LE CENTENAIRE DU VAUDEVILLE
Le théâtre du Vaudeville se prépare à fêter par une grande représentation de gala le centenaire de sa fondation.
Il fut en effet créé en 1792, l’année même oii fut proclamée la liberté des théâtres, et s il prit le nom de Vaudeville, c est qu il se proposait d’exploiter ce genre, qui était nouveau alors — on l’a longtemps appelé le nouveau genre — celui de la comédie à ariettes, ou comédie mêlée de couplets.
Deux chansonniers en furent les fondateurs : Piis et Barré. Tous deux avaient connu le Caveau, ce célèbre Caveau qu illustrèrent les noms de Panard,
Piron et Collé. Ils achetèrent et firent aménager, en forme de théâtre, par l’architecte Lenoir, une salle de bal qui était connue à Paris sous le nom de
Wauxhail d’hiver ou Petit Panthéon. Elle était située rue de Chartres Saint- Honoré à l’encoignure de la rue Saint-Thomas du Louvre. Il serait inutile de chercher aujourd’hui ces rues sur un plan de Paris; elles se trouvaient à l’en
droit occupé à cette heure par le prolongement du palais des Tuileries, en face du Palais-Royal. L Illustration vous donne une vue en perspective de cette salle disparue, et elle y joint le portrait de Yon Barré.
Le nouveau théâtre ouvrit ses portes le 12 janvier 1792. Peut-être le lecteur sera-t-il curieux de savoir le prix des places à cette époque déjà lointaine :
Orchestre, baignoires et premières loges................ 3 livres. Deuxième loges et amphithéâtres des premières... 50 sous. Troisième loges et amphithéâtres dos secondes— 40 sous.
Amphithéâtres des troisièmes et parterre assis.... 30 sous. Paradis..................................................................... 20 sous.
Vous voyez qu en ce temps-là, on pouvait à bon compte se régaler du spectacle. Il est vrai que l’argent a perdu de sa valeur, et que les trois livres de 1792 équivalent à cinq ou six francs de notre monnaie.
La première pièce jouée au Vaudeville était intitulée : Les Deux Panthéons Ou VInauguration du Vaudeville. M. de Piis, écuyer, secrétaire de monseigneur le duc d’Artois, directeur du théâtre et vaudevilliste, en était
l’auteur. La pièce avait trois actes, et ne comportait pas moins de cinquantetrois rôles, sans compter les figurants.
Il paraît que ce début ne fut pas heureux : les Deux Panthéons furent siffles sans miséricorde. Tout était allé de travers; les trucs avaient raté; les acteurs, qui, pour la plupart, n’avaient encore paru que sur les théâtres de société, n’avaient pu soutenir une œuvre aussi longue et qui, comme en gé
néral tous les à-propos et toutes les pièces d’inauguration, n’était pas des plus amusantes. Nous sommes plus tolérants aujourd’hui; nous faisons la part des nécessités, et pardonnons, quand un nouveau théâtre ouvre, aux machines de ne pas bien savoir leur rôle, aux acteurs de mal débiter le leur.
Les Deux Panthéons n’eurent qu’une représentation. Il fallait pour le lendemain un nouveau spectacle; heureusement, les directeurs avaient dans leur troupe quelques acteurs empruntés à la Comédie-Italienne, qui savaient un certain nombre de pièces du répertoire de leur ancien théâtre; on eut recours à eux et la situation fut sauvée.
Quarante-trois spectacles différents furent donnés au Vaudeville en cette première année. C étaient pour la plupart des pièces de l’ancienne comédie italienne, comme le Printemps, le Cassandre oculiste, les Etrennes de Mercure, les Vendangeurs, les Voyages de Rosine, la Matinée villageoise, les Solitaires de Normandie, les Amours d été, etc., qui alternaient avec les ou
vrages nouveaux montés par la direction du Vaudeville, tels que les Mille et un théâtres, l Auteur d un moment, Arlequin afficheur, la Matrone d Ephèse, la Gageure inutile, etc.
Les auteurs, outre Piis, Barré, Radet et Desfontaines, s’appelaient Léger, les deux Ségur, Deschamps, Boutellier, Faucômpré, Guillemain, Rourgaud... Ne serait-ce pas le cas de s écrier comme je ne sais quel personnage de comédie :
M. ALBERT CARRÉ. — Photographie Barco, do Nancy.
Si j’en connais un seul je veux être étranglé.
Le théâtre du Vaudeville se prépare à fêter par une grande représentation de gala le centenaire de sa fondation.
Il fut en effet créé en 1792, l’année même oii fut proclamée la liberté des théâtres, et s il prit le nom de Vaudeville, c est qu il se proposait d’exploiter ce genre, qui était nouveau alors — on l’a longtemps appelé le nouveau genre — celui de la comédie à ariettes, ou comédie mêlée de couplets.
Deux chansonniers en furent les fondateurs : Piis et Barré. Tous deux avaient connu le Caveau, ce célèbre Caveau qu illustrèrent les noms de Panard,
Piron et Collé. Ils achetèrent et firent aménager, en forme de théâtre, par l’architecte Lenoir, une salle de bal qui était connue à Paris sous le nom de
Wauxhail d’hiver ou Petit Panthéon. Elle était située rue de Chartres Saint- Honoré à l’encoignure de la rue Saint-Thomas du Louvre. Il serait inutile de chercher aujourd’hui ces rues sur un plan de Paris; elles se trouvaient à l’en
droit occupé à cette heure par le prolongement du palais des Tuileries, en face du Palais-Royal. L Illustration vous donne une vue en perspective de cette salle disparue, et elle y joint le portrait de Yon Barré.
Le nouveau théâtre ouvrit ses portes le 12 janvier 1792. Peut-être le lecteur sera-t-il curieux de savoir le prix des places à cette époque déjà lointaine :
Orchestre, baignoires et premières loges................ 3 livres. Deuxième loges et amphithéâtres des premières... 50 sous. Troisième loges et amphithéâtres dos secondes— 40 sous.
Amphithéâtres des troisièmes et parterre assis.... 30 sous. Paradis..................................................................... 20 sous.
Vous voyez qu en ce temps-là, on pouvait à bon compte se régaler du spectacle. Il est vrai que l’argent a perdu de sa valeur, et que les trois livres de 1792 équivalent à cinq ou six francs de notre monnaie.
La première pièce jouée au Vaudeville était intitulée : Les Deux Panthéons Ou VInauguration du Vaudeville. M. de Piis, écuyer, secrétaire de monseigneur le duc d’Artois, directeur du théâtre et vaudevilliste, en était
l’auteur. La pièce avait trois actes, et ne comportait pas moins de cinquantetrois rôles, sans compter les figurants.
Il paraît que ce début ne fut pas heureux : les Deux Panthéons furent siffles sans miséricorde. Tout était allé de travers; les trucs avaient raté; les acteurs, qui, pour la plupart, n’avaient encore paru que sur les théâtres de société, n’avaient pu soutenir une œuvre aussi longue et qui, comme en gé
néral tous les à-propos et toutes les pièces d’inauguration, n’était pas des plus amusantes. Nous sommes plus tolérants aujourd’hui; nous faisons la part des nécessités, et pardonnons, quand un nouveau théâtre ouvre, aux machines de ne pas bien savoir leur rôle, aux acteurs de mal débiter le leur.
Les Deux Panthéons n’eurent qu’une représentation. Il fallait pour le lendemain un nouveau spectacle; heureusement, les directeurs avaient dans leur troupe quelques acteurs empruntés à la Comédie-Italienne, qui savaient un certain nombre de pièces du répertoire de leur ancien théâtre; on eut recours à eux et la situation fut sauvée.
Quarante-trois spectacles différents furent donnés au Vaudeville en cette première année. C étaient pour la plupart des pièces de l’ancienne comédie italienne, comme le Printemps, le Cassandre oculiste, les Etrennes de Mercure, les Vendangeurs, les Voyages de Rosine, la Matinée villageoise, les Solitaires de Normandie, les Amours d été, etc., qui alternaient avec les ou
vrages nouveaux montés par la direction du Vaudeville, tels que les Mille et un théâtres, l Auteur d un moment, Arlequin afficheur, la Matrone d Ephèse, la Gageure inutile, etc.
Les auteurs, outre Piis, Barré, Radet et Desfontaines, s’appelaient Léger, les deux Ségur, Deschamps, Boutellier, Faucômpré, Guillemain, Rourgaud... Ne serait-ce pas le cas de s écrier comme je ne sais quel personnage de comédie :
M. ALBERT CARRÉ. — Photographie Barco, do Nancy.
Si j’en connais un seul je veux être étranglé.