si ce regard sera assez candide sons l’être trop, si cette inclinaison de la tête et du cou aura de la galanterie sans nuire à la décence, si les plis de cette étoffe exciteront les désirs en les intimidant... Bien, voilà qui est parfait, la scène est répétée, et nous pouvons sûrement la jouer, notre jeu sera le plus sincère du monde... Prenons l’éventail, qui s’ouvre et se ferme si coquettement, et qui excelle à montrer (es petites fossettes d’une main blanche toute mignonne, et qui sait donner un maintien pour les minutes difficiles, et derrière qui ou a si bonne grâce à étouffer les doux éclats de rire...
Voyons, que reste-t-il encore ici? Ces deux bouquets dans des vases bleus, Heurs d’hier et Heurs d’aujourd’hui. N’y avaitil pas une lettre, un billet musqué sous chacune de ces touf
fes de roses et d’œillets? C’est la poste aux anio.urs, et je de
vine à la différence des fleurs que celles-ci ne sont pas les sœurs de celles-là; voici le bouquet d’un soupirant timide,
voilà celui d’un prétendant plus hardi et qui doit être dans la finance : ici devait se cacher bien avant, quelques rimes langoureuses, là se dérober à peine entre deux fouilles... qui sait? les banck-noles n’ont-elles pas l’impertinence de se fourrer en tout lieu?... Ah! ah ! sur le guéridon, ungantfané, rien qu’un! Où est l’autre, s’il vous plaît? pour qui l’a—t on
laissé tomber? et quel est le fortuné qui le garde sur son cœur? Gage précieux et rare, voilà pourtant de quoi faire le bonheur d’un homme, et la dame est assez riche pour en donner par jour deux ou trois comme cela, sans rien compro
mettre; car un gant est si facile à perdre! et puis toutes les jolies mains ne sont-elles pas gantée: de meme?... A pré
sent, vient à côté, pièce rare et digne demenlion, l’écritoire, petit meuble très-essentiel qu’on affecte de mettre parmi les superfluités et de parer comme un joujou précieux, lequel on regarde sans y toucher jamais. Celle-ci est toute en or, avec un petit amour d’argent qui bat des ailes au-dessus. Et la plume, la plume! olï ! qu elle est riche, et n’est-il point évi
dent que la maîtresse du lieu n’aurait point une pareille plume s’il lui plaisait d’écrire? non, elle n’écrit pas; non, celle plume magnifique jne s est jamais trempée dans l’encre; non, elle n’a jamais fait de petite tache noire au doigt de cette dame : pas une lettre, pas une ligne ; pas un billet; en écriture déguisée, pas une réponse à double sens, pas un ren
dez-vous donné à mots couverts, pas une épîlre anonyme, pas tin iota de perfidie, de malice et d’immodestie!... »
Fabrice éclatait de rire et frappait du poing avec rage sur le guéridon. Le bourgeois Myron, qui suivait de l’œil tous ses mouvements sans souffler mot, jugeant alors que l’accès élait arrivé à son comble, se leva douloureusement, et dit tout à coup ;
« Seigneur, vous plaît-il que je vous conte l’histoire de mes secondes noces? »
Mais avant que Fabrice eût ou le temps de répondre à cette question sympathique, la porte s’ouvrit. C’était encore le poète Odoacre, que nous vîmes tout à l’heure dans ce même lieu.
Albert-Aubert.
La suite à un prochain numéro.
Le Jardin d҆hiver.
Ce que peut l’industrie privée, l’entreprise du Jardin d’hiver vient de le. prouver hautement. Eu huit mois, un palais de fonte et de cristal, une serre monumentale d’une largeur moyenne de quarante mètres et d’une longueur de cent mètres, sur près de vingt d’élévation, dont la construction a ré
clamé une surface vitrée de inijle. mètres carrés, cent mille kilogrammes de fonte et cent soixante-quinze millede fer, ce palais, dis-je, s’est élevé en huit mois, aveçtous ses étages su
périeurs ou souterrains, ses nombreuses annexes, les vastes bâtiments elles magasins, appareils, ou machines qui en dépendent. Le chiffre de la somme qui a été employée à ces gigantesques travaux est modique si on le compare à l’importance du résultat, si on le rapproche surtout d s capitaux ab
sorbés par la construction des serres du Jardin des Plantes,
les jtielles, bien que belles, ne peuvent assurément soutenir le moindre parallèle avec la création dont nous allons donner un aperçu à nos lecteurs.
On se rappelle cet embryon de Jardin d’hiver qui s’ouvrit il y a deux ans, et, malgré ses proportions assez modestes,
obtint une certaine vogue.C’était l’enfance de l’art; mais l’-enfant, grandi en serre chaude, est bien vite parvenu à une ma
turité splendide qui n’exclut certes ni les grâces, ni l’éclat de la floraison. Désormais le calendrier n’a plus qu’un seul mois : floréal. L’été peut conserver scs feux, mais l’hiver n’a plus d’autres glaces que celles du Jardin d’hiver, glaces étamées ou dépolies qui, loin de dessécher les fleurs, les reflè
tent et les font plus belles, et, au lieu de les supprimer, les multiplient à l’infini.
Le nouveau jardin occupe le même emplacement que l’ancien, mais prodigieusement accru, dans la grande avenue des Champs-Elysées, entre le Rond-Point et l’avenue Marbœuf. La foule des équipages en indique de loin le péristyle, que si
gnalent quatre belles cariatides deM. Klagmann. Ce péristyle,
formé d’un hémicycle en retraite, rappelle le portique du Théâtre-Historique, mais dans de vastes proportions. Après l’avoir franchi, on traverse une grande salle destinée aux ex
positions d’objets d’art, et à la suite de laquelle un perron el
liptique de quinze ou dix-huit marches s’ouvre et descend dans le jardin.
Le premier coup d’œil est véritablement saisissant, et à tel point même qu’il tyrannise le regard et absorbe dans son en
semble, un temps plus ou moins long, les beautés de détail qui sont nombreuses et méritent un examen minutieux. Je ne saurais mieux comparer la disposition et le plan général de l’édifice qu à ceux d’une église gothique avec sa nef et son haussent, mais seulement vue à rebours, et dans laquelle on entrerait, non parla porte habituelle, mais par l’extrémité du
chœur. Le perron élevé auhaut duquel s’arrête le visiteur pour contempler ce merveilleux temple de Flore figure assez bien le chevet de l’église ou le sommet de la croix. Le transsept est représenté par l’ovale allongé que l’on appelle assez im
proprement rotonde, et qui déborde de dix mètres, de chaque côté, sur la largeur moyenne du jardin, qui est de quarante.
Le palais a du reste toutes les dimensions imposantes d’une cathédrale ; il en a presque la hauteur; et enfin, pour comble d’analogie, une galerie supérieure, d’une légèreté aérienne,
surchargée d’arbustes en fleur, court à trente pieds au-dessus du sol, le long des frêles parois de l’édifice, comme ces baluslres à jour que l’on admire superposées aux piliers de nos vieux temples. Ce n’est, pas seulement ainsi do l’art chrétien, c’est aussi de l’art babylonien ; car cetle galerie suspendue fait songer aux jardins de Sémirarnis. De sveltes colonnettes feignent de la porter, et l’on se demande en vertu dequel mi
racle de statique elle peut se maintenir ainsi, avec son fardeau, adhérente à ces murailles de cristal.
Une modification au type traditionnel de l’architecture chrétienne consiste à supprimer la ligne droite et rectangulaire pour y substituer la courbe, modification heureuse qui tem
père la sévérité du modèle et l’approprie à la destination du temple.
Le perron, décrivant une vaste parabole, se prolonge en deux allées hautes qui conduisent entre deux haies d’arbustes jusqu’à l’extrémité opposée du jardin : là elles se relient, en contournant, d’une part, une cascade d’eau chaude, et, de l’autre, mie pèlotue d’un admirable vert contenant un bassin d’où jaillit un panache fumeux dé cinquante pieds de hau
teur. Ces deux allées embrassent dans leur enlacement tout le jardin proprement dit, oit nous laisserons s’égarer le promeneur à la recherche des mille détails, des mille surprises horticoles ou artistiques qui l’attendent à chaque pas, au col gra
cieux de chaque méandre, au détour de chaque massif, ici quelque nouveau jet d’eau; plus loin une nouvelle cascade ; là des vases, là des statues; des coquilles marines où fleu
rissent des Iles de plantes aquatiques, où s’ébat la pimpante armée des poissons rouges ; des cages où les aras, les faisans de la Chine et les plus beaux oiseaux des tropiques étalent l émeraude, l’or et la topaze de leur toilette radieuse. Huit fontaines de M. Klagmann just fient et nous paraissent faites pour augmenter encore la réputation déjà si bien établie de cet ingénieux artiste. nous ne saurions bien les décrire à la suite d’un coup d’œil nécessairement hâtif et disirait de son examen par tant d’autres sujets dignes d’attention ; mais leur disposition générale, qui nous plaît singulièrement, est celleci : elles se composent de quatre vasques acco ées, supportées par des groupes Ü’enf mis, et du point de jonc lion desquelles jaillit en se vaporisant un jet de hauteur proportionnée à la largeur de la fontaine. Cette substitution de quatre vasques jumelles à un bassin unique est une idée heureuse et origi
nale qui produit le meilleur effet, et rénove l’art quelque peu épuisé de la statuaire appliquée aux prestiges de l’hydraulique. Ces fonlaines sont en vil zinc, et mériteraient assurément l’honneur du bronze ou du Carrare*.
nous avons aussi remarqué deux belles cheminées-Renaissance qui doivent, ou nous nous trompons fort, provenir du même ciseau. L- s gens frileux peuvent donc faire, en toute assurance, le voyage du Jardin-d’Hiver : il est bon à tous les usages, jusques et y compris l’office de chauffoir ; on y sent au reste, dès l entrée, une moite et, douce température qui
forcerait Méry lui-même à quitter deux de ses manteaux et contraste de la façon la plus émolliente et la pins àgréabh avec la bise du dehors. Le. thermomètre, cette horloge pu
blique du Jardin d’hiver, y marque constamment de dix à douze degrés-Réaumur, bénigne atmosphère, qu’entretien
nent des bouches de calorifères alimentées, comme l’eau thermale des cascades et des fontaines, par-deux chaudières à vapeur de la force de vingt-cinq chevaux, fonctionnant en secret dans un laboratoire so .terrain.
Comme richesse et ampleur de végétation, on comprend aisément que le Jardin-d’Hiver ne peut tenir dès aujourd’hui tout ce qu’il promet et est encore bien éloigné de la splendeur luxuriante où nous le verrons parvenir, il faut lui don
ner le temps de pousser. On ne peut demander des ténèbres et des profondeurs de forêt vierge à une plantation née d’hier.
Néanmoins, les bosquets et les quinconces qui bordent le vert tapis du milieu s’y présentent dès leur jeune âge d’une fa
çon suffisamment touffue, et quelques très-beaux arbres y dressent déjà leur feuillage. Les journaux ont déjà entretenu le public de l araucaria excclsa, hôte gigantesque que les serres du Jardin des Plantes ne pouvaient plus contenir, et qu’il élait devenu d’une urgente nécessité de congédier, sous peine de le voir percer de sa tète altière la toiture de sa trans
parente prison. Le Jardin d’hiver, qui a de quoi loger les cèdres du Liban, a acheté 10,0011 fr. l’intéressant, réfugié, victime de sa haute taille, et le Jardin du Roi, mû par un sentiment de nationalité fort désintéressé, qu’il serait beau de voir régner de temps en temps dans ce pays au profit de l’homme comme au bénéfice desplmteset des bêtes, a mieux aimé le vendre ce prix à son émule que le céder pour 20,000 f.
au roi de Prusse. Gloria in eascelsU!... l’araucaria excelsa ne quittera point notre sol. Bien heureux ou bien fin, s’il réussit jamais à briser sa prison de verre!
Le. Jardin-d’Hiver a de plus soufflé au roi de Hollande, — c’est le mot, — une magnifique partie de lataniers et de palmiers que convoitait ce souverain, et qu’on voyait dernière
ment en vente sur le marché de Garni. Les agents do notre Jardin ont si bien fait diligence qu’ils se sont; procuré cette
rare collection, composée de quinze beaux plants, pour une bagatelle, — 21,000 fr. Leroi deHo lande se contentera pro
visoirement de ses jacinthes, de ses tulipes et de ses grandes impériales. Il fait beau voir vraiment les monarques bataves on germains vouloir disputer ses plaisirs et ses arbres au peu
ple souverain, au peuple de Paris, le plus munificent tt. le meilleur des princes pour qui sait l’amuser, le toucher ou lui plaire. N’en déplaise à l eurs Majestés, le jardin des Champs- Elysées, à 1 franc, est aussi le Jardin du roi. Ses habiles di
recteurs l’ont bien compris, et ils seront royalement indemnisés de leurs avances et de leurs peinés.
Ils ont également conquis, en cactées et en orchidées, une collection importante. Ils ont rnis à contribution l’Asie, l’A
frique et l’Amérique. Déjà, on peut étudier, tout en longeant leurs plates-bandes et en côtoyant leurs massifs, la canne à sucre, le caféier, le cannelier, le giroflier, la vanille, le vétivert, le palissandre, le patchouli, etc., etc. Le bourgeois de Paris est un heureux mortel. non-seulement il peut, comme le riche d’autrefois ,
H peut dans son jardin tout peuplé d’arbres verts Receler le printemps au milieu des hivers,
Mais il lui est loisible de comparer, en faisant sa promenade de santé, les flores des régions boréales, australes, arctiques et antarctiques. Le Parisien va devenir grand natura
liste ! Lui qui se demandait naguère sur quel arbre vient cetfe poudre dont on fait les pains de quatre livres, le voilà tout à l’heure un aigle en botanique. Il tient le monde vé
gétal dans ses serres! Voilà du nouveau! O puissance de l’industrie et du progrès!
Le Jardin d’hiver possède aussi un magnifique assortiment de rhododendrons dont chacun pourrait, s’il vous plaît, por
ter eu guise d’étiquette un menu chiffon de 500 francs. Quant aux camélias, on en a mis partout. Attendez-vous an pre
mier jour à en voir éclater, c’est-à-dire éclore quatre cent mille seulenr nt. Ce sont MM. les directeurs qui l’annon
cent : je les on crois. Ce sera le digne bouquet de celle Flore d artifice.
En somme, le fonds horticole du Jardin représente une valeur permanente de 300,000 fr. environ, indépendante, bien entendu, du fonds de roulement affecté au commerce des fleurs et arbustes, qui variera selon l’importance de la vente.
L’établissement, nous l’avons dit, compte de nombreuses annexes. On peut, sans en sortir, trouver à satisfaire toutes les exigences et la majeure partie des jouissances de la vie.
Un cabinet de lecture en dépendra sous peu à titre purement gratuit. En dépendent aussi, mais non au même titre, un res
taurant, un café desservi par Blanche et Poirée, le célèbre glacier du faubourg Saint-Germain; une manufacture non moins recommandable de savarins et petits-ours. Une expo
sition de tableaux et objets d’art commence déjà de s’installer dans la grande salle qui précède l’entrée du jardin, et où la danse tiendra cour plénière dans les bals qu on annonce pour cet hiver. Au-dessus de cette salle, une autre est destinée aux concerts part’cuii.crs de la saison. Un autre salon est af
fecté à la vente des coiffures de’bal. 11 y a un étalage à part pour les bouquets et fleurs coupées; un autre pour les jardi
nières, cassolctles.à fleurs et tout le mobilier horticole des
intérieurs élégants; un troisième pour les graines, les plantes potagères, les fruits; des serres-pépinières pour les arbres
fruitiers et forestiers; des salons de conversation, de jeu, de travail, ou disponibles pour tout usage qu’il plaira au public d’en faire, etc... J’en passe sans doute, inalgié le réel effort de mémoire que je m’impose en ce moment.
Des concerts seront indiqués à certains jours du mois, sous la direction de notre ami Slrauss, ce demi-dieu de la valse et de la polka, à la tête d une bande sonore de soixantecinq musiciens. Le même Strauss d rigera nature leinent l’orchestre des bals par souscription , dont le Jardin d hiver fournira le local unique, et prendra l’entreprise à forfait moyennant 16 ou 10,000 francs, pour la plus grande con
venance des pariies prenantes- et dansantes. Seize mille francs un bal, ce n’est plus rien ! Aussi le Jardin d’hiver estil déjà loué pour trois solennités de ce genre qui doivent avoir lieu n janvier : le liai de l’association des artistes,
celui des Polonais, et enfin celui que l’ancienne aristocratie donne chaque, année lu profit des pensionnaires de la cidevant liste civile.
Les efforts, la hardiesse et la célérité des directeurs de l’entreprise seront sans doute récompensés par le plus entier succès. nous le leur souhaitons de grand cœur. Déjà, s’il faut eu croire les premiers résultats de l’exploitation, la question n’en serait plus une. La semaine d’ouverture a valu au caissier une recette de 12,000 francs. Le Ier jan
vier , jour si défavorable à toutes les industries qui îi’ont pas pour objet celte grande affaire, l’ètnnne , près de mil e visiteurs ont néanmoins accompli le voyage du Jardin d’hiver, et le lendemain, sous le coup d’une atmosphère humide, d’un froid neigeux et pénétrant, le nom
bre des pèlerins et des dévots à Flore s’est élevé à plus de douze cents. L’aristocratie dominait dans cette foule, et c’était justice : qui prendrait sous son patronage les fleurs, cet emblème suave de toutes les délicatesses, si ce n’est, les heureux, les satisfaits du jour! Ce n’était donc que bril
lants équipages à la porte, que grands noms et grandes tour
nures au dedans. On ne pouvait dire toutefois que l’affluence fût compacte ; bien que nombreuse, elle peuplait et animait, sans l encombrer, le jardin, où quatre mille personnes pour
raient se promener à l’aise. nous avons coudoyé en entrant Bou-Maza, cette splendeur d’Iüer, ce lion de l’été passé, qui,
en sa qualité d’oriental, doit aimer et sentir le langage des fleurs, et l’épelait paisiblement au moment même où, dans Paris, la voix de cent crieurs enroués lui présageait, en annonçant la soumission d’Abd-el-Kader, le terme, certain et prochain de sa renommée éphémère et de sa lionnerie usurpée. Lui, pendant ce temps-là, commentait, ô destin ! un Selam en riant, et montrant aux belles dames deux rangées de dents éclatantes comme celles d’un chien de Terre-Neuve,
se. drapait de ses habits de conquête, c’est-à-dire du costume arabe qu’il revêt, au lieu de la tunique turque, quand ce grand conquéraiitveutiascinerlaplus frôle moitié du genre humain.
Une autre question maintenant : quel est l’auteur du Jar
din d’hiver, envisagé noü plus celle fois comme entreprise industrielle, mais comme conception artistique? Les ou
vriers n’ont pas encore mis leur dernière main à l’œuvre, les peintres sont encore sur leurs échafaudages, le marteau et la scie n’ont pas cessé de vibrer douloureusement à l’o
Voyons, que reste-t-il encore ici? Ces deux bouquets dans des vases bleus, Heurs d’hier et Heurs d’aujourd’hui. N’y avaitil pas une lettre, un billet musqué sous chacune de ces touf
fes de roses et d’œillets? C’est la poste aux anio.urs, et je de
vine à la différence des fleurs que celles-ci ne sont pas les sœurs de celles-là; voici le bouquet d’un soupirant timide,
voilà celui d’un prétendant plus hardi et qui doit être dans la finance : ici devait se cacher bien avant, quelques rimes langoureuses, là se dérober à peine entre deux fouilles... qui sait? les banck-noles n’ont-elles pas l’impertinence de se fourrer en tout lieu?... Ah! ah ! sur le guéridon, ungantfané, rien qu’un! Où est l’autre, s’il vous plaît? pour qui l’a—t on
laissé tomber? et quel est le fortuné qui le garde sur son cœur? Gage précieux et rare, voilà pourtant de quoi faire le bonheur d’un homme, et la dame est assez riche pour en donner par jour deux ou trois comme cela, sans rien compro
mettre; car un gant est si facile à perdre! et puis toutes les jolies mains ne sont-elles pas gantée: de meme?... A pré
sent, vient à côté, pièce rare et digne demenlion, l’écritoire, petit meuble très-essentiel qu’on affecte de mettre parmi les superfluités et de parer comme un joujou précieux, lequel on regarde sans y toucher jamais. Celle-ci est toute en or, avec un petit amour d’argent qui bat des ailes au-dessus. Et la plume, la plume! olï ! qu elle est riche, et n’est-il point évi
dent que la maîtresse du lieu n’aurait point une pareille plume s’il lui plaisait d’écrire? non, elle n’écrit pas; non, celle plume magnifique jne s est jamais trempée dans l’encre; non, elle n’a jamais fait de petite tache noire au doigt de cette dame : pas une lettre, pas une ligne ; pas un billet; en écriture déguisée, pas une réponse à double sens, pas un ren
dez-vous donné à mots couverts, pas une épîlre anonyme, pas tin iota de perfidie, de malice et d’immodestie!... »
Fabrice éclatait de rire et frappait du poing avec rage sur le guéridon. Le bourgeois Myron, qui suivait de l’œil tous ses mouvements sans souffler mot, jugeant alors que l’accès élait arrivé à son comble, se leva douloureusement, et dit tout à coup ;
« Seigneur, vous plaît-il que je vous conte l’histoire de mes secondes noces? »
Mais avant que Fabrice eût ou le temps de répondre à cette question sympathique, la porte s’ouvrit. C’était encore le poète Odoacre, que nous vîmes tout à l’heure dans ce même lieu.
Albert-Aubert.
La suite à un prochain numéro.
Le Jardin d҆hiver.
Ce que peut l’industrie privée, l’entreprise du Jardin d’hiver vient de le. prouver hautement. Eu huit mois, un palais de fonte et de cristal, une serre monumentale d’une largeur moyenne de quarante mètres et d’une longueur de cent mètres, sur près de vingt d’élévation, dont la construction a ré
clamé une surface vitrée de inijle. mètres carrés, cent mille kilogrammes de fonte et cent soixante-quinze millede fer, ce palais, dis-je, s’est élevé en huit mois, aveçtous ses étages su
périeurs ou souterrains, ses nombreuses annexes, les vastes bâtiments elles magasins, appareils, ou machines qui en dépendent. Le chiffre de la somme qui a été employée à ces gigantesques travaux est modique si on le compare à l’importance du résultat, si on le rapproche surtout d s capitaux ab
sorbés par la construction des serres du Jardin des Plantes,
les jtielles, bien que belles, ne peuvent assurément soutenir le moindre parallèle avec la création dont nous allons donner un aperçu à nos lecteurs.
On se rappelle cet embryon de Jardin d’hiver qui s’ouvrit il y a deux ans, et, malgré ses proportions assez modestes,
obtint une certaine vogue.C’était l’enfance de l’art; mais l’-enfant, grandi en serre chaude, est bien vite parvenu à une ma
turité splendide qui n’exclut certes ni les grâces, ni l’éclat de la floraison. Désormais le calendrier n’a plus qu’un seul mois : floréal. L’été peut conserver scs feux, mais l’hiver n’a plus d’autres glaces que celles du Jardin d’hiver, glaces étamées ou dépolies qui, loin de dessécher les fleurs, les reflè
tent et les font plus belles, et, au lieu de les supprimer, les multiplient à l’infini.
Le nouveau jardin occupe le même emplacement que l’ancien, mais prodigieusement accru, dans la grande avenue des Champs-Elysées, entre le Rond-Point et l’avenue Marbœuf. La foule des équipages en indique de loin le péristyle, que si
gnalent quatre belles cariatides deM. Klagmann. Ce péristyle,
formé d’un hémicycle en retraite, rappelle le portique du Théâtre-Historique, mais dans de vastes proportions. Après l’avoir franchi, on traverse une grande salle destinée aux ex
positions d’objets d’art, et à la suite de laquelle un perron el
liptique de quinze ou dix-huit marches s’ouvre et descend dans le jardin.
Le premier coup d’œil est véritablement saisissant, et à tel point même qu’il tyrannise le regard et absorbe dans son en
semble, un temps plus ou moins long, les beautés de détail qui sont nombreuses et méritent un examen minutieux. Je ne saurais mieux comparer la disposition et le plan général de l’édifice qu à ceux d’une église gothique avec sa nef et son haussent, mais seulement vue à rebours, et dans laquelle on entrerait, non parla porte habituelle, mais par l’extrémité du
chœur. Le perron élevé auhaut duquel s’arrête le visiteur pour contempler ce merveilleux temple de Flore figure assez bien le chevet de l’église ou le sommet de la croix. Le transsept est représenté par l’ovale allongé que l’on appelle assez im
proprement rotonde, et qui déborde de dix mètres, de chaque côté, sur la largeur moyenne du jardin, qui est de quarante.
Le palais a du reste toutes les dimensions imposantes d’une cathédrale ; il en a presque la hauteur; et enfin, pour comble d’analogie, une galerie supérieure, d’une légèreté aérienne,
surchargée d’arbustes en fleur, court à trente pieds au-dessus du sol, le long des frêles parois de l’édifice, comme ces baluslres à jour que l’on admire superposées aux piliers de nos vieux temples. Ce n’est, pas seulement ainsi do l’art chrétien, c’est aussi de l’art babylonien ; car cetle galerie suspendue fait songer aux jardins de Sémirarnis. De sveltes colonnettes feignent de la porter, et l’on se demande en vertu dequel mi
racle de statique elle peut se maintenir ainsi, avec son fardeau, adhérente à ces murailles de cristal.
Une modification au type traditionnel de l’architecture chrétienne consiste à supprimer la ligne droite et rectangulaire pour y substituer la courbe, modification heureuse qui tem
père la sévérité du modèle et l’approprie à la destination du temple.
Le perron, décrivant une vaste parabole, se prolonge en deux allées hautes qui conduisent entre deux haies d’arbustes jusqu’à l’extrémité opposée du jardin : là elles se relient, en contournant, d’une part, une cascade d’eau chaude, et, de l’autre, mie pèlotue d’un admirable vert contenant un bassin d’où jaillit un panache fumeux dé cinquante pieds de hau
teur. Ces deux allées embrassent dans leur enlacement tout le jardin proprement dit, oit nous laisserons s’égarer le promeneur à la recherche des mille détails, des mille surprises horticoles ou artistiques qui l’attendent à chaque pas, au col gra
cieux de chaque méandre, au détour de chaque massif, ici quelque nouveau jet d’eau; plus loin une nouvelle cascade ; là des vases, là des statues; des coquilles marines où fleu
rissent des Iles de plantes aquatiques, où s’ébat la pimpante armée des poissons rouges ; des cages où les aras, les faisans de la Chine et les plus beaux oiseaux des tropiques étalent l émeraude, l’or et la topaze de leur toilette radieuse. Huit fontaines de M. Klagmann just fient et nous paraissent faites pour augmenter encore la réputation déjà si bien établie de cet ingénieux artiste. nous ne saurions bien les décrire à la suite d’un coup d’œil nécessairement hâtif et disirait de son examen par tant d’autres sujets dignes d’attention ; mais leur disposition générale, qui nous plaît singulièrement, est celleci : elles se composent de quatre vasques acco ées, supportées par des groupes Ü’enf mis, et du point de jonc lion desquelles jaillit en se vaporisant un jet de hauteur proportionnée à la largeur de la fontaine. Cette substitution de quatre vasques jumelles à un bassin unique est une idée heureuse et origi
nale qui produit le meilleur effet, et rénove l’art quelque peu épuisé de la statuaire appliquée aux prestiges de l’hydraulique. Ces fonlaines sont en vil zinc, et mériteraient assurément l’honneur du bronze ou du Carrare*.
nous avons aussi remarqué deux belles cheminées-Renaissance qui doivent, ou nous nous trompons fort, provenir du même ciseau. L- s gens frileux peuvent donc faire, en toute assurance, le voyage du Jardin-d’Hiver : il est bon à tous les usages, jusques et y compris l’office de chauffoir ; on y sent au reste, dès l entrée, une moite et, douce température qui
forcerait Méry lui-même à quitter deux de ses manteaux et contraste de la façon la plus émolliente et la pins àgréabh avec la bise du dehors. Le. thermomètre, cette horloge pu
blique du Jardin d’hiver, y marque constamment de dix à douze degrés-Réaumur, bénigne atmosphère, qu’entretien
nent des bouches de calorifères alimentées, comme l’eau thermale des cascades et des fontaines, par-deux chaudières à vapeur de la force de vingt-cinq chevaux, fonctionnant en secret dans un laboratoire so .terrain.
Comme richesse et ampleur de végétation, on comprend aisément que le Jardin-d’Hiver ne peut tenir dès aujourd’hui tout ce qu’il promet et est encore bien éloigné de la splendeur luxuriante où nous le verrons parvenir, il faut lui don
ner le temps de pousser. On ne peut demander des ténèbres et des profondeurs de forêt vierge à une plantation née d’hier.
Néanmoins, les bosquets et les quinconces qui bordent le vert tapis du milieu s’y présentent dès leur jeune âge d’une fa
çon suffisamment touffue, et quelques très-beaux arbres y dressent déjà leur feuillage. Les journaux ont déjà entretenu le public de l araucaria excclsa, hôte gigantesque que les serres du Jardin des Plantes ne pouvaient plus contenir, et qu’il élait devenu d’une urgente nécessité de congédier, sous peine de le voir percer de sa tète altière la toiture de sa trans
parente prison. Le Jardin d’hiver, qui a de quoi loger les cèdres du Liban, a acheté 10,0011 fr. l’intéressant, réfugié, victime de sa haute taille, et le Jardin du Roi, mû par un sentiment de nationalité fort désintéressé, qu’il serait beau de voir régner de temps en temps dans ce pays au profit de l’homme comme au bénéfice desplmteset des bêtes, a mieux aimé le vendre ce prix à son émule que le céder pour 20,000 f.
au roi de Prusse. Gloria in eascelsU!... l’araucaria excelsa ne quittera point notre sol. Bien heureux ou bien fin, s’il réussit jamais à briser sa prison de verre!
Le. Jardin-d’Hiver a de plus soufflé au roi de Hollande, — c’est le mot, — une magnifique partie de lataniers et de palmiers que convoitait ce souverain, et qu’on voyait dernière
ment en vente sur le marché de Garni. Les agents do notre Jardin ont si bien fait diligence qu’ils se sont; procuré cette
rare collection, composée de quinze beaux plants, pour une bagatelle, — 21,000 fr. Leroi deHo lande se contentera pro
visoirement de ses jacinthes, de ses tulipes et de ses grandes impériales. Il fait beau voir vraiment les monarques bataves on germains vouloir disputer ses plaisirs et ses arbres au peu
ple souverain, au peuple de Paris, le plus munificent tt. le meilleur des princes pour qui sait l’amuser, le toucher ou lui plaire. N’en déplaise à l eurs Majestés, le jardin des Champs- Elysées, à 1 franc, est aussi le Jardin du roi. Ses habiles di
recteurs l’ont bien compris, et ils seront royalement indemnisés de leurs avances et de leurs peinés.
Ils ont également conquis, en cactées et en orchidées, une collection importante. Ils ont rnis à contribution l’Asie, l’A
frique et l’Amérique. Déjà, on peut étudier, tout en longeant leurs plates-bandes et en côtoyant leurs massifs, la canne à sucre, le caféier, le cannelier, le giroflier, la vanille, le vétivert, le palissandre, le patchouli, etc., etc. Le bourgeois de Paris est un heureux mortel. non-seulement il peut, comme le riche d’autrefois ,
H peut dans son jardin tout peuplé d’arbres verts Receler le printemps au milieu des hivers,
Mais il lui est loisible de comparer, en faisant sa promenade de santé, les flores des régions boréales, australes, arctiques et antarctiques. Le Parisien va devenir grand natura
liste ! Lui qui se demandait naguère sur quel arbre vient cetfe poudre dont on fait les pains de quatre livres, le voilà tout à l’heure un aigle en botanique. Il tient le monde vé
gétal dans ses serres! Voilà du nouveau! O puissance de l’industrie et du progrès!
Le Jardin d’hiver possède aussi un magnifique assortiment de rhododendrons dont chacun pourrait, s’il vous plaît, por
ter eu guise d’étiquette un menu chiffon de 500 francs. Quant aux camélias, on en a mis partout. Attendez-vous an pre
mier jour à en voir éclater, c’est-à-dire éclore quatre cent mille seulenr nt. Ce sont MM. les directeurs qui l’annon
cent : je les on crois. Ce sera le digne bouquet de celle Flore d artifice.
En somme, le fonds horticole du Jardin représente une valeur permanente de 300,000 fr. environ, indépendante, bien entendu, du fonds de roulement affecté au commerce des fleurs et arbustes, qui variera selon l’importance de la vente.
L’établissement, nous l’avons dit, compte de nombreuses annexes. On peut, sans en sortir, trouver à satisfaire toutes les exigences et la majeure partie des jouissances de la vie.
Un cabinet de lecture en dépendra sous peu à titre purement gratuit. En dépendent aussi, mais non au même titre, un res
taurant, un café desservi par Blanche et Poirée, le célèbre glacier du faubourg Saint-Germain; une manufacture non moins recommandable de savarins et petits-ours. Une expo
sition de tableaux et objets d’art commence déjà de s’installer dans la grande salle qui précède l’entrée du jardin, et où la danse tiendra cour plénière dans les bals qu on annonce pour cet hiver. Au-dessus de cette salle, une autre est destinée aux concerts part’cuii.crs de la saison. Un autre salon est af
fecté à la vente des coiffures de’bal. 11 y a un étalage à part pour les bouquets et fleurs coupées; un autre pour les jardi
nières, cassolctles.à fleurs et tout le mobilier horticole des
intérieurs élégants; un troisième pour les graines, les plantes potagères, les fruits; des serres-pépinières pour les arbres
fruitiers et forestiers; des salons de conversation, de jeu, de travail, ou disponibles pour tout usage qu’il plaira au public d’en faire, etc... J’en passe sans doute, inalgié le réel effort de mémoire que je m’impose en ce moment.
Des concerts seront indiqués à certains jours du mois, sous la direction de notre ami Slrauss, ce demi-dieu de la valse et de la polka, à la tête d une bande sonore de soixantecinq musiciens. Le même Strauss d rigera nature leinent l’orchestre des bals par souscription , dont le Jardin d hiver fournira le local unique, et prendra l’entreprise à forfait moyennant 16 ou 10,000 francs, pour la plus grande con
venance des pariies prenantes- et dansantes. Seize mille francs un bal, ce n’est plus rien ! Aussi le Jardin d’hiver estil déjà loué pour trois solennités de ce genre qui doivent avoir lieu n janvier : le liai de l’association des artistes,
celui des Polonais, et enfin celui que l’ancienne aristocratie donne chaque, année lu profit des pensionnaires de la cidevant liste civile.
Les efforts, la hardiesse et la célérité des directeurs de l’entreprise seront sans doute récompensés par le plus entier succès. nous le leur souhaitons de grand cœur. Déjà, s’il faut eu croire les premiers résultats de l’exploitation, la question n’en serait plus une. La semaine d’ouverture a valu au caissier une recette de 12,000 francs. Le Ier jan
vier , jour si défavorable à toutes les industries qui îi’ont pas pour objet celte grande affaire, l’ètnnne , près de mil e visiteurs ont néanmoins accompli le voyage du Jardin d’hiver, et le lendemain, sous le coup d’une atmosphère humide, d’un froid neigeux et pénétrant, le nom
bre des pèlerins et des dévots à Flore s’est élevé à plus de douze cents. L’aristocratie dominait dans cette foule, et c’était justice : qui prendrait sous son patronage les fleurs, cet emblème suave de toutes les délicatesses, si ce n’est, les heureux, les satisfaits du jour! Ce n’était donc que bril
lants équipages à la porte, que grands noms et grandes tour
nures au dedans. On ne pouvait dire toutefois que l’affluence fût compacte ; bien que nombreuse, elle peuplait et animait, sans l encombrer, le jardin, où quatre mille personnes pour
raient se promener à l’aise. nous avons coudoyé en entrant Bou-Maza, cette splendeur d’Iüer, ce lion de l’été passé, qui,
en sa qualité d’oriental, doit aimer et sentir le langage des fleurs, et l’épelait paisiblement au moment même où, dans Paris, la voix de cent crieurs enroués lui présageait, en annonçant la soumission d’Abd-el-Kader, le terme, certain et prochain de sa renommée éphémère et de sa lionnerie usurpée. Lui, pendant ce temps-là, commentait, ô destin ! un Selam en riant, et montrant aux belles dames deux rangées de dents éclatantes comme celles d’un chien de Terre-Neuve,
se. drapait de ses habits de conquête, c’est-à-dire du costume arabe qu’il revêt, au lieu de la tunique turque, quand ce grand conquéraiitveutiascinerlaplus frôle moitié du genre humain.
Une autre question maintenant : quel est l’auteur du Jar
din d’hiver, envisagé noü plus celle fois comme entreprise industrielle, mais comme conception artistique? Les ou
vriers n’ont pas encore mis leur dernière main à l’œuvre, les peintres sont encore sur leurs échafaudages, le marteau et la scie n’ont pas cessé de vibrer douloureusement à l’o