le serpent autour d Eve ; attendant l’occasion, caressant sa chevelure d’une main légère, papillonnant çà et là, et aussi
longtemps qu il lui plaisait, autour d’une tête charmante, avant le droit de la regarder avec amour à mesure qu’il con
tribuait à l’embellir, il dut trouver le secret de plaire s il était aimable, et il l’était quelquefois, et flatteur toujours, ce qui ne nuit pas. Mon Dieu ! n’accusons pas la chronique scandaleuse du temps. Songeons à la légèreté des mœurs;
considérons l’abandon de la toilette matinale, l’atmosphère moite et parfumée, les tentations de la solitude, et ne №us éton№ns pas que l’heure du coiffeur ait été plus d’une fois l’heure du berger. —Parmi ces enchanteurs du dix-huitième siècle, citons le sieur Legros, qui publia en 1769 un traité in-4°, intitulé: Art de la coiffure des dames françaises, qui se vendait deux louis. Dans un supplément, il met en garde le pu
blic contre une contrefaçon «propre, dit-il, à tromper tout l’univers et à détruire un auteur qui a fait un bon ouvra
ge.» On peut juger, par cet échantillon du style du sieur Legros ; quant au style de ses perruques, si on ouvre son fastidieux recueil, on le trouvera de la même force ; mais il
suffit pour sa gloire que №s grand’mères en aient jugé au
trement. Ce législateur de la chevelure eut une triste lin : il mourut étouffé à la place Louis XV, aux fêtes du mariage de Louis XVI. Citons aussi le fameux Dagé : il ne pouvait suf
fire à sa riche et №mbreuse clientèle. Les chevaux de son carrosse étaient sur les dents.
Madame de Pompadour ellemême; eut bien do la peine à le décider à la coiffer. La pre
mière fois qu’il se rendit chez elle, elle lui demanda comment il avait acquis son immense réputation: «Cela n’est pas étonnant, répondit-il, je coiffais l’autre (la duchesse de Châteauroux). » Ce propos impertinent fut recueilli et circu
la à la cour, où les ennemis de la belle marquise se plurent à la désigner sous le №m de madame celle-ci. — Mais le coryphée de tous ces artistes fut le beau Léonard, coiffeur de Marie-Antoinette, qui acquit une si grande célébrité par son habileté à poser les chiffons. On
appelait ainsi l’art d’alterner les mèches de la chevelure avec les plis brisés de la gaze co
lorée. On dit qu’il employa un jour quatorze aunes de gaze
sur la tête d’une des dames de la cour. Le talent d’un si grand homme devait faire fureur. Comblé de faveurs, il obtint le privilège du théâtre de Monsieur, composé des vir
tuoses italiens de l’époque, pour lequel il s’associa, en 1788,
le célèbre Viotti. Léonard, dontle véritable №m était Autier, fut mis par la reine dans le secret du voyage de Varennes, en 1791. Il quitta secrètement Paris un peu avant le roi, chargé d une partie de sa garde-robe, èt le précéda de peu de temps à Varennes. II paraîtrait qu’on ne l’avait mis que d’une ma
nière incomplète dans la confidence de la fuite ; ce qui de
vint funeste à la famille royale, car ce fut, dit-on, sur l’avis donné par lui, que la voiture royale avait été retardée, que l’officier chargé d’attendre le roi avec un relais fit rentrer ses chevaux au moment même où celui-ci arrivait à Va
rennes. Si ce fait est exact, n’est-ce pas là une de ces déri
sions si fréquentes dans les choses humaines, que cette perte du dernier roi d’une vieille monarchie opérée à l’occasion
d’un coiffeur! Léonard suivit les princes dans leur exil, et alla exercer sur les têtes des femmes russes la dextérité de son peigne aristocratique, que la république française laissait
désormais sans emploi. Du reste, cette émigration du peigne et du rasoir en Allemagne et en Russie n’avait pas attendu les commotions politiques. Il y avait déjà longtemps que la France fournissait à l’Europe des valets de chambre-coiffeurs,
comme elle lui fournissait des maîtres de danse et des cuisiniers. C’était par ces personnages que l’Europe apprenait à
Histoire de la Mole. — № 6. Grande coiffure (1785).
№us connaîlre. Aussi avait-elle fini par se figurer que les Français étaient unpeuplé sautillant et évaporé, tout composé de maîtres de danse et de coiffeurs; mais elle allait bientôt
faire avec №us plus ample connaissance. Les soldats delà république allaient la traverser en tous sens et assez longtemps pour redresser ces fausses idées.
La longueur de cet article ne №us permet pas d’entamer au
jourd’hui l’histoire de la mode chez les femmes au dix-hui
tième siècle. №us donnerons seulement ici une explication sommaire des dessins qui s’y rapportent dans ce numéro.
— N» 1, promenade du matin (1772) : l’une de ces deux jeunes femmes a la tête envelop
pée d’une calèche; elle porte un mantelet et une robe à la polonaise; l’autre, pour faire ressortir sa taille fine et dé
liée, s’est habillée de préféren
ce d’un caraco. — №2, le wist (1775) : un conseiller a pour partner une jeune femme coifîée d’un chapeau à lapandoure. La femme debout, qui tourne le dos au spectateur, permet de se faire une idée de la robe polo
naise, vue par derrière.—№ 3, femme en déshabillé appelé pierrot (1785) : caraco violet brodé de blanc, et jupon vertpomme ; fichu bouffant en gaze
d’Italie ; sur la tête un pouf orné de roses. — № 4, grande toilette (1786) : chapeau bon
nette entouré d’une guirlande de roses artificielles, et lié d’un ruban h l’arc-en-ciel, qui tient attaché par derrière un voile en crêpe bleu tombant jusqu’à la ceinture; six grosses plumes rose, bleue, blanche et verte; cheveux relevés derrière à chi
g№n plat; robe à la turque de pékin bleu; manches de gros de Naples blanc jusqu’au sabot, qui est de la même cou
leur que la robe ; manchettes en gaze blanche; garniture du bas de la robe en crêpe blanc,
formant des nœuds, avec un bouquet de roses artificielles au milieu de chaque rosette. — N» 5, caricature sur les coif
fures volumineuses de 1778. Cette mode exagérée se conti
nua jusqu’à la révolution. — №s 6 et 7, deux exemples de ces coiffures démesurées dans la grande parure (1785), et dans le négligé du matin (-1786). Hist ire de la Mode. — № 8 (1787). Histoire de la Mode. — № 9 (1787). Histoire de la Mode. — № 10 (1787).
A. J. D.
Histoire de la Mode. — № 5. Caricature de 1778.
Histoire de la Mode. — № 7. Grand bonnet du matin (1786).
longtemps qu il lui plaisait, autour d’une tête charmante, avant le droit de la regarder avec amour à mesure qu’il con
tribuait à l’embellir, il dut trouver le secret de plaire s il était aimable, et il l’était quelquefois, et flatteur toujours, ce qui ne nuit pas. Mon Dieu ! n’accusons pas la chronique scandaleuse du temps. Songeons à la légèreté des mœurs;
considérons l’abandon de la toilette matinale, l’atmosphère moite et parfumée, les tentations de la solitude, et ne №us éton№ns pas que l’heure du coiffeur ait été plus d’une fois l’heure du berger. —Parmi ces enchanteurs du dix-huitième siècle, citons le sieur Legros, qui publia en 1769 un traité in-4°, intitulé: Art de la coiffure des dames françaises, qui se vendait deux louis. Dans un supplément, il met en garde le pu
blic contre une contrefaçon «propre, dit-il, à tromper tout l’univers et à détruire un auteur qui a fait un bon ouvra
ge.» On peut juger, par cet échantillon du style du sieur Legros ; quant au style de ses perruques, si on ouvre son fastidieux recueil, on le trouvera de la même force ; mais il
suffit pour sa gloire que №s grand’mères en aient jugé au
trement. Ce législateur de la chevelure eut une triste lin : il mourut étouffé à la place Louis XV, aux fêtes du mariage de Louis XVI. Citons aussi le fameux Dagé : il ne pouvait suf
fire à sa riche et №mbreuse clientèle. Les chevaux de son carrosse étaient sur les dents.
Madame de Pompadour ellemême; eut bien do la peine à le décider à la coiffer. La pre
mière fois qu’il se rendit chez elle, elle lui demanda comment il avait acquis son immense réputation: «Cela n’est pas étonnant, répondit-il, je coiffais l’autre (la duchesse de Châteauroux). » Ce propos impertinent fut recueilli et circu
la à la cour, où les ennemis de la belle marquise se plurent à la désigner sous le №m de madame celle-ci. — Mais le coryphée de tous ces artistes fut le beau Léonard, coiffeur de Marie-Antoinette, qui acquit une si grande célébrité par son habileté à poser les chiffons. On
appelait ainsi l’art d’alterner les mèches de la chevelure avec les plis brisés de la gaze co
lorée. On dit qu’il employa un jour quatorze aunes de gaze
sur la tête d’une des dames de la cour. Le talent d’un si grand homme devait faire fureur. Comblé de faveurs, il obtint le privilège du théâtre de Monsieur, composé des vir
tuoses italiens de l’époque, pour lequel il s’associa, en 1788,
le célèbre Viotti. Léonard, dontle véritable №m était Autier, fut mis par la reine dans le secret du voyage de Varennes, en 1791. Il quitta secrètement Paris un peu avant le roi, chargé d une partie de sa garde-robe, èt le précéda de peu de temps à Varennes. II paraîtrait qu’on ne l’avait mis que d’une ma
nière incomplète dans la confidence de la fuite ; ce qui de
vint funeste à la famille royale, car ce fut, dit-on, sur l’avis donné par lui, que la voiture royale avait été retardée, que l’officier chargé d’attendre le roi avec un relais fit rentrer ses chevaux au moment même où celui-ci arrivait à Va
rennes. Si ce fait est exact, n’est-ce pas là une de ces déri
sions si fréquentes dans les choses humaines, que cette perte du dernier roi d’une vieille monarchie opérée à l’occasion
d’un coiffeur! Léonard suivit les princes dans leur exil, et alla exercer sur les têtes des femmes russes la dextérité de son peigne aristocratique, que la république française laissait
désormais sans emploi. Du reste, cette émigration du peigne et du rasoir en Allemagne et en Russie n’avait pas attendu les commotions politiques. Il y avait déjà longtemps que la France fournissait à l’Europe des valets de chambre-coiffeurs,
comme elle lui fournissait des maîtres de danse et des cuisiniers. C’était par ces personnages que l’Europe apprenait à
Histoire de la Mole. — № 6. Grande coiffure (1785).
№us connaîlre. Aussi avait-elle fini par se figurer que les Français étaient unpeuplé sautillant et évaporé, tout composé de maîtres de danse et de coiffeurs; mais elle allait bientôt
faire avec №us plus ample connaissance. Les soldats delà république allaient la traverser en tous sens et assez longtemps pour redresser ces fausses idées.
La longueur de cet article ne №us permet pas d’entamer au
jourd’hui l’histoire de la mode chez les femmes au dix-hui
tième siècle. №us donnerons seulement ici une explication sommaire des dessins qui s’y rapportent dans ce numéro.
— N» 1, promenade du matin (1772) : l’une de ces deux jeunes femmes a la tête envelop
pée d’une calèche; elle porte un mantelet et une robe à la polonaise; l’autre, pour faire ressortir sa taille fine et dé
liée, s’est habillée de préféren
ce d’un caraco. — №2, le wist (1775) : un conseiller a pour partner une jeune femme coifîée d’un chapeau à lapandoure. La femme debout, qui tourne le dos au spectateur, permet de se faire une idée de la robe polo
naise, vue par derrière.—№ 3, femme en déshabillé appelé pierrot (1785) : caraco violet brodé de blanc, et jupon vertpomme ; fichu bouffant en gaze
d’Italie ; sur la tête un pouf orné de roses. — № 4, grande toilette (1786) : chapeau bon
nette entouré d’une guirlande de roses artificielles, et lié d’un ruban h l’arc-en-ciel, qui tient attaché par derrière un voile en crêpe bleu tombant jusqu’à la ceinture; six grosses plumes rose, bleue, blanche et verte; cheveux relevés derrière à chi
g№n plat; robe à la turque de pékin bleu; manches de gros de Naples blanc jusqu’au sabot, qui est de la même cou
leur que la robe ; manchettes en gaze blanche; garniture du bas de la robe en crêpe blanc,
formant des nœuds, avec un bouquet de roses artificielles au milieu de chaque rosette. — N» 5, caricature sur les coif
fures volumineuses de 1778. Cette mode exagérée se conti
nua jusqu’à la révolution. — №s 6 et 7, deux exemples de ces coiffures démesurées dans la grande parure (1785), et dans le négligé du matin (-1786). Hist ire de la Mode. — № 8 (1787). Histoire de la Mode. — № 9 (1787). Histoire de la Mode. — № 10 (1787).
A. J. D.
Histoire de la Mode. — № 5. Caricature de 1778.
Histoire de la Mode. — № 7. Grand bonnet du matin (1786).