A. DE LA GANDARA ÉTUDE
créter un autre âge de cet art charmant. A un bout du siècle il y a eu Mme de Senonnes d’Ingres, et les Prudhon — à l’autre il y a Lady Meux, la Dame aux souliers jaunes de Whistler. Et auprès de lui il y a Kelleu et les sveltes nervures de ses pointes-sèches, John Sargent rival de notre Besnard, et enfin Antonio de la Gandara dont je veux parler ici.
Espagnol de race, M. Antonio de la Gandara s’est fait en dix années une place considérable dans l’art français, une des premières places parmi les portraitistes de son temps, â cause d’un ensemble de qualités que nous exami
nerons successivement. Il est un de ceux dont on cherche l’envoi en entrant aux Salons, avec la certitude de n’être point déçu. Son œuvre est connue de tous les amateurs de belle peinture.
Ses paysages et ses effigies lui ont valu une réussite aussi brillante que rapide, que l’aristo
cratie, la critique et les peintres se sont accordés à préparer. Personne n’a un plus bel avenir. Il semble que le plus clair de son originalité soit d’avoir conservé les qualités de sa race en les unissant subtilement au goût récent pour l’harmonie en gris et noir dont le grand Américain fut l’initiateur, hanté lui-même du souvenir de Velasquez, et rien n’est plus curieux que ce retour au style sévère, presque ascétique, de la peinture espagnole, mêlé au sourd désir de clarté. Il y a en M. de la Gandara un décorateur inné qui contrebalance un psychologue sagace. Il se préoccupe avant tout, comme ses maîtres
naturels, du grand caractère linéaire des silhouettes. Il peint l’être en toute sa personne, avec hardiesse et précaution, sur le fond nu d’une ombre veloutée où s’ébauche à peine l’ornementation d’une tenture. Et tout de suite surgit l’effigie, mais non pas éclairée avec l’ar
tifice grossier du fond noir faisant éclater les chairs comme dans les simplistes portraits d’un Bonnat qui obtiennent ainsi une facile et vulgaire vigueur, et qui semblent éclairés à l intérieur comme une lanterne japonaise, tant l’in
carnat du teint et la cerise de la bouche mi
roitent. Non. L’être peint par la Gandara abandonne à peine l’ombre qui l’engendra. La lumière commence au bord du cadre vers lequel il s’avance, il est encore baigné de demi-jour, il en rejette le mystère derrière lui, négli
gemment, comme un manteau, et il lui faudrait faire un pas de plus pour qu’il fût éclairé comme nous-mêmes. Il vit dans une atmosphère picturale qui n’imite pas la réelle, mais la transpose, la concentre et en dégage l élément de mystère et de douceur. Il émane d’une ombre psychologique dont il est presque une solidi
fication silencieuse. Sur tout son corps le peintre opère un minutieux travail de réduction des détails à l’essentiel. Les plis sont restreints au rôle d’indiquer le mouvement général de l’organisme. Avant tout, le peintre, comme en statuaire, cherche à préciser le volume des corps, et il procède par des accumulations de
A. DE LA GANDARA ÉTUDE
créter un autre âge de cet art charmant. A un bout du siècle il y a eu Mme de Senonnes d’Ingres, et les Prudhon — à l’autre il y a Lady Meux, la Dame aux souliers jaunes de Whistler. Et auprès de lui il y a Kelleu et les sveltes nervures de ses pointes-sèches, John Sargent rival de notre Besnard, et enfin Antonio de la Gandara dont je veux parler ici.
Espagnol de race, M. Antonio de la Gandara s’est fait en dix années une place considérable dans l’art français, une des premières places parmi les portraitistes de son temps, â cause d’un ensemble de qualités que nous exami
nerons successivement. Il est un de ceux dont on cherche l’envoi en entrant aux Salons, avec la certitude de n’être point déçu. Son œuvre est connue de tous les amateurs de belle peinture.
Ses paysages et ses effigies lui ont valu une réussite aussi brillante que rapide, que l’aristo
cratie, la critique et les peintres se sont accordés à préparer. Personne n’a un plus bel avenir. Il semble que le plus clair de son originalité soit d’avoir conservé les qualités de sa race en les unissant subtilement au goût récent pour l’harmonie en gris et noir dont le grand Américain fut l’initiateur, hanté lui-même du souvenir de Velasquez, et rien n’est plus curieux que ce retour au style sévère, presque ascétique, de la peinture espagnole, mêlé au sourd désir de clarté. Il y a en M. de la Gandara un décorateur inné qui contrebalance un psychologue sagace. Il se préoccupe avant tout, comme ses maîtres
naturels, du grand caractère linéaire des silhouettes. Il peint l’être en toute sa personne, avec hardiesse et précaution, sur le fond nu d’une ombre veloutée où s’ébauche à peine l’ornementation d’une tenture. Et tout de suite surgit l’effigie, mais non pas éclairée avec l’ar
tifice grossier du fond noir faisant éclater les chairs comme dans les simplistes portraits d’un Bonnat qui obtiennent ainsi une facile et vulgaire vigueur, et qui semblent éclairés à l intérieur comme une lanterne japonaise, tant l’in
carnat du teint et la cerise de la bouche mi
roitent. Non. L’être peint par la Gandara abandonne à peine l’ombre qui l’engendra. La lumière commence au bord du cadre vers lequel il s’avance, il est encore baigné de demi-jour, il en rejette le mystère derrière lui, négli
gemment, comme un manteau, et il lui faudrait faire un pas de plus pour qu’il fût éclairé comme nous-mêmes. Il vit dans une atmosphère picturale qui n’imite pas la réelle, mais la transpose, la concentre et en dégage l élément de mystère et de douceur. Il émane d’une ombre psychologique dont il est presque une solidi
fication silencieuse. Sur tout son corps le peintre opère un minutieux travail de réduction des détails à l’essentiel. Les plis sont restreints au rôle d’indiquer le mouvement général de l’organisme. Avant tout, le peintre, comme en statuaire, cherche à préciser le volume des corps, et il procède par des accumulations de
A. DE LA GANDARA ÉTUDE