tous les arts des affinités secrètes — et tous sont les variantes d’une seule vérité suprême — on peut dire que la peinture comprise ainsi se rap
proche de la littérature, tandis que la conception impressionniste la rapproche plutôt de la mu
sique par l’émotion inconsciente, indicible, des tonalités et de leurs combinaisons sur un thème quelconque. L’expression, dans le premier cas, s’oppose à la suggestion dans le second. Et ce
pendant il y a un dosage exact de ces deux sources d’émotion esthétique, et ce dosage, em
pruntant aux lettres leur netteté descriptive, à la musique sa faculté de rêverie sans formes, est la peinture idéale, celle de Vinci et de Rembrandt, celle ou toute expression est suggestive,
outre de soi-même, d’un monde rêvé par le peintre, où toute créature est elle-même, et aussi laisse connaître Vinci ou Rembrandt à travers elle.
Le réalisme contemporain réagit contre l’académisme, qui n’admettait que la première tendance, et se montre aussi restreint en n’admet
tant plus que la seconde. Il est temps, après ces réflexions préliminaires, d’en venir à quelques artistes que leur sens critique très juste engage
à essayer de retrouver la synthèse de Léonard, et qui sont isolés entre l’École et l’impressionnisme réaliste. Ils forment un petit groupe très
intéressant. On les a appelés les symbolistes, les peintres de l’âme: le nom qui leur siérait est plutôt celui d’idéologues, car «peintres de l’âmen’explique pas qu’ils peignent la leur et le monde des figures abstraites dont la vie mys
tique de l’âme est peuplée. Ce que ces peintres peignent, ce sont plutôt des idées. Sous le nom d’idéalisme on a vite fait de comprendre, à tort, une certaine sentimentalité qui peut être infé
rieure: M. Bouguereau a été qualifié d’idéaliste, parce qu’il appliquait sa science factice à une mythologie douceâtre. Mais un tableau comme celui de M. Desvallières est bien une conception idéologique au vrai sens du terme ; la vie des idées s’y meut, extra-humaine, un peu sèche, mais donnant par chacun de ses personnages le contour d’une pensée préconçue.
D’un tel art la tradition, largement développée en Angleterre par Rossetti, Burne-Jones, Watts Hunt, Madox-Brown, en Allemagne par Bôcklin, se constitue en France par Gustave
Moreau, Chassériau, Rops et Puvis de Chavannes. Rops donne l’exemple d’une continuelle incertitude entre le réalisme et l’art symbolique, tempérée par son origine flamande; Puvis de Chavannes, décorateur de génie, idéologue aux conceptions généralisées et simples, maître in
comparable dans l’adaptation des formes aux pensées, est le type même du peintre d’idées sachant rester peintre et puiser dans la vie directe et aisément compréhensible, en n’admettant q ue les symboles naturels et connus de tous. Chassériau présage Moreau, qui va jusqu’aux confins
de l’art abstrait, mais exclut la vie de son art proche des miniatures persanes par la préciosité de sa joaillerie glacée. Penseur et poète aux songes étranges, érudit, philosophe, à la fois romantique et classique, Moreau se révèle comme une personnalité à qui manque la décision dans le choix d’une technique. Ses nus sont académiques, gauches, timides et convenus; ses dé
ARMAND POINT
SAINTE CÉCILE (FRESQUE)