esprit très différent de celui dont l’antiquité latine avait empreint ces lieux. Il suffira d’un petit effort de transposition pour reconnaître en ce cadre somptueux celui qui, dans le principe, était destiné à accompagner les mosaïques subsistantes.
Car, de la décoration du Ve siècle, deux séries de mosaïques demeurent, les unes dans la grande nef, les autres sur l’arc triomphal. Mal éclairées, dissimulées en partie,
cachées par la poussière accumulée des siècles, elles n’avaient pas, elles n’ont pas encore toute la réputation qu’elles méritent. Depuis quelques années pourtant, une restauration habile a commencé de les mettre en valeur 1 et nous croyons que leur importance historique et plastique ne fera que s’accroître à mesure qu’on les remarquera et qu’on les étudiera davantage.
Pour en comprendre l’intérêt, toutefois, il est bon de connaître les origines de la basilique. Ainsi pourra-t-on reconstituer clairement l’ambiance architecturale dont elles faisaient partie et l’ambiance psychologique qui contribua à déterminer leurs sujets, leur esprit, leur style.
Que la construction actuelle de Sainte-Marie-Majeure remonte au Ve siècle, c’est un premier fait sur lequel on est à présent bien d’accord. Il est probable qu’elle fut précédée par un autre édifice chrétien, plus petit sans doute, et qui n’était que la transformation en église d’une salle profane. On l’appelait « basilica Sicinini »2; le pape Libère (352-366) l’avait consacrée; après sa mort, elle fut le témoin d’une sanglante bataille électorale entre les partisans des deux candidats à sa succession épiscopale : on ramassa cent trente-sept cadavres! Mais le Liber Pontificalis nous apprend que le pape Sixte III (432-440) reconstruisit cette salle; une inscription métrique contemporaine, encore partiellement visible au xviie siècle, confirmait ce fait en déclarant que Sixte avait dédié son œuvre à la Vierge-Mère.
Enfin, l’examen de la construction actuelle permet de vérifier ces données historiques. Lorsqu’on circule le long du sommet de la nef majeure, à l’extérieur, on
reconnaît bien la technique de la maçonnerie du Ve siècle, analogue à celle des autres édifices romains de la même époque. A l’intérieur, les colonnes sont à leur place pri
1. Cette restauration a été commandée avant tout par une nécessité pratique inéluctable : l arc, sillonné de grandes fentes, menaçait de s’effondrer. Pour boucher les trous il fallait détacher les mosaïques, remettre un ciment neuf et les recoller au mur. Ce travail fut effectué avec un soin admirable. On se décida ensuite à sup
pléer les parties manquantes aux extrémités et au sommet, où des adjonctions du xvie siècle avaient détruit une partie de la composition. Ces compléments, exécutés sur les dessins de Mgr Wilpert, sont plus discutables, on le conçoit.
2. On a pu récemment soutenir que Sainte-Marie-Majeure n’occupait nullement le même emplacement que le Sicininum de Libère. Cf. Biasiotti, La basilica di Liberio sull’ Esquilino erroneamente identificata con la basilica di Santa Maria Maggiore. Tipografia Vaticana, 1935.
Car, de la décoration du Ve siècle, deux séries de mosaïques demeurent, les unes dans la grande nef, les autres sur l’arc triomphal. Mal éclairées, dissimulées en partie,
cachées par la poussière accumulée des siècles, elles n’avaient pas, elles n’ont pas encore toute la réputation qu’elles méritent. Depuis quelques années pourtant, une restauration habile a commencé de les mettre en valeur 1 et nous croyons que leur importance historique et plastique ne fera que s’accroître à mesure qu’on les remarquera et qu’on les étudiera davantage.
Pour en comprendre l’intérêt, toutefois, il est bon de connaître les origines de la basilique. Ainsi pourra-t-on reconstituer clairement l’ambiance architecturale dont elles faisaient partie et l’ambiance psychologique qui contribua à déterminer leurs sujets, leur esprit, leur style.
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Que la construction actuelle de Sainte-Marie-Majeure remonte au Ve siècle, c’est un premier fait sur lequel on est à présent bien d’accord. Il est probable qu’elle fut précédée par un autre édifice chrétien, plus petit sans doute, et qui n’était que la transformation en église d’une salle profane. On l’appelait « basilica Sicinini »2; le pape Libère (352-366) l’avait consacrée; après sa mort, elle fut le témoin d’une sanglante bataille électorale entre les partisans des deux candidats à sa succession épiscopale : on ramassa cent trente-sept cadavres! Mais le Liber Pontificalis nous apprend que le pape Sixte III (432-440) reconstruisit cette salle; une inscription métrique contemporaine, encore partiellement visible au xviie siècle, confirmait ce fait en déclarant que Sixte avait dédié son œuvre à la Vierge-Mère.
Enfin, l’examen de la construction actuelle permet de vérifier ces données historiques. Lorsqu’on circule le long du sommet de la nef majeure, à l’extérieur, on
reconnaît bien la technique de la maçonnerie du Ve siècle, analogue à celle des autres édifices romains de la même époque. A l’intérieur, les colonnes sont à leur place pri
1. Cette restauration a été commandée avant tout par une nécessité pratique inéluctable : l arc, sillonné de grandes fentes, menaçait de s’effondrer. Pour boucher les trous il fallait détacher les mosaïques, remettre un ciment neuf et les recoller au mur. Ce travail fut effectué avec un soin admirable. On se décida ensuite à sup
pléer les parties manquantes aux extrémités et au sommet, où des adjonctions du xvie siècle avaient détruit une partie de la composition. Ces compléments, exécutés sur les dessins de Mgr Wilpert, sont plus discutables, on le conçoit.
2. On a pu récemment soutenir que Sainte-Marie-Majeure n’occupait nullement le même emplacement que le Sicininum de Libère. Cf. Biasiotti, La basilica di Liberio sull’ Esquilino erroneamente identificata con la basilica di Santa Maria Maggiore. Tipografia Vaticana, 1935.