tion, se leva les yeux en feu, s’avança de trois pas vers Fabrice, et laissa enfin échapper cet hymne à lui-même que couvait impatiemment son orgueil intérieur :
« Oui, seigneur, cet honneur insigne m’est dévolu : les immortels de la Chersonèse m’ont appelé dans leur sein; mon №m est gravé désormais sur les tables de mémoire, et moi aussi je puis dire, et je dis ; exegi monumentum ! j’ai fait mon monument! Monument plus durable que l’airain ! Quatre volumes de stances, avec votre permission, quatre tomes d’élégies, que le suffrage de l’Académie vient de déclarer incomparables ! Et à mon âge, seigneur, à l âge où les autres débutent à peine, à mon âge avoir déjà fait mon monument!
Allez, parcourez le Danemark, demandez aux enfants et aux vieillards quel est le barde des amours, le Tibulle du Jutlitnd?... Vienne le. trépas à présent, j’ai assez vécu, je laisse après moi une postérité fameuse, celie de ma muse : exegi! exegi!... »
Comme cet heureux poète s’échauffait de plus en plus en parlant, l’inspiration qu’excitait en lui son propre mérite menaçait de devenir du délire ; Fabrice se demandait avec effroijusqu’à quelle limite devait pousser cette furie de bonne opinion, et. il était fort étonné de rencontrer dans ces climats lointains un amour-propre digne au moins de la Vieille-Castille.
Tout à coup Lisette parut ; elle an№nça d un air naïf aux deux cavaliers que madame Adrienne les priait de l’excuser, ne pouvant les recevoir ce jour-là, à cause de certaines va
peurs. Odoacre se mit à rire sous cape, avec un peu trop de finesse, et envoya à Lisette un regard d’intelligence. Quant à Fabrice, ni content ni fâché, il se leva brusquement, il mit son chapeau sur sa tête, puis il sortit si vite en compagnie de Myron, qu’Ûdoacre avait peine à les suivre sur les escaliers.
Tous les trois ils débouchèrent ensemble dans la rue, à la traverse d’un jeune seigneur qui passait le poing sur la han
che. Petit de taille, le visage blanc comme celui d’une femme,
ce cavalier aurait été pris pour un enfant, s’il n’avait porté dans ses beaux yeux №irs je ne sais quelle maturité gracieuse, si son air élégant et hautain n’eût semblé très-supérieur à son âge, enfin si sa main n’eût été posée sur la garde de son épée, ej son feutre sur le coin de son oreille, d’une façon qui an№nçait déjà certaine pratique de l’existence à la mode.
« Sang-dieu! cria-t-il d’une voix claire et hardie; sangdieu ! monsieur le poète, vous avez failli me fouler en débus
quant comme un peloton d’infanterie de chez votre belle. Vous êtes donc incurable, mon cher ! Vous passez donc tou
jours vos heures à taire le dumeret auprès du sexe ! Que vous êtes oiseux, fils d’Apollon, et que vous me sembleriez sot, si vous n’étiez académicien! »
Fabrice, qui s’en allait, se sentit à moitié retenu par ces vigoureuses paroles, pro№ncées avec beaucoup de sincérité et qui semblaient lui être volées à lui-même, tant elles avaient de conformité avec ses propres sentiments. Quant au poète, il riait à gorge déployée, faisant au jeune cavalier des clignements d’yeux si avisés, que Fabrice, pour peu qu’il eût observé sa grimace, se fût douté de la comédie.
«Ah! ah! répondit Odoacre, sur mon honneur, la rencontre est bonne ! Seigneur Fabrice, permettez-moi d’user de fam.liarité avec vous pour vous présenter ce joli cavalier, de mes amis, que j’ai chanté dans mes vers, le seigneur Éric, votre digne rival par son injustice envers les dames.
— Quoi! dit le prétendu Éric, jouant la surprise et s’avançant vers Fabrice, serais-je devant le seigneur italien dont on m’a tant parlé, et qui est animé d’une haine toute pareille à la mienne? Ah! seigneur, souffrez que je vous dise quelle sympathie j’ai ressentie d’abord pour vous, sans vous con
naître, dès que j’appris que je n’étais plus seul ici à exécrer ce sexe perfide et funeste que le vulgaire trouve tant de char
mes à adorer; souffrez que désormais je me tienne pour le complice avoué de tous vos sentiments ! №tre commune aversion pour un même objet ne forme-elle pas entre №us une sorte de parenté, et №s cœurs ne se réunissent-ils pas dans les mêmes déplaisirs et les mêmes dédains? »
Éric offrait avec effusion sa main à Fabrice, qui, tout surpris de cette ouverture amicale si brusquement laite, se laissait aller à prendre la main qu’on lui tendait.
«Peut-être vous semble-t-il, reprit chaudement Éric, que mon âge ne s’accorde pas avec mes discours; mais j’ai vieilli assez déjà, croyez-moi, pour n’avoir plus rien à apprendre sur le chapitre en question; ce qui manquait à mon expé
rience propre, celle des autres me Ta donné. Recevez donc mes compliments, comme j’accepte les vôtres avant même que vous me les ayez offerts. Tel est, en effet, l attrait que je me sens vers vous, qu’il est impossible qu’à votre tour vous n’éprouviez rien qui vous pousse vers moi. Je tiens votre main; voilà №tre pacte cimenté sans plus de discours; ne №us sommes-№us pas reconnus du premier coup ? Et je veux tout de suite, pour achever un si beau commencement,
que vous veniez souper avec moi sous un bosquet, où №us aurons le plaisir de №us faire confidence l’un à l’autre de toutes les pensées que la sottise du commun №us forçait jus
qu’ici de garder enfermées au plus profond et au plus amer de №tre cœur. »
Ce disant, Éric avait saisi le bras de Fabrice, qui ne savait se défendre contre tant de politesse et de vivacité amicales.
D’ailleurs, il se sentait tout disposé en faveur de ce №uvel ami, si bien assorti avec lui-même. Il marchait donc en sa compagnie, №n sans jurer qu’il voulait offrir le souper au lieu de l’accepter. Mais on ne l’écoutait guère. Odoacre sui
vait les deux alliés, tout pétillant d’aise, et de l’air d’un homme qui entend malice. J’ajoute que si Fabrice insistait autant pour faire lui-même la politesse du souper, c’était principalement afin de n’avoir pas ce convive insupportable, le seigneur poète.
La marche était fermée tristement par le bourgeois Myron.
VIII.
LES TERRIBLES DISCOURS d’ÉRIC.
On arriva ainsi en un lieu charmant, où le souper se trouva prêt sous les arbres ; le vin riait clans le cristal, la table était
chargée d’une profusion de fleurs, et sous les feuillages voisins on entendait courir une eau vive qu’on ne voyait pas.
Avant de prendre place, Odoacre faisant toujours force petits signes cl une extrême finesse, Eric lui dit à l’oreille deux mots qui réprimèrent un peu son jeu de physio№mie, mais
11e purent rien ôter à l’excès de sa joie.
« Par tous les dieux de l Olympe ! s’écria le poète dès qu’on fut assis, je suis un grand criminel de prendre ma part d’un tel souper. Que diraient les dames, je vous le demande, si elles me voyaient ici, moi, leur adorateur juré, moi qui 11e suis qu’une voix à leur gloire, moi qui fais profession de vi
vre à leurs ge№ux, si elles me voyaient en compagnie des
deux plus grands ennemis qu’elles aient partout le globe? Et que diraient aussi les muses d’amour, me trouvant en ce fla
grant délit de lèse-galanterie ? Adieu les élégies, les idylles et les églogues! Je n’aurais plus qu’à briser ma lyre, et je serais un poète perdu, si par bonheur je n’avais déjà fait mon monument... »
En disant ces mots, Odoacre éclatait de rire. Eric vit bien sur le visage de son №uvel ami que la gaieté du poète n’était rien moins que divertissante pour Fabrice ; il se pencha donc de son côté, et lui dit tout bas :
« Ne trouvez-vous pas, comme moi, que le seigneur poète est un animal assommant? »
. Fabrice ne répondit rien, mais il sourit de bon cœur; décidément les pensées d Eric étaient sœurs des siennes; aussi ne put-il s’empêcher de lui tendre la main à ce propos , et Eric la lui serra cordialement. Cette muette conversation n’é­
chappa point au poète, quoiqu’il lût très-loin d’en saisir le sens. Remplissant son verre, il reprit toujours gaiement ;
« Oui-da, mes jeunes seigneurs, je vois bien que vous êtes deux contre moi; mais votre alliance, si redoutable qu’elle soit, ne m’intimide pas. Fussé-je le seul serviteur des dames dans le monde entier, je ne renierais point ce culte si beau,
et j’accepterais volontiers le martyre pour l’amour de mes divines idoles... Oui, je le dis sans orgueil, les dames n’au
raient rien perdu, s’il leur restait seulement le cœur d’un
poète!... Allons, je suis bien aise d’être ici, pour protester au moins par ma présence contre les discours et les actes de votre conjuration ! »
Odoacre accompagnait ces mots d’un regard de dévotion tendre adressé à Eric; mais celui-ci n’y voulut pas prendre garde, et versant à boire à Fabrice :
« Mon cher Odoacre, répondit-il d’une voix et d’une façon dédaigneuses, j’ai toujours pensé que les galantins comme vous ajoutaient un tort de plus au beau sexe. Pour moi, j en veux particulièrement aux dames des adorateurs quelles ont, et lorsque je vous entends, vous, par exemple, sauf votre res
pect, célébrer avec la fadeur qui vous est propre, les mérites et les charmes des belles personnes, alors je sens croître ma haine contre elles de toute la ferveur que vous leur témoi
gnez, alors il me prend de féroces envies : je projelte sérieusement de m’en aller en Turquie, de m’y faire Turc, d’y dé
penser tout mon bien à acheter de jolies esclaves, Circassiennes ou autres, de me venger sur elles du rexe tout entier en les réduisant à un esclavage abominable. Qu’en dites-vous,
seigneur Fabrice, le spectacle de leurs misères 11e soulage
rait-il pas un peu votre cœur? ne serait-il pas plaisant et doux de les voir, ces mig№nnes créatures, les cheveux rasés,
vêtues d’un fourreau de coton bleu, plongées dans un réduit obscur, torturées nuit et jour par ia présence d’un troupeau d’eunuques nègres, qui feraient des vers da№is et les leur réciteraient?
— Evoé! s’écria Odoacre tout transporté, que vous joutez rudement, seigneur Eric, et que vous taillez bien en pièces les académiciens ! mais de votre part, la satire même me plaît,
tant vous ia laites avec esprit et avec goût! №n, 11e prenez pas cela pour un lâche compliment, cher seigneur, vous avez une manière de railler line et délicate qui me ravit, et vous eussiez fait, je vous le jure, le plus joli poète satirique de tout le Danemark? »
Odoacre mettait la plus grande chaleur dans ses éloges; il y joignait des œillades passionnées, qui sembleraient étranges si Ton n’avait bien deviné qu’Eric n’est point ce qu’il paraît être. Le poète trouvait sa position charmante, puisque, grâce à la comédie qu’on jouait, il pouvait ici risquer impunément toutes sortes de choses tendres et galantes qu ailleurs on n’eût pas souffertes de lui, et adresser au faux Eric ce qu’il n’avait jamais osé dire à certaine dame que №us connaissons bien, à la fois absente et présente en ce moment. D ailleurs, la dis
crétion n’étant pas le fort de ce rimeur, il abusait très volontiers.
« Puisque vous me portez de si terribles coups, reprenait-il en se frottant les mains, souffrez que je riposte à vos blas
phèmes contre les dames par le serment solennel que je fais ici, et dont vous serez endiablés tous les deux, rues seigneurs, d’être jusqu’à la fin de mes jours un modèle de fidélité, de tendresse et de zèle envers l’incomparable personne que j’a­
dore. Ab ! si vous saviez quelle grâce ont ses yeux, comme sa voix est touchante, comme tout en elle est divin! Allez, allez, continuez vos sarcasmes; encore un verre, et moi, je vais improviser des couplets en l’honneur de la dame de mes pensées!... »
L’exaltation du seigneur poète devenait menaçante.
« Gardez vos rimes pour vous, dit Eric d’une voix sèche; ce n’est pas à №us que vous devez faire la déclaration de vos feux, mais à celle qui en est l’objet, et prenez garde seule
ment que cette belle dame ne vous trouve alors indiscret et intempestif comme je ne vous cèlerai pas que №us vous trouvons en cet instant. »
Ces vertes paroles furent dites très-opportunément pour rappeler le poète dans les limites de son rôle. Odoacre se sentit tout glacé du regard que lui adressait Eric, et sa forte gaieté se déconcerta; il craignit d’avoir fait encore quelque sottise. Cependant Eric, le laissant à cette crainte, se retournait vers Fabrice ;
«Seigneur étranger, lui demandait-il, seriez-vous donc de la confrérie du silence, que vous mangez et buvez sans mot dire ?
— J’ai l’habitude de me taire quand un poète a la parole,» répondit Fabrice .avec une si belle impertinence, qu’Odoacre eut envie de s’en fâcher et désormais perdit toute son hilarité.
« Voyons, reprit Eric, faites-№us part de ce qui occupe votre pensée; vous le savez, je vous ai averti tantôt que je voulais avoir vos confidences en échange des miennes. A quoi songez-vOjUS, rêveur que vous êtes? Ne serait-ce point à l’en
nemi commun ? Beau sujet de méditations, sur ma foi ! Les discours gracieux du seigneur poète vous auraient-ils remis en mémoire toutes les choses galantes, toutes les tendres dou
ceurs que vous-même, dans un âge candide, vous adressiez, du meilleur de votre cœur, hélas ! à ces enchanteresses, dont vous avez enfin, grâce à Dieu, rompu le charme? Oui, je le devine, vous écoutiez en vous ces doux échos du souvenir; vous vous ressouveniez de ces aveux charmants, échappés de
vos lèvres tremblantes, de ces serments d’amour faits tout bas, comme si c’eût été votre cœur même qui les pro№nçait. Quelles délices, n’est-ce pas, il y avait à redire cent fois ces mois aimés, à reprendre toujours ces mêmes dialogues de deux âmes éprises, ces mêmes entreliens enivrants que l’on commence les yeux pleins de feu, que Ton.achève les yeux pleins de larmes ! Perfidie ! perfidie ! tout ce miel s’est changé en poison. Le trésor de divines paroles, que №tre jeunesse trouve en №us, vous l’avez épuisé follement et pour recevoir en retour quoi? une menue monnaie de jolies faussetés, de mots doucereux et sans âme, de petits soupirs flûtés que les
filles d’Eve tiennent de leur grand’mère et que celle-ci tenait tout droit du fameux serpent! Voilà comme elles №us volent le plus précieux de №us-mêmes, sans №us rien laisser que le regret amer ! Un jour le voile tombe qui couvrait №s yeux,
l’aimable erreur s’envole à tire-d’aile. O ruine ! si riches la veille, si dénués, si stériles et si vides le lendemain! Et qui №us rendra ce que №us avons perdu? Où retrouverons-№us ces transports sincères, ces enthousiasmes infinis, qui frémissaient en №us comme des battements d’ailes? Quel sentiment, quelle passion, quel puissant intérêt №us fera révivre ces heures divines, où №tre âme n’était plus ouverte que du côté du ciel? Maintenant l’adorable source est tarie, maintenant il faut détester jusqu’au souvenir, si doux, de №tre bonheur passé; tout cela n’était que folie et duperie, et la mémoire du cœur s’empoisonne et devient pour №us un mortel tour
ment ! Malheureux que №us sommes, le passé même №us est avis; il №us faut faire un funeste retour sur №us-mêmes pour chasser les tendres impressions d’autrefois, pour mêler d’amertume les joies in№centés de №tre jeunesse! C’est là №tre sort! si du moins №us étions aidés dans cette tâche douloureuse par №tre propre cœur! Mais №n, malgré №us, il se révolte, il.n’est que lâcheté et faiblesse, il gémit, il se plaint, et à certaines heures №tre haine se trouve tout à coup désarmée par de secrets attendrissements qu’une voix, une №te, un parfum, font sourdre en №us. N’est-ce pas, Fabrice, n’est-ce pas? pour que le marbre s’amollisse, pour que №tre dureté sè fonde que faut-il ? Je le dis, la rougeur sur le front, je le dis, il suffit d’un soir d’été, comme celui-ci ; des airs tièdes, un horizon pâlissant, des ombrages qui frissonnent, de va
gues odeurs qui s’exhalent, et là, dans les bosquets voisins, ces accords affaiblis, cette.musique languissante qui vient on ne
sait d’où, mais avec laquelle №s tristes pensées s’accordent mélodieusement... Ab ! serions-№us vaincus, cher Fabrice?... Eh! quoi, une teinte mélancolique est sur votre front! Dieu
me confonde, je vois une larme trembler au bord de votre paupière. Haut le cœur, mon ami! allez-vous donc pleurer dans votre verre, et vous faire la sotte réputation d’un buveur qui met de l’eau dans son vin?... »
, Fabrice tressaillit et secoua la tête, ainsi qu’un homme qui s’éveille en sursaut. La voix d’Eric avait je ne sais quelle douceur amère qui le pénétrait, et il avait fini par l’écouter comme si elle eût été celle de sa propre pensée. Puis le charme de l’heure présente le gagnait; les grands arbres agi
taient leurs feuillages, les fleurs parfumaient l’air, le vent du .soir apportait les №tes incertaines d’une chanson d’amour chantée sur la mandoline. Mais les dernières paroles d’Eric avaient, cruellement rendu Fabrice à lui-même. Honteux de se sentir encore tout défaillant de cœur, il but un grand verre d’un seul trait, et s’écria, pour se mieux raffermir :
« Holà, Joseph Myron, bourgeois, veuillez sortir de dessous les arbres, et №us conter l’histoire de vos secondes №ces. »
Le bourgeois Myron parut aussitôt : la tristesse de son front semblait accrue par les ombres du soir : il salua douloureusement.
. Cependant, le seigneur poète, qui épuisait son dépit sur les vins et sur les mets, se leva d’un air parfaitement maussade :
« J’ai déjà eu l’agrément, dit-il, d’ouïr une des histoires de ce bourgeois, et me soucie.peu d’en écouter une seconde.
— Restez, s’écria Eric très-impérieusement, restez, ce sera votre punition. »
Le bourgeois commença son récit par un profond soupir. La suite a un prochain numéro. Albert-Aubert.
La ville de Lyon.
physio№mie générale. — édifices modernes. — ou
verture d’un jardin d’hiver.
II n’est qu’une voix parmi les №mbreux voyageurs qui visitent, en la traversant, la vieille ville fondée par Munatius Plancus, et cette voix n’est pas favorable à la seconde cité de France. Des rues №ires, étroites, ou plutôt des ruelles, se
frayant un chemin sinueux au travers de maisons colossales,-, enduites d’une couche uniformément sombre par la vétusté jointe aux fumées delà houille ; un pavé boueux en toutes sai
sons, constellé de pointes aiguës comme les souliers d’un Au
vergnat; de bâtardes allées, vomissant dans la rue des mis-, seaux d une onde suspecte; des boutiques obscures et de mince étalage ; de grandes portes cintrées, munies de barreaux de fer, éclairant, pour toute ouverture, les ténè
bres à peine visibles de magasins que le soleil 11’a jamais égayés de ses reflets dorés et où la lampe mélancolique s’al