lume quelquefois dès le milieu du jour ; mille parfums de drogueries, ou pires encore, saisissant âcrement les nerfs ol
factifs ; une population soucieuse, affairée, peu curieuse de la forme, et pour tout luxe d’équipage, dans ces rues dignes du treizième siècle, de bruyants baquets, de lourds véhicules sup
portant des monts é№rmes de ballots; toute une grande ville rappelant ces ruelles à tapis-francs que tend à faire disparaî
tre l’édilité parisienne ou, dans ses plus belles parties, №tre quartier des Lombards démesurément empilé, coagulé et as
sombri; une atmosphère grise, humide, saturée neuf mois de l’année de ces brouillards tamisiens qui portent la moitié d JJtd merry Englancl à l’expatriation et l’autre au suicide ; tel est l’aspect riant, le polyoramaqui frappe tout d’abord l’é­
tranger à Lyon et le prédispose à un spleen double consigné dans mainte page écrite ab irato sur cette grande et industrieuse cité.
Le caractère des habitants n’est pas fait pour améliorer cette impression première. Le Lyonnais est une sorte de Hollan
dais probe et actif, éco№me, laborieux, mais auquel le ciel, dans sa juslice distributive, a, en compensation de ces vertus solides, refusé les grâces frivoles de l’affabilité, de la légè
reté, de la sociabilité, cette line fleur d’intelligence qu’on №mme esprit, ou, pour mieux dire et être plus juste, cet agréable badinage dont le plus pur béotien de Paris sait s
bien masquer sa radicale nullité, en même temps que ce ver
nis d’urbanité et d’élégance qui fait illusion aux étrangers et cache la vulgarité foncière ou l’égoïsme renforcé. Le Lyon
Jariin d’hiver construit aux Brotteaux, à Lyon.
nais n’entend l’ion à toutes ces finesses ; il ne se pique, et a raison en ceci, ni d’être plaisant, ni d’être aimable; il rit quand il en a le temps ; son commerce, son industrie, ses
chiffres l’absorbent tout entier. De là, sa physio№mie grave et morne, et, s’il faut le dire, passablement renfrognée. Il est austère sans effort; car il n’a pas besoin de luxe, de plaisirs, et n’en soupçonne pas le goût. Il dîne à deux heures, soupe à neuf, et se couche vertueusement ensuite, comme un mar
chand du moyen âge. Ses jours, qui ne diffèrent pas sensiblement de ses nuits, il les passe, la plume à l’oreille, dans une façon de cave ou de rez-de-chaussée ténébreux qu il affec
tionne, car à la garde de ce lieu peu avenant sont confiés ses marchandises, son grand-livre, le répertoire et le siège de ses affaires, le grand intérêt de sa vie. Ün trouve encore dans la
rue des Bourdonnais et dans le quartier des Areis quelques négociants de ce type. Le Lyonnais, qu’enrichissent, à moins
de grands désastres, trente ans d’une telle existence, n’a pas un seul instant l’idée de se servir de sa fortune au profit de son bien-être. Il n’en jouit ordinairement qu’à la troisième génération. №n-seulement il blâme le luxe chez autrui, mais il ne l’aime pointpourlui. Cette antipathieinstinctive s’érige chez lui à toute la hauteur d’une règle de conduite. Il connu’* ses concitoyens et juge de leur naturel ombrageux par le sien propre. Les dépenses et l’étalage, qui ailleurs soutiennent le
Le pont Saint-Clair, à Lyon.
crédit, le compromettraient à Lyon. La seule joie que se permette le négociant enrichi, la seule que ne lui défendent point les précédents et les usages du commerce de la cité, consiste à acheter quelque maison de campagne dans les environs de la ville pour y aller passer patriarcalement le jour du Sei
gneur en famille. Dans la semaine, il n’a et n’ambitionne guère d’autre divertissement que celui de humer de la bière en fumant sa pipe en véritable Hollandais.
Lyon est, comme l’on sait, la grande jésuitière du royaume.
Le clergé, №mbreux, influent, merveilleusement discipliné, y exerce un empire immense. Cette domination accroît et rem
brunit singulièrement la teinte d’ascétisme déjà si pro№ncée qui s’étend sur toute la ville. Les lieux de plaisir mômes se ressentent de cette tendance abolitionniste de la forme, de la couleur, de la gaieté, de la dépense et de la majeure partie des joies et des splendeurs terrestres.
L’étranger, qui se sent envahi promptement par les méphitiques vapeurs de la tristesse et de l’ennui, ne sait où se
prendre pour combattre cette mal’ aria endémique et contagieuse qui l’oppresse. Les cafés, ce palliatif et ce grand nar
cotique de la vie de province, ne lui offrent pas un topique bien efficace conlre Yinfluenza locale. Mornes et enfumés, ils ont plus de rapports avec les tavernes anglaises qu’avec ces élégants palais tout de glaces, d’or et de moulures, érigés à la demi-tasse parisienne par des limonadiers artistes. Leur décoration, qu’on trouvait magnifique au temps de la guerre d’Espagne, est encore, plus une couche vénérable de №ir