe de notre raillerie cette chose sainte par excellence : lœuvre de charité. A l’aspect de cette pluie de billets et de ces monceaux de circulaires qui nous arrivent, comment ne pas constater une fois encore à quel point la bienfaisance est ingénieuse à se créer des ressources. Dans l’embarras où nous sommes de vous convier à chacune dé ces fêtes, en les désignant nominalement, con
tentons-nous de répéter que de toutes parts on s’apprête à s’amuser au profil des infortunes respectables et des plus nobles indigences ; et qu’au moment où les mairies se trans
forment en salons de bal, le Jardin-d’Hiver prépare une
grande fête au bénéfice des pensionnaires de l’ancienne liste civile.
Histoire de la Semaine.
La mort de S. A. R. madame Adélaïde d’Orléans, la soumission d’Abd-el-Kader, la ruine éclatante d’un notaire fas
tueux, tout cela, avec le courant de débats et de démêlés politiques, de projets.de réforme et de monopoles administra
tifs, s’est accumulé à la fin d’une année déjà fort remplie. -
Dans la nuit du 22 au 23 décembre, Abd-el-Kader s’est rendu au général de Lamoricière. Cet événement, heureux pour la France, glorieux pour son armée, a été annoncé le 1er janvier à la population parisienne, On sait comment et à quelle singulière condition s’est brusquement terminée une lutte de quatorze ans.
Dans la nuit du 30 au 31, madame la princesse Adélaïde, sœur du roi, est morte subitement étouffée par une attaque d’asthme, à l’âge de soixante-dix ans. Cette princesse, née le 23 août 1777, plus jeune de quatre années que le roi son frère, avait, comme lui, été élevée par madame de Genlis.
L’acte de décès a été dressé le 1er aux Tuileries, où les restes mortels ont été exposés dans une chapelle ardente dressée dans le grand salon de l’appartement que Son Altesse Royale occupait au pavillon de Flore. Les obsèques ont eu lieu mer
credi à Paris et le même jour à Dreux. —Les revenus de la princesse montaient à 1,800,000 francs environ, représen
tant un capital de 60 millions qu’elle a ainsi répartis par ses dispositions testamentaires :
Un million destiné à acquitter divers legs particuliers, — 2 millions au jeune duc de Chartres, frère du comte de Pa
ris; — 10 millions à M. le due de Nemours et les forêts de Crécy et d Armainvilliers ; — et les 47 millions de sur
plus, par moitié, à M. le prince- de Joinville, qui devra avoir dans son lot la forêt d’Arc en Barrois, et à M. le duc de Montpensier, qui aura dans le sien les terre et château de Randan en Auvergne.
— L’année 1847, bien que toute pacifique, aura été aussi féconde en promotions aux plus hautes dignités militaires que les années les plus remplies de l’empire ; l’armée de terre a vu nommer doux maréchaux ; l’armée navale vient de voir une ordonnance du 23 décembre élever M. de Mackau à la dignité d’amiral.
Présentation nu budget de 1849. — Le ministre des finances a déposé lundi dernier sur le bureau de la chambre des députés le projet de budget des recettes et des dépenses pour l’exercice 1849. Selon ce projet, le chiffre des dépenses ordinaires pour 1849 s’élèverait à la somme de 1 milliard 382 millions 468,322 fr., et celui des recettes à la somme de 1
milliard 583 millions 469,560 fr. Excédant des recettes, sur les dépenses, 1 million 10,058fr. Comparéaubudget voté pour l’exercice 1848, celui qui est proposé pour 1849 présente un
excédant de dépenses de 20 millions 786,632 fr., lequel vient d’un accroissement de ISmillions 347,855 fr. ajoutés par des lois déjà votées aux charges légales de la dette publique, et de 7 millions 589,181 fr. de dépenses balancées par des recettes corrélatives, telles que celles des départements, des communes, de plusieurs services spéciaux, etc.
Quant aux dépenses extraordinaires qui doivent se solder au moyen des réserves de l’amortissement et des ressources fournies par les emprunts que les Chambres ont déjà votés, elles se divisent, comme on sait, en deux classes ; l’une qui comprend les travaux ordonnés par la loi du 23 juin 1841, au profit des deux départements de la guerre et de la marine;
l’autre qui comprend les travaux (chemins de fer) exécutés en vertu de la loi du 11 juin 1842. Pour les dépenses de la première catégorie, le ministère demande 18 millions 850,000 fr., dont 12 millions 850,000 fr. pour le ministère de la guerre et 6 millions pour le. service de la marine. Pour les dépenses de la seconde catégorie, la demande de crédit est de 116 millions 678,000 fr., somme inférieure d’environ 47 millions à la moyenne des allocations accordées pour les deux années 1847 et 1848.
Projet de loi sur le sel et la taxe des lettres, — Le projet de loi relatif à la réduction de l’impôt sur .le sel propose un système emprunté à l’Allemagne. Il consiste à investir l’Etat du privilège de la vente des sels en gros à un prix déterminé, et à le faire revendre au détail à un prix également fixé, soit par le commerce libre, soit par des débi
tants commissionnés. Le projet de loi se prononce pour le commerce libre. Mais, en revanche, il ne se prononce pas pour le droit de propriété. Selon le projet, l’Etat, soumettant à l’exercice la fabrication ou l’extraction du sel, annoncerait tous les ans, après le mois d’octobre,- c’est-à-dire après la fin de la campagne de fabrication, quels seraient ses besoins pro
bables pour l’année suivante, déterminerait le prix auquel il achèterait le sel, et répartirait les fournitures à faire entre les producteurs selon l’importance de leur fabrication. Une fois les sels approvisionnés, ils seraient transmis dans chaque arrondissement aux entrepositaires des tabacs dans des sacs
plombés, de 100 kilogrammes, que le public ou le commerce de détail viendra chercher selon ses besoins. Quant aux sels pour l’exportation, ou nécessaires à la fabrication des soudes, aux pêches maritimes, à l’agriculture, ils seraient exempts de tous droits et livrés au prix de revient. Les sels destinés à l’agriculture seraient, comme les sels employés pour les pê
ches maritimes, dénaturés avant d’être livrés à la consomma
tion. Le ministre admet qu’avec l’adoption de ce système on pourrait vendre le sel en gros gu prix de 27 centimes, en détail au prix de 50 centimes, et n’avoir, dès la première année, à. regretter dans les recettes qu’une diminution del5millions de francs.
Il est à craindre que la réduction de prix ne soit pas assez forte pour provoquer une augmentation considérable de consommation.
Quant à la prétendue réforme postale, le ministre se borne à proposer un simple dégrèvement en persistant dans le sys
tème actuel des zones. 11 fixe à 50 centimes le maximum de la taxe progressive des lettres simples. Celte réduction, qui n’est pas de nature à déterminer les résultats obtenus en An
gleterre par la taxe unique, causera dès le principe, dans les recettes actuelles de la poste, une diminution de 8 millions de francs; la mesure sur le sel en amènera une de 15 millions.
Ce serait donc 20 millions auxquels il faudrait renoncer tout d’abord sur ces deux natures de recettes. Le ministre croit que, dans les circonstances présentes, il serait imprudent pour le trésor de consentir à un pareil sacrifice, et propose-,
dans le cas de l’adoption de ces deux projets, d’en renvoyer l’application au 1er janvier 1850, c’est-à-dire à deux ans.
Caisse d’épargne de Paris. — Cet établissement vient d’arrêter au 51 décembre le compte de ses recettes et de ses dépenses pour l’année 1847. L’ensemble des opérations présente les résultats suivants :
Elle a reçu, 1° en 245,450 versements, dont 28,953 nouveaux, la somme de 31 millions 690,951 fr.;
2° En 1,607 transferts, recettes provenant des caisses d’é pargne départementales, 1 million 219,528 fr. 19 c.
Elle a capitalisé, pour compte des déposants au 51 décembre, les intérêts fractionnés en 548,211 parties, et formant un total de 3 millions 15,672 fr.
Elle a remboursé, 1° en 112,616 retraits, dont 30,418 pour solde, la somme de 41 millions 255,248 fr. 65 c.; 2° en 1,601 transferts, payements envoyés aux caisses d’épargne dé
partementales, 1 million 128,870 fr. 10 c.; et5° en achats de 222,420 fr. de rentes, à la demande de 4,029 déposants, la somme de 5 millions 260,005 fr. 30 c.
Elle redoit le 51 décembre, à 183,449 déposants, la somme de 80 millions 146,351 fr. 85 c.
Celte situation, comparée à celle de l’année 1846, fait ressortir, sur le solde dû aux. déposants, une diminution de 11 millions 718,504 fr. 74 c.; mais les achats de rentes opérés