de vous écrire tout ce que j’éprouve. 3e resterai donc dans ma spécialité pittoresque, et, parmi mes observations, je ne vous ferai part que de celles qui se trouvent en rapport avec l’art que nous professons tous deux.
« Depuis la Renaissance jusqu’au dix-huitième siècle, et, pour ainsi dire, jusqu’à ce que David vînt exhumer de l’an
tiquité Iq manière de représenter ses héros, les plus grandes célébrités parmi les artistes, peu soucieuses de la vérité ,dont les antiquaires seuls s’occupaient, se bornaient à puiser des sujets dans l’histoire, sans se préoccuper des habitudes, des mœurs, des coutumes, et surtout des costumes de leurs hé
ros. Raphaël, lui-même, coiffait Alcibiade d’un casque de fantaisie ; Le Poussin armait Romulus d une cuirasse du Bas- Empire, Lebrun plaçait une perruque ;à la Louis XIV sur la tête d’Alexandre, etc. Maintenant, mon cher Montforl, serait-il permis au dernier des rapins de représenter Achille, César, etc. autrement que nous ne l’avons appris par la con
naissance de l’antiquité? non. Eh bien! voilà la mission que nous devons remplir : c’est d’éclairer ceux qui à l’avenir auront à traiter des sujets de l’Ancien et du nouveau Testa
ment. Il faut le dire, le publier, et prouver que les Arabes sont les transmissionnaires des coutumes des Hébreux. Le Poussin, plus qu’un autre, l’avait compris, en donnant aux juifs qu’il peignait un caractère orientai. Que n’eût-il pas fait si, comme nous, il avait vécu au milieu des Abraham,
des Jacob ? car Ibrahim, Yacoub, Yousouf, ne sont autre chose que des patriarches exerçant la même hospitalité dans les mêmes formes, sous la même tente. (Elle est décrite dans le Lévitique pour l’Arche d’alliance.) Chaque jour, mon cher ami, j’entends dire dans nos écoles que Raphaël, Michel- Auge et leurs devanciers ont tout fait, et qu il ne reste plus qu’à imiter. Ici je fais ma profession de foi : j’exècre l’aile— manderie qui retourne aux Cimabuë... peu s’en faut qu’elle ne renonce à la moitié des couleurs de la palette pour redevenir un peu plus sauvage. Ingres, le digne zélateur de l’é
cole de Raphaël, a-t-il fait Homère jouant du violon, comme on en voit un entre les mains d’Apollon, dans la fresque du Parnasse? non, il a su s’inspirer de tout ce qui se trouve de grandiose dans ce chef-d’œuvre du grand maître sans le suivre, dans ses erreurs. Pourquoi hésiterions-nous à provo
quer de nouvelles études sur un point qui doit amener pour les arts, non une révolution, mais une véritable amélioration, en leur donnant les moyens de reproduire tant de beaux sujets sous un aspect neuf et conforme à la vérité?
«Hier, en arrivant à Katié, j’aurais voulu vous tenir là, près de ce puits où toutes ces filles arabes viennent le soir chercher de l’eau. C’étaient les filles de Jétro. Rébecca et ses compa
gnes, que sais-je? Je n’étais plus l’homme de la rue Saint- Lazare en les voyant remplir leurs cruches, puis les auges, afin que le voyageur et sa monture pussent se rafraîchir. Là, plus que dans d’autres circonstances, nous avons pu observer.
Pour la première fois, depuis notre départ du Caire, nous pouvions faire notre toilette sans économie de liquide; nous étions presque vêtus comme notre premier père : force était de radier nos corps blancs derrière un petit mur qui ne lais
sait apercevoir que nos têtes brûlées et nos crânes rasés. L humilité de notre position ôtait toute inquiétude à ces bel
les filles, si grandes, si bien découplées. Elles se livraient à une conversation assez animée pour que je pusse supposer qu’elles s’entretenaient des commérages de leur tribu. N’importe, elles n’en faisaient pas moins le tableau le plus admi
rable des mœurs décrites dans l’Ecriture. Il était vrai celuilà! Sans système, sans goût d’école... Le ciel était bleu, le sable jaune, le sang circulait sous la peau bronzée de ces bras qui soulevaient ces lourdes cruches pour les placer sur l’é
paule. Combien ce spectacle si frappant et si nouveau ne m’a- t-il pas fait réfléchir ! Rentré dans la tente, je ne pouvais dormir, tant j’étais préoccupé. Mon imagination réunissait tous les chefs-d’œuvre dont elle a conservé la mémoire. J’ad
mirais avec quel art les grands maîtres sont arrivés, chacun dans sa spécialité, si près du sublime, et je me disais : Mais pourquoi donc ne cesse-t-on de nous dire, quand nous som
mes élèves, que l’élévation du style est incompatible avec la représentation scrupuleuse des objets matériels ? Rien n’était plus noble cependant que la scène qui venait de se dérouler devant mes.yeux. L’action que je lui prêtais, en me repor
tant à plus de deux mille ans en arrière, ne changeait rien à la forme. »
Jérusalem, le 11 septembre 1839.
« Ah ! nous sommes à Jérusalem, mon cher ami, nous y sommes, et déjà j’ai entre les mains des souvenirs pour ma femme et ma fille, rapportés de Bethléem. Ce sont des pier
res du rocher sous lequel le berceau était placé, et de celui sur lequel la Vierge était assise lorsque les Mages sont venus pour adorer le divin enfant.
« Parlons maintenant de notre voyage, qui, comme à l’ordinaire, a été des plus heureux et fort pittoresque. Vu les cir
constances de la guerre, nous n’avons pu trouver pour nous mener à un certain village, qui est situé à deux jours de marche au delà de Gaza, qu’un vieux scheik du mont Sinaï, qui ne voulait pas aller plus avant que ce village, nommé
Dari, parce que, disait-il, plus loin il rencontrerait une tribu ennemie. D’un autre côté, M. Linan nous assurait que c’était la route la plus courte, et que de ce point il nous serait facile de trouver les moyens de transport pour Jérusalem, qui n’en est qu’à un jour et demi de marche. nous voilà donc en route, par le désert, le consul de France et quelques Français nous
faisant la conduite pendant deux lieues. Le moment des adieux avait quelque chose de grave et de solennel. nous étions au milieu des tombeaux des califes, en l ace du désert, et n’ayant dans cette mer de sable d’autre boussole que l’in
telligence de notre vieux scheik, qui, depuis l’expédition des Français à Saint-Jean-d’Acre, n’avait pas vu le pays que nous allions parcourir.
«notre caravane se composait : 1° d’un cuisinier; 2° d’un dropman n’ayant qu’une oreille, espèce de Figaro, faisant de la chirurgie, parlant tou les les langues, renégat certainement, et, comme tous ces gens-là, ami de tout le monde,
vidant tous les restes de bouteilles, brisant par hasard celles qu’il avait bues; mais, du reste, intrépide, bon garçon et fai
sant bien son métiar de conducteur. Le reste de la troupe était formée de nous, de M. Linan, du consul des Etats-Unis avec son ami. Le second jour, ces messieurs ont pris la route de Suez, et nous avons continué la nôtre par Salahieh pour suivre les traces de l’armée française. Il faut des souvenirs pour trouver quelque intérêt à ionger le Delta, qui n’offre rien autre chose, de temps en temps, que des bouquets de palmiers sous lesquels habitent quelques fellahs dans des imites, où, par philanthropie, nous ne mettrions pas nos
porcs. Ces misérables n’ont qu’une qualité ; celle de voler fort adroitement les voyageurs. Aussi avons-nous eu grand soin de coucher le plus loin possible de tout endroit habité.
«Pour arriver à El-Arich, nous n’avons , pendant douze jours, rencontré qu’un groupe d’Arabes à cheval, qui, sans doute, nous ont trouvés trop bien disposés, et qui se sont contentés de nous suivre pendant deux lieues à peu près. En arrivant à El-Arich, le pays prend un aspect bien carac
térisé. Ce n’est plus que du sable amoncelé par buttes, sur l’une desquelles se trouve une petite forteresse environnée de quelques mauvaises maisons au milieu desquelles s’élèvent une centaine de palmiers.
«notre première visite a été pour le gouverneur, gros Turc louche, que nous avons trouvé assis ur ses talons dans une pièce qui ressemble beaucoup à celles où nos paysans font leurs lessives. Auprès du gouverneur se trouvait un soi-disant secrétaire, louche aussi, très-aimable pour nous, ainsi que son maître.
« D’El-Arich à Gaza, fameuse ville dont Samson a enlevé les portes ( non-seulement on a oublié de les remettre, mais les maisonsmême aujourd’huinesontpas fermées), le pays change de figure : le sable se couvre de petits buissons, on commence à rencontrer des pierres, puis des troupeaux, et enfin on entend un peu de bruit. Le silence du désert cause une impres
sion indéfinissable; on cherche pendant longtemps ce qui manque à la vie, et tout à coup le plus léger bruit vous révèle soudain le grand mystère de l isolement.
«De Gaza à Dari,rien dé remarquable qu’un changement de nature; car du moment où on enlre en Syrie, c’est un tout autre aspect. Le pays devient montagneux, sans cependant être pliis fertile. Dari est un village arabe par lequel ne pas
sent que certaines caravanes, mais où ne se hasardent jamais les voyageurs isolés. M. Linan nous l’avait recommandé comme très-curieux. Rien, en effet, n’est comparable à ce re
paire de brigands : il y aurait trop à dire pour raconter tout ce que nous y avons vu et entendu, il vous suffira pour au
jourd’hui de savoir que nous avons été:retenUs pendant un jour et demi parmi les gens les plus pittoresques du monde entier. Seulement, pour y reposer en securité, uhe légère précaution était nécessaire : pendant qu une moitié dé notre troupe dormait, l’autre faisait sentinelle, le pistolet au poing et le sabre à la main.
« Après avoir payé d’avance le prix de six chameaux qu’avec peine nous avions pu obtenir pour nous conduire à Jérusalem, nous nous sommes mis en route à trois heures du ma
tin, cheminant par des montagnes pierreuses, tantôt descen
dant perpendiculairement, tantôt montant comme à une échelle. nos conducteurs laissaient percer une inquiétude qui nous paraissait singulière, mais qui nous fut expliquée plus tard. Après quinze heures de marche, nous nous sommes trouvés dans une petite prairie au bout de laquelle sont situés
ce qu’on appelle les vasques de Salomon. Ces vasques ne sont autre chose que trois immenses bassins, taillés dans le roc, qui fournissent de l’eau à neuf lieues de là à toutes les fon
taines de Jérusalem. Une jolie forteresse arabe d’un style original s élève au pied de la montagne. Rien n’est plus inat
tendu que cette délicieuse décoration; mais ce qui complétait le tableau d’une manière admirable, c’était un camp de cava
lerie commandé par le gouverneur de Jérusalem, en marche sur Dari pour châtier ses habitants coupables de quelques peccadilles, comme d’avoir assassiné plusieurs officiers, d’a
voir volé quatre-vingts bœufs et quarante chameaux, etc.
nos conducteurs voulaient s’éloigner au plus vite, mais le gouverneur nous fit inviter très-poliment à ne pas aller plus loin, en nous priant de vouloir bien passer la nuit auprès de lui. Jugez de ma joie de me trouver au milieu d’un sembla
ble bivouac : des lances emplumées plantées au milieu des chevaux; des Arabes, des Turcs couchés à droite et à gau
che; les drapeaux en faisceaux devant la grande tente noire du commandant; en un mot, une véritable mise en scène de mélodrame. Quoique fort poliment arrêtés, nous ne savions qû’en penser. Cependant nous avons marché très-franche
ment vers le quartier général pour y faire agréer nos remercîments d’une invitation si gracieusement envoyée. Le gou
verneur nous reçut à merveille, et nous dit que, n’étant pas à Jérusalem pour nous y recevoir, il ne voulait pas manquer l’occasion de faire notre connaissance. Par ses ordres, on apporta un mouton pour nos gens, et il exigea de nous que nous restassions à souper avec lui. Ce souper fut la chose du monde la plus bizarre. Ce ne fut point un repas, mais une vé
ritable curée : après la pipe et le café, et encore le café et la
pipe, chacun a été dormir. Au petit jour, un grand coquin d’Albanais nous a apporté des tartelettes au beurre, qu’on appelle foutir, et il a fallu recommercer le café et la pipe.
Est venue ensuite l’inspection de nos armes : nos fusils, nos pistolets, nos sabres, tout a été regardé, admiré. Il a fallu prouver qu’elles étaient bonnes, et j’ai eu le bonheur de briser une pierre à cinquante pas d’un coup de balle ; cette petite circonstance n’a nullement nui à la considération qu’a
vait déjà inspirée notre tenue guerrière, et pour terminer les choses convenablement, j’ai généreusement offert au gouver
neur ma petite longue-vue, quia été acceptée avec reconnais
sance. nous avons repris nos montures, et deux heures après nous entrions à Bethléem. Yoilà, mon cher ami, de ces évé
nements de voyage qui leur donnent tant de charme. A peine une émotion passée, une autre toute différente commence.
« En arrivant sur le haut d une montagne, on voit tout d’un
coup Bethléem. Je portai mes yeux du bord à l autre d’un ravin profond, et le cours de mes idées changea avec autant de rapidité que si j’avais fermé un volume pour en ouvrir un autre. Je n’ai plus vu que des bergers, des mages, de pauvres petits enfants égorgés, et un berceau duquel devait sortir une législation destinée à changer la face du monde. Ce n’est pas impunément qu’on se trouve sur le théâtre de si grands évé
nements : ce qui élève l’âme ne perd rien à être vu de près, et ce petit village en ruine parle bien plus au cœur que les grandes pyramides qui n’étonnent que les yeux.
« Après avoir tout visité dans le couvent, nous sommes repartis pour Jérusalem, où nous sommes arrivés au soleil cou
chant, mais malheureusement du côté où la ville se présente de la manière la moins avantageuse. A peine entrés, nous nous sommes perdus dans de vilaines petites rues. Arrivés au couvent, le supérieur, pour lequel j’avais une lettre du révérendissime,. nous a fait donner à souper, et de suite nous nous sommes mis dans de bons lits, plaisir que nous n’avions pas goûté depuis dix-huit jours. »
L’Académie vient d’entendre tout ce que l’amour de l’arta pu me procurer d’émotion ; j’espère qu’elle verra à travers
mon peu d’habitude d’écrire toutes les impressions que m’ont suggérées la Bible, cette histoire divine du genre humain, et les Evangiles, œuvre admirable qui résume toutes les poésies et qui résout tout ce que le cœur a de bon et de mauvais.
Un seul peintre, le Poussin, en a fixé la morale sur la toile avec une supériorité que nul ne saurait contester; il en est le commentateur le plus éclairé et le plus philosophe; il parle à l’âme plus qu’aux yeux. Mais, sous le rapport de la forme, la vérité lui a manqué.
S’il avait su que, sur l’autre rive de la Méditerranée, tout ce que son imagination essayait de deviner dans les obscuri
tés de l’Écriture se trouvait matériellement en usage, nul doute qu’il nè se fût empressé de joindre à ses immortelles compositions tout ce que la connaissance des coutumes des anciens aurait ajouté d’intérêt à ses œuvres. Combien n’eût-il point été satisfait à l’aspect d’une tente devant laquelle il se
rait venu demander l’hospitalité, d’en voir le maître compter les nouveaux hôtes, et distribuer à ses femmes autant de jointées de farine pour en faire des galettes, égorger un mou
ton, ne le servir qu’à genoux, pieds nus, et dans l’attitude la plus respectueuse, quitter son propre abri et veiller au dehors à la sûreté de tous.
Croit-on que le Poussin eût rejeté ce nouvel auxiliaire?... Pourquoi de nos jours n’en profiterions-nous pas, comme nous l’avons fait dès vases étrusques, de la colonne Trajane,
des médailles, et ne consulterions-nous pas les auteurs qui ont traité spécialement l’histoire des Hébreux, comme nous le faisons chaque jour, en compulsant Montfaucon, Winckelmann, etc.? Mais la routine est là, cet être commode, au re
gard perdu, qui se repose dans les lits tout faits, qui absout la paresse, qui rend la médiocrité importante, qui gonfle les petites choses en étouffant les grandes; la routine qui n’ac
cepte rien de nouveau pour rester sous son édredon, et qui ne voulait pas même que la terre tournât autour du soleil. Je ne veux pas dire poür cela que les traditions, les types doi
vent être mis à l’écart. Ces choses, au contraire, doivent être observées avec un scrupuleux respect, mais seulement jus
qu’au moment où la vérité se montre, et je prétends qu il est absurde (je le prends sous ma responsabilité ) de porter l’o
béissance jusqu’à professer que, si les maîtres ont commis des erreurs, il faille que leurs successeurs renoncent à les corriger dans leurs œuvres. Où en serait donc la science avec de semblables principes? Pourquoi, dans lès arts, ne progresserait-on pas aussi et d’autant plus sûrement que, dans la matière que je traite, il n’y a pas d’innovation dans l’ordre nalurel des choses? Il n’y a qu’à suivre l’Écriture, cette mine inépuisable d’admirables descriptions qui peignent si bien les mouvements passionnés de l’âme. S’il reste à dé
sirer, ce n’est donc que sous le rapport matériel : Champollion, Yolney, etc., ônt déchiré le voile et nous ont mis à même de connaître l’histoire de la splendeur de Babylone, de Ninive et de Memphis, aussi bien que l’histoire des coutumes de leurs habitants.
Je demande pardon à l’Académie de la petite digression à laquelle je me suis laissé entraîner. Il est souvent difficile de
se maintenir dans le sentier étroit qu’on s’est proposé de suivre, lorsque le sujet présente une immense carrière à parcourir. Je reviens donc à la description de mon tableau.
Quant au pays, il ne peut être qu’exact, les montagnes n’ayant sans doute pas changé. J’essayerai de prouver qu’il en est de même des personnages que j’ai représentés.
La race juive s’est évidemment détériorée partout, les prophéties de Jérémie se sont réalisées. Cependant il existe sur les bords de la mer noire une secte qui, sans doute en échap
pant au joug de Titus, s’est soustraite par l’éloignement aux exigences du Talmud, qui donna aux juifs d’Alexandrie une direction entièrement opposée aux mœurs pri
mitives des enfants d’Israël; ces Karaïtes ou Karaïm ont conservé leurs mœurs pastorales. Le type en est beau et se rapproche, par l’austérité remarquable de ses coutumes, des patriarches de la Genèse ; c’est donc ce type que j’ai voulu représenter. Le vêtement du Samaritain, nommé parles Hébreux Harba Canephot, qui signifie Quatre ailes, porte maintenant le nom d’Habba. On lit dans dom Calmet : « L’Écri
ture, parlant du manteau, dit qu’on s’en enveloppe tout le corps, qu’on s’en revêt, qu’on s’en couvre, qu’on se cache dans son manteau, qu’on le quitte, qu’on le prend sans façon et sur-le-champ, toute expression qui marque qu’il n’était nullement attaché. Enfin, le taled des juifs, qu’ils portent
dans leurs synagogues lorsqu’ils prient, et qui paraît être constamment leur ancien manleau, ressemble beaucoup à celui des Orientaux d’aujourd hui. » 11 ajoute dans la des
cription des ornements des vêlements qu’il y en avait « d’un tissu de différentes couleurs ; il parle enfin d’un habit rayé d’une surface inégale et ayant à l’alternative des éminences et des profondeurs ménagées avec art pour servir d ornement. »
La crosse des pasteurs a pour principe sans doute ce bâton
« Depuis la Renaissance jusqu’au dix-huitième siècle, et, pour ainsi dire, jusqu’à ce que David vînt exhumer de l’an
tiquité Iq manière de représenter ses héros, les plus grandes célébrités parmi les artistes, peu soucieuses de la vérité ,dont les antiquaires seuls s’occupaient, se bornaient à puiser des sujets dans l’histoire, sans se préoccuper des habitudes, des mœurs, des coutumes, et surtout des costumes de leurs hé
ros. Raphaël, lui-même, coiffait Alcibiade d’un casque de fantaisie ; Le Poussin armait Romulus d une cuirasse du Bas- Empire, Lebrun plaçait une perruque ;à la Louis XIV sur la tête d’Alexandre, etc. Maintenant, mon cher Montforl, serait-il permis au dernier des rapins de représenter Achille, César, etc. autrement que nous ne l’avons appris par la con
naissance de l’antiquité? non. Eh bien! voilà la mission que nous devons remplir : c’est d’éclairer ceux qui à l’avenir auront à traiter des sujets de l’Ancien et du nouveau Testa
ment. Il faut le dire, le publier, et prouver que les Arabes sont les transmissionnaires des coutumes des Hébreux. Le Poussin, plus qu’un autre, l’avait compris, en donnant aux juifs qu’il peignait un caractère orientai. Que n’eût-il pas fait si, comme nous, il avait vécu au milieu des Abraham,
des Jacob ? car Ibrahim, Yacoub, Yousouf, ne sont autre chose que des patriarches exerçant la même hospitalité dans les mêmes formes, sous la même tente. (Elle est décrite dans le Lévitique pour l’Arche d’alliance.) Chaque jour, mon cher ami, j’entends dire dans nos écoles que Raphaël, Michel- Auge et leurs devanciers ont tout fait, et qu il ne reste plus qu’à imiter. Ici je fais ma profession de foi : j’exècre l’aile— manderie qui retourne aux Cimabuë... peu s’en faut qu’elle ne renonce à la moitié des couleurs de la palette pour redevenir un peu plus sauvage. Ingres, le digne zélateur de l’é
cole de Raphaël, a-t-il fait Homère jouant du violon, comme on en voit un entre les mains d’Apollon, dans la fresque du Parnasse? non, il a su s’inspirer de tout ce qui se trouve de grandiose dans ce chef-d’œuvre du grand maître sans le suivre, dans ses erreurs. Pourquoi hésiterions-nous à provo
quer de nouvelles études sur un point qui doit amener pour les arts, non une révolution, mais une véritable amélioration, en leur donnant les moyens de reproduire tant de beaux sujets sous un aspect neuf et conforme à la vérité?
«Hier, en arrivant à Katié, j’aurais voulu vous tenir là, près de ce puits où toutes ces filles arabes viennent le soir chercher de l’eau. C’étaient les filles de Jétro. Rébecca et ses compa
gnes, que sais-je? Je n’étais plus l’homme de la rue Saint- Lazare en les voyant remplir leurs cruches, puis les auges, afin que le voyageur et sa monture pussent se rafraîchir. Là, plus que dans d’autres circonstances, nous avons pu observer.
Pour la première fois, depuis notre départ du Caire, nous pouvions faire notre toilette sans économie de liquide; nous étions presque vêtus comme notre premier père : force était de radier nos corps blancs derrière un petit mur qui ne lais
sait apercevoir que nos têtes brûlées et nos crânes rasés. L humilité de notre position ôtait toute inquiétude à ces bel
les filles, si grandes, si bien découplées. Elles se livraient à une conversation assez animée pour que je pusse supposer qu’elles s’entretenaient des commérages de leur tribu. N’importe, elles n’en faisaient pas moins le tableau le plus admi
rable des mœurs décrites dans l’Ecriture. Il était vrai celuilà! Sans système, sans goût d’école... Le ciel était bleu, le sable jaune, le sang circulait sous la peau bronzée de ces bras qui soulevaient ces lourdes cruches pour les placer sur l’é
paule. Combien ce spectacle si frappant et si nouveau ne m’a- t-il pas fait réfléchir ! Rentré dans la tente, je ne pouvais dormir, tant j’étais préoccupé. Mon imagination réunissait tous les chefs-d’œuvre dont elle a conservé la mémoire. J’ad
mirais avec quel art les grands maîtres sont arrivés, chacun dans sa spécialité, si près du sublime, et je me disais : Mais pourquoi donc ne cesse-t-on de nous dire, quand nous som
mes élèves, que l’élévation du style est incompatible avec la représentation scrupuleuse des objets matériels ? Rien n’était plus noble cependant que la scène qui venait de se dérouler devant mes.yeux. L’action que je lui prêtais, en me repor
tant à plus de deux mille ans en arrière, ne changeait rien à la forme. »
Jérusalem, le 11 septembre 1839.
« Ah ! nous sommes à Jérusalem, mon cher ami, nous y sommes, et déjà j’ai entre les mains des souvenirs pour ma femme et ma fille, rapportés de Bethléem. Ce sont des pier
res du rocher sous lequel le berceau était placé, et de celui sur lequel la Vierge était assise lorsque les Mages sont venus pour adorer le divin enfant.
« Parlons maintenant de notre voyage, qui, comme à l’ordinaire, a été des plus heureux et fort pittoresque. Vu les cir
constances de la guerre, nous n’avons pu trouver pour nous mener à un certain village, qui est situé à deux jours de marche au delà de Gaza, qu’un vieux scheik du mont Sinaï, qui ne voulait pas aller plus avant que ce village, nommé
Dari, parce que, disait-il, plus loin il rencontrerait une tribu ennemie. D’un autre côté, M. Linan nous assurait que c’était la route la plus courte, et que de ce point il nous serait facile de trouver les moyens de transport pour Jérusalem, qui n’en est qu’à un jour et demi de marche. nous voilà donc en route, par le désert, le consul de France et quelques Français nous
faisant la conduite pendant deux lieues. Le moment des adieux avait quelque chose de grave et de solennel. nous étions au milieu des tombeaux des califes, en l ace du désert, et n’ayant dans cette mer de sable d’autre boussole que l’in
telligence de notre vieux scheik, qui, depuis l’expédition des Français à Saint-Jean-d’Acre, n’avait pas vu le pays que nous allions parcourir.
«notre caravane se composait : 1° d’un cuisinier; 2° d’un dropman n’ayant qu’une oreille, espèce de Figaro, faisant de la chirurgie, parlant tou les les langues, renégat certainement, et, comme tous ces gens-là, ami de tout le monde,
vidant tous les restes de bouteilles, brisant par hasard celles qu’il avait bues; mais, du reste, intrépide, bon garçon et fai
sant bien son métiar de conducteur. Le reste de la troupe était formée de nous, de M. Linan, du consul des Etats-Unis avec son ami. Le second jour, ces messieurs ont pris la route de Suez, et nous avons continué la nôtre par Salahieh pour suivre les traces de l’armée française. Il faut des souvenirs pour trouver quelque intérêt à ionger le Delta, qui n’offre rien autre chose, de temps en temps, que des bouquets de palmiers sous lesquels habitent quelques fellahs dans des imites, où, par philanthropie, nous ne mettrions pas nos
porcs. Ces misérables n’ont qu’une qualité ; celle de voler fort adroitement les voyageurs. Aussi avons-nous eu grand soin de coucher le plus loin possible de tout endroit habité.
«Pour arriver à El-Arich, nous n’avons , pendant douze jours, rencontré qu’un groupe d’Arabes à cheval, qui, sans doute, nous ont trouvés trop bien disposés, et qui se sont contentés de nous suivre pendant deux lieues à peu près. En arrivant à El-Arich, le pays prend un aspect bien carac
térisé. Ce n’est plus que du sable amoncelé par buttes, sur l’une desquelles se trouve une petite forteresse environnée de quelques mauvaises maisons au milieu desquelles s’élèvent une centaine de palmiers.
«notre première visite a été pour le gouverneur, gros Turc louche, que nous avons trouvé assis ur ses talons dans une pièce qui ressemble beaucoup à celles où nos paysans font leurs lessives. Auprès du gouverneur se trouvait un soi-disant secrétaire, louche aussi, très-aimable pour nous, ainsi que son maître.
« D’El-Arich à Gaza, fameuse ville dont Samson a enlevé les portes ( non-seulement on a oublié de les remettre, mais les maisonsmême aujourd’huinesontpas fermées), le pays change de figure : le sable se couvre de petits buissons, on commence à rencontrer des pierres, puis des troupeaux, et enfin on entend un peu de bruit. Le silence du désert cause une impres
sion indéfinissable; on cherche pendant longtemps ce qui manque à la vie, et tout à coup le plus léger bruit vous révèle soudain le grand mystère de l isolement.
«De Gaza à Dari,rien dé remarquable qu’un changement de nature; car du moment où on enlre en Syrie, c’est un tout autre aspect. Le pays devient montagneux, sans cependant être pliis fertile. Dari est un village arabe par lequel ne pas
sent que certaines caravanes, mais où ne se hasardent jamais les voyageurs isolés. M. Linan nous l’avait recommandé comme très-curieux. Rien, en effet, n’est comparable à ce re
paire de brigands : il y aurait trop à dire pour raconter tout ce que nous y avons vu et entendu, il vous suffira pour au
jourd’hui de savoir que nous avons été:retenUs pendant un jour et demi parmi les gens les plus pittoresques du monde entier. Seulement, pour y reposer en securité, uhe légère précaution était nécessaire : pendant qu une moitié dé notre troupe dormait, l’autre faisait sentinelle, le pistolet au poing et le sabre à la main.
« Après avoir payé d’avance le prix de six chameaux qu’avec peine nous avions pu obtenir pour nous conduire à Jérusalem, nous nous sommes mis en route à trois heures du ma
tin, cheminant par des montagnes pierreuses, tantôt descen
dant perpendiculairement, tantôt montant comme à une échelle. nos conducteurs laissaient percer une inquiétude qui nous paraissait singulière, mais qui nous fut expliquée plus tard. Après quinze heures de marche, nous nous sommes trouvés dans une petite prairie au bout de laquelle sont situés
ce qu’on appelle les vasques de Salomon. Ces vasques ne sont autre chose que trois immenses bassins, taillés dans le roc, qui fournissent de l’eau à neuf lieues de là à toutes les fon
taines de Jérusalem. Une jolie forteresse arabe d’un style original s élève au pied de la montagne. Rien n’est plus inat
tendu que cette délicieuse décoration; mais ce qui complétait le tableau d’une manière admirable, c’était un camp de cava
lerie commandé par le gouverneur de Jérusalem, en marche sur Dari pour châtier ses habitants coupables de quelques peccadilles, comme d’avoir assassiné plusieurs officiers, d’a
voir volé quatre-vingts bœufs et quarante chameaux, etc.
nos conducteurs voulaient s’éloigner au plus vite, mais le gouverneur nous fit inviter très-poliment à ne pas aller plus loin, en nous priant de vouloir bien passer la nuit auprès de lui. Jugez de ma joie de me trouver au milieu d’un sembla
ble bivouac : des lances emplumées plantées au milieu des chevaux; des Arabes, des Turcs couchés à droite et à gau
che; les drapeaux en faisceaux devant la grande tente noire du commandant; en un mot, une véritable mise en scène de mélodrame. Quoique fort poliment arrêtés, nous ne savions qû’en penser. Cependant nous avons marché très-franche
ment vers le quartier général pour y faire agréer nos remercîments d’une invitation si gracieusement envoyée. Le gou
verneur nous reçut à merveille, et nous dit que, n’étant pas à Jérusalem pour nous y recevoir, il ne voulait pas manquer l’occasion de faire notre connaissance. Par ses ordres, on apporta un mouton pour nos gens, et il exigea de nous que nous restassions à souper avec lui. Ce souper fut la chose du monde la plus bizarre. Ce ne fut point un repas, mais une vé
ritable curée : après la pipe et le café, et encore le café et la
pipe, chacun a été dormir. Au petit jour, un grand coquin d’Albanais nous a apporté des tartelettes au beurre, qu’on appelle foutir, et il a fallu recommercer le café et la pipe.
Est venue ensuite l’inspection de nos armes : nos fusils, nos pistolets, nos sabres, tout a été regardé, admiré. Il a fallu prouver qu’elles étaient bonnes, et j’ai eu le bonheur de briser une pierre à cinquante pas d’un coup de balle ; cette petite circonstance n’a nullement nui à la considération qu’a
vait déjà inspirée notre tenue guerrière, et pour terminer les choses convenablement, j’ai généreusement offert au gouver
neur ma petite longue-vue, quia été acceptée avec reconnais
sance. nous avons repris nos montures, et deux heures après nous entrions à Bethléem. Yoilà, mon cher ami, de ces évé
nements de voyage qui leur donnent tant de charme. A peine une émotion passée, une autre toute différente commence.
« En arrivant sur le haut d une montagne, on voit tout d’un
coup Bethléem. Je portai mes yeux du bord à l autre d’un ravin profond, et le cours de mes idées changea avec autant de rapidité que si j’avais fermé un volume pour en ouvrir un autre. Je n’ai plus vu que des bergers, des mages, de pauvres petits enfants égorgés, et un berceau duquel devait sortir une législation destinée à changer la face du monde. Ce n’est pas impunément qu’on se trouve sur le théâtre de si grands évé
nements : ce qui élève l’âme ne perd rien à être vu de près, et ce petit village en ruine parle bien plus au cœur que les grandes pyramides qui n’étonnent que les yeux.
« Après avoir tout visité dans le couvent, nous sommes repartis pour Jérusalem, où nous sommes arrivés au soleil cou
chant, mais malheureusement du côté où la ville se présente de la manière la moins avantageuse. A peine entrés, nous nous sommes perdus dans de vilaines petites rues. Arrivés au couvent, le supérieur, pour lequel j’avais une lettre du révérendissime,. nous a fait donner à souper, et de suite nous nous sommes mis dans de bons lits, plaisir que nous n’avions pas goûté depuis dix-huit jours. »
L’Académie vient d’entendre tout ce que l’amour de l’arta pu me procurer d’émotion ; j’espère qu’elle verra à travers
mon peu d’habitude d’écrire toutes les impressions que m’ont suggérées la Bible, cette histoire divine du genre humain, et les Evangiles, œuvre admirable qui résume toutes les poésies et qui résout tout ce que le cœur a de bon et de mauvais.
Un seul peintre, le Poussin, en a fixé la morale sur la toile avec une supériorité que nul ne saurait contester; il en est le commentateur le plus éclairé et le plus philosophe; il parle à l’âme plus qu’aux yeux. Mais, sous le rapport de la forme, la vérité lui a manqué.
S’il avait su que, sur l’autre rive de la Méditerranée, tout ce que son imagination essayait de deviner dans les obscuri
tés de l’Écriture se trouvait matériellement en usage, nul doute qu’il nè se fût empressé de joindre à ses immortelles compositions tout ce que la connaissance des coutumes des anciens aurait ajouté d’intérêt à ses œuvres. Combien n’eût-il point été satisfait à l’aspect d’une tente devant laquelle il se
rait venu demander l’hospitalité, d’en voir le maître compter les nouveaux hôtes, et distribuer à ses femmes autant de jointées de farine pour en faire des galettes, égorger un mou
ton, ne le servir qu’à genoux, pieds nus, et dans l’attitude la plus respectueuse, quitter son propre abri et veiller au dehors à la sûreté de tous.
Croit-on que le Poussin eût rejeté ce nouvel auxiliaire?... Pourquoi de nos jours n’en profiterions-nous pas, comme nous l’avons fait dès vases étrusques, de la colonne Trajane,
des médailles, et ne consulterions-nous pas les auteurs qui ont traité spécialement l’histoire des Hébreux, comme nous le faisons chaque jour, en compulsant Montfaucon, Winckelmann, etc.? Mais la routine est là, cet être commode, au re
gard perdu, qui se repose dans les lits tout faits, qui absout la paresse, qui rend la médiocrité importante, qui gonfle les petites choses en étouffant les grandes; la routine qui n’ac
cepte rien de nouveau pour rester sous son édredon, et qui ne voulait pas même que la terre tournât autour du soleil. Je ne veux pas dire poür cela que les traditions, les types doi
vent être mis à l’écart. Ces choses, au contraire, doivent être observées avec un scrupuleux respect, mais seulement jus
qu’au moment où la vérité se montre, et je prétends qu il est absurde (je le prends sous ma responsabilité ) de porter l’o
béissance jusqu’à professer que, si les maîtres ont commis des erreurs, il faille que leurs successeurs renoncent à les corriger dans leurs œuvres. Où en serait donc la science avec de semblables principes? Pourquoi, dans lès arts, ne progresserait-on pas aussi et d’autant plus sûrement que, dans la matière que je traite, il n’y a pas d’innovation dans l’ordre nalurel des choses? Il n’y a qu’à suivre l’Écriture, cette mine inépuisable d’admirables descriptions qui peignent si bien les mouvements passionnés de l’âme. S’il reste à dé
sirer, ce n’est donc que sous le rapport matériel : Champollion, Yolney, etc., ônt déchiré le voile et nous ont mis à même de connaître l’histoire de la splendeur de Babylone, de Ninive et de Memphis, aussi bien que l’histoire des coutumes de leurs habitants.
Je demande pardon à l’Académie de la petite digression à laquelle je me suis laissé entraîner. Il est souvent difficile de
se maintenir dans le sentier étroit qu’on s’est proposé de suivre, lorsque le sujet présente une immense carrière à parcourir. Je reviens donc à la description de mon tableau.
Quant au pays, il ne peut être qu’exact, les montagnes n’ayant sans doute pas changé. J’essayerai de prouver qu’il en est de même des personnages que j’ai représentés.
La race juive s’est évidemment détériorée partout, les prophéties de Jérémie se sont réalisées. Cependant il existe sur les bords de la mer noire une secte qui, sans doute en échap
pant au joug de Titus, s’est soustraite par l’éloignement aux exigences du Talmud, qui donna aux juifs d’Alexandrie une direction entièrement opposée aux mœurs pri
mitives des enfants d’Israël; ces Karaïtes ou Karaïm ont conservé leurs mœurs pastorales. Le type en est beau et se rapproche, par l’austérité remarquable de ses coutumes, des patriarches de la Genèse ; c’est donc ce type que j’ai voulu représenter. Le vêtement du Samaritain, nommé parles Hébreux Harba Canephot, qui signifie Quatre ailes, porte maintenant le nom d’Habba. On lit dans dom Calmet : « L’Écri
ture, parlant du manteau, dit qu’on s’en enveloppe tout le corps, qu’on s’en revêt, qu’on s’en couvre, qu’on se cache dans son manteau, qu’on le quitte, qu’on le prend sans façon et sur-le-champ, toute expression qui marque qu’il n’était nullement attaché. Enfin, le taled des juifs, qu’ils portent
dans leurs synagogues lorsqu’ils prient, et qui paraît être constamment leur ancien manleau, ressemble beaucoup à celui des Orientaux d’aujourd hui. » 11 ajoute dans la des
cription des ornements des vêlements qu’il y en avait « d’un tissu de différentes couleurs ; il parle enfin d’un habit rayé d’une surface inégale et ayant à l’alternative des éminences et des profondeurs ménagées avec art pour servir d ornement. »
La crosse des pasteurs a pour principe sans doute ce bâton