LE NOUVEAU PORT DE FÉCAMP
On a inauguré dernièrement le nouveau port de Fécamp. A proprement parler, il n’y a pas de nouveau port, ët nous devrions plutôt dire qu’on a inauguré les travaux d’amélioration et d’agrandissement de celui qui existait et aussi l’amorce de travaux plus importants.
Le port de Fécamp avant le siècle dernier n’existait pas ; la rivière de Ganzeville en se jetant dans la Retenne forme un marais qui servait de port aux pêcheurs d alors. C’est vers le commencement du siècle dernier que Vauban indiqua les travaux à faire pour obtenir en cet endroit un des ports les plus surs qui existent. Vers 1836 ou 1840, on creusa le bassin à flot, celui qui sert actuellement et qu’on voit sur notre gravure encombré d une forêt de mâts; c’est l’ingénieur Berigny qui menaà bien ce travail, et son nom est resté attaché à 1 œuvre. Sous le second empire, on acheva l estacade sud, on creusa le chenal, puis on porta la profondeur à 4 mètres aux basses eaux, ce qui fait 19 mètres en eaux vives. On installa enfin un pont tournant métallique et, lors
de la création du chemin de fer, une gare qui donne de grandes facilités pour les transbordements.
On sait que Fécamp est le centre d’une industrie spéciale, l armement pour la pêche à la morue. 50 à 60 bateaux trois-mâts jaugeant de 150 à 350 tonneaux et comptant de 20 à 30 hommes d’équipage ou de pêcheurs partent de là tous les ans au mois de mars pour Terre-Neuve et l’Islande ; ils y restent jusqu’au mois de septembre, et pendant tout le temps ils sont en station dans une baie ou le long des cotes, pêchant à la ligne, dépeçant et salant le poisson à mesure qu’ils le prennent. Mais nous n’avons pas l’intention de décrire cette pêche bien connue et rendue célèbre par un roman de Pierre Loti. Ce que nous vou
lons dire, c’est que, lorsque nos marins sont rentrés avec leur chargement de poisson, ils ne restent pas inactifs, ils laissent au port leur grand trois-mâts
FÉCAMP. — Cartede la ville et des agrandissements du port.
et équipent de plus petites barques pour la pêche au hareng et au maquereau.
C’est alors que le bassin Berigny se trouve encombré et qu’il ne reste plus grande place pour les caboteurs qui viennent apporter à Fécamp le char
bon, le bois, etc., nécessaires à ses nombreuses usines. Cette ville est en effet un centre industriel assez important, on y trouve des filatures de coton, des
tissages, des minoteries, scieries, d’importants chantiers de construction pour les bateaux, etc. 11 se fait, pour alimenter toutes ces fabriques, un mouve
ment assez grand de cabotage, et c’est là, lorsque le port est encombré par les bateaux de pêche, qu’on a reconnu son insuffisance. Les travaux qui vien
nent d être terminés comprenaient l’agrandissement du chenal, qui a été porté
de 40 mètres de large à 70 ou 80 mètres; ce chenal aboutit, comme le montre notre gravure, à l’avant-port, qui a été également amélioré; enfin on a creusé un bassin de demi-marée qui fait suite (sur la gauche) à l’avant-port, et on a amorcé le creusement d’un bassin à flot (à l’extrême gauche et à la suite du bassin de demi-marée). Mais, pour le moment, il n’est pas question de continuer ce travail, qui se fera certainement un jour, l industrie de Fécamp devenant toujours plus florissante.
Actuellement avec son long chenal qui rend le port facilement accessible par tous les temps, même pour de gros bateaux, avec son avant-port et son bassin à demi-marée, l’encombrement, même pendant la saison de la petite pêche, n’est plus à craindre et, le bassin Berigny se trouvant soulagé, les bateaux y seront en sûreté sans crainte de chocs ou d’abordages. Les caboteurs à vapeur qui, de leur côté, apportent aux usines leurs bois, leurs charbons et matières premières, pourront non seulement évoluer facilement, mais opérer rapidement leur chargement et déchargement, et c’est surtout dans la marine, lors
qu’un bateau est armé, qu’on peut dire comme les Anglais que le temps c’est de l’argent.
Ces nouvelles améliorations du port de Fécamp ont été faites par le ministère des travaux publics, par MM. Bechmann, Toulon et Corbeau, sous la direction des ingénieurs en chef Bellot et Quenette de Rochemont.
G. M.
L INAUGURATION DES NOUVEAUX BASSINS DE FÉCAMP — Panorama de la ville et du port.
- D’après une photographie de M. Meys.