M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a lu, le 14 février, à l’A cadémie des Sciences, un mémoire de M. Jules Verreaux sur l’omythorhynque.
M. Jules Verreaux appartient à une famille qui, depuis près d’un siècle, rend des services .1 l’histoire naturelle. Son aïeul, Adrien Delalande, successivement préparateur du mu. sée de Versailles et du Jardin des Plantes, lit le premier un art de la taxidermie. Son fds, Pierre Delalande, collaborateur de Geoffroy Saint-Hilaire, accompagna en 1812 cet il
lustre professeur en Espagne et en Portugal, dans une mission scientifique. En 1818, il suivit au Brésil le duc de Luxem
bourg, alors ambassadeur extraordinaire, et fut chargé, en
1818, d’explorer l intérieur du Gap de Bonne-Espérance, et d’y recueillir certaines espèces qui manquaient à nos collec
tions nationales. Il s adjoignit son neveu J.Verreaux, qui, tout jeune encore, partagea ses fatigues, ses privationss, et ses dangers.
De nombreuses et riches collections, des observations intéressantes et neuves, furent le résultat de ce voyage, qu’on ré
compensa, sur la demande des professeurs du Muséum et des membres de l’Institut, par la décoration de la Légion d’honneur.
Jacques Verreaux, beau-fils et beau-frère des Delalande, s’adonna, avec cette famille adoptive, à l’histoire naturelle, et fonda à Paris un établissement populaire depuis plus de cin
quante ans. Les relations qu’il avait su se créer dans toutes les parties du monde, ses profondes connaissances et les dons nombreux que lui et ses fils ont fait au jardin des plantes ont beaucoup contribué aux progrès des sciences naturelles.
En 1825, Jules Verreaux, fils de ce dernier, fut chargé par son père d’explorer de nouveau le Cap de Bonne-Espé
rance, qu’il avait déjà parcouru avec son oncle Pierre Dela
lande : il s’y établit après avoir visité toutefois Cadix, Gorée, Rio-Janeiro et Bourbon. En 1830, Edouard Verreaux, son frère, alla le rejoindre ; ils firent ensemble des excursions
dans l’intérieur, excursions qui produisirent une collection de 150,000 individus, rapportée en France et exposée à la curiosité publique cliezM. Benjamin Delessert, qui, toujours, empressé de rendre des services à la science, avait mis de vastes magasins à la disposition du jeune voyageur.
Au commencement de 1852, Edouard Verreaux repartit avec son frère Alexis. Réunis au Cap, ces trois intrépides jeunes gens sillonnèrent, dans tous les sens, unegrandé par
tie de l’Afrique australe. En 1834, Edouard Verreaux se sépara de ses deux frères et visita Java, Sumatra, Banka, Bor
néo, la Cochinchine, la Chine et les Philippines ; il revint au Cap après avoir relâché dans un grand nombre d’îles inhabitées, et exploré de nouveau Batavia, Sourabaya, Samarang, Madura, et fait un séjour de deux mois à file de France.
Les collections d’histoire naturelle qu Edouard rassembla pendant ce long voyage vinrent, s’ajouter à des richesses que Jules et Alexis avaient de leur côté singulièrement accrues.
Tant de fatigues avaient altéré gravement la santé d’E douard, qui fut forcé de rentrer en Europe. Malgré les nom
breux envois qui avaient précédé son retour, il rapporta une collection composée de 190,000 individus.
En 1859, la pariie la plus précieuse des collections des trois frères, leur fortune et leur avenir, fut chargée à bord du navire le Lucullus ; elle se composait de tous les objets uniques recueillis depuis quinze ans, d’une série de dessins et d’ob
servations manuscrites sur différents peuples inconnus sur des pays nouveaux et particulièrement sur les mœurs des animaux.
Jules Verreaux devait accompagner ce précieux dépôt; des circonstances le forcèrent à prendre passage sur un autre navire, qui relâcha à Saint-Hélène. A peine arrivé dans sa patrie et dans sa famille, qu’il avait quittées depuis près de quinze ans, il s’apprêtait à faire une publication qui devait à un haut point intéresser le monde savant, lorsque la fortune vint détruire ses espérances : le Lucullus périt.en touchant les côtes de France à Belle-Ile-en-mer.
Loin de se décourager d’un coup si fatal, Jules Verreaux laissa à son frère Alexis, resté au Cap, le soin de ré
parer, s’il était possible, tant de cruelles pertes, et résolut de tenter les chances d’un nouveau voyage.
Ornithorhynque debout.
En 1842, il reçut, de. l’administration du Muséum, la mission d’aller explorer diverses parties de la Tasmanie et de l’Australie ; il s’embarqua à bord de la corvette le Rhin, vi
sita Bahia, explora pendant quinze mois la Tasmanie, et y rassembla une collection considérable d’objets des trois rè
gnes. De là il se rendit en Australie. On sait que les objets recueillis par M. Jules Verreaux, dans le court espace de quelques années et avec les ressources pécuniaires les plus restreintes, s’élèvent au nombre de plus de cent quinze mille, parmi lesquels se trouvent non-seulement des espèces rares, mais encore une grande quantité de conquêtes nouvelles et uniques pour la science.
M. Jules Verreaux ne s’est point contenté de collecter; il avait compris depuis longtemps qui! se trouve dans l’étude de l’histoire naturelle autre chose que la classilication amenée de nos jours à une perfection si grande. Il s’oc
cupa donc d’étudier les mœurs des animaux des contrées si peu connues qu’il visitait. Cette fois, le naufrage a épargné les notes curieuses et neuves recueillies avec tant de patience, de bonheur et d’habileté, par le jeune savant.
C’est à cette classe des travaux de M. Jules Verreaux qu’appartient son mémoire sur l’Ornithorhynque.
L’ornithorhynque paradoxal a été décrit pour la première lois, en 1796, par Blumenbach. Il n’a cessé, dès lors, de préoc
cuper les naturalistes. Cette énigme vivante se trouve placée entre les fouisseurs et les oiseaux aquatiques ; mammifère, à bec corné, ovovivipare, recouvert de poils, il offre à l anatomiste qui le dissèque, des rapports nombreux avec les rep
tiles, et tient à la fois du canard, de la taupe, du castor et du saurien.
M. Jules Verreaux a étudié l’ornithorhynque, surtout en Tasmanie, dans les marécages et sur les bords de la rivière du New-norfolk, parmi de petites anses bordées de roseaux qui fournissaient à la fois, à ces singuliers animaux, un asile et de la nourriture.Là,ils se creusentdes terriers qui comptent deux ou trois issues, et qui se subdivisent en douze ou quinze branches, dont plusieurs aboutissent à la rivière. Ils se servent de leur queue, comme les castors, pour battre etaffermir la terre.
Les ornithorhynques se nourrissent d’insectes et des coquilles fluviatiles qui se trouvent attachées aux roseaux. Ils ne sont point complètement nocturnes : M. Verreaux les a vus, pendant le jour, nager durant les plus grandes chaleurs ;
cependant ils prennent plus de vivacité la nuit, et rien n’é - gale alors leur agilité dans les eaux.
On n’avait pu jusqu’à présent s’expliquer, chez l’animal qui nous occupe, la présence de glandes mammaires au ventre des femelles, quoiqu’il y eut absence de mamelles. M. Verreaux a fini par découvrir que le tissu de la peau qui recouvrait ces
glandes était spongieux et d’une nature moins compacte que le reste du ventre. Enlin il a résolu ce problème jresté jus
qu’alors une énigme pour le monde savant, et il l’a résolupar ses observations décisives, recueillies de visu sur les bords du New-norfolk, où les ornithorhynques se trouvent en grand nombre.
« Je vis, dit-il, des petits accompagner leurs mères avec lesquelles ils jouaient, surtout lorsqu’ils étaient trop éloignés du bord pour prendre leur nourriture. Je distinguai très-bien que lorsqu’ils voulaient se la procurer, ils profitaient du mo
ment où la mère se trouvait parmi les herbes aquatiques, à peu de distance de terre, là où il n’y avait aucun courant. La
femelle ayant tout le dos à découvert, l’on conçoit aisément qu’une fois la pression exercée fortement, le lait surnageait à peu de distance, et que le jeune pouvait le humer avec faci
lité; chose qu’il fait en tournoyant afin d’en perdre le moins possible. Cette manœuvre est d’autant plus facile à distinguer, que l’on voit le bec se mouvoir avec célérité. Je ne puis mieux comparer le liquide graisseux de la femelle qu’aux couleurs irisées produites par les rayons solaires sur l’eau croupie. J’ai vu le même fait se répéter tous les jours et toutes les nuits. Quand il était fatigué, le jeune ornithorhynque grimpait sur le dos de sa mère qui se dirigeait vers la terre. Là, il jouait avec elle et la caressait.
Dans leurs nids, les petits sont dépourvus de poils et mort
Position de l’Ornithorhynque sous terre.
Ornithorhynque allaitant ses petits.
trent une grande vigueur, eu égard à leur développement. Leur bec offre une épaisseur qui ne rappelle en rien la forme du bec de l’adulte. Court et large, il peut envelopper dans cet état l’aréole cachée sous les poils de la mère et ame
ner. le liquide graisseux. Les petits emploient une trituration continuelle qu’ils opèrent sur le ventre de la femelle avec les pattes de devant, et quelquefois avec celles de derrière.
Au bout de quinze à vingt jours, les nouveaux-nés sont couverts d’un poil soyeux et peuvent nager.
Le sens de l’odorat paraît excessivement développé chez l’ornithorhynque. Les individus élevés en domesticité par M. Verreaux ne prenaient jamais le moindre objet sans le flairer d’avance ; il en était de même pour tous les corps dont ils s’approchaient.
Les organes de la vue et de l’ouïe paraissent moins prononcés, chez rornitliorhynque, que chez beaucoup d’autres animaux. Endormi dans son terrier, il prend une pose des plus bizarres : les pattes sont repliées sur elles-mêmes ; la tête, ou plutôt le bec, vient rejoindre la partie postérieure, et le tout se trouve recouvert par la queue large et velue, ce qui lui donne l’apparence d’une boule tronquée un peu en arrière.
Lorsque l’ornithorhynque n’estpas effrayé, et qu’il se trouve sur le sol, il lui arrive souvent de se dresser; alors les pattes de devant sont pendantes, etla queue sert de point d’appui; la tête tourne dans tous les sens, et les reins paraissent courbés en demi-cercle.
Quant aux crochets qui armentles membres postérieurs du mâle, et qui, chez la femelle, sont rudimentaires, ils n’ont
d’autre destination que de maintenir la femelle pendant les amours.
Des expériences souvent réitérées par M. Verreaux l’ont convaincu que ces crochets n’ont rien de nuisible.
L’ornitliorbynqne, qui, par sa structure informé, paraîtrait ne posséder aucune intelligence, est cependant susceptible de recevoir de l’éducation. Plusieurs individus que j’avais acquis vivants, dit M. Verreaux, étaient devenus tellement familiers, que la nuit l’un d eux cherchait parfois un asile jusque dans mon lit, lorsqu’il pouvait y grimper en s’ados
sant au mur. Il prenait sa nourriture jusque sur mes lèvres. Enfin j’étais parvenu à modifier leur nourriture, de façon à pouvoir les amener vivants en France, si les moyens de réaliser ce projet ne m’eussent manqué.
Nouvelles observations sur l҆Ornithorhynque.
M. Jules Verreaux appartient à une famille qui, depuis près d’un siècle, rend des services .1 l’histoire naturelle. Son aïeul, Adrien Delalande, successivement préparateur du mu. sée de Versailles et du Jardin des Plantes, lit le premier un art de la taxidermie. Son fds, Pierre Delalande, collaborateur de Geoffroy Saint-Hilaire, accompagna en 1812 cet il
lustre professeur en Espagne et en Portugal, dans une mission scientifique. En 1818, il suivit au Brésil le duc de Luxem
bourg, alors ambassadeur extraordinaire, et fut chargé, en
1818, d’explorer l intérieur du Gap de Bonne-Espérance, et d’y recueillir certaines espèces qui manquaient à nos collec
tions nationales. Il s adjoignit son neveu J.Verreaux, qui, tout jeune encore, partagea ses fatigues, ses privationss, et ses dangers.
De nombreuses et riches collections, des observations intéressantes et neuves, furent le résultat de ce voyage, qu’on ré
compensa, sur la demande des professeurs du Muséum et des membres de l’Institut, par la décoration de la Légion d’honneur.
Jacques Verreaux, beau-fils et beau-frère des Delalande, s’adonna, avec cette famille adoptive, à l’histoire naturelle, et fonda à Paris un établissement populaire depuis plus de cin
quante ans. Les relations qu’il avait su se créer dans toutes les parties du monde, ses profondes connaissances et les dons nombreux que lui et ses fils ont fait au jardin des plantes ont beaucoup contribué aux progrès des sciences naturelles.
En 1825, Jules Verreaux, fils de ce dernier, fut chargé par son père d’explorer de nouveau le Cap de Bonne-Espé
rance, qu’il avait déjà parcouru avec son oncle Pierre Dela
lande : il s’y établit après avoir visité toutefois Cadix, Gorée, Rio-Janeiro et Bourbon. En 1830, Edouard Verreaux, son frère, alla le rejoindre ; ils firent ensemble des excursions
dans l’intérieur, excursions qui produisirent une collection de 150,000 individus, rapportée en France et exposée à la curiosité publique cliezM. Benjamin Delessert, qui, toujours, empressé de rendre des services à la science, avait mis de vastes magasins à la disposition du jeune voyageur.
Au commencement de 1852, Edouard Verreaux repartit avec son frère Alexis. Réunis au Cap, ces trois intrépides jeunes gens sillonnèrent, dans tous les sens, unegrandé par
tie de l’Afrique australe. En 1834, Edouard Verreaux se sépara de ses deux frères et visita Java, Sumatra, Banka, Bor
néo, la Cochinchine, la Chine et les Philippines ; il revint au Cap après avoir relâché dans un grand nombre d’îles inhabitées, et exploré de nouveau Batavia, Sourabaya, Samarang, Madura, et fait un séjour de deux mois à file de France.
Les collections d’histoire naturelle qu Edouard rassembla pendant ce long voyage vinrent, s’ajouter à des richesses que Jules et Alexis avaient de leur côté singulièrement accrues.
Tant de fatigues avaient altéré gravement la santé d’E douard, qui fut forcé de rentrer en Europe. Malgré les nom
breux envois qui avaient précédé son retour, il rapporta une collection composée de 190,000 individus.
En 1859, la pariie la plus précieuse des collections des trois frères, leur fortune et leur avenir, fut chargée à bord du navire le Lucullus ; elle se composait de tous les objets uniques recueillis depuis quinze ans, d’une série de dessins et d’ob
servations manuscrites sur différents peuples inconnus sur des pays nouveaux et particulièrement sur les mœurs des animaux.
Jules Verreaux devait accompagner ce précieux dépôt; des circonstances le forcèrent à prendre passage sur un autre navire, qui relâcha à Saint-Hélène. A peine arrivé dans sa patrie et dans sa famille, qu’il avait quittées depuis près de quinze ans, il s’apprêtait à faire une publication qui devait à un haut point intéresser le monde savant, lorsque la fortune vint détruire ses espérances : le Lucullus périt.en touchant les côtes de France à Belle-Ile-en-mer.
Loin de se décourager d’un coup si fatal, Jules Verreaux laissa à son frère Alexis, resté au Cap, le soin de ré
parer, s’il était possible, tant de cruelles pertes, et résolut de tenter les chances d’un nouveau voyage.
Ornithorhynque debout.
En 1842, il reçut, de. l’administration du Muséum, la mission d’aller explorer diverses parties de la Tasmanie et de l’Australie ; il s’embarqua à bord de la corvette le Rhin, vi
sita Bahia, explora pendant quinze mois la Tasmanie, et y rassembla une collection considérable d’objets des trois rè
gnes. De là il se rendit en Australie. On sait que les objets recueillis par M. Jules Verreaux, dans le court espace de quelques années et avec les ressources pécuniaires les plus restreintes, s’élèvent au nombre de plus de cent quinze mille, parmi lesquels se trouvent non-seulement des espèces rares, mais encore une grande quantité de conquêtes nouvelles et uniques pour la science.
M. Jules Verreaux ne s’est point contenté de collecter; il avait compris depuis longtemps qui! se trouve dans l’étude de l’histoire naturelle autre chose que la classilication amenée de nos jours à une perfection si grande. Il s’oc
cupa donc d’étudier les mœurs des animaux des contrées si peu connues qu’il visitait. Cette fois, le naufrage a épargné les notes curieuses et neuves recueillies avec tant de patience, de bonheur et d’habileté, par le jeune savant.
C’est à cette classe des travaux de M. Jules Verreaux qu’appartient son mémoire sur l’Ornithorhynque.
L’ornithorhynque paradoxal a été décrit pour la première lois, en 1796, par Blumenbach. Il n’a cessé, dès lors, de préoc
cuper les naturalistes. Cette énigme vivante se trouve placée entre les fouisseurs et les oiseaux aquatiques ; mammifère, à bec corné, ovovivipare, recouvert de poils, il offre à l anatomiste qui le dissèque, des rapports nombreux avec les rep
tiles, et tient à la fois du canard, de la taupe, du castor et du saurien.
M. Jules Verreaux a étudié l’ornithorhynque, surtout en Tasmanie, dans les marécages et sur les bords de la rivière du New-norfolk, parmi de petites anses bordées de roseaux qui fournissaient à la fois, à ces singuliers animaux, un asile et de la nourriture.Là,ils se creusentdes terriers qui comptent deux ou trois issues, et qui se subdivisent en douze ou quinze branches, dont plusieurs aboutissent à la rivière. Ils se servent de leur queue, comme les castors, pour battre etaffermir la terre.
Les ornithorhynques se nourrissent d’insectes et des coquilles fluviatiles qui se trouvent attachées aux roseaux. Ils ne sont point complètement nocturnes : M. Verreaux les a vus, pendant le jour, nager durant les plus grandes chaleurs ;
cependant ils prennent plus de vivacité la nuit, et rien n’é - gale alors leur agilité dans les eaux.
On n’avait pu jusqu’à présent s’expliquer, chez l’animal qui nous occupe, la présence de glandes mammaires au ventre des femelles, quoiqu’il y eut absence de mamelles. M. Verreaux a fini par découvrir que le tissu de la peau qui recouvrait ces
glandes était spongieux et d’une nature moins compacte que le reste du ventre. Enlin il a résolu ce problème jresté jus
qu’alors une énigme pour le monde savant, et il l’a résolupar ses observations décisives, recueillies de visu sur les bords du New-norfolk, où les ornithorhynques se trouvent en grand nombre.
« Je vis, dit-il, des petits accompagner leurs mères avec lesquelles ils jouaient, surtout lorsqu’ils étaient trop éloignés du bord pour prendre leur nourriture. Je distinguai très-bien que lorsqu’ils voulaient se la procurer, ils profitaient du mo
ment où la mère se trouvait parmi les herbes aquatiques, à peu de distance de terre, là où il n’y avait aucun courant. La
femelle ayant tout le dos à découvert, l’on conçoit aisément qu’une fois la pression exercée fortement, le lait surnageait à peu de distance, et que le jeune pouvait le humer avec faci
lité; chose qu’il fait en tournoyant afin d’en perdre le moins possible. Cette manœuvre est d’autant plus facile à distinguer, que l’on voit le bec se mouvoir avec célérité. Je ne puis mieux comparer le liquide graisseux de la femelle qu’aux couleurs irisées produites par les rayons solaires sur l’eau croupie. J’ai vu le même fait se répéter tous les jours et toutes les nuits. Quand il était fatigué, le jeune ornithorhynque grimpait sur le dos de sa mère qui se dirigeait vers la terre. Là, il jouait avec elle et la caressait.
Dans leurs nids, les petits sont dépourvus de poils et mort
Position de l’Ornithorhynque sous terre.
Ornithorhynque allaitant ses petits.
trent une grande vigueur, eu égard à leur développement. Leur bec offre une épaisseur qui ne rappelle en rien la forme du bec de l’adulte. Court et large, il peut envelopper dans cet état l’aréole cachée sous les poils de la mère et ame
ner. le liquide graisseux. Les petits emploient une trituration continuelle qu’ils opèrent sur le ventre de la femelle avec les pattes de devant, et quelquefois avec celles de derrière.
Au bout de quinze à vingt jours, les nouveaux-nés sont couverts d’un poil soyeux et peuvent nager.
Le sens de l’odorat paraît excessivement développé chez l’ornithorhynque. Les individus élevés en domesticité par M. Verreaux ne prenaient jamais le moindre objet sans le flairer d’avance ; il en était de même pour tous les corps dont ils s’approchaient.
Les organes de la vue et de l’ouïe paraissent moins prononcés, chez rornitliorhynque, que chez beaucoup d’autres animaux. Endormi dans son terrier, il prend une pose des plus bizarres : les pattes sont repliées sur elles-mêmes ; la tête, ou plutôt le bec, vient rejoindre la partie postérieure, et le tout se trouve recouvert par la queue large et velue, ce qui lui donne l’apparence d’une boule tronquée un peu en arrière.
Lorsque l’ornithorhynque n’estpas effrayé, et qu’il se trouve sur le sol, il lui arrive souvent de se dresser; alors les pattes de devant sont pendantes, etla queue sert de point d’appui; la tête tourne dans tous les sens, et les reins paraissent courbés en demi-cercle.
Quant aux crochets qui armentles membres postérieurs du mâle, et qui, chez la femelle, sont rudimentaires, ils n’ont
d’autre destination que de maintenir la femelle pendant les amours.
Des expériences souvent réitérées par M. Verreaux l’ont convaincu que ces crochets n’ont rien de nuisible.
L’ornitliorbynqne, qui, par sa structure informé, paraîtrait ne posséder aucune intelligence, est cependant susceptible de recevoir de l’éducation. Plusieurs individus que j’avais acquis vivants, dit M. Verreaux, étaient devenus tellement familiers, que la nuit l’un d eux cherchait parfois un asile jusque dans mon lit, lorsqu’il pouvait y grimper en s’ados
sant au mur. Il prenait sa nourriture jusque sur mes lèvres. Enfin j’étais parvenu à modifier leur nourriture, de façon à pouvoir les amener vivants en France, si les moyens de réaliser ce projet ne m’eussent manqué.
Nouvelles observations sur l҆Ornithorhynque.