de te! honorable qui est occupé à rédiger sa première improvisation. Les coureurs parlementaires sont fort courus, prin
cipalement à cause des billets de Chambre qu’ils ont dans leur poche, car quelle est la maîtresse de maison qui ne se promette en ce moment la distraction d’une séance où doit se discuter l’adresse. On fait des parties de tribune comme des parties de quêtes et de sermon.
Voici d’ailleurs la grande époque de l’année où la vraie Parisienne, la citadine pur-sang, doit faire son apparition un peu partout. On l’attend au bal, elle est engagée au concert,
l’église la réclame et le spectacle la sollicite. Que d’activité déployée et quel rude labeur elle s’impose du matin au soir, et principalement du soir jusqu’au matin. C’est pour elle le temps des insomnies et des plus charmants succès, des nuits blan
ches et des jours couleur de rose. Que de bonheurs, quelles distractions et que de jouissances ! La toilette qu’on essaye, les robes où l’on s’emprisonne, la chaussure qui vous marty
rise, le sermon où l’on bâille, le spectacle où l’on a froid, le bal où l’on a trop chaud. En vérité, dans cette belle saison d’hiver qui donne au plaisir ses heures caniculaires, la Pa
risienne ressemble fort à la salamandre : le feu est son élé
ment, sa nourriture et sa vie. D’où il résulte que, nonobstant ces apparences de marmotte, le présent hiver ne demeure pas complètement inactif, et que, sur le chapitre de la danse, s’il a l’air encore de reculer, c’est pour mieux sauter par la suite.
Cette espèce de répit et d’ajournement multiplie les préparatifs sur tous les points, et le luxe des toilettes prend un développement gigantesque, aussi bien que le luxe des ap
partements. One véritable rage de décoration semble s’être emparée de toutes les classes. Dans celle des femmes légères, jamais cette magnificence ne fut si générale ni poussée aussi loin. Ce sont des divinités qui n’aiment point la nudité du temple. De récents démêlés judiciaires ont donné à ce sujet des statistiques piquantes et dressé des inventaires d’une vé
rité fabuleuse et dignes d’être connus pour l édification de nos neveux. Dans ces somptueuses demeures, tout luit et reluit: l’or, l argent, l’ivoire et l’ébène s’y confondent en arabesques ruineuses. Chajue meuble, d’une grande valeur in
trinsèque, s’y montre paré comme une châsse ; les chinoiseries ont un faux air de reliques; on a jeté dans le gouffre de ces potiches la paye de toute une armée et la dotation de deux hospices: la courtepointe du lit vous représente la dot d’une honnête fille ; les cheminées ont des housses dont le prix suf
firait à l’habillement de plusieurs tribus indigentes, et on élèverait une multitude d’enfants rien qu’avec les rebuts de
cette magnificence et le superflu de ce luxe. Dans ce vilain ancien régime, auquel on jette volontiers l’anathème pour ses mauvaises mœurs, nous savons que les folies ruineuses d’une Fel ou d’une Guimard faisaient scandale; notre épo
que, plus-éclectique, s’est familiarisée avec ces spectacles ; il
est vrai que parmi ces dames ou demoiselles on trouverait difficilement l’exemple d’une Clolilde, cette célèbre danseuse de l’empire, qui imposait une liste civile de deux millions à ses adorateurs ; les fournisseurs du temps présent sont moins exclusifs et moins prodigues, et l or de ces Jupiters se répand sur toutes sortes de Danaés. Il y a beaucoup d appelées et beaucoup d’élues, et, dans cette carrière aventureuse et bril
lante, ce n’est pas toujours la beauté, le talent ou le renom dramatique qui se voit couronné ; dans ce monde-là, on agit volontiers sous l’empire d’une eharle qui, comme l’autre, proclame l’admissibilité de toutes à tous les emplois.
Cependant si le bal continue à se démener sans trop de gloire, si le concert n’a fait entendre encore qu’une voix fêlée, si le roût chôme et si la petite chronique est une paresseuse, la semaine n’en a pas moins été très-féconde, au point de vue dramatique. Le théâtre a gardé les bonnes traditions; il a déclamé, chanté, ri, pleuré et dialogué à outrance; il a mis son monde hors d’haleine et fait donner toutes ses troupes à peu près. Quel bonheur que cette exactitude, et que devien
draient les Parisiens et leurs chroniqueurs, si le théâtre ne leur donnait pas perpétuellement les violons sous ses lambris de papier doré et dans ses bosquets de toile peinte? A quoi bon chercher si péniblement cette grande rareté qu’on ap
pelle le nouveau dans les promesses de la politique, dans les surprises du salon? le théâtre ne tient-il pas ce phénomène à notre disposition? 11 a donné en huit jours plusieurs pièces nouvelles et allumé sept ou huit fois sa lanterne magique. Assurément le neuf et l’imprévu ne sauraient plus nous manquer; prenez vos billets, et entrons à l’Odéon pour commencer.
Voici donc la nouveauté que nous montre l’Odéon : un petit coquin deneveu aime madame sa tante, et la courtise si bien,
qu’il s’en fait adorer et l’épouse sans plus de formalité ni de dispense. Au beau milieu de l’escarmouche, deux personna
ges, mâle et femelle, costumés en bergers de Watteau, et vénérables par l’âge, sinon parla conduite, exéculent diffé
rentes drôleries assez maussades. Ceci, messieurs et dames, vous représente Amour et Bergerie. Autre surprise : la scène change, et nous voyons le Protégé de Molière, le jeune Racine rimant des sonnets en l’honneur de mademoiselle Molière, la femme de son protecteur. N’est-ce pas galant et neuf? Sur ces entrefaites, le théâtre du Vaudeville vient à son
tour, et dit : J’ai souvenance d’une fable de La Fontaine : le Lion et le Rat. Ces deux intéressants animaux, qui jadis ne se montraient unis que dans la fable, vivent aujourd hui vo
lontiers sous le même toit. Le nôtre est de la grande espèce : crinière lustrée et touffue, taille élégante, gants glacés, bi
nocle en sautoir. Mais quel service, allez vous dire, ce ma
jestueux personnage peut-il attendre d’un rat? Avez-vous donc oublié l’apologue?
On a souvent besoin d’un plus petit que soi.
Et, eneffet, sansle rat Albertine M. de Varigny lelion n aurait qu’à se sauver l’oreille basse. Ne s’est-il pas laissé pren
dre comme un oison dans les mailles d’une coquette et dans les filets d’un fripon? Alors l’animal rongeur remplit son of
fice, et à l’aide de ses petites quenottes blanches il fait si bien que messire lion est délivré par le trotte-menu, au quel il offre
sa main ou sa patte par reconnaissance. Si l’apologue n’est pas inédit, il est du moins assez habilement rajeuni, et madame Doche est un gentil rat qui lait plaisir à voir.
Toutefois où trouverons-nous le neuf et l imprévu? est-ce à la Gaîté et à son Christophe Colomb, la découverte du nouveau monde ! Pour le coup ne voilà- t-il pas un sujet vierge, comme l’Amérique et ses forêts, et nous serions bien malheureux si la nouveauté ne brillait pas ici dans tout son éclat. Cette autre lé
gende de Colomb peut se résumer en trois coups de crayon.
Au premier acte, le grand homme, traité de visionnaire, est poursuivi parla populace avec des huées et plongé dans un ca
chot. S iuvé de l’abîme parle ducd’Avila qui s’intéresse à son entreprise, Colomb se met à la recherche de sa fille Catarina el d’un vaisseau pour le transpoiterau delà des mondes connus.
Au même instant Catarina demandait son père à tous les corlégidors, et le duc d’Avila pleurait son Eurydice qu’il croyait perdue. Ici grand brelan de reconnaissance entre les trois af
fligés : « O ! mon père ! ô ma fille ! ô mon époux ! » Le due d’Avi a est le propre gendre de Colomb. Que Dieu soit loué, l’Amérique sera découverte ! Le vent souille, les voiles se gonflent, tout s’empresse, tout part pour celte nouvelle Argolide; mais la seule Iphigénie, c est-à-direla seule Catarina,
ne pouvant déterminer son mari à la suivre, _se laisse choir dans la mer, et notre vaisseau n’en poursuit pas moins sa
route dans une paix profonde. Que vous dirai-je? Pendant l’expédition, qui dure plusieurs années, Catarina, sauvée des eaux, se fait une mauvaise affaire avec l’inquisition, et le drame finirait par un auto-da-fé si Colomb n’arrivait à temps pour arracher Catarina au bûcher. Sa fille lui est rendue en échange du nouveau monde qu’il apporte au roi.
N’êtes-vous pas satisfait, et votre imagination aurait-elle rêvé quelque surprise plus triomphante? S’il en est ainsi, allez voir le roman-drame de l’Ambigu : c’eff 1 œuvre post
hume de Frédéric Soulié. Des cœurs qui aiment et qui souf
frent, une femme coupab’e par amour, un traître par jalousie, un infidèle qui se repent et s’amende, et pour le contraste, des indifférents qui parlent de leur sensibilité et; font de I es
prit sur les passions qu’ils n’éprouvent pas, c’est ainsi que vous assisterez à un tableau d’intérieur a-sez animé, vrai parfois, presque toujours intéressant, et où 1 on reconnaît çà et là le talent exercé et la touche vigoureuse de l’auteur de la Closerie des genets.
Arnal a reparu au Gymnase, et l’excellent comique s’est vu accueillir du public comme une vieille connaissance qu’on ne se lasse pas de revoir. Arnal et le public se sont retrouvés dans les mêmes dispositions réciproques : d’un côté beau
coup de verve, de bouffonnerie spirituelle et de joyeuse humeur, et de l’autre la même bienveillance et cette disposi
tion invariable à s’égayer de toutes les lantaisies de son co
mique favori. Le Mathews français, comme Mathews est l’Arnal anglais, a pu revoir au balcon cet insulaire original
qui, depuis nombre d’années, dit-on, n’a pas manqué une seule de ses représentations. Carter le dompteur de bêtes
féroces, avait aussi son ombre britannique, sous la forme d’un gentleman, dont l’assiduité provenait d’une autre cause beau
coup moins flatteuse pourt’amour-propre del’intrépide athlète qui en était l’objet. Le mobile de l Anglais de Carter, c «tait l’espérance de voir le lion de Carter manger son maître.
L Anglais d’Arnal s’attache aux pas de notre comique, pour s’épargner le désagrément d’être lui-même dévoré... par le
spleem Les acteurs sont comme les écrivains qui traitent tant f e malades par correspondance et accomplis-ent parfois des cures dont nul ne leur sait gré. Arnal n’est pas le premier
comédien français de qui l’art ail triomphé du tædium vitœ britannique : Tieicelin et Brunet furent des praticiens non moins habiles et heureux
Dans un autre genre, l’un de nos meilleurs comédiens, de tournée à Londres en ce moment, y accomplit un ver itable miracle, celui de passionner les fils d’Albion pour les tenta
tives de notre tragédie moderne, renouvelée du grec. Dans Antigone M. Bocage a obtenu au théâtre Saint-James le bril
lant succès que devaient lui assurer sa rare intelligence et le soin savant qu’il apporte dans tous ses rôles. Sa réussite n’a pas été moins brillante dans la charmante comédie Echec et mat. Lui aussi, notre excellent Bocage a trouvé à Londres son Anglais enthousiaste; c’est même une admiration qui s’est manifestée d une façon assez originale et qui rappelle une aventure arrivée à Lekain.
Au siècle dernier, le théâtre Saint-James comptait au nombre de ses pensionnaires-figurants quelques Français exer
çant à Londres différentes professions manuelles. L un d’eux, coiffeur de son état et grand bavard de vocation, parlant lon
guement du théâtre à la tête qu’il ajustait (celle d’un riche gentleman de Westend), lui disait: «Votre Grâce devrait bien venir ce soir assister à la représentation de Zaïre, où je remplis un rôle. — Vous! s’écria l’Anglais très surpris; oh! assurément, j’irai vous entendre avec une très-grande satis
faction. » Et le soir, effectivement, le personnage, fidèle à sa promesse, aperçoit le coiffeur figurant à la tête d’une pha
lange musulmane. Enchanté d’Orosmane, il n’a rien de plus pressé, la pièce finie, que de se faire conduire à Lekain.Dans le délire de son enthousiasme, les notions les plus simples
se brouillent et se confondent dans sa cervelle, et il finit par dire à l’acteur français : « Je ne suis pas content de cet homme qui m’a coiffé ce matin, et n’a pas prononcé un mot sur la scène ; mais vous m’avez enchante, et je veux que vous veniez dorénavant me donner un coup de peigne. » Cet hon
nête insulaire avait vu dans les comédiens français autant de perruquiers.
Finissons par une mention que nous regrettons de n’avoir pas donnée plus têt à tant de personnes quelle intéressera; mais les bonnes choses et les nouvelles succulentes ne sau
raient jamair venir trop tard ni passer pour du réchauffé. Il s’agit du festin offert parM. Léon Bertrand; directeur du Jour
nal des chasseurs, et parles représentants de la haute vénerie française à ces deux intrépides chasseurs, Gérard, le fameux traqueur de lions, etDelegorgue, le vaillant tueur d’éléphants. Dans ce banquet où figuraient la plupart des chasseurs fian
çais et étrangers qui se trouvent à Paris, on a célébré par de chansons à boire et par des chants de triomphe la gloire de ces deux Nemrod dont les exploits et les coups de feu ont retenti dans tout le monde connu. Si Gérard s’est illustré sur la terre des Kabyles et des Mozabites,.on connaît les proues
ses accomplies par Delegorgue dans le pays des Hottentots, des Cafres et des Biskris. La vie de l’un et de l’autre n’a été qu’un long duel et qu’une bataille perpétuelle livrée aux plus redoutables ennemis : tigres, hippopotames, hyènes, chacals, et autres animaux terribles, dont le lion est le roi et l’éléphant le plus gros dignitaire. Cent quinze convives,
parmi lesquels on distinguait plusieurs étrangers de haute distinc ion, assistaient à ce superbe festin, que la plus fran
che gaieté n’a cessé d’animer, et qui aura sans doute plus d’un anniversaire.
Aux Abonnés des Départements.
Les Messageries royales et les Messageries Cailiard, correspondant avec les entreprises particulières de messageries sur tous les points de la France, se chargent, sans frais, des abonne
ments. Il suffit d’envoyer le montant de l’abonnement au bureau de messageries le plus voisin.
Quant aux personnes qui habitent des lieux éloignés du parcours des messageries, nous les prions de remettre le montant de leur abonnement au directeur de poste le plus voisin,.à titre d’envoi d’argent, au nom de M. le directeur de l’Illustration. En prenant un abonnement d’un an, ils auront l’économie, nonseulement des 4 francs qui sont la différence entre l’abonne
ment par trimestre et l’abonnement à l’année, mais aussi l’éco
nomie de l’affranchissement de trois lettres et du timbre de trois mandats.
ENVOI DE l’argent PAR LA POSTE.
Depuis un an, le droit n’est plus que de 2 p. 100.
Prix d’un abonnement d’un an................... 52 fr. » c. Droit 2 p. 100................................................ » 65 Timbre du mandat......................................... » 55
Total...................................................... 33 fr. 00 c.
Plus l’affranchissement de la lettre d envoi.
Prix d’uu abonnement de six mois. . ... 17 fr. » c. Droit 2 p. 100................................................. » 35 Timbre du mandat.............................. » 55
Total.................................................. 17 fr. 70 c.
Plus l’affranchissement de la lettre.
Prix d’un abonnement de trois mois............ 9 fr. » c. Droit 2 p. 100................................................ » 20 Timbre du mandat............................... » 55
Tutal............................................................... 9 fr. 55 c.
Plus l’affranchissement de la lettre.
Différence en bénéfice pour l’abonnement d’un an au lieu de l’abonnement de six mois
................................. 2 fr. 70 c.
Plus un port de lettre pour renouveler, en
moyenne............................................................ » 50
. 5 fr. 20 c. Pour l’abonnement d’un an au Heu de l’a­
bonnement par trimestre................................. 5 fr. 20 c. Plus trois affranchisse!»., en moyenne 50 c. » 75
5 fr. 95 c.
De la Voie des Chemins de fer.
TRAVERSES A TABLES DE PRESSION, DE ÏI. POU1LLKT.
Il n’estpas un de nos lecteurs qui ne connaisse de quoi se compose la voie d’un chemin de fer, sa superstructure. Sur une couche de sable qui recouvre la superficie, on pose des traverses, lesquelles portent des coussinets, qui à leur tour supportent les rails. Les coussinets sont fixés à la traverse par des chevilles en fer ou en bois, et les rails sont maintenus
dans les coussinets par des coins. On cherche donc dans cette construction à rendre solidaires toutes les parties de la voie : les traverses maintiennent l’écartement transversal
et reçoivent la voie rigide; le ballast ou sable a pour but de donner plus de douceur au roulement et plus de stabilité au système rigide. Une bonne voie doit donc présenter cette dou
ble condition : élasticité convenable etsolidité suffi ante. nous ajouterons que l’uniformité delà voie, la bonté des matériaux et l’habileté de la pose importent au plus haut degré au voyageur, dont il garantit la sécurité, à l’exploitant, dont le malériei se détériore d’autantplus rapidement que la voie présente plus d’inégalités.
Les conditions que nous venons d’énumérer se rencontrentelles toujours sur les chemins de fer? nous sommes forcés d’avouer le contraire. En effet, qui n’a ressenti ces violentes et brusques secousses, ce mouvement de lacet si insupporta
ble? qui n’a entendu ce bruit singulier, cette espèce de martelage continuel de la roue du wagon passant d’un rail à l’autre ? La voie actuelle a donc des défauts. La cause de ces dé
fauts, les vices inhérents au système que nous venons de dé
crire, consistent en ce que les traverses ayant des formes et des dimensions inégales et très-variables, on ne peut procé
der à leur pose que par tâtonnement. Ainsi on commence par poser les traverses de joint qui donnent le niveau, puis on met le rail dans les deux coussinets extrêmes, et on suspend au rail, au moyen des coins, les traverses intermédiaires. Ouest ensuite obligé de bourrer ces dernières, jusqu’à ce qu’elles atteignent le niveau donné par les traverses de joint. Il suit de là que la résistance des traverses in
termédiaires ne peut être que proportionnelle à celle de leur bourrage et à la surface qui repose immé liatement sur le sol, et que, si le bourrage est imparfait, si les surfaces sont peti
tes et irrégulières, la résistance peut être nulle, au grand dommage des rails, des traverses de joint et de la sécurité des voyageurs.