vis (tes gens de goût, finiraient par compromettre les loua
bles résultats qu’elle poursuit.
C’est tout à la- fois un droit et un devoir pour elle de se mon
trer sévère dans ses choix. Malgré le triage opéré chaque année à la porte du Louvre, il n’y a rien de surprenant à ce que l’on trouve encore dans ce qui passe plus de son que de farine. Mais ici le public a le droit d’être exigeant; il faut lui offrir de la line fleur. On conçoit qu’à l’égard des ta
bleaux anciens, prêtés par les propriétaires de collections par
ticulières , on soit quelquefois obligé de faire fléchir une ri
gueur qui pourrait paralyser l’o­
bligeance, si elle se montrait trop exclusive. Il y a là toutes les difficultés de rapports déli
cats à ménager, et l’on serait mal venu à reprocher au comité de l’exposition de ne pas s’ê­
tre toujours montré d’une rigidité austère. Le point important, c’est qu’il y ait un cer
tain nombre de bonnes choses, pour donner de la valeur à l’ex
position. Mais, vis-à-vis des tableaux d’artistes vivants, il faut ne choisir que les choses
Un moulin à vent, tableau, par M. Jules Dupré, appartenant à M. Baroühet.
lé, le premier arbre venu, dont la noire silhouette, au feuillage secet rare, se prolilesur le ciel;
puis, sur le gazon, des branches d’arbre qui pourrissent, des pierres moussues, des formes indécises quis’effacenlaux ombres du soir : la solitude, le si
lence! Le Paysage d automne nous transporte aussi à cette heure solennelle delà soirée qui a tant de charme pour la rêverie. Dans le premier ta
bleau, le soleil était en. face de nous sous l’horizon ; dans celui-ci, il est derrière nous, et il illumine, de ses dernières clartés, les cimes de quel
ques arbres jaunissants, qui, à travers leurs troncs, nous laissent apercevoir une longue plaine aux formes vagues, aux teintes assourdies, et, dans les va
peurs de l’horizon, une ligne de cimes neigées qui s’évanouis
sent comme de pâles fantômes. Même attrait poétique ; cependant le ciel, dans le haut du ta
bleau, semble Irop sombre et surtout trop mat. Les bouquets de feuilles jaunes, laborieusement touchés, ont de la lourdeur et ne sont pas heureux de forme. Les premiers
Cazavor andaloux, tableau, par M. Armand Leleux, appartenant à l’auteur.
de la Société des artistes, un fruit de saveur nouvelle, nous commencerons par eux les indications rapides que nous allons donner de quelques-uns des ouvrages réunis.
M. Rousseau a un vif sentiment de la nature; il l’aime, il l’écoute parler, comprend mer
veilleusement son langage, et il
excelle à nous redire l’accent qu’il a recueilli sur la lisière d’un bois, sur tes bords d une mare, 1e long d’un buisson isolé dans un champ. Il ne cher
che pas la beauté de ses lignes grandioses; il ne s’inquiète pas de découvrir au loin les sites
heureux où elle se groupe avec une élégante disposition de
masses qu’on dirait empruntées à la science ; il ne la compose pas, et c’est là même, à mon avis du moins, une partie faible de son talent; mais il emporte de sa contemplation quelque chose de plus précieux, il em
porte une impression, et il vous en fait infailliblement éprouver le charme sympathique. C’est ce qu’on ressent devant son Soleil couchant d automne ou litière du bois : une ligne loin
taine d’arbres aux branches dépouillées se découpe sur l’ho
rizon empourpré des dernières teintes du soleil couchant que reflètent dans le ciel des myriades de petits nuages. Sur
te premier plan un arbre iso-La Récureuse, tableau, par Chardin, appartenant à M. Marcille.
ayant un incontestable mérite, ne fûtce que pour ne pas laisser prendre l’ha
bitude aux choses médiocres de venir en nombre assiéger une porte évidemment trop petite pour les laisser passer.
Le mode f exposition, tel que l’associa
tion des artistes paraît l’avoir arrêté, est convenablement approprié au but qu’elle se propose. Il faut lui savoir gré de ce qu’elle a obtenu, tout en l’invitant à opposer une barrière infranchissable aux empiétements qui lui seraient nuisi
bles. Elle cherche, autant qu’il est en son pouvoir, à donner un vif intérêt de nouveauté à chacune de sesexpositions annuelles. La première année, c’était M. Ingres qui venait se révéler au public sous toutes les faces de son talent. La seconde réunissait toutes les généra
tions de peintres de la famille des Vernet et M. Delaroche. Cette année, le public peut enfin faire connaissance avec la peinture d’un paysagiste dont le nom a grandi, malgré les injustices du jury qui l’ont éloigné du Louvre. Le nom de M. Rousseau (Théodore) a acquis une juste célébrité , quoique ses œuvres, confisquées au profit de quelques ama
teurs seulement, aient été privées jusqu’ici du grand jour de la publicité. Comme ses tableaux sont, dans l’exposition
Paris recevant Hélène conduite par Vénus, dessin de Prud’hon, appartenant à M. le comte de Pourtalès,
plans manquent de solidité. Le Soleil couchant d orage est une étude d’un effet saisissant. — A côté de M. Rous
seau, nommons son ami, M. Jules Dupré, autre exilé dont l’absence est, chaque année, au salon un sujet de regret. On s’ar
rêtera avec plaisir devant la vive et gaie lumière de son Moulin à vent, apparte
nant à M. Baroilhet. nous reproduisons ici cette jolie petite toile. — M. Marilhat nous fait assister à la halle d’une Cara
vane en Sijrie et nous transporte sur les bords du Nil. Cette toile est rayonnante de lumière. L’éclat du jour se répand partout uniformément. Sous ce ciel calme et étincelant le Nil dort immobile. Il vous semble que vous glissiez insensi
blement sur le fleuve mystérieux qui se confond avec les lignes basses de l ho
rizon, et va se perdre dans les solitudes solennelles de cette terre d’Egypte.
L’œil abasourdi du voyageur se porte à peine sur le petit village qui est là sur une des rives. Il semble qu’il n’y ait dans cette peinture que de la lumière, de l’air et de l’eau. — L’ex
position possède trois tableaux de M. Eu
gène Delacroix : Charles-Quint dans le couvent de Saint-Just ; un Combat du giaour et du pacha, et l Enlèvement de llébecca, exposé en 1846. —Ony verra