S REPRÉSENTATIONS DE GALA
On vient de donner au théâtre de l’Opéra au profit d œuvres de charité, sous le haut patronage de
l’ambassadeur et de l’ambassadrice de Russie, une de ces représentations de gala qui, en France, exci
tent la plus vive curiosité et par ce fait même y ont toujours du succès.
A cette occasion on a cherché à reproduire les fêtes royales de la cour de Louis XIV, telles qu’elles se jouaient à Versailles et dans les autres résidences royales, en présence du Roi-Soleil.
Rien n’était plus propre à attirer un public élégant que ces cérémonies longtemps oubliées, mais dont l histoire peut restituer jusqu’aux moindres détails.
Les représentations théâtrales des cours sont d’origine italienne. Ce fut Catherine de Médicis qui les introduisit en France avec leur appareil luxueux
de mise en scène. Durant sa régence, on donna à Fontainebleau, aux Tuileries et au Louvre, des bal
lets, des comédies et même, pour la première fois dans notre pays, un opéra.
Sous Henri IV, les fêtes royales sont moins somptueuses; mais souvent des comédiens de l’hôtel de Bourgogne viennent au palais jouer une farce ou une comédie pour amuser le roi ; à la même époque, on organise souvent aussi à la cour des ballets, sorte de danses avec costumes, dont les figures complexes devaient avoir, autant que possible, une signification se rapportant à un sujet quelconque.
Sous Louis XIII les ballets se multiplièrent. Ils consistent jusqu’à l’avénementdu règne de LouisXIV en des entrées de personnages vêtus de la façon la plus drôle et dont le succès croît avec le grotesque de la mascarade. Très peu font exception à cette règle et semblent être la représentation d une in
trigue; tels sont cependant celui de la délivrance de Renaud, arraché aux séductions de l’enchante
resse Armide ou celui du triomphe des armes de France.
Tous.les ans, au carnaval, à l’endroit où est le roi, à Paris, à Fontainebleau ou à Saint-Germain, on danse, sur une scène élevée dans l’une des salles du Palais, un de ces ballets qui ressemblent beau
coup aux charades et encore plus aux cotillons à figures et accessoires si multiples des bals modernes.
Les femmes ne paraissaient pas encore sur le théâtre en public, et elles ne figuraient pas davantage dans les ballets de la cour, au moins jus
qu’aux environs de 1660. C’étaient les plus sveltes parmi les hommes jeunes de la cour, les plus imberbes et ceux dont la peau était la plus blanche, qui se costumaient en femmes, se décolle
taient et se coiffaient avec des diadèmes et des ornements de pierreries.
D’autres courtisans y figuraient sous divers accoutrements; le roi y dansait souvent et avait toujours des costumes charge, tels que celui de Mahomet avec lequel il parut dans le ballet de la Douai
rière de Bilbao. Parmi les habillements qui eurent le plus de succès au commencement du dix-septième siècle, on peut citer ceux sans tête, des hommes à deux têtes, des personnages doubles, des demipersonnages; un premier individu paraissait avec un pourpoint dont la ceinture lui descendait jus
qu’aux pieds, tandis que son suivant était vêtu d’un énorme haut de chausses-qui commençait à son
cou. Les deux figurants avaient l air d’un géant coupé en deux. N’oublions pas que l’hilarité de nos pères était surtout excitée par la vue de costumes antérieurs de cinquante ans à l’époque où la pièce
se jouait. Comme, au lendemain du jour où fin costume cesse d être porté, il parait drôle et fait rire, rien ne semblait plus extraordinaire sous Louis XIII que devoir des individus vêtus à la mode de Henri II.
Lorsque Louis XIII mourut, le deuil et la jeunesse du roi mirent fin aux représentations de ballets. Mais lorsque Louis XIV eut atteint quinze ans, vers 1654, la danse l’amusa comme tous les autres exer
cices du corps, et bientôt, au Louvre et à Saint- Germain, on représente continuellement des ballets où il figure.
Les premiers que l’on joue conservent le caractère de mascarades que possédaient ceux de Louis XIII. L’un des plus anciens, celui de la Nuit, consistait dans une suite d’entrées de tous les habitants de la cour des Miracles : grelotteux, ban
cales, culs-de-jatte, bossus, manchots, contrefaits de toute espèce... La vue de ces misères devait amuser beaucoup les courtisans ; peut-être aussi n’étaient-elles exhibées sur la scène que pour ser
vir de repoussoir à la beauté sereine d’Apollon- Louis XIV, qui, paraissant en Soleil au milieu de tous ces scrofuleux, s’écriait :
.... Ma clarté paraissant
Ira victorieuse, au milieu de Byzance, Effacer le croissant.
Quelques années après, Benserade composa les ballets de la cour. Ils prirent alors le caractère d’une pièce de théâtre, dont l’action était repré
sentée par des gestes au lieu de paroles. Alors les ballets deviennent en quelque sorte une institution de cour exigeant un service spécial. Les répétitions et les préparatifs étaient un amusement des plus recherchés, que tous les courtisans briguaient au plus haut point. Il existe un dessin d’une loge de courtisans qui se font accoutrer pour donner un ballet à la cour de Louis XIV. Dans le fond on voit tous les accessoires de costumes, des habits, des chaussures, des masques, des perruques, des chapeaux et des armes.
Mais les ballets de Benserade n’avaient encore aucun intérêt dramatique ni littéraire. Ce n’était toujours qu’une occasion d’exercices chorégraphiques et de mascarades. Avec Molière et les repré
sentations somptueuses de la cour de Louis XIV, le ballet, grâce à des procédés de mise en scène con
sidérables, atteint au succès dont il a joui depuis, et qui consiste principalement dans la satisfaction
des yeux. Car son attrait réside avant tout dans le groupement habile, sous des effets calculés de lu
mière, de figurants nombreux qu’on costume avec goût.
Quand Louis XIV eut apprécié le talent de Molière, il lui commanda des pièces pour les grandes
fêtes qu’il organisait à Versailles. La première et le plus célèbre, connue sur le nom des « Plaisirs de l’ile enchantée », fut donnée quand le château n’était encore que commencé. On a toujours pré
tendu que ce spectacle eut lieu en l honneur de Mlle de la Vallière. Dans la première journée avaient lieu le défilé d’un cortège et des repas somptueux; des courses de bagues et des tournois qui se termi
naient par la représentation de la Princesse d’Elidé remplissaient la deuxième journée. On avait cons
truit à cette occasion dans un des parterres du parc de Versailles un théâtre qui paraît avoir été à ciel ouvert, dans un cirque de verdure, c’est-à- dire fait en charpentes mais imitant les charmilles. L’auditoire était protégé par des toiles, et des lus
tres, disposés en chapelet de chaque côté de la scène et au plafond, éclairaient la représentation.
Le devant de la scène était comme de nos jours occupé par l’orchestre. Le roi présidait sur une estrade, au centre du parterre, et de chaque côté s’élevaient des gradins en amphithéâtre.
Quelque soin qu on mette à chercher des détails sur ces représentations et quelque nombreux que
soient les librettos de cette pièce, on n’en connaît guère les détails et aucune anecdote amusante ne nous est parvenue. Une gravure d Israël Silvestre représente seulement le théâtre tel qu’il était cons
truit en cette occasion et l’une des scènes où tous les personnages de la pièce coiffés de plumages et vêtus de costumes mythologiques à tonnelets, bal
daquins et bandelettes, et chaussés de brodequins à tête de lion, sont réunis sur le théâtre.
La comédie de la Princesse d Elide fut la principale réjouissance de cette fête, à laquelle succéda peu après la représentation de la comédie du Sici
lien ou de XAmour Peintre, où se trouve intercalé un ballet charmant avec mascarade.
Jusqu’en 1669, Louis XIV figura dans presque tous les ballets qui se donnèrent, tels que ceux du Mariage forcé, des Fâcheux, de la Prospérité des Armes de France, des Muses, etc.
Il danse devant la cour, et quelquefois même, comme tous les courtisans paraissent avec lui sur la scène, il laisse entrer la foule et se donne en spectacle au public. Mais, si l’on en croît lalégende, après avoir assisté aux représentation de Britannicus, frappé de quatre vers que prononce Narcisse :
Il excelle à conduire un char dans la carrière, A disputer des prix modiques de ses mains,
A se donner lui-même en spectacle aux Romains, A venir prodiguer sa voix sur un théâtre....
il cesse de se montrer sur les planches.
C’est alors qu’il demande à Molière d’intercaler dans ses comédies des bouffonneries grotesques
qui le fassent rire; l auteur du Misanthrope écrit les divertissements de M. de Pourceaugnac et du Bourgeois Gentilhomme.
M. de Pourceaugnac fut représenté pour la première fois en septembre 1669. La cour était alors à Chambord où elle variait les plaisirs de la chasse en y mêlant des divertissements de toutes sortes.
Pourceaugnac est une farce: Molière y avait trouvé l’occasion non seulement d’exercer sa verve habituelle contre les médecins, mais aussi de prendre sa revanche sur les habitants de Limoges qui l avaient sifflé à l’époque où il parcourait la province.
La course des apothicaires est demeurée une des bouffonneries les plus drôles du théâtre : déjà Louis XIV s’en amusait au plus haut point, riant de tout cœur et applaudissant aux drôleries des acteurs. On raconte même qu’à une de ces représen
tations, Lulli, qui jouait Pourceaugnac, poursuivi par les apothicaires armés de leurs seringues,
sauta pour les éviter au milieu de l’orchestre et tomba sur un clavecin que, dans sa chûte, il brisa en mille morceaux. La gavité du roi ne put tenir contre cette folie et, à cette occasion, Sa Majesté
combla son protégé de nouvelles faveurs. C’est peut-être à la suite de cette farce qu’il lui octroya des lettres de noblesse qui firent de l’ancien gâtesauce (Lulli était entré à ce titre dans les cuisines royales) un des secrétaires du roi.
Nous avons cité parmi toutes les représentations de la cour de Louis XIV celles qui sont demeurées le plus populaires. Deux d’entre elles, le Sicilien et M. de Pourceaugnac, ont été jouées aussi scru
puleusement que l’érudition moderne si exacte en matière d’archéologie pouvait le permettre et elles ne pouvaient rien perdre à être encadrées dans les chefs-d’œuvre de la musique moderne, tels que Lucie de Donizetti, Bimitri de Joncières et Manon de Massenet.
Germain Bapst.
Une scène du ballet de la «Princesse d’Elide », représenté en 1664 sur le théâtre élevé dans le parc de Versailles. — D après la gravure d’Israël silvestre.
On vient de donner au théâtre de l’Opéra au profit d œuvres de charité, sous le haut patronage de
l’ambassadeur et de l’ambassadrice de Russie, une de ces représentations de gala qui, en France, exci
tent la plus vive curiosité et par ce fait même y ont toujours du succès.
A cette occasion on a cherché à reproduire les fêtes royales de la cour de Louis XIV, telles qu’elles se jouaient à Versailles et dans les autres résidences royales, en présence du Roi-Soleil.
Rien n’était plus propre à attirer un public élégant que ces cérémonies longtemps oubliées, mais dont l histoire peut restituer jusqu’aux moindres détails.
Les représentations théâtrales des cours sont d’origine italienne. Ce fut Catherine de Médicis qui les introduisit en France avec leur appareil luxueux
de mise en scène. Durant sa régence, on donna à Fontainebleau, aux Tuileries et au Louvre, des bal
lets, des comédies et même, pour la première fois dans notre pays, un opéra.
Sous Henri IV, les fêtes royales sont moins somptueuses; mais souvent des comédiens de l’hôtel de Bourgogne viennent au palais jouer une farce ou une comédie pour amuser le roi ; à la même époque, on organise souvent aussi à la cour des ballets, sorte de danses avec costumes, dont les figures complexes devaient avoir, autant que possible, une signification se rapportant à un sujet quelconque.
Sous Louis XIII les ballets se multiplièrent. Ils consistent jusqu’à l’avénementdu règne de LouisXIV en des entrées de personnages vêtus de la façon la plus drôle et dont le succès croît avec le grotesque de la mascarade. Très peu font exception à cette règle et semblent être la représentation d une in
trigue; tels sont cependant celui de la délivrance de Renaud, arraché aux séductions de l’enchante
resse Armide ou celui du triomphe des armes de France.
Tous.les ans, au carnaval, à l’endroit où est le roi, à Paris, à Fontainebleau ou à Saint-Germain, on danse, sur une scène élevée dans l’une des salles du Palais, un de ces ballets qui ressemblent beau
coup aux charades et encore plus aux cotillons à figures et accessoires si multiples des bals modernes.
Les femmes ne paraissaient pas encore sur le théâtre en public, et elles ne figuraient pas davantage dans les ballets de la cour, au moins jus
qu’aux environs de 1660. C’étaient les plus sveltes parmi les hommes jeunes de la cour, les plus imberbes et ceux dont la peau était la plus blanche, qui se costumaient en femmes, se décolle
taient et se coiffaient avec des diadèmes et des ornements de pierreries.
D’autres courtisans y figuraient sous divers accoutrements; le roi y dansait souvent et avait toujours des costumes charge, tels que celui de Mahomet avec lequel il parut dans le ballet de la Douai
rière de Bilbao. Parmi les habillements qui eurent le plus de succès au commencement du dix-septième siècle, on peut citer ceux sans tête, des hommes à deux têtes, des personnages doubles, des demipersonnages; un premier individu paraissait avec un pourpoint dont la ceinture lui descendait jus
qu’aux pieds, tandis que son suivant était vêtu d’un énorme haut de chausses-qui commençait à son
cou. Les deux figurants avaient l air d’un géant coupé en deux. N’oublions pas que l’hilarité de nos pères était surtout excitée par la vue de costumes antérieurs de cinquante ans à l’époque où la pièce
se jouait. Comme, au lendemain du jour où fin costume cesse d être porté, il parait drôle et fait rire, rien ne semblait plus extraordinaire sous Louis XIII que devoir des individus vêtus à la mode de Henri II.
Lorsque Louis XIII mourut, le deuil et la jeunesse du roi mirent fin aux représentations de ballets. Mais lorsque Louis XIV eut atteint quinze ans, vers 1654, la danse l’amusa comme tous les autres exer
cices du corps, et bientôt, au Louvre et à Saint- Germain, on représente continuellement des ballets où il figure.
Les premiers que l’on joue conservent le caractère de mascarades que possédaient ceux de Louis XIII. L’un des plus anciens, celui de la Nuit, consistait dans une suite d’entrées de tous les habitants de la cour des Miracles : grelotteux, ban
cales, culs-de-jatte, bossus, manchots, contrefaits de toute espèce... La vue de ces misères devait amuser beaucoup les courtisans ; peut-être aussi n’étaient-elles exhibées sur la scène que pour ser
vir de repoussoir à la beauté sereine d’Apollon- Louis XIV, qui, paraissant en Soleil au milieu de tous ces scrofuleux, s’écriait :
.... Ma clarté paraissant
Ira victorieuse, au milieu de Byzance, Effacer le croissant.
Quelques années après, Benserade composa les ballets de la cour. Ils prirent alors le caractère d’une pièce de théâtre, dont l’action était repré
sentée par des gestes au lieu de paroles. Alors les ballets deviennent en quelque sorte une institution de cour exigeant un service spécial. Les répétitions et les préparatifs étaient un amusement des plus recherchés, que tous les courtisans briguaient au plus haut point. Il existe un dessin d’une loge de courtisans qui se font accoutrer pour donner un ballet à la cour de Louis XIV. Dans le fond on voit tous les accessoires de costumes, des habits, des chaussures, des masques, des perruques, des chapeaux et des armes.
Mais les ballets de Benserade n’avaient encore aucun intérêt dramatique ni littéraire. Ce n’était toujours qu’une occasion d’exercices chorégraphiques et de mascarades. Avec Molière et les repré
sentations somptueuses de la cour de Louis XIV, le ballet, grâce à des procédés de mise en scène con
sidérables, atteint au succès dont il a joui depuis, et qui consiste principalement dans la satisfaction
des yeux. Car son attrait réside avant tout dans le groupement habile, sous des effets calculés de lu
mière, de figurants nombreux qu’on costume avec goût.
Quand Louis XIV eut apprécié le talent de Molière, il lui commanda des pièces pour les grandes
fêtes qu’il organisait à Versailles. La première et le plus célèbre, connue sur le nom des « Plaisirs de l’ile enchantée », fut donnée quand le château n’était encore que commencé. On a toujours pré
tendu que ce spectacle eut lieu en l honneur de Mlle de la Vallière. Dans la première journée avaient lieu le défilé d’un cortège et des repas somptueux; des courses de bagues et des tournois qui se termi
naient par la représentation de la Princesse d’Elidé remplissaient la deuxième journée. On avait cons
truit à cette occasion dans un des parterres du parc de Versailles un théâtre qui paraît avoir été à ciel ouvert, dans un cirque de verdure, c’est-à- dire fait en charpentes mais imitant les charmilles. L’auditoire était protégé par des toiles, et des lus
tres, disposés en chapelet de chaque côté de la scène et au plafond, éclairaient la représentation.
Le devant de la scène était comme de nos jours occupé par l’orchestre. Le roi présidait sur une estrade, au centre du parterre, et de chaque côté s’élevaient des gradins en amphithéâtre.
Quelque soin qu on mette à chercher des détails sur ces représentations et quelque nombreux que
soient les librettos de cette pièce, on n’en connaît guère les détails et aucune anecdote amusante ne nous est parvenue. Une gravure d Israël Silvestre représente seulement le théâtre tel qu’il était cons
truit en cette occasion et l’une des scènes où tous les personnages de la pièce coiffés de plumages et vêtus de costumes mythologiques à tonnelets, bal
daquins et bandelettes, et chaussés de brodequins à tête de lion, sont réunis sur le théâtre.
La comédie de la Princesse d Elide fut la principale réjouissance de cette fête, à laquelle succéda peu après la représentation de la comédie du Sici
lien ou de XAmour Peintre, où se trouve intercalé un ballet charmant avec mascarade.
Jusqu’en 1669, Louis XIV figura dans presque tous les ballets qui se donnèrent, tels que ceux du Mariage forcé, des Fâcheux, de la Prospérité des Armes de France, des Muses, etc.
Il danse devant la cour, et quelquefois même, comme tous les courtisans paraissent avec lui sur la scène, il laisse entrer la foule et se donne en spectacle au public. Mais, si l’on en croît lalégende, après avoir assisté aux représentation de Britannicus, frappé de quatre vers que prononce Narcisse :
Il excelle à conduire un char dans la carrière, A disputer des prix modiques de ses mains,
A se donner lui-même en spectacle aux Romains, A venir prodiguer sa voix sur un théâtre....
il cesse de se montrer sur les planches.
C’est alors qu’il demande à Molière d’intercaler dans ses comédies des bouffonneries grotesques
qui le fassent rire; l auteur du Misanthrope écrit les divertissements de M. de Pourceaugnac et du Bourgeois Gentilhomme.
M. de Pourceaugnac fut représenté pour la première fois en septembre 1669. La cour était alors à Chambord où elle variait les plaisirs de la chasse en y mêlant des divertissements de toutes sortes.
Pourceaugnac est une farce: Molière y avait trouvé l’occasion non seulement d’exercer sa verve habituelle contre les médecins, mais aussi de prendre sa revanche sur les habitants de Limoges qui l avaient sifflé à l’époque où il parcourait la province.
La course des apothicaires est demeurée une des bouffonneries les plus drôles du théâtre : déjà Louis XIV s’en amusait au plus haut point, riant de tout cœur et applaudissant aux drôleries des acteurs. On raconte même qu’à une de ces représen
tations, Lulli, qui jouait Pourceaugnac, poursuivi par les apothicaires armés de leurs seringues,
sauta pour les éviter au milieu de l’orchestre et tomba sur un clavecin que, dans sa chûte, il brisa en mille morceaux. La gavité du roi ne put tenir contre cette folie et, à cette occasion, Sa Majesté
combla son protégé de nouvelles faveurs. C’est peut-être à la suite de cette farce qu’il lui octroya des lettres de noblesse qui firent de l’ancien gâtesauce (Lulli était entré à ce titre dans les cuisines royales) un des secrétaires du roi.
Nous avons cité parmi toutes les représentations de la cour de Louis XIV celles qui sont demeurées le plus populaires. Deux d’entre elles, le Sicilien et M. de Pourceaugnac, ont été jouées aussi scru
puleusement que l’érudition moderne si exacte en matière d’archéologie pouvait le permettre et elles ne pouvaient rien perdre à être encadrées dans les chefs-d’œuvre de la musique moderne, tels que Lucie de Donizetti, Bimitri de Joncières et Manon de Massenet.
Germain Bapst.
Une scène du ballet de la «Princesse d’Elide », représenté en 1664 sur le théâtre élevé dans le parc de Versailles. — D après la gravure d’Israël silvestre.