du sol fécondé par son labeur, sa foi dans les destinées éternelles de la Patrie.
L’âme du passant, aujourd’hui encore, se pénètre de tout cela, quand il sait entendre la voix mystérieuse des choses; ainsi s’en pénétrait Jeanne d’Arc voici cinq siècles, à l’heure où elle prenait conscience de la mission qui devait sauver le Royaume des Lys; aussi, avant de parler de Vaucouleurs et d’elle, importait-il d’évoquer l’atmosphère qu’on y respire.
C’est sur cette colline, parmi les amas de décombres où disparaissent les ruines du château, que le sire de Baudricourt finit par s’écrier le 23 février 1429: «Va et advienne que pourra », écho misérable d’une autre parole: «Va, Va, Fille de Dieu », que ses voix faisaient retentir aux oreilles de Jeanne.
Aussi n’est-ce pas seulement faire œuvre utile à la science que de tenter de ressusciter le château enseveli, c’est évoquer également, parmi les pages de notre histoire, l’une des plus fécondes, parce qu’elle touche aux sources mêmes d’où jaillissent, pour un peuple, les forces de vie.
Cette résurrection, un enfant de Vaucouleurs, M. Henri Bataille, l’a entreprise. Avant de parler de ses fouilles, rappelons ce qu’était la châtellenie de Vaucouleurs: «Projetée à l’extrémité des pays de la couronne, glissée en quelque sorte
comme un coin entre les grands fiefs lorrains, la pointe vers les pays d’Empire, elle avait une mission particulière: elle était, dans ces régions, l’extrême avancée, l’enfant perdu de l’expansion française. » 1. Son histoire remonte fort loin. Il semble, en effet, que l’homme soit venu se fixer sur le promontoire qui domine Vaucouleurs dès qu’il apparut dans la vallée de la Meuse, mais nous ne savons rien de précis jusqu’au xie siècle. On croit que, vers 1026, Etienne de Vaux y établit un château 2 — dont on ne saurait dire s’il était de bois ou de pierre — qu’il défendait avec les sires de Reynel et de la Fauche. Devenu le repaire d’une bande de brigands qui ravageaient le Toulois, ce château fût détruit deux fois par une coalition des évêques de Toul et des ducs de Lorraine et de Bar 3, puis reconstruit en 1069 par Geoffroy le Vieil, seigneur de Vaucouleurs de 1059 à 1081. L’existence en cet endroit d’un château de pierre, datant de la seconde moitié du xie siècle, nous paraît à peu près certaine. Les sires de Vaucouleurs semblent, dès cette époque, avoir appartenu à la maison de Joinville, dont le seigneur le plus illustre fut Jean, sénéchal de Champagne et compagnon du roi Saint Louis. C’est une branche cadette de cette maison qui dut posséder la châtellenie pendant trois siècles, du xie au xive; l’un de ces Joinville, Gauthier (sire de Vaucouleurs de 1271 à 1304), qui accorda aux habitants maints privilèges, fut chanté par un poète du temps,
1. G. Hanotaux, Jeanne d’Arc, Paris, 1911, p. 80.
2. On ignore à quel moment fut bâti ce château; on constate seulement qu’il existait au début du xie siècle; il devait appartenir à ce moment à Etienne de Vaux, seigneur de Joinville. Voir H. -François Delaborde, Jean de Joinville et les seigneurs de Joinville, suivi d’un catalogue de leurs actes, Paris, 1894, p. 13 et 14.
3. C’est l’évêque Udon (1052-1070) qui réussit, en 1056, à s’en emparer pour la première fois, après un siège de trois mois, à l’occasion duquel le duc de Lorraine et celui de Bar lui avaient fourni un contingent de cinq cents hommes. Abbé Guillaume, Diocèse de Toul et de Nancy. Nancy, 1866; t. I, p. 385 et 386. Confirmé par H. F. Delaborde, ouvrage cité, p. 14.
L’âme du passant, aujourd’hui encore, se pénètre de tout cela, quand il sait entendre la voix mystérieuse des choses; ainsi s’en pénétrait Jeanne d’Arc voici cinq siècles, à l’heure où elle prenait conscience de la mission qui devait sauver le Royaume des Lys; aussi, avant de parler de Vaucouleurs et d’elle, importait-il d’évoquer l’atmosphère qu’on y respire.
C’est sur cette colline, parmi les amas de décombres où disparaissent les ruines du château, que le sire de Baudricourt finit par s’écrier le 23 février 1429: «Va et advienne que pourra », écho misérable d’une autre parole: «Va, Va, Fille de Dieu », que ses voix faisaient retentir aux oreilles de Jeanne.
Aussi n’est-ce pas seulement faire œuvre utile à la science que de tenter de ressusciter le château enseveli, c’est évoquer également, parmi les pages de notre histoire, l’une des plus fécondes, parce qu’elle touche aux sources mêmes d’où jaillissent, pour un peuple, les forces de vie.
Cette résurrection, un enfant de Vaucouleurs, M. Henri Bataille, l’a entreprise. Avant de parler de ses fouilles, rappelons ce qu’était la châtellenie de Vaucouleurs: «Projetée à l’extrémité des pays de la couronne, glissée en quelque sorte
comme un coin entre les grands fiefs lorrains, la pointe vers les pays d’Empire, elle avait une mission particulière: elle était, dans ces régions, l’extrême avancée, l’enfant perdu de l’expansion française. » 1. Son histoire remonte fort loin. Il semble, en effet, que l’homme soit venu se fixer sur le promontoire qui domine Vaucouleurs dès qu’il apparut dans la vallée de la Meuse, mais nous ne savons rien de précis jusqu’au xie siècle. On croit que, vers 1026, Etienne de Vaux y établit un château 2 — dont on ne saurait dire s’il était de bois ou de pierre — qu’il défendait avec les sires de Reynel et de la Fauche. Devenu le repaire d’une bande de brigands qui ravageaient le Toulois, ce château fût détruit deux fois par une coalition des évêques de Toul et des ducs de Lorraine et de Bar 3, puis reconstruit en 1069 par Geoffroy le Vieil, seigneur de Vaucouleurs de 1059 à 1081. L’existence en cet endroit d’un château de pierre, datant de la seconde moitié du xie siècle, nous paraît à peu près certaine. Les sires de Vaucouleurs semblent, dès cette époque, avoir appartenu à la maison de Joinville, dont le seigneur le plus illustre fut Jean, sénéchal de Champagne et compagnon du roi Saint Louis. C’est une branche cadette de cette maison qui dut posséder la châtellenie pendant trois siècles, du xie au xive; l’un de ces Joinville, Gauthier (sire de Vaucouleurs de 1271 à 1304), qui accorda aux habitants maints privilèges, fut chanté par un poète du temps,
1. G. Hanotaux, Jeanne d’Arc, Paris, 1911, p. 80.
2. On ignore à quel moment fut bâti ce château; on constate seulement qu’il existait au début du xie siècle; il devait appartenir à ce moment à Etienne de Vaux, seigneur de Joinville. Voir H. -François Delaborde, Jean de Joinville et les seigneurs de Joinville, suivi d’un catalogue de leurs actes, Paris, 1894, p. 13 et 14.
3. C’est l’évêque Udon (1052-1070) qui réussit, en 1056, à s’en emparer pour la première fois, après un siège de trois mois, à l’occasion duquel le duc de Lorraine et celui de Bar lui avaient fourni un contingent de cinq cents hommes. Abbé Guillaume, Diocèse de Toul et de Nancy. Nancy, 1866; t. I, p. 385 et 386. Confirmé par H. F. Delaborde, ouvrage cité, p. 14.