spirales, à travers lesquels la magie fait scintiller de rougeâtres éclairs; c’est une lutte acharnée entre la lumière et les ténèbres, le bien et le mal, qui s’agite sous d’incroyables personnifica
tions; c’est la nature divinisée sous tous ses aspects, l’animation intellectuelle de tous les êtres, la mise en œuvre la plus féconde du pou
voir créateur. Les héros du «Kalevala» dé
passent de cent pieds les héros d’Homère...» Au pavillon de Finlande, à la récente Exposition Universelle, un jeune peintre Scandinave, Axel Galien, nous a montré quelques-unes de ces mythiques figures : Illmarinen, qui forgea le Sampo, « disque radieux et mystique » dont devait dépendre le bonheur de la nation finnoise; Waïnamoïnen, l’éternel runoïa, qui défendit ce palladium sacré contre les entreprises de la Mère des Ténèbres, puis, forcé, avec les anciens dieux, d’abandonner le pays au culte de la croix, laissa du moins sur le rivage son Kantele, la harpe primitive, « pour la joie et la consolation des peuples à venir». Cette harpe du vieux scalde, Villé Vallgren ne cesse de l’entendre résonner dans son cœur. Tantôt sinistre comme l’aboiement des tempêtes, plaintif comme le vent d’hiver, clair et rieur comme une brise d’été, le chant magique déroule ses accords et,
gracieux, languissants ou terribles, parmi les vergers fleuris, les brumes et les neiges, le choc effréné des nuages, passent les êtres de la légende. Le sculpteur aime ces visions. D’un pouce rapide et nerveux, il en a modelé quel
ques-unes: Aïno, l’Ophélie du Nord, qui se jette à la mer et qui devient une sirène; Mariatla, errant dans les bois, au printemps, et contant ses rêves au coucou; Mariatta encore, enceinte pour avoir mangé un grain de raisin, nue, chassée, maudite, souffrant la faim et le froid.
Personne ne lui donne asile, mais un bon cheval la rencontre, l’entoure de son haleine, réchauffe son ventre douloureux.
M. Vallgren excelle à nous rendre la grâce de ces héroïnes, leur charme ingénu, l’exaltation de leur jeunesse, l’intensité de leur désespoir.
Toutefois, il s’interdit presque toujours de les suivre dans les phases de leur vie particulière. Sa pensée, singulièrement indépendante, fait
mieux qu’illustrer la légende, elle se crée des génies et des dieux. Les accents du Kantele rustique rythment souvent les rondes et les processions de figures frêles, doucement mélancoliques, éperdument sanglotantes, qui hantèrent le seul cerveau de l’artiste, qui naquirent de ses seuls rêves. Un critique, M. Gustave Soulier, a
AMOUR CONSOLE
dit avec une extrême justesse: «La précieuse vertu des pays Scandinaves, ce n’est pas tant de fournir aux caractères qu’ils développent le trésor des fables antiques, que de former des âmes légendaires, qui ne s’arrêtent point à une mythologie officielle, mais aspirent devant elles le libre espace où peuvent éclore, pour chacun, selon l’inclination de ses songes coutumiers, les irréelles figures de mythes personnels. » Les
divinités de M. Vallgren, ce sont ses propres pensées, ce sont les âmes qu’il prête aux choses.
tions; c’est la nature divinisée sous tous ses aspects, l’animation intellectuelle de tous les êtres, la mise en œuvre la plus féconde du pou
voir créateur. Les héros du «Kalevala» dé
passent de cent pieds les héros d’Homère...» Au pavillon de Finlande, à la récente Exposition Universelle, un jeune peintre Scandinave, Axel Galien, nous a montré quelques-unes de ces mythiques figures : Illmarinen, qui forgea le Sampo, « disque radieux et mystique » dont devait dépendre le bonheur de la nation finnoise; Waïnamoïnen, l’éternel runoïa, qui défendit ce palladium sacré contre les entreprises de la Mère des Ténèbres, puis, forcé, avec les anciens dieux, d’abandonner le pays au culte de la croix, laissa du moins sur le rivage son Kantele, la harpe primitive, « pour la joie et la consolation des peuples à venir». Cette harpe du vieux scalde, Villé Vallgren ne cesse de l’entendre résonner dans son cœur. Tantôt sinistre comme l’aboiement des tempêtes, plaintif comme le vent d’hiver, clair et rieur comme une brise d’été, le chant magique déroule ses accords et,
gracieux, languissants ou terribles, parmi les vergers fleuris, les brumes et les neiges, le choc effréné des nuages, passent les êtres de la légende. Le sculpteur aime ces visions. D’un pouce rapide et nerveux, il en a modelé quel
ques-unes: Aïno, l’Ophélie du Nord, qui se jette à la mer et qui devient une sirène; Mariatla, errant dans les bois, au printemps, et contant ses rêves au coucou; Mariatta encore, enceinte pour avoir mangé un grain de raisin, nue, chassée, maudite, souffrant la faim et le froid.
Personne ne lui donne asile, mais un bon cheval la rencontre, l’entoure de son haleine, réchauffe son ventre douloureux.
M. Vallgren excelle à nous rendre la grâce de ces héroïnes, leur charme ingénu, l’exaltation de leur jeunesse, l’intensité de leur désespoir.
Toutefois, il s’interdit presque toujours de les suivre dans les phases de leur vie particulière. Sa pensée, singulièrement indépendante, fait
mieux qu’illustrer la légende, elle se crée des génies et des dieux. Les accents du Kantele rustique rythment souvent les rondes et les processions de figures frêles, doucement mélancoliques, éperdument sanglotantes, qui hantèrent le seul cerveau de l’artiste, qui naquirent de ses seuls rêves. Un critique, M. Gustave Soulier, a
AMOUR CONSOLE
dit avec une extrême justesse: «La précieuse vertu des pays Scandinaves, ce n’est pas tant de fournir aux caractères qu’ils développent le trésor des fables antiques, que de former des âmes légendaires, qui ne s’arrêtent point à une mythologie officielle, mais aspirent devant elles le libre espace où peuvent éclore, pour chacun, selon l’inclination de ses songes coutumiers, les irréelles figures de mythes personnels. » Les
divinités de M. Vallgren, ce sont ses propres pensées, ce sont les âmes qu’il prête aux choses.