qu’on retint. Les fouilles d’Orient, en nous faisant connaître désormais l’effort asiatique dans la contrée des deux fleuves, — steppe aujourd’hui, mais jadis terre irriguée et prospère, -— déplacent peu à peu utilement, certes, nos regards; elles remédient ainsi à une grave lacune de notre information. On prendrait quelque in
térêt à mesurer, de ce point de vue, la distance historique qui sépare, en quelque sorte, les premières conclusions du Palace of Minos at Knossos de Sir Arthur Evans d’avec les réflexions dernières auxquelles nous associe si intimement, si lumineuse
ment aussi, le tome IV, double, et dernier, de la grande publication cnossienne 1. Estce vanité de dire que les fouilles françaises de Mallia ont contribué un peu à diri
ger l’attention de l’historiographe génial des Minos sur ce que j’appelais déjà en 1929, la route asiatique 2, cette voie côtière Est-Ouest du littoral Nord de la Crète, par où ont été véhiculées jusqu’au port de l’Amnisos toutes les influences levanti
nes : suméro-accadiennes d’abord, puis mitaniennes, hittites ou syriennes? Apports sans lesquels on expliquerait si mal la forme initiale des palais, en Crète, voire les
lois religieuses de leur orientation et de leur prophylaxie magique, le polysymbolisme même de leurs cultes à la fois agraires et funéraires...
Or, voici qu’aux confins des territoires actuels de la Syrie et de l’Iraq, le sérail de Mari (Tell-Harriri) vient nous révéler un dispositif à cour intérieure, au bord de l’Euphrate. Fouille plus instructive que celles de Lagash et de Larsa, puisque nous bénéficions clairement là de la forme architecturale même d’une construction palatiale, dans une capitale habitée des temps pré-sargonides à l’époque néo-babylonienne. A Mari, une culture mixte évoque — et partiellement emprunte — celle des villes sumériennes du Sud-Mésopotamien, tout en associant — art et religion — maintes influences sémitiques et locales. Les dynasties pré-sargonides de Mari adoraient Ishtar au troisième millénaire avant notre ère 3 ; c’est le temple de la déesse nourri


cière et guerrière qui nous a rendu les premières effigies, réduites en taille, si expressives du moins, des hommes et des femmes de la cité : tantôt fidèles prin


ciers dans la posture rituelle de l’adoration, tantôt couples enlacés, ou musiciens joueurs de cor; ou bien, rois de Mari comme Lamgi-Mari, intendants comme l’Ebihil du Louvre (fig. 2), si modestement assis sur un couffin arrondi tressé d’osier ; petits fonctionnaires du temple, etc...
Je voudrais que l’on pût voir côte à côte, désormais, les faces attentives de ces maîtres ou serviteurs de Tell-Harriri, aux grands yeux écarquillés, aux longues bar
1. Les deux derniers volumes (IV, 1-2) ont paru en 1935, terminant une œuvre monumentale et magnifique. Les propositions un peu révolutionnaires de Mr. G. A. Snijder (cf. Arch. Jahrb., 49, 1934, Ans : col. 315 sqq.) n en détruiront pas la structure.
2. Journ. des Savants, mars-avril 1929. L’expression est reprise par M. J. Charbonneaux, Rev. Paris, 1er oct. 1935, P. 574 sqq., dans un article évocateur.
3. A. Parrot, Syria, XVI, 1935, P, 1-28, pl. I-X ; p. 117-140, pl. XX-XXVIII. Les découvertes du Palais, encore inédites, seront publiées très prochainement. On a trouvé là une grande statue princière. J’avais parlé dans un précédent Courrier (avril 193s) des belles mosaïques d’Olynthos, qui semblent bien pré-hellénistiques; or, à Tell- Harriri, on a trouvé une mosaïque en coquilles de nacre, sur fond de bitume (fig. 1, frontispice), montrant un défilé de prisonniers devant la famille royale, avec un curieux porteur d’enseigne : taureau sur une hampe : Syria, loc. cit., pl. XXVIII.