qms de Jehan de Troyes, dont M. Tattegrain s’cst inspiré. Le tableau appartient à la Ville de Paris.
Il faut nous arrêter un instant devant la grande toile où M. Détaillé a éloquemment raconté un des épisodes les plus glorieux de la guerre de France en 1815. Le récit de cette fameuse Sortie de la garnison de Euningue, récit emprunté par le cata
logue du Salon au tome XIV des « Victoires et conquêtes des Français », est reproduit au-dessous de la gravure que nous donnons ; je n’ai donc pas à m’étendre sur le sujet.
C’était.là une belle peinture à faire; M. Détaillé l a faite et nous n’hésitons pas à dire que, à notre avis, il ne s’était jamais élevé aussi haut, au moins dans les grandes toiles que nous connaissons de lui. Il passe comme un souffle d héroïsme dans son ta
bleau, et l’exécution a quelque chose de la fierté du sujet. Le décor, admirablement composé, repré
sente une des portes des fortifications de la ville, avec les talus éventrés par les boulets. La garni
son réduite à quelques soldats de toutes armes, hâves et déguenillés, s’avance face au spectateur, entre deux rangées d’Autrichiens bien nourris, bien astiqués, portant à leurs casques des ra
meaux dé verdure. Deux tambours, dont un en
fant de troupe, ouvrent la marche, dévallant par le chemin couvert que bordent les talus; ce sont deux vaillantes figures de soldats et l’exécution en est
tout à fait remarquable. Décidément l Institut était bien inspiré quand, il y a quelques jours à peine, il faisait choix de M. Détaillé parmi plusieurs candidats d un mérite reconnu.
Nous arrivons maintenant au portrait. On constate avec plaisir que cette branche de l’art est tou
jours chez nous saine et vigoureuse, portant des fruits que l on ne trouverait pas ailleurs. Le por
trait est, si l’on peut dire, la pierre de touche où se mesure la force d’une école de peinture ; or, nous comptons toute une légion de portraitistes excel
lents, joignant à des connaissances sérieuses de la forme une excellente pratique de la couleur.
Un des plus remarquables; à mon avis, des portraits exposés serait celui de Mme Leroux-Rïbeyre, parM. A Basc.het ; le jeune artiste y a mis, avec un talent des plus fins, du goût, de la grâce et de l’éclat; cette peinture, dans son élégante simplicité, fait songer à certains portraits de David, qui nous en a laissé de si beaux. Très remarquable aussi le Gladstone de M. J. Hamilton. M. Lefebvre a des por
traits distingués, comme toujours,’ mais pourquoi peint-il si minutieusement les poils de la barbe? C’est la vraie manière de nous prouver qu’il en fait un dé
nombrement inexact ; car il est impossible de ren
dre l impression d une barbe ou d’une chevelure fournie autrement que par des jeux de lumière. D’autres maîtres consacrés, M. Paul Dubois, M. Bonnat (Portrait de M. Renan), le vénérable M. Jean Gigoux, MM. J.-P. Laurens, Roybet, Munkacsy, Yvon, sont représentés au Salon; à côté d eux et marchant sur leurs traces, quand ils ne les dépas
sent pas, MM. Paul Langlois (excellent portrait du paysagiste Gagliardini devant une de ses toiles), Benjamin Constant, Comerre, Brouillet, J. Aviat, Louis Doyen, Salgado, Havery (portrait équestre),
exposent des portraits d’un mérite réel. Le manque d’espaee ne nous permet pas d’insister, mais nous ne saurions nous résigner à passer sous silence les noms de divers artistes dont l’exposition est fort remarquable : MM. Lotthé, Mottez, H. Lucas; Léandre, G. Popelin, P.-H. Flandrin, Parlaghy Vilma,
Saint-Pierre, Thivier, Ochoa, Wencker, Schutzenberger, Bassot, de Winter, A. Gautier, H. Caïn, Regamey, qui, dans un spirituel tableau, nous montre les escrimeurs célèbres du moment, P. Blanchard,
F. Mathias, P. Chabas, Galliae, Foubert (le Portrait de Corot peignant entouré de nymphes curieuses),
Franc Lamy, Kowalsky, E. Bordes et enfin M. Chartran, dont le brillant portrait de Léon XIII, qui a beaucoup occupé les journaux, présente cette sin
gularité de rappeler la statue célèbre de Houdon : le portrait de Voltaire, avec son « hideux sourire ».
I, énumération que nous venons de faire est bien longue, et pourtant nous n’avons nommé aucune dame. Les femmes-peintres — ainsi se désignentelles elles-mêmes dans la société d’expositions qui les réunit pour la plupart — ont aujourd’hui un talent difficile à distinguer de celui des hommes ; peut-être apportent-elles dans le métier un peu
moins de force, mais, à coup sûr, elles y mettent plus de grâce. Beaucoup de portraits, et des meil
leurs du Salon, sont signés de noms de femmes; d’ailleurs, citer certains d’entr’eux, c’est rappeler des succès antérieurs. Mme Th. Schwartze, Abbéma (Portrait de Mme de Martel : le célèbre
écrivain Gyp), Beaury-Saurel, Madeleine Smith, Inès de Beaufond— un nom de peintre — Dauvergne (élève et successeur de Chaplin), Anna de Bilinska, Marthe de Perlouan, Mélanie Besson... ont bien mérité des contemporains qui se sont confiés à leur talent de peintre.
Ce n’est pas tout encore, car le portrait se glisse partout: dans les représentations militaires, dans le paysage, et même dans la nature morte; j’en ai aperçu un fort bon de M. Bail, à côté d’un chaudron étincelant de propreté et qui, à vrai dire, éclipsait un peu le personnage.
Mais c’est surtout dans les tableaux de genre qu’il est aisé de découvrir d’excellents portraits,
avec cette particularité qu’ici c’est le peintre qui choisit ses modèles. Les amusants plaideurs de M. Buland ne sont pas autre chose, mais com
bien choisis avec discernement pour la cause! On ne saurait rendre avec plus d’esprit et de vé
rité l effarement produit sur les âmes simples par ce cri familier de dame Justice : A huitaine! Dans le même ordre d’idées, on trouvera au Salon d’amu
santes peintures : Le Testament du père Tiénot, par M. Entiers, très observateur lui aussi et bon peintre; les scènes bretonnes de M. Brunet; le Jeu de quilles, de M. Marée; le Jour de Sainl-Roeh, de M. Debat-Ponsàn; Pendant la leçon de M. Charles- Bitte; Le Roi boit, de M. Brispot; Entre amis, de M. Chocarne-Moreau; Le jour de composition, de M. Geoffroy; le Déjeuner champêtre de M. S. Olivetti.
Le nombre est si grand des tableaux de genre où il est aisé de relever de précieuses qualités d’observation et de mise en œuvre, que nous de
vons nous borner à nommer les auteurs, pour ne pas allonger outre mesure cette revue du Salon : MM. Gérôme, Wallon, Noailly, Lorimer avec une in
téressante Berceuse, A. Juinca, A. Dawant, Carlosberg, Stantrope, A. Forbes, Pille, Ed. Picard, avec des Mariniers, sincère et vigoureuse peinture réa
liste que le soleil couchant enveloppe de lumière et de poésie ; M._ Paul Thomas ; Mme Aline Billet : Contrebandiers ; MM. Bréauté et de Richemond, avec de curieux effets de lumière artificielle;
M. Chicotot; M. Surand, qui habille à la moderne la Tentation de saint Antoine-, MM. Ed. Bisson, Berg,Titcomb,Bergeret, Mac-Exven,Mélida, Sigriste.
Certains peirtres voyageurs rapportent des impressions excellentes : d’Orient viennent MM. Bompard, La Biffa; Shields-Clarke, le Marché de Nuit à Maroc; Weeks, Léon Joubert et Alfred Paris. M. Saint-Germier a vu des courses de taureaux en
Espagne; l’excellent peintre d’animaux, M. de Vuillefroy, a fait une excursion Dans le pays Basque.
Je cite au hasard et sans ordre, car le genre admet de telles variétés qu’il faut renoncer à obtenir un
classement méthodique. Nous avons encore les peintres de figures dans le paysage, parmi lesquels un maître respecté, M. Jules Breton, maintient son rang avec une composition intitulée Juin. Dans le voisinage de cette peinture on peut placer le Re
tour des champs, de M. E. Adan; le Tambour de village, de M. A. Moreau; le Coin de foire, de M. Beauverie; la Jeunesse, de M. A. Demont; la Quiétude, de Mme Thérèse de Champ-Renaud.
La Trempée, de Mmc N. Demont-Breton; Le Guêpier, de M. Bouguereau; La Liseuse, de M. J. P. Laurens ; le Pont à roulettes, de M. Outin ; la Nou
velle acquisition, de M. G. Caïn; La Servante, de M. Falguière, le maître statuaire; La Communion, de M. Bramtot; La Bienvenue, de M. Jacquet, qui
rappelle un peu le Lancret du Louvre oit de nobles dames festoiènt sur l’herbe en compagnie de gentils
hommes du siècle dernier... tous ces tableaux sont intéressants à des points de vue divers sur lesquels il est inutile de s’étendre.
La peinture militaire emprunte, cette année, un éclat particulier à la présence du grand tableau de M. Détaillé, dont nous avons parlé. Nos gravures d’après MM. Le Blant, Moreau de Tours, Berne- Bellecour, Roy et Clairin, suppléeront efficacement à des commentaires écrits ; nous pouvons donc
poursuivre notre tâche après avoir joint à ces noms populaires ceux de plusieurs autres peintres militaires qui ont droit aux égards de la cri
tique : MM. Boutigny, Grolleron, Sergent, A. Bloch et Rouffet.
Enfin, cette revue de la peinture de genre ne serait pas complète si nous omettions de citer quel
ques tableaux qui s’y rattachent : la Levée des nasses de M. E. Minet; Adieu ! de M. A. Guillon ; la Bonne pèche de M. V. Gilbert, et un sujet drama
tique de M. E. Thirion : les Barques ne rentrent pas. MM. Cormon et Eliminais ne m’en voudront pas d’y comprendre les Funérailles d’un chef à l àge du fer, et le Passage de la Meuse par les Francs au neuvième siècle, bien que ces toiles puissent prétendre à l’histoire.
Si nous avons été embarrassé pour rendre justice aux peintres de genre, la même difficulté se présente avec les paysagistes : ils sont toute une légion d’hommes de talent. J’ai déjà parlé de MM. Pointelin et Bouehor, je ne crois pas m a
venturer en recommandant aussi l’exposition de MM. Harpignies, E. Michel, Denduyts,; Decanis, Gagliardini, Quignon, Démarquais, Corbet, P. Bernard, Carpentier et E. Clary. On prendra égale
ment un vif plaisir devant les peintures de MM. Yon, Didier, Pougct, Petitjean, Le Poitevin, Desbrosses, Péraire, P. Sain, Struetzel, Rigolot, Tanzi, Boulan
ger, Balouzet, Baillet, Jourdeuil, Pelouse — On ex
pose le dernier tableau du regretté paysagiste — Dameron, Boyden, Yarz, Schultzberg, P. Bertrand, Boucher, Cari Rosa... Parmi les peintres d’animaux, les envois de MM. Ad. Marais, E. Merlot, Pezant, Tresdell, Yayson, Smith Lewis, Barillot et Bisbing, me semblent remarquables. Que de noms, et pour
tant je suis sûr d’en oublier parmi les plus dignes d être cités !
Les paysages de mer ne sont pas moins intéressants; MM. Olive, Paul Liot, Allègre, Nardi, Kuwasseg, Perret, Brangwyn, G. Vauthier, Berthelon, Dieterle; se distinguent particulièrement cette année.
J’allais oublier les fleurs de MM. Quost, Bourgogne, Lecreux, Grivclas Gaillard, Jeannin, et les natures mortes de MM. Bail, G. Maltesse, Fouace et
Thurner! Voilà qui est fait; je puis maintenant passer sans trop de remords à la sculpture.
L Exposition de sculpture ne présente cette année aucun morceau à grande sensation. Ce n’est pas que notre vaillante école de statuaires se repose, mais il se trouve que les grandes pièces sont encore sur chantier : on n’édifie pas un groupe de marbre ou de bronze comme on peint un ta
bleau : ce sont travaux de longue haleine et dont l’achèvement ne concorde pas toujours avec l’ouverture d’un Salon.
Le succès de curiorité sera certainement pour un artiste qui s’est depuis longtemps fait une grande place dans la peinture, et qui d’ailleurs compte déjà plus d’un succès comme statuaire. M. Gérôme expose deux ouvrages, tous deux importants, tous deux réussis : d’abor.l une statue, grandeur nature, de Bellone, bronze et ivoire relevés de métaux précieux ; quand même l’artiste n’y aurait pas mis toute l’ingéniosité de son talent, cette statue serait de grand prix à ne considérer que sa valeur maté
rielle. Le second ouvrage est un groupe en marbre rehaussé de peintures, reproduisant un sujet déjà traité par Lemoine et par d’autres statuaires : Galatée et Pygmalion. Tous ceux qui ont entendu le charmant opéra de Victor Massé sauront à quoi s’en tenir. Il y a cette particularité originale dans le groupe de M. Gérôme que le corps dé Galatée est rehaussé de couleurs légères qui lui. donnent les teintes rosées de la vie : le marbre semble s’a nimer aux accents passionnés de Pygmalion.
Nous donnons la gravure de plusieurs dés sculptures les plus remarquables du Salon:: Jeanne d Arc de M. Barrias, les Fruits de la guerre de M. Boisseau, un Guillaume Tell de M. A. Mercié ; une Bacchante de M. Moreau-Vauthier ; Washing
ton et Lafayette, groupe en bronze de M. Bartholdi, donné à la ville de Paris par un généreux citoyen de New-York ; la Vierge au fuseau, de
M. Emile Lafont, et la Toilette de la poupée, par M. Croisy. Mais ce n’est pas tout; j’ai relevé, dans mes notes bien d autres ouvrages qui réclament une mention : le Centaure Nessus, par M. Marqueste; Le Repos, par M. Boucher; Matho et Sa
lammbô, de M. Barrau ; une Madeleine de M. Bastet ; Alain Chartier, par M. A. Moncel; le Général Faidherbe, de M. Léon Noël ; des animaux de MM. A. Caïn et Gardet; enfin divers groupes, bustes ou statues de MM. Christophe Soulès, Harmaux, Puech, Vernhes, Daillon, Deloye, Hirou,.Saint-Vidal, Greber,L. Pierre, Larroux, Peyrol, G. Drouot, Hugues, Rambaud et Verlet.
J’ai nommé dans ce rapide examen du Salon tous les artistes dont le talent m’a frappé : au public, souverain juge, de réviser et de compléter mes listes.
Alfred de Lostalot.
Il faut nous arrêter un instant devant la grande toile où M. Détaillé a éloquemment raconté un des épisodes les plus glorieux de la guerre de France en 1815. Le récit de cette fameuse Sortie de la garnison de Euningue, récit emprunté par le cata
logue du Salon au tome XIV des « Victoires et conquêtes des Français », est reproduit au-dessous de la gravure que nous donnons ; je n’ai donc pas à m’étendre sur le sujet.
C’était.là une belle peinture à faire; M. Détaillé l a faite et nous n’hésitons pas à dire que, à notre avis, il ne s’était jamais élevé aussi haut, au moins dans les grandes toiles que nous connaissons de lui. Il passe comme un souffle d héroïsme dans son ta
bleau, et l’exécution a quelque chose de la fierté du sujet. Le décor, admirablement composé, repré
sente une des portes des fortifications de la ville, avec les talus éventrés par les boulets. La garni
son réduite à quelques soldats de toutes armes, hâves et déguenillés, s’avance face au spectateur, entre deux rangées d’Autrichiens bien nourris, bien astiqués, portant à leurs casques des ra
meaux dé verdure. Deux tambours, dont un en
fant de troupe, ouvrent la marche, dévallant par le chemin couvert que bordent les talus; ce sont deux vaillantes figures de soldats et l’exécution en est
tout à fait remarquable. Décidément l Institut était bien inspiré quand, il y a quelques jours à peine, il faisait choix de M. Détaillé parmi plusieurs candidats d un mérite reconnu.
Nous arrivons maintenant au portrait. On constate avec plaisir que cette branche de l’art est tou
jours chez nous saine et vigoureuse, portant des fruits que l on ne trouverait pas ailleurs. Le por
trait est, si l’on peut dire, la pierre de touche où se mesure la force d’une école de peinture ; or, nous comptons toute une légion de portraitistes excel
lents, joignant à des connaissances sérieuses de la forme une excellente pratique de la couleur.
Un des plus remarquables; à mon avis, des portraits exposés serait celui de Mme Leroux-Rïbeyre, parM. A Basc.het ; le jeune artiste y a mis, avec un talent des plus fins, du goût, de la grâce et de l’éclat; cette peinture, dans son élégante simplicité, fait songer à certains portraits de David, qui nous en a laissé de si beaux. Très remarquable aussi le Gladstone de M. J. Hamilton. M. Lefebvre a des por
traits distingués, comme toujours,’ mais pourquoi peint-il si minutieusement les poils de la barbe? C’est la vraie manière de nous prouver qu’il en fait un dé
nombrement inexact ; car il est impossible de ren
dre l impression d une barbe ou d’une chevelure fournie autrement que par des jeux de lumière. D’autres maîtres consacrés, M. Paul Dubois, M. Bonnat (Portrait de M. Renan), le vénérable M. Jean Gigoux, MM. J.-P. Laurens, Roybet, Munkacsy, Yvon, sont représentés au Salon; à côté d eux et marchant sur leurs traces, quand ils ne les dépas
sent pas, MM. Paul Langlois (excellent portrait du paysagiste Gagliardini devant une de ses toiles), Benjamin Constant, Comerre, Brouillet, J. Aviat, Louis Doyen, Salgado, Havery (portrait équestre),
exposent des portraits d’un mérite réel. Le manque d’espaee ne nous permet pas d’insister, mais nous ne saurions nous résigner à passer sous silence les noms de divers artistes dont l’exposition est fort remarquable : MM. Lotthé, Mottez, H. Lucas; Léandre, G. Popelin, P.-H. Flandrin, Parlaghy Vilma,
Saint-Pierre, Thivier, Ochoa, Wencker, Schutzenberger, Bassot, de Winter, A. Gautier, H. Caïn, Regamey, qui, dans un spirituel tableau, nous montre les escrimeurs célèbres du moment, P. Blanchard,
F. Mathias, P. Chabas, Galliae, Foubert (le Portrait de Corot peignant entouré de nymphes curieuses),
Franc Lamy, Kowalsky, E. Bordes et enfin M. Chartran, dont le brillant portrait de Léon XIII, qui a beaucoup occupé les journaux, présente cette sin
gularité de rappeler la statue célèbre de Houdon : le portrait de Voltaire, avec son « hideux sourire ».
I, énumération que nous venons de faire est bien longue, et pourtant nous n’avons nommé aucune dame. Les femmes-peintres — ainsi se désignentelles elles-mêmes dans la société d’expositions qui les réunit pour la plupart — ont aujourd’hui un talent difficile à distinguer de celui des hommes ; peut-être apportent-elles dans le métier un peu
moins de force, mais, à coup sûr, elles y mettent plus de grâce. Beaucoup de portraits, et des meil
leurs du Salon, sont signés de noms de femmes; d’ailleurs, citer certains d’entr’eux, c’est rappeler des succès antérieurs. Mme Th. Schwartze, Abbéma (Portrait de Mme de Martel : le célèbre
écrivain Gyp), Beaury-Saurel, Madeleine Smith, Inès de Beaufond— un nom de peintre — Dauvergne (élève et successeur de Chaplin), Anna de Bilinska, Marthe de Perlouan, Mélanie Besson... ont bien mérité des contemporains qui se sont confiés à leur talent de peintre.
Ce n’est pas tout encore, car le portrait se glisse partout: dans les représentations militaires, dans le paysage, et même dans la nature morte; j’en ai aperçu un fort bon de M. Bail, à côté d’un chaudron étincelant de propreté et qui, à vrai dire, éclipsait un peu le personnage.
Mais c’est surtout dans les tableaux de genre qu’il est aisé de découvrir d’excellents portraits,
avec cette particularité qu’ici c’est le peintre qui choisit ses modèles. Les amusants plaideurs de M. Buland ne sont pas autre chose, mais com
bien choisis avec discernement pour la cause! On ne saurait rendre avec plus d’esprit et de vé
rité l effarement produit sur les âmes simples par ce cri familier de dame Justice : A huitaine! Dans le même ordre d’idées, on trouvera au Salon d’amu
santes peintures : Le Testament du père Tiénot, par M. Entiers, très observateur lui aussi et bon peintre; les scènes bretonnes de M. Brunet; le Jeu de quilles, de M. Marée; le Jour de Sainl-Roeh, de M. Debat-Ponsàn; Pendant la leçon de M. Charles- Bitte; Le Roi boit, de M. Brispot; Entre amis, de M. Chocarne-Moreau; Le jour de composition, de M. Geoffroy; le Déjeuner champêtre de M. S. Olivetti.
Le nombre est si grand des tableaux de genre où il est aisé de relever de précieuses qualités d’observation et de mise en œuvre, que nous de
vons nous borner à nommer les auteurs, pour ne pas allonger outre mesure cette revue du Salon : MM. Gérôme, Wallon, Noailly, Lorimer avec une in
téressante Berceuse, A. Juinca, A. Dawant, Carlosberg, Stantrope, A. Forbes, Pille, Ed. Picard, avec des Mariniers, sincère et vigoureuse peinture réa
liste que le soleil couchant enveloppe de lumière et de poésie ; M._ Paul Thomas ; Mme Aline Billet : Contrebandiers ; MM. Bréauté et de Richemond, avec de curieux effets de lumière artificielle;
M. Chicotot; M. Surand, qui habille à la moderne la Tentation de saint Antoine-, MM. Ed. Bisson, Berg,Titcomb,Bergeret, Mac-Exven,Mélida, Sigriste.
Certains peirtres voyageurs rapportent des impressions excellentes : d’Orient viennent MM. Bompard, La Biffa; Shields-Clarke, le Marché de Nuit à Maroc; Weeks, Léon Joubert et Alfred Paris. M. Saint-Germier a vu des courses de taureaux en
Espagne; l’excellent peintre d’animaux, M. de Vuillefroy, a fait une excursion Dans le pays Basque.
Je cite au hasard et sans ordre, car le genre admet de telles variétés qu’il faut renoncer à obtenir un
classement méthodique. Nous avons encore les peintres de figures dans le paysage, parmi lesquels un maître respecté, M. Jules Breton, maintient son rang avec une composition intitulée Juin. Dans le voisinage de cette peinture on peut placer le Re
tour des champs, de M. E. Adan; le Tambour de village, de M. A. Moreau; le Coin de foire, de M. Beauverie; la Jeunesse, de M. A. Demont; la Quiétude, de Mme Thérèse de Champ-Renaud.
La Trempée, de Mmc N. Demont-Breton; Le Guêpier, de M. Bouguereau; La Liseuse, de M. J. P. Laurens ; le Pont à roulettes, de M. Outin ; la Nou
velle acquisition, de M. G. Caïn; La Servante, de M. Falguière, le maître statuaire; La Communion, de M. Bramtot; La Bienvenue, de M. Jacquet, qui
rappelle un peu le Lancret du Louvre oit de nobles dames festoiènt sur l’herbe en compagnie de gentils
hommes du siècle dernier... tous ces tableaux sont intéressants à des points de vue divers sur lesquels il est inutile de s’étendre.
La peinture militaire emprunte, cette année, un éclat particulier à la présence du grand tableau de M. Détaillé, dont nous avons parlé. Nos gravures d’après MM. Le Blant, Moreau de Tours, Berne- Bellecour, Roy et Clairin, suppléeront efficacement à des commentaires écrits ; nous pouvons donc
poursuivre notre tâche après avoir joint à ces noms populaires ceux de plusieurs autres peintres militaires qui ont droit aux égards de la cri
tique : MM. Boutigny, Grolleron, Sergent, A. Bloch et Rouffet.
Enfin, cette revue de la peinture de genre ne serait pas complète si nous omettions de citer quel
ques tableaux qui s’y rattachent : la Levée des nasses de M. E. Minet; Adieu ! de M. A. Guillon ; la Bonne pèche de M. V. Gilbert, et un sujet drama
tique de M. E. Thirion : les Barques ne rentrent pas. MM. Cormon et Eliminais ne m’en voudront pas d’y comprendre les Funérailles d’un chef à l àge du fer, et le Passage de la Meuse par les Francs au neuvième siècle, bien que ces toiles puissent prétendre à l’histoire.
Si nous avons été embarrassé pour rendre justice aux peintres de genre, la même difficulté se présente avec les paysagistes : ils sont toute une légion d’hommes de talent. J’ai déjà parlé de MM. Pointelin et Bouehor, je ne crois pas m a
venturer en recommandant aussi l’exposition de MM. Harpignies, E. Michel, Denduyts,; Decanis, Gagliardini, Quignon, Démarquais, Corbet, P. Bernard, Carpentier et E. Clary. On prendra égale
ment un vif plaisir devant les peintures de MM. Yon, Didier, Pougct, Petitjean, Le Poitevin, Desbrosses, Péraire, P. Sain, Struetzel, Rigolot, Tanzi, Boulan
ger, Balouzet, Baillet, Jourdeuil, Pelouse — On ex
pose le dernier tableau du regretté paysagiste — Dameron, Boyden, Yarz, Schultzberg, P. Bertrand, Boucher, Cari Rosa... Parmi les peintres d’animaux, les envois de MM. Ad. Marais, E. Merlot, Pezant, Tresdell, Yayson, Smith Lewis, Barillot et Bisbing, me semblent remarquables. Que de noms, et pour
tant je suis sûr d’en oublier parmi les plus dignes d être cités !
Les paysages de mer ne sont pas moins intéressants; MM. Olive, Paul Liot, Allègre, Nardi, Kuwasseg, Perret, Brangwyn, G. Vauthier, Berthelon, Dieterle; se distinguent particulièrement cette année.
J’allais oublier les fleurs de MM. Quost, Bourgogne, Lecreux, Grivclas Gaillard, Jeannin, et les natures mortes de MM. Bail, G. Maltesse, Fouace et
Thurner! Voilà qui est fait; je puis maintenant passer sans trop de remords à la sculpture.
L Exposition de sculpture ne présente cette année aucun morceau à grande sensation. Ce n’est pas que notre vaillante école de statuaires se repose, mais il se trouve que les grandes pièces sont encore sur chantier : on n’édifie pas un groupe de marbre ou de bronze comme on peint un ta
bleau : ce sont travaux de longue haleine et dont l’achèvement ne concorde pas toujours avec l’ouverture d’un Salon.
Le succès de curiorité sera certainement pour un artiste qui s’est depuis longtemps fait une grande place dans la peinture, et qui d’ailleurs compte déjà plus d’un succès comme statuaire. M. Gérôme expose deux ouvrages, tous deux importants, tous deux réussis : d’abor.l une statue, grandeur nature, de Bellone, bronze et ivoire relevés de métaux précieux ; quand même l’artiste n’y aurait pas mis toute l’ingéniosité de son talent, cette statue serait de grand prix à ne considérer que sa valeur maté
rielle. Le second ouvrage est un groupe en marbre rehaussé de peintures, reproduisant un sujet déjà traité par Lemoine et par d’autres statuaires : Galatée et Pygmalion. Tous ceux qui ont entendu le charmant opéra de Victor Massé sauront à quoi s’en tenir. Il y a cette particularité originale dans le groupe de M. Gérôme que le corps dé Galatée est rehaussé de couleurs légères qui lui. donnent les teintes rosées de la vie : le marbre semble s’a nimer aux accents passionnés de Pygmalion.
Nous donnons la gravure de plusieurs dés sculptures les plus remarquables du Salon:: Jeanne d Arc de M. Barrias, les Fruits de la guerre de M. Boisseau, un Guillaume Tell de M. A. Mercié ; une Bacchante de M. Moreau-Vauthier ; Washing
ton et Lafayette, groupe en bronze de M. Bartholdi, donné à la ville de Paris par un généreux citoyen de New-York ; la Vierge au fuseau, de
M. Emile Lafont, et la Toilette de la poupée, par M. Croisy. Mais ce n’est pas tout; j’ai relevé, dans mes notes bien d autres ouvrages qui réclament une mention : le Centaure Nessus, par M. Marqueste; Le Repos, par M. Boucher; Matho et Sa
lammbô, de M. Barrau ; une Madeleine de M. Bastet ; Alain Chartier, par M. A. Moncel; le Général Faidherbe, de M. Léon Noël ; des animaux de MM. A. Caïn et Gardet; enfin divers groupes, bustes ou statues de MM. Christophe Soulès, Harmaux, Puech, Vernhes, Daillon, Deloye, Hirou,.Saint-Vidal, Greber,L. Pierre, Larroux, Peyrol, G. Drouot, Hugues, Rambaud et Verlet.
J’ai nommé dans ce rapide examen du Salon tous les artistes dont le talent m’a frappé : au public, souverain juge, de réviser et de compléter mes listes.
Alfred de Lostalot.