VALLGREN




S


i j’ai manifesté
souvent mon peu de goût pour le sym
bolisme en sculpture,
affirmé mon désir d’un artsimple, précis et de beauté pres
que exclusivement formelle, je n’éprouve aucun embarras à parler aujourd’hui de M. Vallgren. Sans doute je combattrai encore, en toute circonstance, un mou
vement dont il fut l’inconscient promoteur, je m’élèverai contre ceux qui pré
tendent l’imiter et qui, par leurs imagi
nations laborieuses et leur sèche litté
rature, risqueraient de compromettre notre clair génie fran
çais. Mais je louerai bien volontiers son rare etdélicieuxtalent. Je le proclamerai original, intensivement individuel, unique. Je demanderai qu’il demeure unique aussi ; puisque, par un troublant privilège, ce qui, chez tout autre, semblerait artifice et manière apparaît chez lui candeur, grâce ingénue, sincérité profonde.
Vraiment, devant cette foule de statuettes qui envahit nos intérieurs modernes, devant tant de figures malingres, grimaçantes, convul -
sées et fatales, se campant sur les étagères, étreignant les sonnettes, les vide-poches, les salières, les baguiers, s’agrippant aux plaques des serrures, aux appliques, aux consoles, aux miroirs, n’avez-vous pas, comme moi, éprouvé quelque irritation? Ne vous a-t-il pas semblé qu’une horde de gnomes malfaisants vous rendît chaque demeure hostile, vous gâtât le sourire familier et l’âme instinctive des choses? Vous avez maudit la mode agaçante qui inspirait ces fantaisies. Elles-mêmes, au premier abord, les
images de M. Vallgren vous ont donné de l’inquiétude, fait craindre un parti pris et, pour
tout dire, une «pose». Bien vite d’ailleurs vous avez été rassuré, vous vous êtes livré naïvement au charme de ces œuvres. Croyant ren
contrer un impuissant encore, vous veniez de découvrir un homme.
Personne, en effet, n’estplus naturellement, plus ingénument lui-même que M. Vallgren. Dans chacune des statuettes précieuses qu’il cisèle et recouvre de délicates patines, il se ré
vèle tout entier, il met sa pensée d’homme du Nord, à la fois réfléchie et candide, les aspira
tions et les rêves de sa race. Il est né à Borgâ, en l inlande, et la Finlande l’a marqué pour la vie. Une nature rude, violente, aux rares et
LES PLEURS
FIERTÉ