Angleterre. —La chambre des communes a, dans sa séance du 11, ordonné, comme ses règlements l autorisent à le faire, l’arrestation, par le sergent d’armes, de deux de ses membres qui refusaient de faire partie d’une commission.
Des efforts avaient été faits pendant la vacance parlementaire pour soulever une agitation contre le bill qui abolit les incapacités des juifs. Des pétitions étaient venues entre les deux lectures, et l’on en avait remarqué deux émanées de l’Université de Cambridge, une en faveur de la mesure, une autre pour la combattre. Dans la nuit du vendredi au samedi de la semaine dernière, après un discours chaleureux de M. Peel, la Chambre a été aux voix sur la deuxième lecture du bill des juifs. La première majorité avait été de soixantesept voix. La Chambre était cette fois plus nombreuse; elle comptait quarante-deux membres de plus. La majorité a été
de soixante-treize (deux cent soixante-dix-sept contre deux cent quatre). On pense que cet échec notable du parti de
l’intolérance religieuse imposera à la chambre des lords, et que l’Angleterre entrera enfin dans la voie de l’égalité,
Espagne. — Le général Esparlero a prolongé son séjour à Madrid plus longtemps que ne l’eût désiré le ministère. Le 2 il devait assister à la représentation du théâtre du Cirque, et
l’autorité, redoutant une ovation, prit des mesures pour s’y opposer. Le général résolut alors de ne pas se rendre au Cir
que, et il envoya auprès du général Narvaez un de ses aides de camp pour lui faire part de sa résolution, voulant, disaitil, ôter tout prétexte à toute démonstration. Le général Nar
vaez fit répondre, à ce qu’il paraît, avec une indifférence jouée, que le général Espartero était libre d’aller ou de ne pas aller au théâtre, circonstance tout à fait indifférente pour le gouvernement, qui, quoi qu’il arrivât, saurait maintenir l’ordre.
L’ex-régent est enfin parti le 7 pour sa ville natale, accompagné de MM. Gurrea etMurrieta. Les journaux progres
sistes disent qu’il va vivre quelque temps éloigné des affaires publiques. Il a quitté Madrid sans avoir consenti à faire visite à Marie-Christine.
Le ministère a présenté le 8 aux cortès un projet de loi sur la liberté de la presse.
Deux-Siciles. —Le roideNaples a publié une amnistie qui ne s’applique qu’aux actes postérieurs à 1850. Ainsi le brave général Pepe et tous les réfugiés de 1821 demeurent exilés.
Espérons que Ferdinand II sera amené par calcul à accorder une amnistie pleine, entière, sans exception.
Le comité général de Païenne s’est constitué en gouvernement provisoire pour toute la Sicile. Le président est l’a
miral Ruggero Settimo. — Le 5 février, après un combat acharné, le colonel Gross, qui commandait le fort de Castellemare, a consenti à remettre ce fort au peuple de Pa
ïenne, et s’est embarqué avec la garnison pour Naples. A partir de ce jour, aucune troupe napolitaine ne se trouve plus dans la capitale de la Sicile.
Etats-Pontificaox. — Les événements de Naples ont causé le plus vif enthousiasme à Bologne, à Rome, dans tous les Etats romains. A Rome,, où ils ont été connus le 31, ilsont causé une joie extraordinaire. Réjouissances, hymnes d’allégresse ont éclaté avec une merveilleuse spontanéité. La mu
nicipalité a pensé que le gouvernement devait s’associer à la joie causée par les événements de Naples, et une proclama
tion qui reporte à Pie IX la gloire d’avoir rendu l’Italie à la liberté, a invité le peuple à fêter par une illumination géné
rale la pacification du royaume de Naples. Cette invitation a été acceptée avec enthousiasme.
Lord Minto est parti à la hâte le 3 de Rome pour Naples. Toscane. — Un courrier arrivé à Turin le 6 y a apporté la nouvelle qu’à Florence une grande démonstration avait été faite en faveur du régime représentatif. Aucun désordre ne s’en est suivi. Le grand-duc a paru au balcon de son pa
lais, et a solennellement déclaré sa résolution de gouverner désormais d’après une constitution. La population a témoi
gné une entière et ferme confiance dans une parole que le prince semblait heureux de donner. A la date du 9 février, la Toscane et la Rornagne étaient tranquilles.
Royaume lombardo-vénitien. — Les nouvelles de Naples ont ébranlé toute l’Italie. Voici comment à Milan ces événements ont été célébrés :
« Il a été décidé, écrit-on de celte capitale, qu’en signe de réjouissance on irait au Grand-Théâtre, qui avait été abandonné depuis les déplorables événements de janvier. En conséquence, le 5 février, la Scala a été remplie comme par enchantement. Le lendemain (c’était un dimanche), trente mille personnes se sont donné rendez-vous à la cathédrale pour la dernière messe, qui a été célébrée à l’intention des habitants de Païenne morts pendant le bombardement.
Piémont. Le 2, jour où l’on célébrait la fête.de la Chandeleur à Turin, la nouvelle de la conquête d’une constitution par le peuple napolitain arriva et se répandit par la ville. « Aussitôt, dit une correspondance, les quatre journaux po
litiques ont publié, par permission extraordinaire, un supplément non timbré, qui a été affiché à la porte de tous les éta
blissements publics. Je ne vous en donnerai pas le détail :
il me suffira de vous dire que les habitants étaient invités à illuminer leurs maisons le soir même, afin de célébrer cette grande et mémorable journée qui étouffe une guerre civile si déplorablement commencée à Palerme. Pendant tout le reste du jour, un immense concours de peuple a parcouru la ville en faisant entendre des chants de triomphe, et à six heures l’ambassade de Naples et le palais de la Cité brillaient d’une éblouissante illumination. Les deux tiers de la ville suivaient cet exemple. Environ 80,000 habitants remplissaient les rues et les places ; les uns, portant des drapeaux et faisant entendre les cris de Viva Pio nono! viva Carlo Alberto ! viva il risorgimento dell Italial La grande et belle rue du Pô, dont les portiques étaient en partie ornés de drapeaux et d’illumina
tions aux couleurs nationales de F Italie, présentait un coup d’œil magique et capable d’éclipser Paris dans ses plus féeriques splendeurs. »
Le 6, la municipalité de Turin prit la résolution, bientôt imitée par celle de Gênes, de présenter au roi une pétition
demandant une constitution représentative. Ce projet fut porté à la connaissance du public par des suppléments à tous tes journaux du dimanche et des placards affichés sur les murs de la capitale, annonçant que le grand-duc de Tos
cane avait accordé une constitution à son peuple. Sa Majesté fit appeler ses deux fils, et, après une longue conférence avec eux, décida qu’un conseil extraordinaire, composé des ministres à portefeuille et des ministres d’Etat, serait convo
qué pour le lendemain lundi à neuf heures du matin. Dans
ce conseil a été arrêtée la résolution de donner aü Piémont la constitution dont les bases, analogues à celles de notre charte française, ont été publiées le lendemain 8.
On écrit de Turin : « La plus grande activité règne toujours dans nos arsenaux; tout se ressent de cette fiévreuse attente des événements, qui pourrait bien aboutir à un con
flit au printemps prochain. Dans quelques mois, notre pays sera entièrement à l’abri des entreprises extérieures. Le Piémont aura 120,000 hommes de troupes de ligne à ses frontières et 200,000 gardes nationaux parfaitement armés et exercés. »
Suisse. — Le conseil d’Etat de Genève a donné sa démission pour en appeler aux électeurs des accusations aux
quelles il était en butte de la part du parti conservateur et de ses organes. Legrand conseil a voté une proposition ayant pour objet d’engager les conseillers d’Etat à retirer ces dé
missions. Dans le cas de persistance dans cette détermination, les réélections auraient lieu le 11 mars.
Bavièke. — On écrit de Munich, le 10 février, que des troubles graves ont eu lieu le 9 et le 10 dans cette ville. Il paraît certain que le seul motif de ces troubles est l’animo
sité qui règne à Munich contre la comtesse de Landsfeld, plus connue sous le nom de Lola Montés. Voici, d’après les correspondances, le récit des faits :
Il s’est formé, parmi les étudiants de l’Université de Munich, comme parmi les étudiants de presque toutes les Uni
versités allemandes, des associations qui se distinguent entre elles par le nom qu’elles adoptent et par les couleurs de leurs coiffures. Cinq associations de ce genre existaient depuis longtemps à l’Université de Munich, sous les noms allemands de Pfalzer, Schwaben, Franken, Bavaren, lsaren, c’est-à- dire sous les noms des cinq provinces dont se compose le royaume de Bavière, lorsqu’une sixième se forma, sous le nom d Alemania, dans le salon même de la comtesse de Landsfeld, qui la prit sous sa protection particulière. Ses membres, au nombre de quinze à vingt, étaient coiffés de casquettes d’un rouge foncé et garnies d’une ganse de diffé
rentes cou eurs. Ceux qui en faisaient partie furent bientôt mis à l’index par les autres étudiants, qui rompirent tous rapports avec eux, et les déclarèrent indignes d’obtenir sa
tisfaction pour une offense quelconque. Dans les premiers jours de ce mois, les Alemanen s’étant présentés aux cours de l’Université, y furent accueillis par des sifflets et des huées, et le professeur de physique, M. Sieber, se vit obligé de fer
mer son cours. Le lendemain, un avis du recteur invitait les élèves à s’abstenir de semblables démonstrations, et annon
çait que, par ordre supérieur, une enquête était commencée contre les auteurs du désordre de la veille. Cet avis resta sans effet. Le surlendemain, 6 février, les mêmes démon
strations se renouvelèrent lorsque les Alemanen parurent, et ce fut en vain que le professeur et le recteur cherchèrent à rétablir l’ordre. Le prince Wallerstein, ministre des affaires étrangères et chargé, par intérim, du portefeuille de l’instruc
tion publique, prévenu de ce qui se passait, s’empressa de se rendre à l’Université, adressa aux étudiants quelques pa
roles bienveillantes qui furent accueillies par de nombreux vivat et par la promesse de ne plus troubler les cours à l’a
venir. Cependant, en sortant de l’Université, trois ou quatre des Alemanen furent encore poursuivis par les huées et les pereat! (à bas!) d’une foule d’étudiants qui les escortèrent ainsi depuis le bas de la longue et immense rue Louis, jus
qu’à la Loggia, située entre le palais du roi et l’église des Théatins.
Le 9, vers midi, les mêmes cris, les mêmes huées se renouvelèrent avec plus de violence contre les Alemarien, qui se réfugièrent chez un traiteur nommé Rottmanner, chez le
quel ils dînent et tiennent ordinairement leurs réunions. Au moment d’entrer chez ce traiteur, l’un de ces Alemanen, le comte de Hirschberg, irrité sans doute par les cris de la foule qui remplissait les galeries du bazar, tira tout à coup de dessous ses vêtements un poignard, etseprécipita en furieux sur les personnes qui l’entouraient. Heureusement un gen
darme lui ayant saisi le bras au moment où il allait frapper un jeune homme, on parvint à le désarmer. Les gendarmes n’osèrent pas s’emparer de lui, à cause de sa qualité de membre de l Alemania, et il put entrer tranquillement chez
le traiteur, où l’attendaient ses camarades, qui, prenant fait et cause pour lui, écrivirent une lettre à la comtesse de Laudsfeld pour réclamer son appui.
La comtesse quitta sur-le-champ sa demeure, et courut à pied au milieu du tumulte. Reconnue, menacée, poursuivie par les cris et les insultes de la multitude, elle essaya de chercher un refuge dans tes maisons qui se trouvaient sur son passage ; mais toutes les portes, et entre autres celles de la légation d’Autriche, se fermèrent devant elle. C’est alors qu’on vit le roi, prévenu de ce qui se passait, au milieu d’une fête qu’il donnait dans son palais, descendre dans la rue, et, au milieu du désordre et des cris de la multitude, offrir son bras à la malheureuse comtesse pour tenter de la protéger. C’est ainsi qu’ils entrèrent ensemble dans l’église des Théa
tins, située vis-à-vis du palais, et là, la malheureuse femme, se jetant au pied de l’autel, s’écria : «Dieu! protégez mon
meilleur ami, mon seul ami ! » Aussitôt après elle ressortit seule, tenant un pistolet à la main.
Ces désordres, qui sont étrangers, dit-on, aux mouvements qui agitent l’Europe en ce moment, ont occasionné quelques
malheurs; il y a eu quelques blessés et beaucoup de vitres brisées. La cause de ce tapage, Lola-Montès, a dû quitter Munich, et pour toujours, à ce qu’on prétend.
Des nouvelles postérieures à celles que l’on vient de lire annoncent que l’ordonnance de clôture de l’Université de Munich a été rapportée. Les cours ont dû rouvrir le 14.
norwége. — On écrit de Christiania, le 1er février :
« Aujourd’hui le storthing a ouvert sa session. C’est la douzième fois que cette assemblée se tient depuis la réunion de la norwége à la Suède.
« La nouvelle de la mort du roi Christian VIII de Danemark a fait ici une sensation profonde et douloureuse, car ce prince a laissé ici des souvenirs impérissables. On se rappelle qu’après avoir été pendant deux années successivement lieutenant général etrégerrtdu royaume de norwége pour le roi Frédéric VI de Danemark, le prince Christian fut élu le 17 mai 1814, par les représentants du peuple, roi de norwége, et que c’est à lui que nous sommes redevables de la constitution qui régit encore aujourd’hui la norwége. L’administration et le gouvernement de Christian Ier, de norwége, ont été de courte
durée, mais ils sont en bénédiction chez le peuple norwégien. Les journaux de Christiania ont encadré de noir l’annonce de sa mort, et beaucoup de personnes dé notre capitale ont pris le deuil. »
Désastre en mer. — On écrit d’Amsterdam, le 11 février : « nous venons de recevoir l’affligeante nouvelle, que dans le mois de novembre dernier, sur le lac Michigan (Etats-Unis), un incendie a détruit le steamer le Phénix, qui avait à son bord environ cent cinquante passagers, dont seulement vingtsix sont parvenus à se sauver. La plupart des victimes de ce terrible événement étaient nos compatriotes : elles avaient émigré, la même année, des communes de Darsevohd, de Winterwyk et de Dinxperl, parce que la secte à laquelle elles s’étaient affiliées, celle des Vieux Luthériens, se trouvait gênée en Hollande dans l’exercice de son culte. »
Nécrologie. — M. le vicomte Jamin, lieutenant-général et pair de France, vient de mourir à Paris. C’est par erreur que la mort du général Jamin, un des débris de l’armée im
périale, n’a pas été mentionnée dans nôtre dernier numéro.
— L’archevêque de Cantorbéry, primat d’Angleterre, est mort dans son palais de Lambeth, à Londres.
Courrier de Paris.
La société parisienne n’a pas manqué d’occupation dans ces derniers jours; il y a un arriéré déplaisirs qu’on acquitte et qui entretient partout une grande activité. Les invitations se multiplient1, les fêtes s’accumulent, chaque journée a sa tri
logie : le concert, le bal et le souper. On ne voit partout que des décorateurs en exercice. Plus d’une maison ayant un bal à chaque étage, il arrive que les pâtissiers font confusion en colportant leurs friandises, et les danseurs du premier con
somment parfois les brioches.destinées à l’entresol. Indépen
damment des réunions de la moyenne propriété, il est à croire que tous les bals du grand monde se sont accomplis ou s’ac
compliront dans le cours de cette bruyante quinzaine. La politique revendique la soirée de M. Molé, la finance aura demain celle de M. de Rothschild. Quant à messieurs les am
bassadeurs étrangers, ils sont infatigables, et jamais on ne vit plus de danses diplomatiques. En cette circonstance, les hon
neurs du pas de deux et de la préséance dansante semblent être acquis à l’envoyé ottoman. Ses soirées obtiennent du moins un grand succès de curiosité, et l’on dit merveille de
cette hospitalité à la turque et de la façon galante dont elle s’exerce. Sur ce chapitre tout féminin, notre civilisation n’a plus rien à enseigner à l’Orient, et le progrès est accompli.
Si no?informations sont exactes, la magnificence musulmane préparerait les plus attrayantes surprises aux dames conviées à la fête que Solyman-Pacha leur offre cette nuit même. Fautil revenir sur un léger accident arrivé au premier et dernier concert donné naguère par Son Excellence, et d’où il ré
sulterait que tous ses compatriotes ne sont pas encore également familiarisés avec nos usages. Il paraît qu’on avait dis
posé, en forme de loges, différentes estrades dont le devant était couvert de riches tapis, et qu’un des pachas invités à y prendre place, se méprenant d’une manière fâcheuse sur la destination de la balustrade, parvint à s’y asseoir à la tur
que. Cette situation du noble osmanli, ainsi juché les jambes pendantes sur une surface fort étroite, se termina par une culbute qui, heureusement, n’eut pas de résultat attristant; au contraire, puisqu’en dépit du droit des gens, le corps di
plomatique et l’assistance s’égayèrent de l’incident, et que la victime elle-même prit le parti d’en rire dans sa barbe. Mais, pour en revenir à ce bal ottoman qui aura lieu ce soir, tant s’en faut que tous les admis soient des Turcs, et toutes les beautés françaises et étrangères de la capitale s’y sont donné rendez-vous. nous discourerons là-dessus plus amplement la semaine prochaine.
Il est d’autres réunions qui, pour la splendeur et l’éclat, rivalisent toujours avec ces soirées officielles; nous voulons parler des fêtes de bienfaisance qui se succèdent presque sans interruption au jardin d’Hiver.
Les bruits que nous avons pu recueillir dans les commérages decette semaine se rapportentà la situation. «Allez donc à ce bal, disait hier l’une de mesdames les patronesses à
certaine notabilité de la province. — Volontiers, lui fut-il répondu ; mais y verrons-nous des autorités ? » Aller au bal pour voir des autorités, n’est-ce point original ? il est vrai
qu’il y a des autorités bien amusantes. On demandait à la même patronesse l’âge de sa mère qui, au bal de madame de Lau..., mazurkait avec l’ardeur et la vivacité d’une jeune fille. « L’âge de ma mère? la réponse est bien difficile : à l en croire, elle rajeunit tous les ans, si bien que maintenant je suis son aînée. » Vous voyez qu’il y a des dames de charité qui en manquent.
Dans le genre naïf, nous avons le mot de M. Félix le patriarche. Ignorant la position intéressante où se trouve ma
demoiselle Rachel, madame de B... avait envoyé à la
Des efforts avaient été faits pendant la vacance parlementaire pour soulever une agitation contre le bill qui abolit les incapacités des juifs. Des pétitions étaient venues entre les deux lectures, et l’on en avait remarqué deux émanées de l’Université de Cambridge, une en faveur de la mesure, une autre pour la combattre. Dans la nuit du vendredi au samedi de la semaine dernière, après un discours chaleureux de M. Peel, la Chambre a été aux voix sur la deuxième lecture du bill des juifs. La première majorité avait été de soixantesept voix. La Chambre était cette fois plus nombreuse; elle comptait quarante-deux membres de plus. La majorité a été
de soixante-treize (deux cent soixante-dix-sept contre deux cent quatre). On pense que cet échec notable du parti de
l’intolérance religieuse imposera à la chambre des lords, et que l’Angleterre entrera enfin dans la voie de l’égalité,
Espagne. — Le général Esparlero a prolongé son séjour à Madrid plus longtemps que ne l’eût désiré le ministère. Le 2 il devait assister à la représentation du théâtre du Cirque, et
l’autorité, redoutant une ovation, prit des mesures pour s’y opposer. Le général résolut alors de ne pas se rendre au Cir
que, et il envoya auprès du général Narvaez un de ses aides de camp pour lui faire part de sa résolution, voulant, disaitil, ôter tout prétexte à toute démonstration. Le général Nar
vaez fit répondre, à ce qu’il paraît, avec une indifférence jouée, que le général Espartero était libre d’aller ou de ne pas aller au théâtre, circonstance tout à fait indifférente pour le gouvernement, qui, quoi qu’il arrivât, saurait maintenir l’ordre.
L’ex-régent est enfin parti le 7 pour sa ville natale, accompagné de MM. Gurrea etMurrieta. Les journaux progres
sistes disent qu’il va vivre quelque temps éloigné des affaires publiques. Il a quitté Madrid sans avoir consenti à faire visite à Marie-Christine.
Le ministère a présenté le 8 aux cortès un projet de loi sur la liberté de la presse.
Deux-Siciles. —Le roideNaples a publié une amnistie qui ne s’applique qu’aux actes postérieurs à 1850. Ainsi le brave général Pepe et tous les réfugiés de 1821 demeurent exilés.
Espérons que Ferdinand II sera amené par calcul à accorder une amnistie pleine, entière, sans exception.
Le comité général de Païenne s’est constitué en gouvernement provisoire pour toute la Sicile. Le président est l’a
miral Ruggero Settimo. — Le 5 février, après un combat acharné, le colonel Gross, qui commandait le fort de Castellemare, a consenti à remettre ce fort au peuple de Pa
ïenne, et s’est embarqué avec la garnison pour Naples. A partir de ce jour, aucune troupe napolitaine ne se trouve plus dans la capitale de la Sicile.
Etats-Pontificaox. — Les événements de Naples ont causé le plus vif enthousiasme à Bologne, à Rome, dans tous les Etats romains. A Rome,, où ils ont été connus le 31, ilsont causé une joie extraordinaire. Réjouissances, hymnes d’allégresse ont éclaté avec une merveilleuse spontanéité. La mu
nicipalité a pensé que le gouvernement devait s’associer à la joie causée par les événements de Naples, et une proclama
tion qui reporte à Pie IX la gloire d’avoir rendu l’Italie à la liberté, a invité le peuple à fêter par une illumination géné
rale la pacification du royaume de Naples. Cette invitation a été acceptée avec enthousiasme.
Lord Minto est parti à la hâte le 3 de Rome pour Naples. Toscane. — Un courrier arrivé à Turin le 6 y a apporté la nouvelle qu’à Florence une grande démonstration avait été faite en faveur du régime représentatif. Aucun désordre ne s’en est suivi. Le grand-duc a paru au balcon de son pa
lais, et a solennellement déclaré sa résolution de gouverner désormais d’après une constitution. La population a témoi
gné une entière et ferme confiance dans une parole que le prince semblait heureux de donner. A la date du 9 février, la Toscane et la Rornagne étaient tranquilles.
Royaume lombardo-vénitien. — Les nouvelles de Naples ont ébranlé toute l’Italie. Voici comment à Milan ces événements ont été célébrés :
« Il a été décidé, écrit-on de celte capitale, qu’en signe de réjouissance on irait au Grand-Théâtre, qui avait été abandonné depuis les déplorables événements de janvier. En conséquence, le 5 février, la Scala a été remplie comme par enchantement. Le lendemain (c’était un dimanche), trente mille personnes se sont donné rendez-vous à la cathédrale pour la dernière messe, qui a été célébrée à l’intention des habitants de Païenne morts pendant le bombardement.
Piémont. Le 2, jour où l’on célébrait la fête.de la Chandeleur à Turin, la nouvelle de la conquête d’une constitution par le peuple napolitain arriva et se répandit par la ville. « Aussitôt, dit une correspondance, les quatre journaux po
litiques ont publié, par permission extraordinaire, un supplément non timbré, qui a été affiché à la porte de tous les éta
blissements publics. Je ne vous en donnerai pas le détail :
il me suffira de vous dire que les habitants étaient invités à illuminer leurs maisons le soir même, afin de célébrer cette grande et mémorable journée qui étouffe une guerre civile si déplorablement commencée à Palerme. Pendant tout le reste du jour, un immense concours de peuple a parcouru la ville en faisant entendre des chants de triomphe, et à six heures l’ambassade de Naples et le palais de la Cité brillaient d’une éblouissante illumination. Les deux tiers de la ville suivaient cet exemple. Environ 80,000 habitants remplissaient les rues et les places ; les uns, portant des drapeaux et faisant entendre les cris de Viva Pio nono! viva Carlo Alberto ! viva il risorgimento dell Italial La grande et belle rue du Pô, dont les portiques étaient en partie ornés de drapeaux et d’illumina
tions aux couleurs nationales de F Italie, présentait un coup d’œil magique et capable d’éclipser Paris dans ses plus féeriques splendeurs. »
Le 6, la municipalité de Turin prit la résolution, bientôt imitée par celle de Gênes, de présenter au roi une pétition
demandant une constitution représentative. Ce projet fut porté à la connaissance du public par des suppléments à tous tes journaux du dimanche et des placards affichés sur les murs de la capitale, annonçant que le grand-duc de Tos
cane avait accordé une constitution à son peuple. Sa Majesté fit appeler ses deux fils, et, après une longue conférence avec eux, décida qu’un conseil extraordinaire, composé des ministres à portefeuille et des ministres d’Etat, serait convo
qué pour le lendemain lundi à neuf heures du matin. Dans
ce conseil a été arrêtée la résolution de donner aü Piémont la constitution dont les bases, analogues à celles de notre charte française, ont été publiées le lendemain 8.
On écrit de Turin : « La plus grande activité règne toujours dans nos arsenaux; tout se ressent de cette fiévreuse attente des événements, qui pourrait bien aboutir à un con
flit au printemps prochain. Dans quelques mois, notre pays sera entièrement à l’abri des entreprises extérieures. Le Piémont aura 120,000 hommes de troupes de ligne à ses frontières et 200,000 gardes nationaux parfaitement armés et exercés. »
Suisse. — Le conseil d’Etat de Genève a donné sa démission pour en appeler aux électeurs des accusations aux
quelles il était en butte de la part du parti conservateur et de ses organes. Legrand conseil a voté une proposition ayant pour objet d’engager les conseillers d’Etat à retirer ces dé
missions. Dans le cas de persistance dans cette détermination, les réélections auraient lieu le 11 mars.
Bavièke. — On écrit de Munich, le 10 février, que des troubles graves ont eu lieu le 9 et le 10 dans cette ville. Il paraît certain que le seul motif de ces troubles est l’animo
sité qui règne à Munich contre la comtesse de Landsfeld, plus connue sous le nom de Lola Montés. Voici, d’après les correspondances, le récit des faits :
Il s’est formé, parmi les étudiants de l’Université de Munich, comme parmi les étudiants de presque toutes les Uni
versités allemandes, des associations qui se distinguent entre elles par le nom qu’elles adoptent et par les couleurs de leurs coiffures. Cinq associations de ce genre existaient depuis longtemps à l’Université de Munich, sous les noms allemands de Pfalzer, Schwaben, Franken, Bavaren, lsaren, c’est-à- dire sous les noms des cinq provinces dont se compose le royaume de Bavière, lorsqu’une sixième se forma, sous le nom d Alemania, dans le salon même de la comtesse de Landsfeld, qui la prit sous sa protection particulière. Ses membres, au nombre de quinze à vingt, étaient coiffés de casquettes d’un rouge foncé et garnies d’une ganse de diffé
rentes cou eurs. Ceux qui en faisaient partie furent bientôt mis à l’index par les autres étudiants, qui rompirent tous rapports avec eux, et les déclarèrent indignes d’obtenir sa
tisfaction pour une offense quelconque. Dans les premiers jours de ce mois, les Alemanen s’étant présentés aux cours de l’Université, y furent accueillis par des sifflets et des huées, et le professeur de physique, M. Sieber, se vit obligé de fer
mer son cours. Le lendemain, un avis du recteur invitait les élèves à s’abstenir de semblables démonstrations, et annon
çait que, par ordre supérieur, une enquête était commencée contre les auteurs du désordre de la veille. Cet avis resta sans effet. Le surlendemain, 6 février, les mêmes démon
strations se renouvelèrent lorsque les Alemanen parurent, et ce fut en vain que le professeur et le recteur cherchèrent à rétablir l’ordre. Le prince Wallerstein, ministre des affaires étrangères et chargé, par intérim, du portefeuille de l’instruc
tion publique, prévenu de ce qui se passait, s’empressa de se rendre à l’Université, adressa aux étudiants quelques pa
roles bienveillantes qui furent accueillies par de nombreux vivat et par la promesse de ne plus troubler les cours à l’a
venir. Cependant, en sortant de l’Université, trois ou quatre des Alemanen furent encore poursuivis par les huées et les pereat! (à bas!) d’une foule d’étudiants qui les escortèrent ainsi depuis le bas de la longue et immense rue Louis, jus
qu’à la Loggia, située entre le palais du roi et l’église des Théatins.
Le 9, vers midi, les mêmes cris, les mêmes huées se renouvelèrent avec plus de violence contre les Alemarien, qui se réfugièrent chez un traiteur nommé Rottmanner, chez le
quel ils dînent et tiennent ordinairement leurs réunions. Au moment d’entrer chez ce traiteur, l’un de ces Alemanen, le comte de Hirschberg, irrité sans doute par les cris de la foule qui remplissait les galeries du bazar, tira tout à coup de dessous ses vêtements un poignard, etseprécipita en furieux sur les personnes qui l’entouraient. Heureusement un gen
darme lui ayant saisi le bras au moment où il allait frapper un jeune homme, on parvint à le désarmer. Les gendarmes n’osèrent pas s’emparer de lui, à cause de sa qualité de membre de l Alemania, et il put entrer tranquillement chez
le traiteur, où l’attendaient ses camarades, qui, prenant fait et cause pour lui, écrivirent une lettre à la comtesse de Laudsfeld pour réclamer son appui.
La comtesse quitta sur-le-champ sa demeure, et courut à pied au milieu du tumulte. Reconnue, menacée, poursuivie par les cris et les insultes de la multitude, elle essaya de chercher un refuge dans tes maisons qui se trouvaient sur son passage ; mais toutes les portes, et entre autres celles de la légation d’Autriche, se fermèrent devant elle. C’est alors qu’on vit le roi, prévenu de ce qui se passait, au milieu d’une fête qu’il donnait dans son palais, descendre dans la rue, et, au milieu du désordre et des cris de la multitude, offrir son bras à la malheureuse comtesse pour tenter de la protéger. C’est ainsi qu’ils entrèrent ensemble dans l’église des Théa
tins, située vis-à-vis du palais, et là, la malheureuse femme, se jetant au pied de l’autel, s’écria : «Dieu! protégez mon
meilleur ami, mon seul ami ! » Aussitôt après elle ressortit seule, tenant un pistolet à la main.
Ces désordres, qui sont étrangers, dit-on, aux mouvements qui agitent l’Europe en ce moment, ont occasionné quelques
malheurs; il y a eu quelques blessés et beaucoup de vitres brisées. La cause de ce tapage, Lola-Montès, a dû quitter Munich, et pour toujours, à ce qu’on prétend.
Des nouvelles postérieures à celles que l’on vient de lire annoncent que l’ordonnance de clôture de l’Université de Munich a été rapportée. Les cours ont dû rouvrir le 14.
norwége. — On écrit de Christiania, le 1er février :
« Aujourd’hui le storthing a ouvert sa session. C’est la douzième fois que cette assemblée se tient depuis la réunion de la norwége à la Suède.
« La nouvelle de la mort du roi Christian VIII de Danemark a fait ici une sensation profonde et douloureuse, car ce prince a laissé ici des souvenirs impérissables. On se rappelle qu’après avoir été pendant deux années successivement lieutenant général etrégerrtdu royaume de norwége pour le roi Frédéric VI de Danemark, le prince Christian fut élu le 17 mai 1814, par les représentants du peuple, roi de norwége, et que c’est à lui que nous sommes redevables de la constitution qui régit encore aujourd’hui la norwége. L’administration et le gouvernement de Christian Ier, de norwége, ont été de courte
durée, mais ils sont en bénédiction chez le peuple norwégien. Les journaux de Christiania ont encadré de noir l’annonce de sa mort, et beaucoup de personnes dé notre capitale ont pris le deuil. »
Désastre en mer. — On écrit d’Amsterdam, le 11 février : « nous venons de recevoir l’affligeante nouvelle, que dans le mois de novembre dernier, sur le lac Michigan (Etats-Unis), un incendie a détruit le steamer le Phénix, qui avait à son bord environ cent cinquante passagers, dont seulement vingtsix sont parvenus à se sauver. La plupart des victimes de ce terrible événement étaient nos compatriotes : elles avaient émigré, la même année, des communes de Darsevohd, de Winterwyk et de Dinxperl, parce que la secte à laquelle elles s’étaient affiliées, celle des Vieux Luthériens, se trouvait gênée en Hollande dans l’exercice de son culte. »
Nécrologie. — M. le vicomte Jamin, lieutenant-général et pair de France, vient de mourir à Paris. C’est par erreur que la mort du général Jamin, un des débris de l’armée im
périale, n’a pas été mentionnée dans nôtre dernier numéro.
— L’archevêque de Cantorbéry, primat d’Angleterre, est mort dans son palais de Lambeth, à Londres.
Courrier de Paris.
La société parisienne n’a pas manqué d’occupation dans ces derniers jours; il y a un arriéré déplaisirs qu’on acquitte et qui entretient partout une grande activité. Les invitations se multiplient1, les fêtes s’accumulent, chaque journée a sa tri
logie : le concert, le bal et le souper. On ne voit partout que des décorateurs en exercice. Plus d’une maison ayant un bal à chaque étage, il arrive que les pâtissiers font confusion en colportant leurs friandises, et les danseurs du premier con
somment parfois les brioches.destinées à l’entresol. Indépen
damment des réunions de la moyenne propriété, il est à croire que tous les bals du grand monde se sont accomplis ou s’ac
compliront dans le cours de cette bruyante quinzaine. La politique revendique la soirée de M. Molé, la finance aura demain celle de M. de Rothschild. Quant à messieurs les am
bassadeurs étrangers, ils sont infatigables, et jamais on ne vit plus de danses diplomatiques. En cette circonstance, les hon
neurs du pas de deux et de la préséance dansante semblent être acquis à l’envoyé ottoman. Ses soirées obtiennent du moins un grand succès de curiosité, et l’on dit merveille de
cette hospitalité à la turque et de la façon galante dont elle s’exerce. Sur ce chapitre tout féminin, notre civilisation n’a plus rien à enseigner à l’Orient, et le progrès est accompli.
Si no?informations sont exactes, la magnificence musulmane préparerait les plus attrayantes surprises aux dames conviées à la fête que Solyman-Pacha leur offre cette nuit même. Fautil revenir sur un léger accident arrivé au premier et dernier concert donné naguère par Son Excellence, et d’où il ré
sulterait que tous ses compatriotes ne sont pas encore également familiarisés avec nos usages. Il paraît qu’on avait dis
posé, en forme de loges, différentes estrades dont le devant était couvert de riches tapis, et qu’un des pachas invités à y prendre place, se méprenant d’une manière fâcheuse sur la destination de la balustrade, parvint à s’y asseoir à la tur
que. Cette situation du noble osmanli, ainsi juché les jambes pendantes sur une surface fort étroite, se termina par une culbute qui, heureusement, n’eut pas de résultat attristant; au contraire, puisqu’en dépit du droit des gens, le corps di
plomatique et l’assistance s’égayèrent de l’incident, et que la victime elle-même prit le parti d’en rire dans sa barbe. Mais, pour en revenir à ce bal ottoman qui aura lieu ce soir, tant s’en faut que tous les admis soient des Turcs, et toutes les beautés françaises et étrangères de la capitale s’y sont donné rendez-vous. nous discourerons là-dessus plus amplement la semaine prochaine.
Il est d’autres réunions qui, pour la splendeur et l’éclat, rivalisent toujours avec ces soirées officielles; nous voulons parler des fêtes de bienfaisance qui se succèdent presque sans interruption au jardin d’Hiver.
Les bruits que nous avons pu recueillir dans les commérages decette semaine se rapportentà la situation. «Allez donc à ce bal, disait hier l’une de mesdames les patronesses à
certaine notabilité de la province. — Volontiers, lui fut-il répondu ; mais y verrons-nous des autorités ? » Aller au bal pour voir des autorités, n’est-ce point original ? il est vrai
qu’il y a des autorités bien amusantes. On demandait à la même patronesse l’âge de sa mère qui, au bal de madame de Lau..., mazurkait avec l’ardeur et la vivacité d’une jeune fille. « L’âge de ma mère? la réponse est bien difficile : à l en croire, elle rajeunit tous les ans, si bien que maintenant je suis son aînée. » Vous voyez qu’il y a des dames de charité qui en manquent.
Dans le genre naïf, nous avons le mot de M. Félix le patriarche. Ignorant la position intéressante où se trouve ma
demoiselle Rachel, madame de B... avait envoyé à la