Souvenirs de Tahiti. — 1844-1845. — Dessins de M. Charles Giraud.
Deuxième article. — Voir tome X, page 328.
Le 17 avril 1844, au commencement de la nuit, après une journée de fatigues et de dangers, les marins et les soldats de l expédition océanienne qui venaient de prendre part au combat livré aux in
surgés tahitiens, à l’entrée de la valléede Mahaéna, dormaient sur le champ de ba
taille, non loin des retranchements où les cadavres entassés de leurs intrépides adversaires, attes
taient que la place n’avait été cédée qu’a- près une vigoureuse résistance.
Le calme le plus parfait avait succédé aux violentes commotions de la jour
née, et sur toute cette partie de la côte orientale de Tahiti,
qui s’étend depuis les crêtes du Taïamanou jusqu’au pied du mont Anaput, rien ne tro ublait l’im
posant silence de la nuit. — Parfois,
seulement, le bruit monotone de la mer se brisant sur les rescifs i’ Atiararo,on le cri plaintif du petit outouroa, rega
gnant à tire d aile les falaises escar
pées du Porionou, tenaient en éveil l’at
tention vigilante des sentinelles avancées.
A peu de distance au large, la frégate V Uranie balançait sa mâture majestueuse, et, à ses côtés, comme deux monstres marins endormis près de leur mère, se berçaient le vapeur
le Phaéton et la goélette la Clémentine. Les lanaux qui se croisaient fréquemment sur le pont du Phaéton et dans la batterie de la frégate prouvaient que, malgré les travaux
lions pour le départ du lendemain qui devait avoirlieu après le rembarquement des troupes.
Pendant que nos soldats, sous l’impression indicible de bien-être que cause
un succès incontesté,
se livraient avec bonheur au repos,
sous le ciel si pur de cet heureux pays, où le sol, hospitalier comme ses habitants,
offre toujours au voyageur fatigué un
lit de gazon, une source et un fruit sa
voureux ; à quelque
distance de là, vers l’intérieur de cette
vaste vallée de Mahaéna qui déploie son immense robe verte, entre deux crêtes de montagnes parées
jusqu’à leurssommets d’une luxuriante vé
gétation; sur le bord a’une petite rivière 3
ui coule au milieu énormes blocs de
pierres, précipités des montagnes voisines par quelque ou
ragan, d’autfes hom
mes, d’autressoldats, braves aussi, mais moins heureux en ce jour, se tenaient tristement assis sur un
petit mur en pierre sèche, qui semblait avoir été construit pour barrer la val
lée , et servir de rempart aux habitants de ce lieu sauvage.
Ces hommes, au nombre de dix environ, étaient des insurgés tahiliens ; ils faisaient partie de ces bandes, longtemps
Souvenirs de Tahiti. — Insurgé tahitien allant aux vivres.
Souvenirs de Tahiti. — Indien auxiliaire tirant un pierrier.
abusées, qui croyaient défendre l’indépendance de leur pays et servir leur reine en combattant ceux-là mêmes que, de
puis, ils n’ont pu voir s’éloigner sans verser des larmes de regrets.
Presque tous étaient vêtus du maro, pièce d’étoffe qui s’enroule autour du corps comme une ceinture, se replie par devant, pour passer entre les cuisses, et vient se rattacher sur les reins. Chacun d’eux était armé d’un fusil de muni
tion, de fabrique anglaise, ou d’un tromblon énorme, largement évasé ; un cartouchier, fixé sur le ventre au moyen d’une courroie ou d’une corde en écorce, complétait ce sim
ple et commode accoutrement. Ils avaient la tête nue. Quel-.
Souvenirs de Tahiti. — Affaire du plateau de Papenoo (10 mai 1846).
de la journée, une grande activité régnait encore à bord de ces deux bâtiments. — On s’empressait en effet d’y prodiguer des soins aux blessés et de prendre toutes les disposi
Deuxième article. — Voir tome X, page 328.
Le 17 avril 1844, au commencement de la nuit, après une journée de fatigues et de dangers, les marins et les soldats de l expédition océanienne qui venaient de prendre part au combat livré aux in
surgés tahitiens, à l’entrée de la valléede Mahaéna, dormaient sur le champ de ba
taille, non loin des retranchements où les cadavres entassés de leurs intrépides adversaires, attes
taient que la place n’avait été cédée qu’a- près une vigoureuse résistance.
Le calme le plus parfait avait succédé aux violentes commotions de la jour
née, et sur toute cette partie de la côte orientale de Tahiti,
qui s’étend depuis les crêtes du Taïamanou jusqu’au pied du mont Anaput, rien ne tro ublait l’im
posant silence de la nuit. — Parfois,
seulement, le bruit monotone de la mer se brisant sur les rescifs i’ Atiararo,on le cri plaintif du petit outouroa, rega
gnant à tire d aile les falaises escar
pées du Porionou, tenaient en éveil l’at
tention vigilante des sentinelles avancées.
A peu de distance au large, la frégate V Uranie balançait sa mâture majestueuse, et, à ses côtés, comme deux monstres marins endormis près de leur mère, se berçaient le vapeur
le Phaéton et la goélette la Clémentine. Les lanaux qui se croisaient fréquemment sur le pont du Phaéton et dans la batterie de la frégate prouvaient que, malgré les travaux
lions pour le départ du lendemain qui devait avoirlieu après le rembarquement des troupes.
Pendant que nos soldats, sous l’impression indicible de bien-être que cause
un succès incontesté,
se livraient avec bonheur au repos,
sous le ciel si pur de cet heureux pays, où le sol, hospitalier comme ses habitants,
offre toujours au voyageur fatigué un
lit de gazon, une source et un fruit sa
voureux ; à quelque
distance de là, vers l’intérieur de cette
vaste vallée de Mahaéna qui déploie son immense robe verte, entre deux crêtes de montagnes parées
jusqu’à leurssommets d’une luxuriante vé
gétation; sur le bord a’une petite rivière 3
ui coule au milieu énormes blocs de
pierres, précipités des montagnes voisines par quelque ou
ragan, d’autfes hom
mes, d’autressoldats, braves aussi, mais moins heureux en ce jour, se tenaient tristement assis sur un
petit mur en pierre sèche, qui semblait avoir été construit pour barrer la val
lée , et servir de rempart aux habitants de ce lieu sauvage.
Ces hommes, au nombre de dix environ, étaient des insurgés tahiliens ; ils faisaient partie de ces bandes, longtemps
Souvenirs de Tahiti. — Insurgé tahitien allant aux vivres.
Souvenirs de Tahiti. — Indien auxiliaire tirant un pierrier.
abusées, qui croyaient défendre l’indépendance de leur pays et servir leur reine en combattant ceux-là mêmes que, de
puis, ils n’ont pu voir s’éloigner sans verser des larmes de regrets.
Presque tous étaient vêtus du maro, pièce d’étoffe qui s’enroule autour du corps comme une ceinture, se replie par devant, pour passer entre les cuisses, et vient se rattacher sur les reins. Chacun d’eux était armé d’un fusil de muni
tion, de fabrique anglaise, ou d’un tromblon énorme, largement évasé ; un cartouchier, fixé sur le ventre au moyen d’une courroie ou d’une corde en écorce, complétait ce sim
ple et commode accoutrement. Ils avaient la tête nue. Quel-.
Souvenirs de Tahiti. — Affaire du plateau de Papenoo (10 mai 1846).
de la journée, une grande activité régnait encore à bord de ces deux bâtiments. — On s’empressait en effet d’y prodiguer des soins aux blessés et de prendre toutes les disposi