LA DYNAMITE


Depuis les événements de ces derniers temps on n entend plus parler que de dynamite ; mais com
bien. de personnes ne connaissent que de nom ce terrible explosif, sans savoir de quoi il se compose. Sans vouloir donner ici un traité de la fabrication de cette substance, nous avons pensé qu’il ne serait pas inutile d’entrer dans certains détails sur sa composition et son utilité; car, il faut bien le re
connaître, s il nous a causé quelque ennui, il nous a, en revanche, rendu bien des services.
On nous reprochera peut-être de donner aux anarchistes la facilité de le fabriquer, mais nous répondrons à cela que l’arme pourrait bien, au con
traire, se retourner contre eux, car, à moins d être très expérimentés, et alors ils n’ont pas besoin de chercher des renseignements ici, ceux qui tente
raient de fabriquer cet explosif sont presque voués à une mort certaine.
La dynamite n’est autre chose que de la nitroglycérine sous une forme spéciale; il est donc in
dispensable de parler d’abord de cette dernière substance, qui n’est du reste guère utilisable sans sa nouvelle transformation, à cause des dangers que présente sa manipulation.
La nitroglycérine a été découverte en 1847 par M. Sobrero; mais c’est M. Nobel, ingénieur suédois, qui l’a étudiée d une façon complète et qui a le plus contribué à en rendre pratiques la fabrication et
l’emploi. Il en apprit en même temps les immenses dangers, car, en 1868, une fabrique installée par lui à Stockholm faisait explosion, enseve
lissant sous ses décombres tout le personnel de chimistes et ouvriers.
La fabrication est interdite depuis en Suède.
Comme son nom l’indique, c’est un composé d a­ cide nitrique et de glycérine. Elle se présente sous l aspect d une huile jaune ou brunâtre, plus lourde que l eau. On en obtient la cristallisation en ai
guilles allongées en la soumettant à un froid peu considérable, mais prolongé. Sous cette forme elle peut détonner par un choc même peu violent, surtout si elle n est pas très pure.
Au lieu d employer de l acide nitrique pur avec la glycérine pour la préparation, on a reconnu qu’il était préférable d ajouter aussi de l acide sulfurique; celui-ci ne concourt à la réaction qu’en ab
sorbant l’eau devenue libre à mesure que se produit l’action de l acide nitrique sur la glycérine et em
pêche ainsi ce dernier acide de s affaiblir. Tin deuxième avantage encore, c’est que le produit fi
nal, c est-à-dire la nitroglycérine, n’étant pas soluble dans ce mélange, se précipite et se sépare facile
ment, tandis qu’elle est, au contraire, soluble dans l acide nitrique pur.
M. Kopp, qui a étudié particulièrement l emploi de cette substance pour l exploitation des carrières,
avait recommandé sa préparation sur place au moment de son emploi. Dans une terrine de grès
maintenue à une basse température par un bainmarie d’eau froide, on mélange de l’acide nitrique fumant avec le double de son poids d’acide sulfurique aussi concentré que possible. Dans un autre récipient, une marmite en fonte, on évapore de la gly
cérine du commerce jusqu’à ce qu’elle marque 30 degrés Beaumé; après refroidissement elle prend la consistance sirupeuse.
Ces deux préparations faites, l ouvrier prend un récipient qu’il met dans l’eau froide pour éviter réchauffement, puis il y verse 3,300 grammes du mélange des acides bien refroidi et y ajoute ensuite, en remuant constamment, 500 grammes de la glycérine sirupeuse.
Après mélange bien intime, on jette le tout dans l eau froide et la nitroglycérine se précipite au fond. On décante et on la recueille dans des bou
teilles, elle est prête à être utilisée. Mais il ne faut pas oublier qu elle est loin d’être pure et qu’elle doit être employée au bout de peu de temps, sans quoi elle pourrait détonner spontanément.
A la poudrerie de Vonge où l on a fabriqué des quantités considérables de cette substance pour le compte de l’Etat, on a procédé d’une façon différente qui présente plus de sécurité.
On fait un premier mélange de : glycérine 100, acide sulfurique 320; un deuxième mélange d’acide sulfurique 280, et acide nitrique 280. On garde ces
deux mélanges séparément et, au moment de la fabrication, on réunit les deux, ce qui, en fin de
compte, donne le même résultat que par le procédé décrit précédemment.
Maintenant que nous avons indiqué le mode de préparation qui, comme on le voit, est très simple, voyons quels sont les inconvénients de la nitroglycérine.
Elle est très vénéneuse et son absorption par la peau des mains même est dangereuse. Elle est as
sez volatile, et, comme on doitla conserver en vase clos, il arrive alors qu’une assez forte pression s exerce sur toute la masse et dans cet état le moindre choc peut déterminer l’explosion. C est à la suite d accidents survenus pendant le transport de bonbonnes qu’on a interdit le transport de cette substance. En outre, comme nous l’avons dit, elle est rarement pure, elle contient presque toujours des traces des acides employés à sa fabrication et dans ces conditions détonne facilement, ce qui ex
plique ces explosions spontanées dont on a que trop souvent eu à enregistrer les dégâts.
Son emploi présente donc bien des inconvénients et c’est pour les éviter que M. Nobel a été amené à la disposer de façon à la rendre plus maniable sous forme de dynamite.
Il a eu l’idée d immobiliser les molécules de la nitroglycérine en faisant absorber le liquide par un corps spongieux, solide, offrant une grande surface. Les molécules, ainsi logées dans une subs
tance inerte, sont isolées l’une de l’autre, et ne présentent plus une aussi grande sensibilité.
La nature de la substance employée pour obtenir ce résultat constitue les différentes sortes de dyna
mites qui prennent aussi différents noms donnés par les inventeurs des mélanges constituant cette substance absorbante. On les divise en deux classes: celles à base inerte, et celles à base active. Ces
deux dénominations sont assez explicites par elles-mêmes ; dans la première classe, la base n’a­ git en rien sur l’explosion, et ne sert que de sup
port pour ainsi dire aux matières explosives ; dans l autre au contraire, la base, tout en servant aussi de support, a elle-même un effet explosif qui vient s ajouter au premier.
Pour la première classe de dynamite, celle à base inerte, il est indispensable que l’absorption soit complète et que la nitroglycérine ne tende pas à reprendre sa forme liquide à la longue. On trouve de ces substances dans différentes contrées et on peut les fabriquer par divers mélanges suivant qu on veut avoir plus ou moins d’absorption. C’est leur choix qui caractérise les différentes qualités de dynamite. La matière la plus employée par M. No
bel est un sable silicieux qui se trouve en Hanovre et qui absorbe jusqu’à 75 0/0 de nitroglycérine.
En France la poudrerie de Vonge a employé entre autres la formule suivante : absorbant : silice de Vierzon 48; craie de Meudon 1,5; ocre rouge 0,5; nitroglycérine 50; d autres substances mélangées ont été aussi employées et on a obtenu une puissance d’absorption de 75 0/0.
Dans la deuxième classe, la dynamite à base active, on introduit dans la matière absorbante une substance combustible, qui, en brûlant au moment de la déflagration, produit un dégagement de gaz qui augmente l effet utile. Reste à trouver cette substance qui doit réunir des conditions qui s ex
cluent souvent l’une l’autre. En effet, les poudres explosives ont généralement un pouvoir absorbant très limité et l’avantage qu’on trouve dans l emploi de leur dégagement de gaz est compensé par le peu de nitroglycérine absorbée. En somme, ces dyna
mites ont moins de force que celles à base inerte a 75 0/0, sauf cependant celle qui a pour absorbant le coton poudre-.
Elle contient également 75 0/0 de nitroglycérine, et a une très grande puissance, elle est employée dans le service du génie autrichien.
Bien des inventeurs ont imaginé des dynamites à base -active ; nous n’en citerons qu’une fabriquée par la maison Krebs de Cologne, qui en garde soi
gneusement le secret; mais, à l analyse, elle révèle la composition suivante : nitroglycérine, 52; sable fin, 30; charbon de terre, 12; salpêtre, 4; soufre, 2. L inventeur lui a donné le nom de lithofacteur. Les
effets qu’elle produit sont, sous certains rapports, supérieurs à ceux des autres dynamites, les effets de détente et de projection, par exemple ; mais ses effets brisants sont beaucoup moindres.
Voyons maintenant comment on peut employer la dynamite. De même que sa substance initiale la nitroglycérine, elle peut être brûlée sans donner lieu à aucune explosion ; disposée en tas et allu
mée avec une allumette, elle ne détonnera pas.
Mais si au lieu d’une allumette on a employé un fulminate, la détonation a lieu.
MM. Roux et Sanau ont fait là-dessus d’importantes expériences; ils ont trouvé que si la dynamite est comprimée et enflammée avec un fulmi
nate, l effet brisant est dix fois plus fort qu’avec de la poudre ordinaire employée dans les mêmes conditions. Si au contraire la cartouche est enflammée avec une mèche ou une percussion insuf
fisante, l’effet produit est à peine égal à deux fois celui de la poudre.
Le système d’amorçage est donc d’une grande importance pour le résultat Anal, et le commerce vend des. capsules spéciales pour cet usage. Elles sont analogues à celles des anciens fusils à piston, ce sont de petits cylindres en cuivre rouge conte
nant 3, 4, 5 décigrammes et plus de fulminate; ces capsules s’enflamment au moyen d’une mèche qui
brûle lentement et dont l’extrémité est en contact avec le fulminate. Lorsqu on veut opérer à de grandes distances ou faire partir plusieurs charges simultanément, on allume les capsules au moyen de l’électricité; il faut alors employer des amorces très sensibles fabriquées spécialement pour cet usage.
La puissance de la dynamite est très considérable : si l’on admet, avec M. Berthelot, que le travail théorique d un corps explosif peut être calculé en faisant le produit de la quantité de chaleur déga
gée par le volume des gaz produits par l’explosion,
on arrive aux résultats suivants : pour la poudre de chasse par exemple, le produit de ces deux quantités étant 139,000, il est par la dynamite de 939,000.
L usage principal de la dynamite dans l industrie est limité aux travaux publics et aux mines. Bien des travaux abandonnés autrefois ont pu être repris depuis l’invention de la dynamite.
Le prix est variable suivant le genre employé, mais ou peut prendre une moyenne de 4 francs le kilo, qui, comparé au prix de la poudre à 2 fr. 25, donne une économie si on tient compte de l’effet résultant de la même quantité employée.
Il existe en France deux sociétés privées qui confectionnent les explosifs de cet ordre; l’une d’elles possède deux usines, l’autre une. En dehors de cela on n’en fabrique que dans les poudreries de l’Etat.
Le commerce de ces substances est soumis à une règlementation des plus sévères, plus sévère en
core que celui des poudres. Il faut faire une déclaration à la préfecture du département où elles doi
vent être employées, indiquer l’emploi, en justifier, enfin remplir une foule de formalités qui ne permettent pas au premier venu de s’en procurer.
Quant à la fabriquer soi-même, nous l avons dit en commençant, il n’y faut pas songer, à moins d’être du métier, car on risque une mort presque certaine. Si donc nos lecteurs sont maintenant ren
seignés sur le mode de fabrication de la dynamite, nous leur souhaitons de n en jamais ressentir les effets. X.


NOTES ET IMPRESSIONS


Par leurs clécoirvertes merveilleuses, les savants ont donné bien des comment: ils n ont pas donné un seul pourquoi.
Melchior de Vogué.
Mystique, sceptique : deux extrêmes entre lesquels il n y a pas de ternie moyen.
Paul Marin.
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I,e bonheur est chose si fragile qu on risque do le perdre rien qu’en en parlant.
Jules Lemaître.
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Les vrais drames du cœur n ont pas d’événements.
Paul Bourget.
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On préfère la réputation d’homme à bonnes fortunes aux bonnes fortunes elles-mêmes.
Malapert
Le cœur reste crédule plus longtemps que l esprit,
Guy Delaforest.
Aux yeux de qui nous aime, nous sommes rarement coupables ou ridicules.
André Theuriet.
Sans le frein des mœurs, le progrès matériel des sociétés n est qu une marche précipitée dans la décadence.
Les enfants héritent quelquefois des qualités des parents, presque toujours de leurs défauts.
G.-M. Valtour.