L’assaut entre MM. Greco et Prévost.
à Rue et à Prévost. Cela s appelle le noble orgueil des armes.
L escrime rend fou, mais sa folie, toute naïve, est douce, quoique cruelle souvent; l escrime rend sage, les vrais escrimeurs étant des braves gens très pacifiques qui ne veulent que des luttes
courtoises. Les fins tireurs assurent que l épée déplace la main ; le duel est un autre déplacement inutile, qui ne prouve rien, au point de vue du grand art; ils suivent la fière devise de la Société d encouragement : « Ne la tire pas sans raison, ne la rentre pas sans honneur. «
Mais si les sages, les consciencieux, faisaient la loi, le monde de l’escrime, au lieu d’être vivant, bizarre, extraor
dinairement curieuxpourl’observateur, l’humoriste, deviendrait une morne église où ne se prêcherait plus que le
L ESCRIME ITALIENNE A PARIS
L escrime, en France, est plus en honneur que jamais, et le mouvement qui se dessine de plus en plus vif vers un sport dont Futilité n’est plus à dé
montrer explique l’intérêt croissant qu’excitent, même parmi un public imparfaitement initié, les procédés appliqués à l escrime par les différentes écoles.
L’assaut courtois qui a eu lieu dernièrement au Cercle de l Union artistique entre le professeur français, Camille Prévost, et un maître d armes de
Les passe-temps de Pini.
l Ecole magistrale de Rome, Agésilas Greco, n a pas été, cependant, ce qu’un vain peuple pense, un simple spectacle pour dilettantes d escrime.
Cette sorte de duel au fleuret boutonné n a pas eu pour seule raison de prendre la mesure de deux grandes écoles, rivales depuis des siècles, en mettant aux prises deux de ses plus célèbres représentants.
Non, il ne s est pas uniquement agi de savoir si la garde étrange — pour nous — de M. Greco offre, an point de vue attaque et défense, sur la garde élégante de M. Prévost de sérieux avantages; si la finesse de ce dernier, la délicatesse de la facture de ses coups, valent mieux, pratiquement ou artistement parlant, que la puissance de là poigne adverse ; si l’allonge souple des jambes, la détente légère du bras, sont préférables à la vigueur brutale de l’attaque en marchant, à la prise violente du fer étranger.
Si la question résidait là tout entière, nous n y trouverions pas de sujet humoristique pourl’/ZZw,s- tration et nous n’aurions à dire uniquement aux techniciens que la preuve n a pas été faite, le ré
sultat de cet assaut ayant été indécis : autant de spectateurs, autant d opinions.
Nous avons à révéler ici quelques faits plus curieux que nous appellerons par à peu près, à l’aide d’un terme de métier : « les dessous du Contre-de- Quarte. »
Les lauriers du prodigieux Pini, professeur de l’Ecole navale de Livourne, hantaient le .som
meil du bouillant maître Greco. A la suite d exploits que nous dirons, M. Pini avait été l objet de l’admiration et de la curiosité générales. Mérignac,
Chevilliard et le baron d Ezpeleta, entr autres, étaient restés songeurs devant les biceps de cet hercule d’escrime qui assouplit ses muscles en
jouant avec des poids de quarante kilos ; dans notre école, nous considérons que tout exercice de force est nuisible à l exécution des coups d’escrime.
Pini devenait, de par ses victoires, champion italien, Greco ne le voulait pas. II. voulait que l on s’occupât de lui — il a assez de mérite pour pou
voir y prétendre, il entendait inspirer dans les salles françaises la terreur qu avait provoquée son compatriote et rival.
Car, vraiment, elle a été curieuse l émotion qui a régné autour de nos planches d’entraînement pen
dant les jours qui ont précédé la rencontre de Rue et de Pini.
De Mérignac on n’avait pas douté.
Une petite rencontre malheureuse dans laquelle le gaucher français Rue s’était montré inférieur au spada italien avait groupé autour du maître de l é
cole d’escrime française quelques amis anxieux. Il n’est pas jusqu à la livraison du costume d’as
saut qui n’ait été un événement pour les dévots de la chapelle de la rue Saint-Marc; l essai de la veste avait préoccupé jusqu’à l expert M. Corthey, et un docteur soucieux de la libre circulation du sang. L emmanchure, quelle grave question!
Mais, avant d’aller plus loin, il est utile de donner une succincte physionomie du monde des armes.
L escrime est le plus passionnant des arts de désagrément. Car, c est entendu, l’escrime est un art, et aussi une science, et non moins un sport. L’escrime est tout enfin, et l’escrime n est rien, selon qui la pratique. Elle est souvent une fumis
terie, consciente ou inconsciente, elle sert de trem
plin à des farceurs, et ouvre un abîme nouveau à la sottise humaine. Il y a l art d être fort et Fart de le faire croire.
Après vingt-cinq ans de travail, couronné de suc
cès et de triomphes, es grands virtuoses désespèrent d atteindre la perfection; après six mois de plastron intermittent et de ferraillade impression
niste, de pauvres hères se parent des plumes du paon. Nul ne prétend jouer du piano en bourrant un clavier de coups de poing; un fleuret à la main, M, Tout-le-Moiide prétend en remontrer à Mérignac,
— Jamais je ne pourrai tirer comme ça!
dogme aride et monotone du Contre-de-Quarté, où ne se psalmodieraient plus que les discrètes lita
nies des attaques. C’en est fait des petites salles techniques où l’on mourait d’ennui.
Aujourd’hui dans les locaux de somptuosités diverses on veut le rire à côté des armes ; les sujets
ne manquent point, nous avons les-. Auguste qui lev disputent aux Reszké, en passant par toutes des théories du grotesque, du talent,, voire même du sublime.
Nous ne parlerons que pour mémoire des braves hygiénistes ; leur ambition se borne à ne demander qu un peu de jeunesse — apparente — et beaucoup de santé. Section des sages.
Nous n’entrerons pas davantage dans le quartier des agités, et nous resterons avec les fanatiques, lesquels ne sont pas tous favorisés pas une muscu
lature puissante, par un instinct merveilleux de l escrime, par l intelligence des armes; mais ils ont, en revanche, le don admirable de la parole la plus
éloquente, celle qui captive son public des années durant, celle qui exprime les plus profondes pen
sées, profondes comme le ciel et incompréhensibles comme l’infini.
Personne n’a songé encore à faire des conférences d’escrime et nous Ven félicitons. Si nous en jugeons par les étourdissantes conversations en
tendues dans les réunions d’armes, un discours sur la méthode serait lamentable. Oh ! ce n est pas qu’elle ne soit arrêtée et décisive, la méthode, tout le monde est d’accord sur le principe, mais on bifur
que, chacun court après sa chimère et se perd, parce que chacun a son type de prédilection ou du moins chacun en a deux, lai d’abord — le moi, en escrime, prétend être aimable — et son idéal, ensuite.
Celui-ci tient pour l un et celui-là tient pour l autre; de grandes rivalités sont nées; champion contre champion. Chez M. Dollfus, à la salle Herz, il y a eu des luttes légendaires entre maîtres français.
Le baron de San Malato arrive un jour de Sicile. Mérignac, l’illustre champion de l’escrime nationale, l écrase, par douze coups à rien dans une séance mémorable, au Figaro, et la. guerre quasi impie continue entre frères d armes.
Le costume de combat.
à Rue et à Prévost. Cela s appelle le noble orgueil des armes.
L escrime rend fou, mais sa folie, toute naïve, est douce, quoique cruelle souvent; l escrime rend sage, les vrais escrimeurs étant des braves gens très pacifiques qui ne veulent que des luttes
courtoises. Les fins tireurs assurent que l épée déplace la main ; le duel est un autre déplacement inutile, qui ne prouve rien, au point de vue du grand art; ils suivent la fière devise de la Société d encouragement : « Ne la tire pas sans raison, ne la rentre pas sans honneur. «
Mais si les sages, les consciencieux, faisaient la loi, le monde de l’escrime, au lieu d’être vivant, bizarre, extraor
dinairement curieuxpourl’observateur, l’humoriste, deviendrait une morne église où ne se prêcherait plus que le
L ESCRIME ITALIENNE A PARIS
L escrime, en France, est plus en honneur que jamais, et le mouvement qui se dessine de plus en plus vif vers un sport dont Futilité n’est plus à dé
montrer explique l’intérêt croissant qu’excitent, même parmi un public imparfaitement initié, les procédés appliqués à l escrime par les différentes écoles.
L’assaut courtois qui a eu lieu dernièrement au Cercle de l Union artistique entre le professeur français, Camille Prévost, et un maître d armes de
Les passe-temps de Pini.
l Ecole magistrale de Rome, Agésilas Greco, n a pas été, cependant, ce qu’un vain peuple pense, un simple spectacle pour dilettantes d escrime.
Cette sorte de duel au fleuret boutonné n a pas eu pour seule raison de prendre la mesure de deux grandes écoles, rivales depuis des siècles, en mettant aux prises deux de ses plus célèbres représentants.
Non, il ne s est pas uniquement agi de savoir si la garde étrange — pour nous — de M. Greco offre, an point de vue attaque et défense, sur la garde élégante de M. Prévost de sérieux avantages; si la finesse de ce dernier, la délicatesse de la facture de ses coups, valent mieux, pratiquement ou artistement parlant, que la puissance de là poigne adverse ; si l’allonge souple des jambes, la détente légère du bras, sont préférables à la vigueur brutale de l’attaque en marchant, à la prise violente du fer étranger.
Si la question résidait là tout entière, nous n y trouverions pas de sujet humoristique pourl’/ZZw,s- tration et nous n’aurions à dire uniquement aux techniciens que la preuve n a pas été faite, le ré
sultat de cet assaut ayant été indécis : autant de spectateurs, autant d opinions.
Nous avons à révéler ici quelques faits plus curieux que nous appellerons par à peu près, à l’aide d’un terme de métier : « les dessous du Contre-de- Quarte. »
Les lauriers du prodigieux Pini, professeur de l’Ecole navale de Livourne, hantaient le .som
meil du bouillant maître Greco. A la suite d exploits que nous dirons, M. Pini avait été l objet de l’admiration et de la curiosité générales. Mérignac,
Chevilliard et le baron d Ezpeleta, entr autres, étaient restés songeurs devant les biceps de cet hercule d’escrime qui assouplit ses muscles en
jouant avec des poids de quarante kilos ; dans notre école, nous considérons que tout exercice de force est nuisible à l exécution des coups d’escrime.
Pini devenait, de par ses victoires, champion italien, Greco ne le voulait pas. II. voulait que l on s’occupât de lui — il a assez de mérite pour pou
voir y prétendre, il entendait inspirer dans les salles françaises la terreur qu avait provoquée son compatriote et rival.
Car, vraiment, elle a été curieuse l émotion qui a régné autour de nos planches d’entraînement pen
dant les jours qui ont précédé la rencontre de Rue et de Pini.
De Mérignac on n’avait pas douté.
Une petite rencontre malheureuse dans laquelle le gaucher français Rue s’était montré inférieur au spada italien avait groupé autour du maître de l é
cole d’escrime française quelques amis anxieux. Il n’est pas jusqu à la livraison du costume d’as
saut qui n’ait été un événement pour les dévots de la chapelle de la rue Saint-Marc; l essai de la veste avait préoccupé jusqu’à l expert M. Corthey, et un docteur soucieux de la libre circulation du sang. L emmanchure, quelle grave question!
Mais, avant d’aller plus loin, il est utile de donner une succincte physionomie du monde des armes.
L escrime est le plus passionnant des arts de désagrément. Car, c est entendu, l’escrime est un art, et aussi une science, et non moins un sport. L’escrime est tout enfin, et l’escrime n est rien, selon qui la pratique. Elle est souvent une fumis
terie, consciente ou inconsciente, elle sert de trem
plin à des farceurs, et ouvre un abîme nouveau à la sottise humaine. Il y a l art d être fort et Fart de le faire croire.
Après vingt-cinq ans de travail, couronné de suc
cès et de triomphes, es grands virtuoses désespèrent d atteindre la perfection; après six mois de plastron intermittent et de ferraillade impression
niste, de pauvres hères se parent des plumes du paon. Nul ne prétend jouer du piano en bourrant un clavier de coups de poing; un fleuret à la main, M, Tout-le-Moiide prétend en remontrer à Mérignac,
— Jamais je ne pourrai tirer comme ça!
dogme aride et monotone du Contre-de-Quarté, où ne se psalmodieraient plus que les discrètes lita
nies des attaques. C’en est fait des petites salles techniques où l’on mourait d’ennui.
Aujourd’hui dans les locaux de somptuosités diverses on veut le rire à côté des armes ; les sujets
ne manquent point, nous avons les-. Auguste qui lev disputent aux Reszké, en passant par toutes des théories du grotesque, du talent,, voire même du sublime.
Nous ne parlerons que pour mémoire des braves hygiénistes ; leur ambition se borne à ne demander qu un peu de jeunesse — apparente — et beaucoup de santé. Section des sages.
Nous n’entrerons pas davantage dans le quartier des agités, et nous resterons avec les fanatiques, lesquels ne sont pas tous favorisés pas une muscu
lature puissante, par un instinct merveilleux de l escrime, par l intelligence des armes; mais ils ont, en revanche, le don admirable de la parole la plus
éloquente, celle qui captive son public des années durant, celle qui exprime les plus profondes pen
sées, profondes comme le ciel et incompréhensibles comme l’infini.
Personne n’a songé encore à faire des conférences d’escrime et nous Ven félicitons. Si nous en jugeons par les étourdissantes conversations en
tendues dans les réunions d’armes, un discours sur la méthode serait lamentable. Oh ! ce n est pas qu’elle ne soit arrêtée et décisive, la méthode, tout le monde est d’accord sur le principe, mais on bifur
que, chacun court après sa chimère et se perd, parce que chacun a son type de prédilection ou du moins chacun en a deux, lai d’abord — le moi, en escrime, prétend être aimable — et son idéal, ensuite.
Celui-ci tient pour l un et celui-là tient pour l autre; de grandes rivalités sont nées; champion contre champion. Chez M. Dollfus, à la salle Herz, il y a eu des luttes légendaires entre maîtres français.
Le baron de San Malato arrive un jour de Sicile. Mérignac, l’illustre champion de l’escrime nationale, l écrase, par douze coups à rien dans une séance mémorable, au Figaro, et la. guerre quasi impie continue entre frères d armes.
Le costume de combat.